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01/03/2021 | MALI | N°43

Mali | Mali, Cour suprême, 01 mars 2021, 43


Texte (pseudonymisé)
COUR SUPREME DU MALI REPUBLIQUE DU MALI

SECTION JUDICIAIRE Un Peuple – But – Une Foi

1ère chambre civile

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Pourvoi n°209 du 08 /05 /2020

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Arrêt n° 43 du 1er /03/ 2021

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NATURE : Partage de succession



COUR SUPREME DU MALI



A

, en son audience publique, ordinaire du Lundi premier mars

deux mil vingt et un, à laquelle siégeaient :

...

COUR SUPREME DU MALI REPUBLIQUE DU MALI

SECTION JUDICIAIRE Un Peuple – But – Une Foi

1ère chambre civile

- :- :- :- :- :- :- :-

Pourvoi n°209 du 08 /05 /2020

- :- :- :- :- :- :- :- :-

Arrêt n° 43 du 1er /03/ 2021

- :- :- :- :- :- :- :- :-

NATURE : Partage de succession

COUR SUPREME DU MALI

A, en son audience publique, ordinaire du Lundi premier mars

deux mil vingt et un, à laquelle siégeaient :

Monsieur Lasséni SAMAKE, Président de la 1ère chambre civile,

Président ;

Monsieur Moussa DIARRA, conseiller à la cour, membre ;

Monsieur Af dit Abdoulaye SANGHO, conseiller à la cour,

membre ;

En présence de Monsieur Yaya KONE, Avocat général près ladite

Cour occupant le banc du Ministère Public ;

Monsieur Mody TRAORE et Awa COULIBALY, assesseurs ;

Avec l’assistance de Maître KEITA Coumba DICKO, greffier ;

Rendu l’arrêt dont la teneur suit :

Sur le pourvoi de Maître Founéké F. TRAORE, avocat à la Cour, agissant au nom et pour le compte du village de Nafadji représenté par le chef de village Aj X ;

Demandeur ;

D’une part

 

Contre : C Y, Ayant pour conseil Maître Zanké FANE, avocat à la Cour ;

Défendeur ;

D’autre part

Sur le rapport de Monsieur Lasséni SAMAKE, Président de la 1ère Chambre Civile, les conclusions écrites et orales de l’avocat général Yaya KONE ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

I – En la forme

Par acte n°209 en date du 08 Mai 2020 du greffe de la Cour d’Appel de Bamako, le chef du village de Nafadji s’est pourvu en cassation contre l’arrêt n°79 du 05 Février2020 de la Chambre Civile de la Cour d’Appel de Bamako dans une instance en confirmation de droits de propriété coutumière qui l’oppose à Monsieur C Y , arrêt signifié le 20 Avril 2020 par le ministère de Maître MAMADOU BALLA CAMARA, Huissier- commissaire de Justice à Bamako.

Le certificat de dépôt n° 481 en date du 22 Juin 2020 délivré par le Greffier en chef de la Cour Suprême atteste du paiement de la consignation. Le demandeur au pourvoi a produit un mémoire ampliatif enregistré sous le n°2199 à la date du 06 Juillet 2020 par le Greffe de ce siège ; que ledit mémoire a été notifié le 21 juillet 2020 à Maître Zankè FANE, Avocat inscrit au Barreau, assurant la défense des intérêts de Monsieur C Y défendeur, et a fait l’objet de réplique.

Il est permis de relever de ce qui suit que le recours (pourvoi) a satisfait aux exigences de la loi et doit être déclaré recevable en la forme.

II-AU FOND : Rappel succinct des faits et de la procédure

Il résulte des pièces du dossier que courant 2008 et 2011, les familles Coulibaly, Ai et Diarra de Aa et singulièrement celle de feu Ab X, chef de village et frère ainé de Aj X, Ad X propriétaires coutumiers des terres de cultures de Ag Z, ont sollicité les services du sieur C Y Agent immobilier à Ag, à l’effet par lui de procéder au morcellement de leurs champs familliaux sis à Ag Z;

Que le processus de morcellement desdits champs familiaux a été consacré et soutenu par la signature de protocoles d’accord entre C Y et les familles concernées et aboutissait à un plan de morcellement approuvé par le Gouverneur de Koulikoro par arrêté n°09-025/GRRKK du 12/02/2009.

Que le sieur Aj X ayant succédé à son défunt frère Ab X en qualité de chef de village de Nafadji a assigné C Y devant le Tribunal civil de Kati pour confirmation de propriété coutumière du village de Nafadji ; en effet, il a estimé que l’agent immobilier C Y a outrepassé son mandat en incluant dans le morcellement consenti et autorisé un espace qui ferait partie des champs collectifs du village de Nafadji

Que c’est ainsi que le 10 juin 2019, le Tribunal de Grande Instance de Kati a statué ainsi qu’il suit :

En la forme : Reçoit l’assignation comme régulière;

Au fond : la déclare bien fondée ;

Confirme le droit de propriété de la chefferie coutumière sur la parcelle de Ag Z 3 d’une superficie de 61 ha ;

Met les dépens à charge du défendeur.

Que Monsieur C ayant relevé appel de cette décision, la Chambre Civile de la Cour d’Appel de Bamako Par arrêt n°79 du 05 février 2020 décembre 2018 a statué ainsi qu’il suit :

En la forme : Déclare l’appel de Monsieur C Y recevable en la forme;

Au fond : Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau

Déclare la demande du village de Nafadji représenté par Aj X irrecevable pour défaut de qualité ;

Met les dépens à la charge de l’intimé.

Que c’est cet arrêt qui nous occupe

III Présentation des moyens du pourvoi

La demanderesse au pourvoi invoque au soutien de son recours un moyen unique tiré de la violation de la loi en trois branches.

Première branche tirée de la violation de l’article 9 de la loi n° 06-023 du 28 Juin 2006 relative à la création et à l’administration des villages, Fractions, Quartiers

En ce que les juges d’appel ont déclaré irrecevable la demande du sieur Aj X pour défaut de qualité au motif qu’il « n’a jamais pu produire une procuration à lui délivrée par les dites familles de Aa afin d’agir en leurs noms et pour leur propre compte dans cette procédure » ; qu’il n’a jamais été contesté que Aj X est le chef de village de Nafadji ; qu’or, un chef de village n’a pas besoin de mandat pour agir au nom de son village dont il est le représentant légal en application de la l’article 9 de la loi n°06-023du 28 Juin 2006 relative à la création et à l’administration des villages, fractions et quartiers qui dispose très clairement que : «  le chef de village, de fraction ou de quartier représente sa communauté auprès des pouvoirs publics... » ;

Qu’en déclarant le chef de village irrecevable pour défaut de qualité, les juges du fond ont violé cette loi et ont exposé leur décision à la censure de la cour de céans ;

B°) Deuxième branche tirée de la violation de l’article 851 du Code des Personnes et de la Famille

En ce qu’il résulte de l’article 851 du CPF que « Tout indivisaire peut prendre des mesures nécessaires à la conservation des biens indivis » ; qu’en application de l’article cité en référence, le sieur Aj X n’a pas besoin d’un mandat de ses Co indivisaires pour initier une procédure de confirmation des droits de propriété du village de Nafadji ;

Qu’en déclarant irrecevable le sieur Aj X pour défaut de qualité consécutif à la non production d’un mandat, les juges d’appel ont violé l’article 851 du Code des personnes et de la famille sus visé ;

C°)Troisième branche tirée de la violation de l’article 43 du

Code Domanial et Foncier

En ce qu’il résulte des dispositions de l’article 43 du CDF que « les droits coutumiers exercés collectivement ou individuellement sur les terres non immatriculées sont confirmés » ; que la chefferie villageoise de Nafadji est propriétaire coutumier de champs collectifs d’une superficie de 61 hectares sur la colline communément appelée « Z Ac Ah » sis à Ag depuis des centaines d’années, que la chefferie villagoise de Nafadji a exploité ces champs depuis des temps immémoriaux et a exercé une emprise totale et continue sur le champ collectif en question sans discontinue ; que le village de Aa représenté par son chef en la personne de Aj X est bien fondé à saisir le Tribunal aux fins de confirmation de droit sur son champ de culture ; que le protocole d’accord ou mandat ne fait pas du sieur Cissoko le propriétaire des parcelles mais lui confère seulement le pouvoir de morceler les parcelles sises à plateau 2 ; que cet acte ne lui donne aucun droit sur les parcelles du plateau 3 d’une superficie de 61 hectares ; qu’en refusant de confirmer le droit de propriété du village de Nafadji sur ces terres, les juges d’appel ont violé les dispositions de l’article 43 cité en référence ;

Que de plus, les conditions de confirmation de droit de propriété coutumière étant réunies, il y a lieu de casser l’arrêt déféré sans renvoi ;

Le défendeur par l’entremise de son conseil conclut au rejet pur et simple du moyen unique tiré de la violation de la loi en trois branches ; il relève en substance que de leur vivant feu Ad X a été autorisé par feu Ab X en sa qualité d’ainé de la famille et non en sa qualité de chef de village et ses frères, de solliciter ses services pour le morcellement de leur champ familial sis à Ag Z connu sous le nom de « Foukaba » et NX-SP sur le plan de morcellement approuvé par les autorités compétentes ; qu’il est important de préciser que la zone litigieuse n’a jamais été appelée Plateau 3 et que C Y défendeur au pourvoi a exécuté ses obligations contractuelles conformément au protocole d’accord en date du 09/05/2009 et non en vertu d’une prétendue procuration ; que de plus le village de Nafadji n’a pas de champ collectif, mais des champs familiaux ainsi que l’attestent les pièces versées au dossier de la procédure ; qu’il est établi au regard des pièces du dossier que le morcellement de la zone litigieuse a été faite à la demande de la famille Coulibaly et conformément au protocole d’accord du 09/05/2009 et à l’article 43 du Code Domanial et foncier ; que la preuve « d’une juste et préalable indemnisation » prévue par l’article 43 du CDF est attestée par le procès –verbal d’audition des autres frères du demandeur au pourvoi et dressé par le ministère de Maître Sidibé huissier-commissaire de justice ; qu’il est donc indéniable, que Aj X n’a pas qualité à agir en confirmation de droit de propriété coutumière sur le champ litigieux en ce sens que le dit champ a été morcelé conformément au plan de morcellement approuvé et au Protocole d’accord signé par la famille propriétaire dont les droits ont été purgés ;

SUR QUOI,

IV Analyse des moyens

Attendu qu’au soutien de son pourvoi le demandeur invoque un moyen unique tiré de la violation de la loi qu’il a développé en trois branches ; que cependant, les deux premières branches à savoir : la violation de l’article 9 de la Loi n° 06-023 du 28 juin 2006 relative à la création et à l’administration des villages, fractions et quartiers et la violation de l’article 851 du CPF méritent d’être analysées ensemble en raison de l’unicité si non de l’identité de finalité recherchée par les critiques qu’elles dirigent contre l’arrêt déféré ;

Sur la violation de l’article 9 de la loi relative à la création et à l’administration des villages, fraction et quartiers qui énonce que « le chef de village, de fraction ou de quartier représente sa communauté auprès des pouvoirs publics », il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré irrecevable la demande de Aj X pour défaut de qualité motif pris de ce qu’il n’a jamais pu produire une procuration à lui délivrée par les familles de Nafadji titulaires des droits coutumiers afin d’agir en leurs noms et pour leur propre compte, alors selon le pourvoi qu’un chef de village n’a pas besoin de mandat pour agir au nom de son village dont il est le représentant légal ;

Mais attendu qu’il est acquis que l’on ne peut valablement invoquer la violation d’un texte de loi que lorsque celui-ci intervient ou opère dans son domaine d’application ; que dans cette perspective, et pour parvenir à la solution critiquée, les juges d’appel ont souverainement apprécié en l’espèce les circonstances factuelles inhérentes à la cause et les documents produits dont entre autres : les protocoles d’accords dument établis par les familles détentrices de propriété coutumière sur le Plateau de Ag tendant au morcellement de leur tenure coutumière ; l’arrêté n° 09-025/GRKK-CAB du Gouverneur de la Région de Koulikoro en date du 12 Février 2009 Portant approbation du dossier de lotissement de Ag Z ; les déclarations des propres frères de Aj X etc. ;

Attendu que les juges d’appel ont pu donc relever que les tenures coutumières de Ag Z appartiennent en réalité à plusieurs familles (Coulibaly, Ai et B) qui ont noué avec C Y des conventions de morcellement ; qu’il n’est pas non plus démontré que le sus nommé ait agi en dehors du cadre conventionnel et réglementaire établi et visé par les autorités compétentes ;

Que dans ces conditions, il est incompréhensible que ce soit le village de Nafadji représenté par Aj X du fait de ses fonctions de chef de village initie de son propre chef au nom des familles propriétaires concernées une action en justice pour confirmation de droit de propriété coutumière ; que c’est pourquoi la violation de l’article 9 de la loi visée plus haut ne peut être soutenue en l’espèce ;

Que sur la violation de l’article 851 du Code des Personnes et de la Famille,

Attendu que le contenu de cet article de la loi portant CPF n’est pas en adéquation avec le cas de l’espèce ; qu’en effet et jusque-là, les procédures initiées l’ont été par le village de Nafadji représenté par le chef de village en la personne de Aj X ; qu’il est permis de se demander comment le village de Nafadji peut ester en justice pour préserver les biens indivis de la succession dévolue à Aj X et ses frères même s’il est le chef dudit village ?

Qu’il en résulte que l’article 851 du CPF n’est pas applicable en la cause et que ce faisant, sa violation par les juges d’appel est inappropriée et ne saurait être invoquée ;

Sur la troisième branche tirée de la violation de l’article 43 du CDF

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt déféré d’avoir violé les dispositions de l’article 43 du CDF en refusant de confirmer le droit de propriété coutumière du village de Nafadji sur ses champs collectifs situés sur le plateau 3 de Ag d’une superficie de 61 hectares ;

Mais attendu qu’en l’espèce, aucun document officiel ne confirme la subdivision du plateau de Ag AAe) en plateau I, II et III ; que le morcellement de Ag Z consenti par les familles propriétaires est intervenu depuis 2009 ; qu’en 2019 Aj X chef de village de Nafadji ne peut remettre en cause les actes posés par son prédécesseur et les familles titulaires de droits coutumiers ; que mieux la preuve d’une juste et préalable indemnisation prévue à l’article 43 du CDF est rapportée par des pièces versées au dossier de la procédure ; que dès lors la violation de l’article 43 du CDF ne peut être non plus soutenue en l’espèce ;

PAR CES MOTIFS :

La Cour :

En la Forme : Reçoit le pourvoi ;

Au Fond : Le rejette comme étant mal fondé

Ordonne la confiscation de l’amende de consignation

Met les dépens à la charge du demandeur.

Ainsi fait jugé et prononcé publiquement les jour, mois et an que dessus.

ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER

Suivent les signatures

Signé illisible

6.000 F CFA 

Enregistré à Bamako, le 25/03/2021

Vol 45 Fol 21 N°3 Bordereau 492

Reçu : Six mille francs

Le Chef de Centre III

Signé Illisible.

« Au Nom du Peuple Malien »

En conséquence, la République du Mali, mande et ordonne à tous Huissiers de Justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux Procureurs Généraux et aux Procureurs de la République, près les Cours d’Appel et les Tribunaux de Première Instance d’y tenir la main à tous Commandants et Officiers de la force publique, de prêter main forte, lorsqu’ils en seront légalement requis.

En foi de quoi, le présent arrêt a été collationné, scellé et signé par Nous, Me OULARE Assanatou SAKILIBA, Greffier en chef près la Cour Suprême, pour servir de Première Grosse à Monsieur C Y, Ayant pour conseil Maître Zanké FANE, avocat à la Cour 

Bamako, le 25 mars 2021

LE GREFFIER EN CHEF

Maître OULARE Assanatou SAKILIBA

Médaillé du Mérite National


Synthèse
Numéro d'arrêt : 43
Date de la décision : 01/03/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ml;cour.supreme;arret;2021-03-01;43 ?
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