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17/07/2018 | MALI | N°28

Mali | Mali, Cour suprême, 17 juillet 2018, 28


Texte (pseudonymisé)
COUR SUPREPME DU MALI REPUBLIQUE DU MALI



SECTION JUDICIAIRE Un Peuple- Un But- Une Foi

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CHAMBRE SOCIALE ============



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POURVOI N° 34 du 27/05/2016

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A

RRET N°28 du 17/07/2018

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NATURE : Réclamation de droits et dommages-intérêts

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COUR SUPREPME DU MALI REPUBLIQUE DU MALI

SECTION JUDICIAIRE Un Peuple- Un But- Une Foi

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CHAMBRE SOCIALE ============

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POURVOI N° 34 du 27/05/2016

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ARRET N°28 du 17/07/2018

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NATURE : Réclamation de droits et dommages-intérêts

COUR SUPREME DU MALI

A, en son audience publique ordinaire du mardi quatorze mars deux mil dix sept à laquelle siégeaient :

Monsieur Sambala TRAORE, Président de la Chambre Sociale, Président ;

Monsieur Badara Aliou NANACASSE, Conseiller à la Cour, membre ;

Monsieur Sidi KEITA, Conseiller à la Cour, membre ;

En présence de Boubacar GUISSE, Avocat Général de ladite Cour occupant le banc du Ministère public ;

Avec l’assistance de Maître Dieneba FOFANA, Greffier ;

Rendu l’arrêt dont la teneur suit :

SUR LE POURVOI de l’X Aa Ad Ai Af Aj et Jean de Ak Y, tous Avocats inscrits au Barreau du Mali, agissant au nom et pour le compte de son client Monsieur Ae A, né le … … … à …, de feu Ag et de Ab Aj, ex-caissier de la B.I.M- SA, domicilié à Bamako quartier Sans fil, rue 782, porte 325, de nationalité malienne; demandeur ;

D’UNE PART,

CONTRE : l’arrêt n° 39 du 18/02/2016 par la Chambre Sociale de la Cour d’Appel de Bamako et B.I.M- SA, siège social sis à Bamako Avenue de l’indépendance Ah C, ayant pour conseil Cabinet BERTHE- KONE, Avocats inscrits au Barreau du Mali ; défenderesse ;

D’AUTRE PART,

Sur le rapport de Monsieur Sambala TRAORE, Président de la Chambre Sociale, les conclusions écrites et orales de l’Avocat Général Tamba Namory KEITA ;

I- EN LA FORME :

Par acte n°34 du 26 mai 2016 du greffe de la Cour d’Appel de Bamako, l’X Aa Ad Ai Af Aj, Jean de Ak Y tous Avocats inscrits au Barreau, agissant au nom et pour le compte de Monsieur Ae A ont déclaré se pourvoir en cassation contre l’arrêt n°39 du 18 février 2016 de la Chambre Sociale de la Cour d’Appel de Bamako dans une instance en réclamation de droit et dommages-intérêts opposant leur client à la BIM-SA ; arrêt signifié le 19 mai 2016 par Maître Moctar DIALLO huissier de justice à Bamako.

La procédure étant gratuite en matière sociale en vertu de l’article L.202 du Code du Travail, le demandeur au pourvoi a produit un mémoire ampliatif enregistré sous le N°4137 du 21 septembre 2016 ; ledit mémoire a été notifié au Cabinet d’Avocats BERTHE-KONE inscrit au Barreau du Mali, assurant la défense des intérêts de la BIM-SA ;

Le recours dont s’agit parait donc recevable en la forme.

II. Rappel des faits et de la procédure :

Des pièces du dossier de l’instance il ressort que Monsieur Ae A a été embauché par la BIM-SA le 08 janvier 1983 en qualité de planton puis caissier et classé à la 7ème catégorie échelon A, suivant un contrat à durée indéterminée. Il a été licencié par son employeur le 03 mai 1999. Il a saisi le Tribunal du Travail de Bamako d’une demande en paiement de droits et de dommages-intérêts ; ladite juridiction a rendu un jugement n°113 du 23 avril 2014 dont le dispositif est ainsi conçu : « En la forme : Reçoit Ae A en sa demande ;

Au fond : La déclare bien fondée ;

Condamne la Banque Internationale pour le Mali (BIM-SA) à lui payer les sommes suivantes:

- 42. 935.695F à titre de salaires impayés ;

- 7. 357.232F à titre de prime de bilan 13ème mois ; 

- 675 000F à titre prime de caisse ;

- 6. 569.427F à titre de congés payés ;

- 10. 839.188F à titre d’indemnité de licenciement ;

- 40. 000.000F à titre de dommages-intérêts ;

Ordonne l’exécution provisoire sur la moitié des droits autres que les dommages-intérêts ».

Sur appel de la BIM-SA, la Chambre Sociale de la Cour d’Appel de Bamako, par un arrêt n°187 du 30 Octobre 2014 infirma partiellement le jugement entrepris ; Statuant à nouveau :

Condamne la BIM-SA à payer à Ae A : 42.686.778F à titre d’indemnité compensatrice de salaires ; 2.120.821F à titre d’indemnité de licenciement ; 533.540F à titre d’indemnité de congés payés ; 533.540F à titre d’indemnité de préavis et 20.000.000F à titre de dommages-intérêts ;

Déboute les parties du surplus de leur demande ;

Sur le pourvoi de la BIM-SA, la Chambre Sociale de ce siège, par un arrêt n°45 du 15 septembre 2015 cassa et annula l’arrêt déféré, ordonna le renvoi de la cause et les parties devant la Cour d’Appel de Bamako autrement composée ;

Par un arrêt n°39 du 18 février 2016 la Chambre Sociale de la Cour d’Appel de Bamako infirma le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau:

Dit que le licenciement intervenu est irrégulier ; condamne la BIM-SA à payer la somme de 8.000.000F à titre de dommages-intérêts ;

Déboute Ae A du surplus de sa demande.

C’est cet arrêt qui nous occupe.

III Résumé succinct des moyens du pourvoi :

A l’appui de son recours le demandeur invoque la contradiction entre les motifs et le dispositif et le défaut de base légale.

Du premier moyen tiré de la contradiction entre les motifs et dispositif :

En ce que dans ses motifs la Chambre Sociale a retenu « qu’en l’espèce aucune faute civile encore moins pénale n’a été établie à l’encontre de l’employé, qu’en conséquence le licenciement est abusif et les droits sont dus jusqu’à la date du licenciement qui a pris effet à partir du 03 mai 1999 ; que les parties n’ont soulevés aucune contestation par rapport aux indemnités ; qu’il y a lieu de les considérés comme définitivement acquis ; qu’au-delà des droits, le travailleur est autorisé à réclamer des dommages-intérêts;

Alors que selon le pourvoi, malgré cette claire et précise analyse sur le caractère incontestable des droits de Monsieur A, la Chambre Sociale ne lui a cependant accordé le moindre francs ; qu’il s’agit donc d’une contradiction flagrante entre la motivation de sa décision et la non condamnation de la BIM-SA à leur paiement ; que cette contradiction enlève tout sens à l’arrêt et l’expose à la censure ; que cette position est pertinente ; que la BIM-SA elle-même reconnait dans la lettre de licenciement du 03 mai 1999 le bien-fondé des indemnités dues à Ae A sur le fondement des articles L.40 du Code du Travail et 24 de la Convention Collective des Banques et Assurances du Mali ; que ce moyen doit donc être favorablement accueilli.

2. Du deuxième moyen tiré du défaut de base légale :

Il est fait grief à la Chambre Sociale de la Cour d’Appel de Bamako d’avoir retenu :

«Que du fait de la BIM-SA, Ae A s’est retrouvé dans la précarité avec à sa charge une famille nombreuse ; que sa détention injustifiée, son manque de revenus constituent des faits générateurs de préjudice matériel et moral à lui causé ; que le préjudice qui en résulte mérite réparation en tenant compte des éléments objectifs produits au dossier notamment : ses rémunérations, son ancienneté, sa catégorie professionnelle et sa situation de famille, son âge ;

Alors que selon le moyen, en s’abstenant de préciser les éléments objectifs auxquels elle fait allusion, la Cour d’Appel ne met pas à la disposition de la haute juridiction les éléments nécessaire à son contrôle, notamment les éléments ayant servi de fondement aux dommages-intérêts alloués ; que caissier au moment de son licenciement, le demandeur gagnait un salaire mensuel moyen de 142. 632F CFA ; qu’à presque 60 ans, le demandeur a perdu toute chance de retrouver du travail du fait de la banque ;

Qu’il n’y a pas lieu à renvoi, les dispositions de l’article L.34 al 5 du Code du Travail invoqué par la BIM-SA n’étant pas applicable au cas d’espèce, la suspension du demandeur étant du fait de l’employeur et l’arrêt n°29 de la Chambre d’Accusation de la Cour d’Appel tranche définitivement à son égard la question de la responsabilité pénale et civile.

- Dans son mémoire en défense enregistré sous le numéro 4374 du 17 octobre 2016 du greffe de ce siège la BIM-SA ayant pour Conseil le Cabinet BERTHE-KONE inscrit au Barreau du Mali fait valoir :

1°) Sur le prétendu défaut de motifs :

Que le demandeur fait une mauvaise lecture des motifs de l’arrêt attaqué qui concordent parfaitement avec son dispositif ;

Qu’ainsi, il ressort de l’arrêt attaqué que « les droits sont dus jusqu’à la date du licenciement lequel a pris effet à partir du 03 mai 1999 ; qu’à partir du licenciement, le travailleur ne peut plus prétendre à aucun autre droit » ; qu’or en l’espèce le demandeur réclame des droits et des indemnités après la période du licenciement précisément de mai 1999 à 2015 date arbitrairement retenue ; qu’il s’ensuit qu’il n’y a aucun défaut de motifs, ni une contradiction entre ses motifs et son dispositif.

2°) Sur le prétendu manque ou défaut de base légale

Que selon Ac B, le défaut de base s’analyse en une « insuffisance des constatations de faits qui sont nécessaires pour statuer sur le droit… ; il se caractérise par une carence de l’exposition des faits » ; que la Cour, pour la fixation du montant des dommages-intérêts alloués s’est fondée sur l’article L.51 du Code du Travail qui consacre la faculté d’allouer des dommages-intérêts ; qu’il convient de rejeter cet autre moyen ;

SUR QUOI,

Analyse des moyens du pourvoi

1°) Sur le premier moyen tiré de la contradiction entre les motifs et le dispositif :

Attendu que le moyen reproche à l’arrêt critiqué d’avoir décidé dans ses motifs « qu’en l’espèce aucune faute civile encore moins pénale n’a été établie contre l’employé ; qu’en conséquence le licenciement est abusif et les droits sont dus jusqu’à la date du licenciement qui a pris effet à partir du 03 mai 1999 ; que les parties n’ont soulevé aucune contestation par rapport aux indemnités ; qu’il y a lieu de les considérer comme définitivement acquis ; qu’au-delà des droits, le travailleur est autorisé à réclamer des dommages-intérêts ; que malgré cette analyse claire et précise, la Chambre Sociale n’a alloué aucun francs ; qu’il y a donc contradiction flagrante entre la motivation de l’arrêt et son dispositif ;

Attendu que la contradiction entre les motifs et le dispositif, constitutive d’un défaut de motifs se rencontre dans la mesure où il ne s’agit pas d’une simple erreur matérielle, car il n’est pas possible de savoir ce que les juges du fond ont voulu juger ; les motifs sont dubitatifs ou hypothétiques ; parce qu’une décision ne saurait être fondée sur un doute ou sur une supposition ; que ne peut donner lieu à rectification l’erreur de droit, l’erreur d’appréciation d’un fait, l’erreur d’appréciation d’une responsabilité, le fait que le juge du fond n’ait pas tiré toutes les conséquences de son propre raisonnement, ou la confusion sur la personne de la partie défenderesse;

Attendu que l’arrêt attaqué énonce « que la lettre de licenciement versée dans le dossier parle de détention prolongée ; que la condition de détention prolongée n’est pas justificative à elle seule du licenciement ; que les parties n’ont soulevées aucune contestation par rapport aux indemnités ; qu’il y a lieu de les considérer comme définitivement acquis ; qu’au-delà de la lettre de licenciement, le travailleur ne peut plus prétendre à d’autres droits ou indemnités ; que par conséquent, il convient de débouter Ae A de ses réclamations relatives à des droits nés après mai 1999 » ;

Attendu que l’arrêt critiqué qui a d’abord relevé dans ses motifs : « que les parties n’ont soulevé aucune contestation par rapport aux indemnités ; qu’il y a lieu de les considérer comme définitivement acquis ;

Qu’ensuite dans son dispositif la Cour infirma le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; puis statuant à nouveau déclara le licenciement irrégulier… », n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, de son raisonnement juridique notamment par rapport aux indemnités qu’il déclare définitivement acquis sur lesquels l’arrêt attaqué est muet ;

D’où il suit que le moyen pris de la contradiction entre les motifs et le dispositif sera accueilli.

2. Sur le deuxième moyen tiré du défaut de base légale

Attendu qu’il est reproché à la Chambre Sociale de s’être abstenue de préciser les éléments objectifs auxquels elle fait allusion et qui sont nécessaires au contrôle de la haute juridiction, et ayant servi de fondement aux dommages-intérêts alloués ;

Attendu que selon la jurisprudence constante de la haute juridiction et la doctrine dominante, le défaut de base légale traduit de la part du juge une insuffisance des constatations de faits nécessaires à fonder en droit la solution retenue ; il peut s’agir de constatations incomplètes ou imprécises ; il y a seulement une justification incomplète de la décision ; que lorsque la Cour Suprême casse, elle invite les juges du fond à effectuer des recherches omises ; à s’expliquer sur tel ou tel élément de fait dont la solution adoptée par le juge du fond suppose qu’il l’ait constaté pour en tirer les conséquences légales ; que lorsqu’un tel moyen est accueilli, la haute juridiction reproche au juge d’avoir statué sans mettre en évidence, sans affirmer tel ou tel élément nécessaire à la cohérence juridique du raisonnement;

Attendu qu’il résulte des dispositions de l’article L.51 alinéa 5 et 6, que le montant des dommages-intérêts est fixé compte tenu de tous les éléments qui peuvent justifier l’existence et déterminer l’étendue du préjudice causé et notamment, lorsque la responsabilité incombe à l’employeur, des usages, de la nature des services, engagés, de l’ancienneté des services, de l’âge du travailleur et des droits acquis à quelque titre que ce soit ; que ces dommages-intérêts ne se confondent ni avec l’indemnité pour inobservation du préavis ni avec l’indemnité de licenciement auxquelles le travailleur peut essentiellement prétendre ;

Attendu que, le salarié doit justifier d’un préjudice pour l’évaluation des dommages-intérêts dans le cadre des licenciements abusifs ; qu’en l’absence de préjudice justifié, le Tribunal est fondé à écarter la demande de dommages-intérêts ; qu’il appartient au Tribunal d’apprécier souverainement le montant des dommages-intérêts ; qu’il ne peut cependant pas s’écarter de la règle qui exige que n’entrent dans l’évaluation du préjudice que des éléments certains d’appréciation en particulier moraux et matériels;

Attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt critiqué « qu’au-delà des droits, le travailleur est autorisé à réclamer des dommages-intérêts sur le fondement de l’article L.51 du Code du Travail qui dispose ‘’ la rupture du contrat est notamment abusive lorsque le licenciement est sans motif légitime »  ; que du fait de la BIM-SA Ae A s’est retrouvé dans la précarité avec à sa charge une famille nombreuse ; que sa détention injustifiée, son manque de revenus constituent des faits générateurs de préjudices moral et matériel à lui causé ; que le préjudice qui en résulte nécessite réparation en tenant compte des éléments objectifs produits au dossier notamment sa rémunération, son ancienneté, sa catégorie professionnelle et sa situation de famille, son âge ; qu’il y a lieu de confirmer le jugement en ce point en ramenant le montant à une juste proportion soit la somme de 8.000.000F (huit millions) en application de l’article L.51 du Code du Travail et de débouter l’appelant du surplus de sa demande » ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi l’arrêt critiqué a procédé aux recherches prétendument omises ;

Et attendu qu’en application de l’article 651 alinéa 2 du Code de Procédure Civile Commerciale et Sociale, la Cour Suprême peut aussi, en cassant sans renvoi, mettre fin au litige lorsque les faits, tels qu’ils ont été souverainement constatés et appréciés par les juges du fond, lui permettent d’appliquer la règle de droit appropriée; qu’en ce cas elle se prononce sur la charge des dépens afférents aux instances devant les juges du fond ; que l’arrêt emporte exécution forcée ;

PAR CES MOTIFS :

LA COUR:

En la forme : Reçoit le pourvoi ;

Au fond : Vu l’article 651 du CPCCS ;

Casse et annule l’arrêt n° 39 du 18/02/2016 de la Chambre Sociale de la Cour d’Appel de Bamako;

Dit n’y avoir lieu a renvoie ;

En conséquence ;

Condamne la B.I.M-SA à payer à Ae A les sommes suivantes :

- 42. 935.695F à titre de salaires impayés ;

- 0 7. 357.232F à titre de prime de bilan 13ème mois ; 

- 00. 675 000F à titre de prime de caisse ;

- 06. 569.427F à titre de congés payés ;

-02.120.821F à titre d’indemnité de licenciement ;

-08.000.000F à titre de dommages-intérêts ;

Déboute Ae A du surplus de sa demande ;

Met les dépens à la charge du Trésor Public.

Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement les jour, mois et ans que dessous.

ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 28
Date de la décision : 17/07/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ml;cour.supreme;arret;2018-07-17;28 ?
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