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13/10/2016 | MALI | N°571

Mali | Mali, Cour suprême, 13 octobre 2016, 571


Texte (pseudonymisé)
ARRET N°571 DU 13/10/2016

REPUBLIQUE DU MALI

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COUR SUPREME

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SECTION ADMINISTRATIVE



La Cour Suprême du Mali (Section Administrative), en son audience publique ordinaire du treize octobre Deux Mille seize, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :

ENTRE :

Entreprise Aa AH EMAKA-BTP, ayant pour conseil Maître Etienne BALLO, Avocat à la cour ;

DEMANDEUR

D’UNE PART

ET :

Etat du Mali, représenté par la Direction Gén

érale du Contentieux de l’Etat ;

DEFENDEUR

D’AUTRE PART ...

ARRET N°571 DU 13/10/2016

REPUBLIQUE DU MALI

-------------

COUR SUPREME

-------------

SECTION ADMINISTRATIVE

La Cour Suprême du Mali (Section Administrative), en son audience publique ordinaire du treize octobre Deux Mille seize, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :

ENTRE :

Entreprise Aa AH EMAKA-BTP, ayant pour conseil Maître Etienne BALLO, Avocat à la cour ;

DEMANDEUR

D’UNE PART

ET :

Etat du Mali, représenté par la Direction Générale du Contentieux de l’Etat ;

DEFENDEUR

D’AUTRE PART

Sans que les présentes qualités puissent nuire ni préjudicier en quoi que ce soit aux parties et sous les plus expresses réserves de fait et de droit.

EN MATIERE DE RECOURS EN PLEIN CONTENTIEUX

FAITS ET PROCEDURE/

Par requête en date du 21 janvier 2016 enregistrée au greffe de la Cour de céans le 22 janvier 2016, Maître Etienne BALLO, Avocat à la Cour, agissant au nom et pour le compte de l’Entreprise Aa AH, sollicitait de la Cour de céans la résiliation du marché n°0025/DRMP/2011 relatif à la réalisation des travaux des marchés à bétail de Ac et San et la condamnation de l’Etat du Mali à lui payer la somme de trente-deux millions dix-neuf mille deux cent cinquante-huit Francs CFA (32 019 258 FCFA) au titre des travaux réalisés, et la somme de six cent dix millions neuf cent vingt-cinq mille trois cent quatre-vingt-sept Francs CFA (610 925 387 FCFA) à titre de réparation de préjudice;

La requête introductive d’instance ainsi que les pièces y jointes ont été notifiées à la Direction Générale du Contentieux de l’Etat qui a apporté des écritures en défense le 23 mai 2016 auxquelles le conseil de la requérante a répliqué le 23 juin 2016 ;

En la forme :

Considérant que le recours obéit aux conditions de recevabilité exigées par la loi ;

Qu’il convient de le recevoir comme régulier ;

Au fond :

Considérant que la requérante, sous la plume de son conseil, le recours excipe :

Que sur appel d’offre national, le marché n°0025-DRMP-2011 relatif d’une part, à la réalisation de deux (02) marchés de bétail dans les localités de Ac et de San et, d’autre part à la réhabilitation du marché de Konna (Mopti) pour le compte de la Direction Nationale des Productions et des Ah Ae AGX), lui fut adjugé en son lot n°1 portant sur les travaux de construction des deux marchés de bétail sus indiqués, pour un montant de quatre-vingt-cinq millions huit cent quarante-six mille trois cent soixante-deux Francs CFA(85 846 362 F CFA) ;

Qu’aucune avance ne lui ayant été payée, il dut par ses propres moyens, réunir les ressources financières nécessaires au démarrage des travaux notamment en nantissant le marché auprès de sa banque puis, de la même manière, soucieuse qu’elle était d’honorer correctement ses engagements, elle s’efforça de poursuivre normalement la réalisation des travaux en allant jusqu’à s’endetter auprès de ses fournisseurs et contracter des prêts avec sa banque ;

Qu’ainsi elle est parvenu à exécuter le marché jusqu’à hauteur de 41,44% ;

Qu’or, il ressort de différentes dispositions du contrat de marché, en l’occurrence les articles 20 à 23 que si une avance n’est pas prévue, le maître d’ouvrage (c’est-à-dire le Ministère de l’Elevage et de la Pêche) doit lui payer au fur et à mesure les décomptes des travaux réalisées pour lui permettre de disposer de ressources financières lui permettant d’honorer ses engagements et de poursuivre normalement l’exécution des travaux ;

Que l’Etat du Mali à travers le Ministère de l’Elevage et de la Pêche en rejetant le décaissement initié par la Direction des Finances et du Matériel et en ne daignant même pas payer au moins la valeur des travaux réalisés, a bloqué le processus d’exécution du marché et a sans doute commis une faute contractuelle avec cette conséquence fatidique qu’elle a été injustement privée du bénéfice qu’elle allait en tirer ;

Que pire, elle n’arrive pas à rentrer en possession des fonds qu’elle a personnellement engagés pour parvenir à la réalisation des travaux à hauteur de 41,44% ;

Qu’au total, au regard des faits constants, l’acte de l’Etat du Mali lui a coûté en manque à gagner, charges sans contrepartie et autres frais, six cent quarante-deux millions neuf cent quarante-quatre mille six cent quarante-cinq Francs CFA (642 944 645 F CFA) ;

Que sans nul doute, elle a ainsi subi par la faute de l’Etat du Mali, un préjudice certain et extrêmement grave puisque c’est sa survie même qui est en jeu ;

Considérant que la Direction Générale du Contentieux de l’Etat dans ses écritures en défense argue :

Qu’il est constant que le montant du marché est de quatre-vingt-cinq millions huit cent quarante-six mille trois cent soixante-deux (85 846 362) F CFA TTC avec un délai d’exécution de 90 jours ;

Qu’il est aussi constant que de l’année 2011 à ce jour, l’exécution des travaux de construction des marchés à bétail de Ac et de San n’a pas connu d’évolution ;

Que l’entreprise, elle-même reconnait n’avoir exécuté que 41,44% du marché ;

Qu’au lieu d’évaluer les prestations réellement exécutées, elle fait comme si l’ensemble du marché avait été exécuté ;

Qu’en réalité, les travaux restants sont de loin supérieurs à ceux réalisés ;

Que relativement aux articles 20 et 23 du contrat, l’administration n’a violé aucune disposition car au lieu de présenter des décomptes mensuels la requérante a essayé de percevoir le montant total du marché ;

Qu’aucune faute d’aucune nature ne peut être reprochée à l’administration ;

Que les différentes évaluations unilatérales faites par la requérante qui ne reposent sur aucune base objective frisent le ridicule ;

Que devant une juridiction, il faut des preuves évidentes ;

Que de tout ce qui précède, il y lieu de rejeter le recours de l’Entreprise Aa AH comme mal fondé ;

Considérant que la requérante dans son mémoire en réplique rétorque :

Qu’il ressort expressément de l’article 21 du contrat qui en sa deuxième branche dit B, stipule clairement qu’une avance de démarrage de 20% est à payer au prestataire ;

Qu’en effet, comme si la violation de son obligation contractuelle de payer l’avance de démarrage ne lui disait rien, l’Etat du Mali persista dans la violation de ses obligations contractuelles, en l’occurrence celles liées au paiement des travaux exécutés par AI ;

Qu’en cela, d’abord en violation des articles 22 et suivants du contrat de marché aux termes desquels, les paiements se font par décomptes mensuels, le délai de paiement d’un décompte accepté par le maître d’œuvre ne pouvant excéder 60 jours à compter de la date d’acceptation, l’Etat ne s’acquitta jamais d’un seul décompte ;

Que ce comportement fautif et pour le moins contreproductif de l’Etat du Mali, au regard de la lettre n°203 du 11 juin 2012 du Directeur des Finances et du Matériel, a causé un énorme préjudice à l’entreprise AI qui est absolument bien fondée à lui en demander réparation ;

DISCUSSION JURIDIQUE :

Sur la responsabilité de l’Etat dans l’arrêt des travaux de deux marchés à bétail dans les localités de Ac et San dans la région de Ségou :

Considérant que l’article 22 du contrat conclu entre l’Etat du Mali, à travers le Ministère de l’Elevage et de la Pêche et l’Entreprise Aa AH AGAI)a prévu la possibilité de paiement de décomptes au profit du titulaire du marché après acceptation ou rectification par le maître d’œuvre ;

Qu’il est constant que l’Entreprise Aa AH a présenté un premier décompte de 32 019 258 Francs CFA, représentant le montant des travaux réalisés avec un taux d’exécution de 41,44%.

Que ce montant des travaux réalisés a été certifié par le maître d’œuvre à travers l’Ingénieur chef du projet depuis le 05 mai 2011;

Que c’est pourquoi le maître d’ouvrage c’est-à-dire le Ministère de l’Elevage et de la Pêche, par correspondance n°203/MAEP/DFM en date du 11 juin 2012 du Directeur des Finances et du Matériel, a demandé au Trésor de procéder au paiement du mandat afin que les travaux puissent être achevés ;

Que le paiement des travaux effectués s’impose donc à l’Etat conformément aux clauses du contrat ;

Sur la demande de dommages et intérêts réclamés par l’Entreprise Aa AH :

Considérant que l’Entreprise Aa AH réclame la somme de 642 944 645 FCFA (six cent quarante quatre mille six cent quarante cinq francs CFA)au titre de préjudices subis pendant 18 mois et dix jours sans activités sur le chantier ;

Considérant qu’il ressort des dispositions de l’article 92.3 du Décret N°08-285/P-RM du 11 août 2008 portant procédure de passation, d’exécution et de règlement des marchés publics et des délégations de service public que le marché public peut être résilié à la demande du titulaire en cas de défaut de paiement à la suite d’une mise en demeure restée sans effet pendant trois mois ;

Considérant qu’après l’arrêt des travaux dû au défaut de paiement du décompte, l’AI pouvait solliciter la résiliation du marché après trois mois d’inactivité sur le chantier afin d’éviter le montant des charges y afférents ;

Mais considérant cependant qu’elle a subi des préjudices résultant de certaines charges relatives au fonctionnement de l’entreprise pendant au moins trois mois d’arrêt des travaux ;

Qu’il convient donc de ramener le montant des préjudices subis à une juste proportion, soit 10 000 000 F.CFA (Dix millions de francs CFA)

Sur la demande de résiliation du contrat sollicitée par l’Entreprise Aa AH :

Considérant que l’Entreprise Aa AH sollicite la résiliation du contrat en raison de la défaillance de l’Etat à remplir ses engagements contractuels ;

Considérant qu’il est constant que nonobstant toutes les démarches entreprises par AI depuis mai 2011, en vue de poursuivre les travaux, les fonds n’ont pas pu être débloqués pour assurer l’exécution totale du marché ;

Qu’il convient donc de prononcer la résiliation du marché conformément aux dispositions de l’article 92 alinéa 3 du Décret susvisé ;

PAR CES MOTIFS

La Cour Suprême du Mali (Section Administrative) où siégeaient Messieurs :

- DAVID SAGARA......................Président ;

- Y AJ A ……………......Conseiller ;

- BROULAYE TOGOLA.... Conseiller-rapporteur ;

En présence de Monsieur C B, Commissaire du Gouvernement................................. ;

Avec l’assistance de Maître JACQUELINE KONARE Greffier.................................................................... ;

Statuant publiquement, contradictoirement en matière de recours en plein contentieux et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

En la forme : - Reçoit la requête de l’Entreprise Aa AH AGAI) comme régulière ;

Au Fond : - La déclare bien fondée et y faisant droit ;

Condamne l’Etat du Mali à payer à l’Entreprise Aa AH la somme de trente deux millions dix neuf mille deux cent cinquante huit francs CFA (32 019 258 F CFA) représentant le montant des travaux exécutés et la somme de dix millions de francs CFA (10 000 000 F CFA) à titre de dommages et intérêts

Met les dépens à la charge du trésor public ;

Ordonne la restitution de l’amende de consignation versée.

Ainsi fait jugé et prononcé par la Cour Suprême Section Administrative, les jours, mois et an que dessus.

ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER

POUR EXPEDITION CERTIFIEE CONFORME

BAMAKO LE 28 OCTOBRE 2016

LE GREFFIER EN CHEF PAR INTERIM

Ab SOULEYMANE SAMAKE

Suivent les signatures

Signé : illisible

Gratis

Enregistré à Bamako le 30 -09 -2016

Vol XXX fol 43 n° 04 Bordereau 2014

Reçu : gratis

Le Chef de centre III

REPUBLIQUE DU MALI

« AU NOM DU PEUPLE MALIEN »

La République du Mali mande et ordonne au Ministre de l’Ag Af et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit contre les parties privées de pourvoir à l’exécution du présent arrêt.

En foi de quoi le présent arrêt a été scellé, collationnée et signée par Nous Mme OULARE Assanatou SAKILIBA Greffier en Chef de la Cour Suprême du Mali pour servir de Première Grosse délivrée le 05 octobre 2016 à Monsieur Ai AK.

Bamako, le 05 Octobre 2016

LE GREFFIER EN CHEF

Mme OULARE ASSANATOU SAKILIBA

Suivent les signatures

Signé : illisible

Enregistré le 56 -03-2015

Vol XXI fol 35 n° 1 Bordereau 653

Reçu : gratis

L’inspecteur de l’Enregistrement

REPUBLIQUE DU MALI

« AU NOM DU PEUPLE MALIEN »

La République du Mali mande et ordonne au Ministre de la Sécurité et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit contre les parties privées de pourvoir à l’exécution du présent arrêt.

En foi de quoi la présente expédition a été scellée, collationnée et signée par Nous Mme OULARE Assanatou SAKILIBA Greffier en Chef de la Cour Suprême du Mali pour servir de Première Grosse délivrée le 12 mars 2015 à Monsieur Ad Z ayant pour Conseil Maître Aldjouma TOURE Avocat à la Cour Bamako.

BAMAKO LE 09 Avril 2015

LE GREFFIER EN CHEF

Mme OULARE Assanatou SAKILIBA


Synthèse
Numéro d'arrêt : 571
Date de la décision : 13/10/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ml;cour.supreme;arret;2016-10-13;571 ?
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