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22/08/2016 | MALI | N°56

Mali | Mali, Cour suprême, 22 août 2016, 56


Texte (pseudonymisé)
ARRET N°56 DU 22 /08 / 2016

Dépossession frauduleuse, disposition de bien d’autrui et complicité.



Cassation – appréciation des faits de la cause - pouvoir souverain des juges du fond - l’appréciation des éléments de fait échappant au contrôle de la Cour Suprême.



Condamnation pécuniaire – calcul de la valeur du terrain objet de dépossession frauduleuse ou de disposition de bien d’autrui - le décret 02-114/P-RM du 06 mars 2002 ne peut s’appliquer aux transactions entre particuliers.



Sommaire :

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©ciation des faits de la cause relève du pouvoir souverain des juges du fond. La décision du juge du fond est fondée sur son ...

ARRET N°56 DU 22 /08 / 2016

Dépossession frauduleuse, disposition de bien d’autrui et complicité.

Cassation – appréciation des faits de la cause - pouvoir souverain des juges du fond - l’appréciation des éléments de fait échappant au contrôle de la Cour Suprême.

Condamnation pécuniaire – calcul de la valeur du terrain objet de dépossession frauduleuse ou de disposition de bien d’autrui - le décret 02-114/P-RM du 06 mars 2002 ne peut s’appliquer aux transactions entre particuliers.

Sommaire :

L’appréciation des faits de la cause relève du pouvoir souverain des juges du fond. La décision du juge du fond est fondée sur son intime conviction.

En matière domaniale et foncière au Mali, il est de principe que dans les transactions entre personnes privées, les prix sont libres.

En l’absence de prix homologué ou d’estimation de la valeur résultant d’une expertise, le juge dispose d’un pouvoir souverain d’appréciation du montant des condamnations pour la réparation des dommages subis.

Dans ces conditions, l’arrêt ayant justifié le montant de 20.000.000 F CFA alloué à la victime par le fait que ce montant correspond aux prix de vente actuel des parcelles et compte tenu de leur emplacement, on ne saurait alors reprocher à l’arrêt querellé de manquer de motif. L’appréciation des éléments de fait échappant au contrôle de la Cour Suprême, le moyen pris de la violation du Le Décret 02-114/P-RM du 06 mars 2002 ne peut prospérer et doit être par conséquent rejeté.

FAITS ET PROCEDURES :

Courant 2001, X. achetait deux parcelles à usage d’habitation sises à Yirimadio dans la sous-préfecture de Kalaban Coro par voies d’attributions rurales.

A la suite d’une opération de lotissement en 2008, les deux parcelles ont porté respectivement les numéros 99 et 105 ;

La parcelle N° 99 ayant été touchée par ladite opération, était par la suite compensée par la parcelle n° 106 ;

Revenaient donc en fin de compte à X., les parcelles numéros 105 et 106 ;

C. suffisamment au parfum de cette situation en tant que spéculateur foncier notoirement connu, passait par des procédés frauduleux pour revendre les parcelles numéros 105 et 106 à B. un autre spéculateur ;

Ce dernier à son tour qui était au courant de toutes les malversations tramées par C. (à savoir la situation réelle des parcelles, et ce pour quoi il s’engageait) revendait à des tierces personnes de bonne foi ;

Peu de temps après, lorsque X. voulut connaître la situation de ses lots, elle se rendait compte du jeu de C. qui venait de la déposséder frauduleusement ;

Elle portait alors plainte contre C., B., A. et Y. pour dépossession frauduleuse et disposition de bien d’autrui.

Devant le tribunal correctionnel de la commune VI du District de Bamako tous les prévenus ont été reconnus non coupables et par conséquent relaxés des fins de la poursuite ;

La partie civile et Procureur Général ont alors relevé appel de cette décision ;

A l’audience de la Cour d’Appel en date du 01 octobre 2012, les prévenus A. et Y. ont soutenu leur bonne foi et les débats n’ont pas permis de retenir de preuves à leur encontre ;

Par contre le prévenu B. à reconnu les faits tout en précisant que C., avant de lui céder les parcelles, savait bien qu’il s’agissait des parcelles de X., situation que lui-même connaissait parfaitement ;

Par arrêt n° 349 du 1er octobre 2012, la Cour d’Appel de Bamako a confirmé le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré A. et Y. non coupable en les relaxant des fins de la poursuite ;

-a infirmé la décision en ces autres dispositions en déclarant les prévenus C. et B. coupables des faits ;

Pour la répression, a condamné C. à un an d’emprisonnement ferme et Aa à six mois d’emprisonnement avec sursis ;

Le même arrêt a reçu la constitution de partie civile de X., condamné les prévenus C. et B. à lui payer solidairement la somme de 20.000.000 F CFA à titre de contre valeur de deux lots à usage d’habitation et celle de 20.000.000 F CFA à titre de dommages intérêts ; débouté la partie civile du surplus de sa demande ; condamné les prévenus aux dépens ;

Par actes formalisés au greffe de la Cour d’Appel sous les numéros 67 et 68, B. et C., agissant pour leur propre compte, ont déclaré se pourvoir en cassation contre l’arrêt n° 349 rendu le 1er octobre 2012 par la chambre correctionnelle de la Cour d’Appel de Bamako dans la procédure Ministère Public et X. cotre eux prévenus de dépossession frauduleuse, disposition du bien d’autrui et complicité ;

Conformément aux dispositions de l’article 514 du Code de Procédure Pénale les demandeurs au pourvoi, pénalement condamnés, sont dispensés du paiement de la consignation ;

Le conseil du demandeur au pourvoi Maître Nouhoum CAMARA pour B. a produit un mémoire ampliatif ;

EXPOSE DES MOYENS DE CASSATION :

Pour le triomphe de son pourvoi, B. par l’organe de son conseil Maître Nouhoum CAMARA a soulevé deux moyens tirés de la mauvaise application des articles 273 et 274 du Code Pénal (1) et de l’insuffisance de motifs quant à la condamnation pécuniaire (2).

De la mauvaise application des articles 273 et 274 du Code Pénal :

En ce que, pour déduire qu’il; y a preuves suffisantes contre C. et B. d’avoir commis les faits de dépossession frauduleuse et de disposition de bien d’autrui, il faut au préalable que la prétendue victime de ces faits soit elle-même propriétaire de la chose dont elle prétend être dépossédée ; alors qu’en l’espèce, X. n’ayant apporté aucune preuve de son droit de propriété sur les dites parcelles, ne peut revendiquer aucun droit sur elles ; qu’en condamnant C. et B. comme il l’a fait, fait l’arrêt n° 349 de la Cour d’Appel de Bamako en date du 1er octobre 2012 viole les dispositions des articles 273 et 274 du code pénal et mérite par conséquent la censure de la Cour Suprême ;

Que l’application de l’article 206 par la chambre d’accusation conduisait à l’annulation des deux ordonnances de refus d’informer.

L’insuffisance de motifs quant à la condamnation pécuniaire :

En ce qu’aucune réparation civile n’est due lorsque l’infraction reprochée n’est étayés d’aucune preuve ; qu’en l’espèce, les faits de dépossession frauduleuse et de disposition de bien d’autrui n’ayant pu être établis, l’arrêt attaqué a fixé arbitrairement la valeur des parcelles à 20.000.000 F CFA et il n’a pas justifié le montant de la condamnation pécuniaire en violation du Décret n°02-114/PRM du 06 /03 /2002 portant fixation de cession et de redevances des terrains ;

Attendu que le défendeur qui a reçu notification du mémoire ampliatif y a répliqué en concluant au rejet du pourvoi ;

SUR CE, LA COUR :

Sur le moyen tiré de la mauvaise application des articles 273 et 274 du Code Pénal :

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré C. et B. coupables des faits de dépossession frauduleuse et de disposition du bien d’autrui alors que la prétendue victime n’est pas propriétaire des parcelles litigieuses ;

Attendu que dans le cas d’espèce, l’arrêt querellé énonce « Considérant que le prévenu B. a plaidé coupable ;

Qu’il reconnaît avoir acheté avec C. les parcelles n° 105 et 106 qui sont la propriété de X. ; qu’il reconnaît également les avoir revendu à des tierces personnes ; qu’il est dispose à faire le remboursement de la valeur desdites parcelles à usage d’habitation ;

Qu’il est reconnu en droit que l’appréciation des faits de la cause relève du pouvoir souverain des juges du fond ; qu’en matière, la décision du juge du fond est fondée sur son intime conviction ; que c’est sur cette intime conviction que la Cour d’appel de Bamako a reconnu les prévenus C. et B. coupables des faits de dépossession frauduleuse et de disposition du bien d’autrui ; qu’elle a justifié cette décision par le fait que le prévenu B. lui-même a reconnu les faits, les décrivant de façon détaillée ;

Attendu par ailleurs que les parcelles litigieuses se situant dans le secteur de Yirimadio, B. est mal venu en produisant pour la première fois devant la Cour Suprême un titre foncier relevant de Diatoula pour prouver par ce fait que X. n’est pas propriétaire desdites parcelles ;

Qu’il convient dès lors déclarer ce moyen mal fondé et dire qu’il ne sera accueilli ;

Sur le moyen tiré de l’insuffisance de motif quant à la condamnation pécuniaire :

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt d’avoir arbitrairement fixé la valeur des parcelles à la somme de 20.000.000 F CFA en violation du Décret n° 02-114/P-RM du 06 mars 2002 portant fixation des prix de cession et de redevances des terrains ; que les juges d’appel n’ont pas conséquent suffisamment motivé leur décision ;

Attendu qu’il est de principe que les prix sont libres ; que les dispositions du décret 02-114/P-RM du 02 mars 2002 ne sauraient donc s’appliquer qu’aux prix de cession des terrains fixé par l’Etat à l’égard des personnes physiques ou morales et non entre personnes dans leurs relations commerciales ; qu’en l’absence de prix homologué ou la valeur résultant d’une expertise, le juge dispose d’un pouvoir souverain d’appréciation du montant des condamnations pour la réparation des dommages subis ;

Attendu que l’arrêt justifie le montant de 20.000.000 F CFA par le fait que ce montant correspond aux prix de vente actuel des parcelles et compte tenu de leur emplacement ;

Que l’appréciation des éléments de fait échappant au contrôle de la Cour Suprême, on ne saurait alors reprocher à l’arrêt querellé de manquer de motif ;

Que les juges d’appel ont donc suffisamment motivé leur décision et n’ont nullement violé les dispositions du décret n° 02-114/P-RM du 06 mars 2002, et qu’alors le moyen ne peut prospérer et doit être par conséquent rejeté ;

…Le rejette ;…


Synthèse
Numéro d'arrêt : 56
Date de la décision : 22/08/2016

Analyses

Dépossession frauduleuse, disposition de bien d’autrui et complicité.


Origine de la décision
Date de l'import : 06/03/2020
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ml;cour.supreme;arret;2016-08-22;56 ?
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