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13/06/2016 | MALI | N°162

Mali | Mali, Cour suprême, 13 juin 2016, 162


Texte (pseudonymisé)
2ème CHAMBRE CIVILE

Arrêt n°162 d1313 / 0606 / 2016

Remboursement d’impenses.

SOMMAIRE :



Viole l’article 555 du code civil français et par conséquent, encourt la cassation, l’arrêt d’appel qui a accordé des impenses à un demandeur ayant été condamné jusqu’à décision définitive par voie de justice à l’expulsion d’une parcelle avec enlèvement à ses frais de toutes ses constructions et plantations.



1°) Faits et procédure :



A l’occasion du lotissement de Magnambougou Concession Rurale, le chef de la section topographie du Génie Rural délivrai...

2ème CHAMBRE CIVILE

Arrêt n°162 d1313 / 0606 / 2016

Remboursement d’impenses.

SOMMAIRE :

Viole l’article 555 du code civil français et par conséquent, encourt la cassation, l’arrêt d’appel qui a accordé des impenses à un demandeur ayant été condamné jusqu’à décision définitive par voie de justice à l’expulsion d’une parcelle avec enlèvement à ses frais de toutes ses constructions et plantations.

1°) Faits et procédure :

A l’occasion du lotissement de Magnambougou Concession Rurale, le chef de la section topographie du Génie Rural délivrait à C. une attestation en date du 07 Juillet 1987, par laquelle il certifiait que celui-ci figurait sur le plan de parcellement de ladite zone pour la parcelle n° A.P du Secteur 4, d’une superficie de 5000 m2.

En vertu de cette attestation, C. commença l’exploitation d’une parcelle censée être la sienne. Mais il se heurta plus tard à une contestation de la part X., représenté par A., qui estima qu’il occupait plutôt la parcelle n° AS/1 Ancien n°123, objet du permis d’occuper n°34-82 du 16 Décembre 1981 dont il est le titulaire.

Les parties n’ayant pu s’accorder, C. introduisit contre B. une demande en revendication de parcelle à laquelle fit droit le Tribunal Civil de la Commune VI du District de Bamako par jugement n° 573 du 07 Novembre 2001.

Sur appel d’B., la Chambre Civile de la Cour d’Appel de Bamako infirma ce jugement par arrêt n° 358 du 11 Septembre 2002, arrêt qui fut lui-même cassé par la Cour Suprême qui renvoya la cause et les parties devant la même juridiction autrement composée.

Par arrêt n°176 du 22 Mars 2006, la Cour d’Appel de Bamako infirma à nouveau le jugement querellé, constata que la parcelle occupée par C. était différente de celle qui lui avait été attribuée et le débouta de sa demande. Le pourvoi formé par C. contre cet arrêt fut rejeté par la Cour Suprême suivant arrêt n°014 du 21 Janvier 2008.

A la suite d’une instance en expulsion et en démolition introduite par A., le Tribunal Civil de la Commune VI du District de Bamako, par jugement n° 2012 du 08 Octobre 2008, ordonna l’expulsion de C. de la parcelle et la démolition à ses frais des constructions par lui y réalisées. Cette décision fut confirmée par la Chambre Civile de la Cour d’Appel de Bamako par arrêt n°195 du 07 Avril 2010.

Le pourvoi formé contre cette dernière décision fut également rejeté par la Cour Suprême suivant arrêt n°90 du 04 Avril 2011.

Suivant requête en date du 27 Juillet 2011, C. fit assigner à nouveau A. devant le Tribunal Civil de la Commune VI du District de Bamako aux fins de remboursement d’impenses pour les réalisations qu’il a eu à effectuer sur le terrain. Cette juridiction, par jugement n°329 du 30 Novembre 2011, le débouta de sa demande.

Mais sur appel de C., la Chambre Civile de la Cour d’Appel de Bamako, par arrêt n°597 du 04 Septembre 2013, infirma ce dernier jugement et condamna A. à lui payer la somme de 08. 127.876 FCFA à titre d’impenses.

C’est contre cet arrêt qu’est dirigé le présent pourvoi.

2°) Exposé des moyens du pourvoi :

Le conseil du demandeur au pourvoi invoque deux moyens de cassation tirés de l’insuffisance de motifs et de la violation de la loi.

Du premier moyen tiré de l’insuffisance de motifs :

En ce que les juges d’appel ont condamné le propriétaire de la parcelle A. à payer des impenses à l’occupant C. en se fondant sur une attestation de vente détenue par celui-ci et sur des réalisations qu’il aurait effectuées sur le terrain suivant un rapport d’expertise ;

Alors que, selon le pourvoi, ladite attestation de vente n’est pas un titre de propriété mais plutôt une  simple proposition de figuration sur le plan de parcellement de Magnambougou Concession Rurale et que des décisions de justice, ayant force de chose jugée, ont ordonné l’expulsion de C. de la parcelle litigieuse et la démolition, à ses frais, des constructions par lui y élevées.

Du second moyen tiré de la violation de la loi :

En ce que l’arrêt querellé a condamné A. à payer des impenses à C. sur la base de l’alinéa 3 de l’article 555 du Code Civil ;

Alors que, selon le pourvoi, c’est plutôt l’alinéa 1 de l’article 555 du Code Civil qui est applicable en l’espèce ;

Le défendeur, sous la plume de son conseil Maître Amadou Tiéoulé Diarra, a produit un mémoire en réplique en date du 10 juillet 2014 par lequel il a conclu au rejet du pourvoi.

ANALYSE DES MOYENS DU POURVOI :

1°) Sur le premier moyen, tiré de l’insuffisance de motifs :

Attendu que le demandeur au pourvoi fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué de n’avoir pas été suffisamment motivé ; que l‘insuffisance de motifs, au regard de la doctrine et d’une jurisprudence constante de la Cour régulatrice, équivaut à l’absence de motifs qui est une cause de nullité des jugements et arrêts ; qu’en effet, en vertu des dispositions de l’article 463 du Code de Procédure Civile, Commerciale et Sociale, inspiré des articles 455 et 458 du Nouveau Code de Procédure Civile français, un jugement doit être motivé à peine de nullité ;

Mais attendu, suivant une doctrine dominante, que ces textes ne précisant pas l’importance quantitative que doit revêtir cette motivation, il est de principe que « la cassation pour défaut de motifs sera prononcée dans les hypothèses où l’arrêt ne contient aucune justification en droit, et surtout en fait de la décision rendue » (CF. Marie-Noelle Jobard-Bachellier et Xavier Bachellier,  la technique de cassation en matière civile, 5ème édition, page 168) ; qu’or, en l’espèce, les juges d’appel, comme motifs de l’arrêt déféré, ont mentionné notamment :« considérant qu’il n’est pas contesté que depuis la date d’acquisition, l’appelant a entamé la mise en valeur par la construction de la clôture d’une maison d’habitation et par la plantation d’arbres fruitiers et cela, de manière paisible sans y être troublé ;qu’il y a fait ces réalisations à ses frais et avec ses propres matériaux ; que ce n’est que plus d’une décennie après que l’intimé s’est manifesté en revendiquant fructueusement la même parcelle dont la propriété lui a été reconnue ;…que des développements qui précèdent, il apparait que l’appelant était de bonne foi car ignorant le vice de son acquisition ; que les dispositions de l’article 555 du Code Civil français trouvant leur application au cas de l’espèce, il y a lieu de faire droit à sa demande » ;qu’au regard de ce qui précède, le moyen tiré de l’insuffisance de motifs ne saurait opérer ; qu’il convient de le rejeter ;

2°) Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de la loi :

Attendu que par ce moyen, il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué de s’être fondé sur l’alinéa 3 de l’article 555 du Code Civil français alors que, selon le pourvoi, c’est plutôt l’alinéa 1 dudit article qui est applicable en l’espèce ;

Attendu que ces deux alinéas, qui régissent deux cas de figure différents, sont ainsi libellés :

Article 555 (alinéa 1) :« lorsque les plantations et ouvrages ont été faits par un tiers et avec des matériaux appartenant à ce dernier, le propriétaire du fonds a le droit, sous réserve des dispositions de l’alinéa 4, soit d’en conserver la propriété, soit d’obliger le tiers à les enlever » ;

Article 555( alinéa 3) : « Si le propriétaire du fonds préfère conserver la propriété des constructions, plantation et ouvrages, il doit, à son choix rembourser au tiers, soit une somme égale à celle dont le fonds a augmenté de valeur, soit le coût des matériaux et le prix de la main-d’œuvre estimé à la date du remboursement, compte tenu de l’état dans lequel se trouvent les dites constructions, plantations et ouvrages » ;

Attendu que l’alinéa 4 du même article, qui règle un cas de figure tout aussi différent, est à son tour ainsi conçu :

« Si les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers qui n’aurait pas été condamné, en raison de sa bonne foi, à la restitution des fruits, le propriétaire ne pourra exiger la suppression desdits ouvrages, constructions et plantations, mais il aura le choix de rembourser au tiers l’une ou l’autre des sommes visées à l’alinéa précédent » ;

Attendu qu’en l’espèce, il apparaît des pièces versées au dossier que conformément à l’esprit de l’article 555(alinéa 1) du Code Civil ci-dessus cité, le propriétaire A. a opté pour l’enlèvement des plantations et ouvrages aux frais de leur auteur C. et que ce choix a été consacré par des décisions de justice devenues définitives, donc ayant force de chose jugée ; qu’il s’agit du jugement n° 212 du 08 Octobre 2008 du Tribunal Civil de la Commune VI du District de Bamako, confirmé par l’arrêt n° 195 du 07 Avril 2010 de la Chambre Civile de la Cour d’Appel de Bamako, dont le pourvoi a été rejeté par l’arrêt n°90 du 04 Avril 2011 de la 2ème Chambre Civile de la Cour de céans ; qu’en matière de pourvoi, s’il est de principe que les faits relèvent de l’appréciation souveraine des juges du fond, il est tout aussi évident que ceux-ci ne peuvent , sans exposer leur décision à la censure de la Cour régulatrice, méconnaître les situations de droit antérieurement consacrées par des décisions de justice ayant force de chose jugée ; qu’en condamnant A. à payer des impenses à C. alors que des décisions de justice ayant force exécutoire ont ordonné l’enlèvement, aux frais de celui-ci, des constructions et plantations par lui faites, les juges d’appel ont ignoré les effets juridiques attachés aux jugements définitifs et méconnu les dispositions de l’article 555(alinéa 1) du Code Civil qui s’imposent en l’espèce ; qu’il y a lieu d’accueillir le second moyen du pourvoi et de casser l’arrêt déféré.

….Casse et annule l’arrêt déféré ;

Renvoie la cause et les parties devant la Cour d’Appel de Bamako autrement composée ;…


Synthèse
Numéro d'arrêt : 162
Date de la décision : 13/06/2016

Analyses

Remboursement d’impenses.


Origine de la décision
Date de l'import : 06/03/2020
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ml;cour.supreme;arret;2016-06-13;162 ?
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