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14/12/2015 | MALI | N°274

Mali | Mali, Cour suprême, 14 décembre 2015, 274


Texte (pseudonymisé)
2ème CHAMBRE CIVILE

Arrêt n°274 du 14 1212 / 2015

Expulsion et démolition.

SOMMAIRE : 



Le moyen de cassation tiré de la violation de l’article 382 du CPCCS doit être rejeté, l’appréciation du sursis à statuer relevant du pourvoi souverain des juges du fond.

N’encourt pas la cassation pour avoir statué infra petita, la cour d’appel qui a répondu implicitement à une demande d’expertise.

Faits et Procédure :

La Société de Promotion Immobilière (SP

I-SA) se dit être propriétaire de la parcelle objet du …… … d’une superficie de 4 ha 99 a 9 ca issue du morcellement du … qu...

2ème CHAMBRE CIVILE

Arrêt n°274 du 14 1212 / 2015

Expulsion et démolition.

SOMMAIRE : 

Le moyen de cassation tiré de la violation de l’article 382 du CPCCS doit être rejeté, l’appréciation du sursis à statuer relevant du pourvoi souverain des juges du fond.

N’encourt pas la cassation pour avoir statué infra petita, la cour d’appel qui a répondu implicitement à une demande d’expertise.

Faits et Procédure :

La Société de Promotion Immobilière (SPI-SA) se dit être propriétaire de la parcelle objet du …… … d’une superficie de 4 ha 99 a 9 ca issue du morcellement du … qui a été acquise de Monsieur le Directeur des Domaines et du Cadastre, tandis que A prétend également être propriétaire d’un … sur une partie de la dite parcelle délivrée par le Bureau de la Conservation de la Propriété des Droits Fonciers. Au commencement des travaux d’opération immobilière de logements économiques, la SPI trouve sur sa parcelle des réalisations faites par A.

C’est ainsi que par requête en date du 26 Août 2008, la SPI-SA saisit le Tribunal Civil de la Commune VI du District de Bamako d’une action en expulsion et démolition contre A.

Par ordonnance n°001/JME du 09 Décembre 2008 l’expert judiciaire Mohamed Lamine Cissé a été désigné à l’effet de faire l’état des lieux, situer les parcelles objets des … et …, vérifier sur le terrain leur implantation respective, préciser s’il y a chevauchement entre les deux Titres et si oui quel est celui qui n’a pas été régulièrement implanté ou quelle est la raison de ce chevauchement, dire le ressort géographique de la partie litigieuse et fournir tous autres renseignements de nature à éclairer la lanterne du Tribunal.

A la fin des travaux de l’expertise, le Tribunal de la Commune VI du District de Bamako suivant jugement n°229 du 19 Août 2009 ordonna l’expulsion de A tant de sa personne que de ses biens ainsi que de tous occupants de son chef de la parcelle sise à …, objet du …… ; ordonnait en outre la démolition à ses frais et sans indemnité de ses constructions et réalisations faites sur la parcelle ; condamnait Monsieur A à payer à la SPI-SA le montant de deux millions (2.000.000 FCFA) à titre de dommages intérêts.

Sur appel de A, la Cour d’Appel de Bamako, par arrêt n°704 du 22 Décembre 2010 annulait le jugement entrepris ; statuant par évocation : disait que les deux parties sont titulaires chacune d’un Titre Foncier. Déclarait en conséquence le juge civil incompétent. Renvoyait les parties à mieux se pourvoir.

Sur pourvoi de la SPI, la 2ème Chambre Civile de la Cour Suprême par arrêt n°184 du 08 juillet 2013 cassait et annulait l’arrêt déféré. Renvoyait la cause et les parties devant la Cour d’Appel de Bamako autrement composée.

La Cour d’Appel de Bamako par arrêt n°823 du 29 Octobre 2014 statuait en ces termes : En la forme : Reçoit l’appel interjeté ; Au fond : Rejette la demande de sursis à statuer et d’exécution provisoire. Confirme le jugement entrepris sans exécution provisoire. Met les dépens à la charge de l’appelant.

C’est contre cet arrêt que A a formé pourvoi.

Exposé des moyens de cassation

Pour soutenir son pourvoi, le demandeur par l’organe de ses Conseils Maître Gaoussou Fofana et Maître Mamadou Sow « Etude Youba » soulève deux moyens de cassation tirés de l’insuffisance de motivation et de la violation de la loi prise en trois branches.

Premier moyen tiré de l’insuffisance de motivation

En ce que la Cour d’Appel de Bamako pour confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a ordonné l’expulsion de A et la démolition des œuvres qu’il a réalisées sur la parcelle litigieuse n’a retenu fondamentalement comme motivation que ce qui suit : « Considérant que l’occupation de A de la parcelle sise à … est irrégulière et porte atteinte au droit de propriété de la SPI.SA ».

Qu’une telle façon de raisonner n’a aucune portée juridique eu égard aux arguments de droit développés.

Qu’en l’espèce il est constant que les deux parties détiennent chacune un Titre Foncier sur le site litigieux.

Quant aux allusions faites à l’occupation irrégulière, la Cour ne s’est référée à rien d’autre qu’aux conclusions d’un rapport énergiquement contesté par le demandeur qui d’ailleurs pour la circonstance a sollicité en vain la désignation d’un expert en vue d’une contre- expertise.

Qu’en effet compte tenu de la situation géographique de la parcelle litigieuse qui se trouve sur la rive droite du marigot collecteur naturel constituant la frontière entre le District de Bamako et le Cercle de Kati au niveau respectivement de Aa et Ac, côté Bamako et de Ad et Ab, côté Kati, une contre expertise aurait permis de mettre en évidence cette réalité sur le terrain à partir non pas d’un simple plan de masse mais d’une vraie Carte géographique.

Que la Cour ne s’est pas donnée les moyens d’être suffisamment éclairée sur la situation exacte de la parcelle, objet de deux Titres Fonciers crées successivement au profit de A et de la SPI-SA.

Qu’en agissant ainsi comme ils l’ont fait les juges d’appel ont manqué à leur devoir de motiver l’arrêt querelle d’autant plus que le rapport d’expertise qui a servi d’abreuvoir et qui situe faussement le TF 8861 de A sur un site autre que celui qu’il occupe depuis l’année 2000, est sérieusement contesté par le demandeur.

Qu’il y a là manifestement un motif sérieux de remise en cause de cet arrêt qui mérite la censure de la Cour Suprême.

Deuxième moyen tiré de la violation de la loi 

Première branche tirée de la violation de l’article 382 du CPCCS :

En ce que la Cour d’Appel de Bamako, pour justifier son refus de faire droit à la demande de sursis à situer de A allègue que « l’annulation de l’acte administratif de cession en faveur de la SPI ne pourra pas permettre à A de s’installer sur le … très distant de Sabalibougou ; que la demande de sursis à statuer est donc sans intérêt et ne peut pas prospérer ».

Que par cette motivation, la Cour reconnait expressément l’exigence d’autres procédures entre les mêmes parties tendant pour l’essentiel à la remise en cause des différents actes administratifs dont se prévalent les uns et les autres.

Que nécessairement, ces procédures parallèles ont une incidence directe sur la présente en cours (Expulsion et démolition) en ce qu’elles peuvent remettre en cause d’une manière ou d’une autre les prétendus droits de propriété conférés aux différentes parties.

Qu’il y a là manifestement une question préjudicielle qu’il faut résoudre préalablement à toute décision d’expulsion et de démolition dans la mesure où l’hypothèse d’une annulation de l’acte administratif de cession servant de support au droit de la SPI sur le Titre Foncier dont elle se prévaut pourrait anéantir toutes les prétentions de celle-ci, A se trouvant en ses lieux bien avant la cession de la dite parcelle à la SPI-SA.

Qu’en considérant à tort alors même qu’il y a indiscutablement une question préjudicielle qu’il faut résoudre préalablement à toutes décisions d’expulsion et de démolition, que les procédures parallèles n’ont aucune incidence sur la procédure en cours pour justifier le rejet de la demande tendant à sursis à statuer la Cour d’Appel viole allègrement les dispositions pertinentes de l’article 382 du CPCCS.

Que l’arrêt doit être cassé de ce chef.

Deuxième branche tirée de la violation de l’article 5 du CPCCS :

En ce que l’arrêt attaqué n’a pas répondu à un chef de demande notamment la requête relative à la contre-expertise présentée par le demandeur.

Qu’il échet en conséquence de censurer l’arrêt querellé pour violation de l’article 5 du CPCCS.

Troisième branche tirée de la violation des articles 124 et 125 du RGO :

En ce que l’arrêt querellé se permet de ramener sans fondement les dommages intérêts à deux millions de francs CFA en invoquant les dispositions de l’article 125 du RGO.

Qu’il y a lieu de rappeler que la responsabilité prévue à l’article 125 du RGO suppose un rapport de causalité certain entre la faute et le dommage.

Qu’en l’espèce il demeure constant au regard des éléments factuels ci-dessus, aucune faute ne peut être retenue contre le demandeur bien au contraire c’est lui-même qui a subi des préjudices.

Qu’il ne doit dès lors sous prétexte d’être condamné à réparation ; Qu’en le faisant, l’arrêt déféré a violé les dispositions de la loi sur le régime général des obligations notamment en ses articles 124 et 125.

Attendu que la défenderesse, par l’organe de ses Conseils Cabinet Toureh et Associés et Cabinet d’Avocats Maître Bôh Cissé et Maître Adama Sidibé, a conclu au rejet du pourvoi comme mal fondé.

Analyse des moyens 

Au soutien de son pourvoi, le demandeur soulève par l’intermédiaire de ses Conseils Maître Gaoussou Fofana et Maître Mamadou Sow deux moyens de cassations tirés de l’insuffisance de motivation et de la violation de la loi prise en trois branches.

Sur le premier moyen tiré de l’insuffisance de motivation :

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué l’insuffisance de motivation pour avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu’il a ordonné l’expulsion de A et la démolition des œuvres qu’il a réalisé sur la parcelle litigieuse en retenant fondamentalement comme motivation ce qui suit : « Considérant que l’occupation de A de la parcelle sise à … est irrégulière et porte atteinte au droit de propriété de la SPI-SA ».

Attendu que selon le pourvoi la Cour d’Appel ne s’est référée à rien d’autre qu’aux conclusions d’un rapport d’expertise contesté par le demandeur au pourvoi qui d’ailleurs pour la circonstance a sollicité en vain la désignation d’un expert en vue d’une contre expertise.

Mais attendu que contrairement aux allégations du demandeur au pourvoi la Cour d’Appel, pour confirmer le jugement n°229 du 19 Août 2009 rendu par le Tribunal de Première Instance de la Commune VI du District de Bamako ayant ordonné l’expulsion du Sieur A et la démolition des œuvres qu’il a réalisées sur la parcelle objet du … appartenant à la Société SPI-SA, a retenu la motivation suivante « Considérant qu’il ressort du rapport d’expertise SETECH que le Titre Foncier n°8861 appartenant à A est à Sabatibougou.

Considérant que la mention est faite sur le … ; que cette même mention est dans la réponse à la réquisition.

Considérant qu’il ressort des renseignements transcrits sur le … de A que l’emplacement est Sabalibougou.

Considérant que même l’annulation de l’acte administratif de cession en faveur de la SPI-SA ne pourra permettre à A de s’installer sur le … très distant de Sabalibougou ; que la demande de sursis à statuer est donc sans intérêt et ne peut pas prospérer.

Considérant que sur le fond les mêmes observations s’imposent ; qu’il est établi que le … est à Sabalibougou et le … de la SPI-SA est à ….

Considérant que l’occupation de A de la parcelle sise à … est irrégulière et porte atteinte au droit de propriété de la SPI-SA ».

Attendu qu’en se déterminant ainsi la Cour d’Appel de Bamako a suffisamment motivé sa décision. Que le moyen soulevé ne sera pas accueilli.

Sur le deuxième moyen tiré de la violation de la loi :

Première branche : Violation de l’article 382 du CPCCS 

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué la violation de l’article 382 du CPCCS pour avoir refusé de faire droit à la demande de sursis à statuer de A malgré l’existence de plusieurs procédures parallèles ayant une incidence directe sur la présente en cours.

Attendu que l’article 382 du CPCCS dont la violation est alléguée est ainsi conçu : « La décision de sursis suspend le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine ».

Attendu que dans le cas d’espèce l’arrêt a soutenu que « l’annulation de l’acte administratif de cession en faveur de la SPI ne pourra permettre à A de s’installer sur le … très distant de Sabalibougou » et que par conséquent « la demande de sursis à statuer est donc sans intérêt et ne peut pas prospérer ».

Attendu par ailleurs que l’appréciation du sursis à statuer relève du pouvoir souverain du juge.

Qu’il y a lieu de rejeter cette première branche du moyen.

Deuxième branche : Violation de l’article 5 du CPCCS

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué la violation de l’article 5 du CPCCS pour n’avoir pas répondu à un chef de demande notamment la requête relative à la contre expertise présentée par le demandeur.

Attendu que l’article 5 du CPCCS dont la violation est dénoncée est ainsi libellé : « Le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé ».

Attendu que l’arrêt en se basant sur  le rapport d’expertise SETECH pour dire que le … et que celui … appartenant à A est à Sabalibougou a rejeté implicitement la demande de contre-expertise sollicitée par le demandeur au pourvoi ;

Que la contre-expertise n’a lieu que lorsque le juge ne trouve pas d’éléments d’appréciation suffisants pour la solution du litige.

Qu’il s’ensuit que cette deuxième branche mérite d’être écartée.

Troisième branche : Violation des articles 124 et 125 du Régime Général des Obligations 

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué la violation des articles 124 et 125 du Régime Général des Obligations (RGO en ce que le Sieur A a été condamné à payer à titre de dommages intérêts à la SPI-SA la somme de deux milles (2.000.000 FCFA) sans aucun fondement.

Attendu que les articles 124 et 125 du RGO dont la violation est alléguée sont ainsi conçus.

Article 124 du RGO « Sauf dispositions contraires particulières les dommages intérêts doivent être fixées de telle sorte qu’ils soient pour la victime la réparation du préjudice subi » ;

Article 125 du RGO « Toute personne qui par sa faute même d’imprudence de maladresse ou de négligence cause à autrui un dommage est obligé à la réparer ».

Attendu que selon le pourvoi aucune faute ne peut être retenue contre le demandeur et aucun rapport de causalité n’est établi entre la faute et le dommage.

Mais attendu que l’arrêt a retenu que « l’occupation de A de la parcelle sise à … est irrégulière et porte atteinte au droit de propriété de la SPI… ; que l’occupation de sa parcelle lui cause d’énormes préjudices devant être réparés conformément aux dispositions de l’article 125 du Régime Général des Obligations ».

Attendu qu’en statuant ainsi, l’arrêt ne viole nullement les dispositions des articles 124 et 125 du Régime Général des Obligations.

Que cette troisième branche ne peut également prospérer.

…Le rejette ;…


Synthèse
Numéro d'arrêt : 274
Date de la décision : 14/12/2015

Analyses

Expulsion et démolition.


Origine de la décision
Date de l'import : 06/03/2020
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ml;cour.supreme;arret;2015-12-14;274 ?
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