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08/06/2015 | MALI | N°134

Mali | Mali, Cour suprême, 08 juin 2015, 134


Texte (pseudonymisé)
2ème CHAMBRE CIVILE

Arrêt n°134 d0808 / 06 / 2015

Réclamation de somme.

Sommaire :

Moyens de cassation : Violation des articles 77, 279 et 54 du RGO. Manque de base légale.

Le représentant qui ne justifie pas de ses pouvoirs au moment de la conclusion du contrat, ne peut pas engager celui au nom duquel il prétend agir.

I -Faits et procédure : 

Par requête en date du 06 Avril 2012, le sieur Y, ingénieur agronome à la retraite, a saisi le Président du Tribunal de PremiÃ

¨re Instance de Commune II du District de Bamako d’une demande en réclamation de sommes contre les héritie...

2ème CHAMBRE CIVILE

Arrêt n°134 d0808 / 06 / 2015

Réclamation de somme.

Sommaire :

Moyens de cassation : Violation des articles 77, 279 et 54 du RGO. Manque de base légale.

Le représentant qui ne justifie pas de ses pouvoirs au moment de la conclusion du contrat, ne peut pas engager celui au nom duquel il prétend agir.

I -Faits et procédure : 

Par requête en date du 06 Avril 2012, le sieur Y, ingénieur agronome à la retraite, a saisi le Président du Tribunal de Première Instance de Commune II du District de Bamako d’une demande en réclamation de sommes contre les héritiers de feu X.

Il explique que dans le cadre des travaux de construction de l’unité de production d’eau et de traitement de Kabala et Tiébani, des réservoirs de stockages à Baco-Djikoroni et l’emprise pour la pose de la canalisation, les héritiers de feu X ont été expropriés d’un champ de huit hectares par l’Etat du Mali pour cause d’utilité publique au profit de l’EDM- SA.

 

Pour le suivi des opérations d’indemnisation, le représentant de la famille, B, a sollicité ses services pour le représenter devant la commission d’indemnisation et s’est engagé en accord avec ses cohéritiers, dans un document intitulé ‘’Obligation de reconnaissance de loyaux services’’, à lui céder le 1/3 de l’indemnisation à percevoir de la purge des droits coutumiers sur les huit hectares en cause.

Par jugement n°199 du 20 Juin 2011, le Tribunal civil de Kati a fixé l’indemnisation de la famille A à la somme de 140.000.000 F CFA. Cette décision de justice porte le nom de Ab A comme mandataire de la famille A, alors qu’il était le seul et unique interlocuteur pour le compte de cette famille tant dans les actes préparatoires que lors de l’assignation pour l’indemnisation.

Il soutient que Ab A a refusé de lui payer le tiers des 140.000.000 F CFA qui lui ont été versés ; qu’il ne lui a proposé que 3000.000 FCFA, en violation de l’article 77 de la loi n°87-31 ANRM du 27 Juillet 1987, fixant Régime Général des Obligations en République du Mali.

La juridiction saisie, suivant jugement n°61 du 23 Janvier 2013, a débouté le requérant de sa demande comme mal fondée.

Sur son appel, la Cour d’Appel de Bamako, par arrêt n°96 du 22 Janvier 2014, a confirmé jugement entrepris.

C’est cet arrêt qui fait l’objet du présent pourvoi.

II – EXPOSE DES MOYENS :

Pour soutenir son pourvoi, les conseils du demandeur, Mes Ac Z et Aa C dans leur mémoire ampliatif du 30/06/2014, ont soulevé un moyen unique de cassation tiré de la violation de l’article 77 du RGO.

Mais, dans un mémoire ampliatif additionnel du 20 Novembre 2014, Maîtres Etienne BALLO et Abdramane SANOGO, pour le compte du demandeur, ont, soulevé deux moyens de cassation dont le premier est tiré de la violation de la loi divisé en deux branches : des articles 54 et 279 de la loi n°87-31 ANRM du 27 Juillet 1987, fixant Régime Général des Obligations en République du Mali et du manque de base légale.

1°) - Moyen tiré de la violation de l’article 77 du RGO :

En ce que l’arrêt attaqué a méconnu “l’obligation de reconnaissance de services“ dans laquelle le mandataire de la famille A, feu B, en accord avec les autres héritiers de feu X, a donné procuration au demandeur au pourvoi, pour s’occuper de l’opération d’indemnisation contre une rémunération d’1/3 de l’indemnisation qui leur sera payée ;

Alors que cet acte juridique sous seing privé constitue au moins un commencement de preuve par rapport à la réalité du contrat moral qui existait entre les parties, contrairement aux arguments développés par l’arrêt déféré ;

Que n’ayant pas fait preuve de lucidité juridique, l’arrêt incriminé a violé les dispositions de l’article 77 du RGO ; qu’en conséquence il mérite la censure de la haute Cour,

2°) - Moyen tiré de la violation des articles 54 et 279 du RGO :

1ère branche : De la violation de l’article 279 du RGO 

En ce que la Cour d’Appel de Bamako, pour confirmer le jugement entrepris, s’est contentée de relever que l’intimé a contesté l’engagement pris par feu B et de remettre péremptoirement en cause l’acte portant cet engagement, sur la base d’observations que ledit acte aurait suscitées en elle;

Que l’arrêt querellé, en confirmant le jugement entrepris, sans ordonner au préalable une vérification d’écriture ou de signature de l’auteur de l’acte, a violé les dispositions de l’article 279 du RGO et a exposé sa décision à la censure de la haute Cour ;

2ème branche : De la violation de l’article 54 du RGO

En ce que la Cour d’Appel pour confirmer le jugement d’instance a rejeté l’engagement écrit du 04 Novembre 2002 au motif :

- qu’il est antérieur de sept mois au décret n°186/P-RM du 9 Mai 2003 portant autorisation et déclaration d’utilité publique, ce qui voudrait dire qu’il y a eu effet sans cause ;

- qu’il est antérieur à la convention notariée du 04 Avril 2005 par laquelle B a donné mandat à Y de le représenter contre une rémunération d’1/3 de l’indemnisation à percevoir;

Qu’en statuant ainsi, la Cour d’appel a violé l’article 54 du RGO, pour avoir méconnu   que l’objet de l’acte contractuel peut porter sur des choses futures ;

Qu’en conséquence l’arrêt déféré mérite la censure de la haute Cour.

3°) - Moyen tiré du manque de base légale :

En ce que la Cour d’appel a estimé que cet acte ne peut emporter sa conviction au motif que son auteur est décédé et qu’il n’est pas corroboré par une autre preuve, alors qu’il s’agissait pour le juge, lorsque l’acte est contesté par les ayants-cause du signataire, comme dans le cas d’espèce, d’ordonner une vérification judiciaire pour apprécier la validité ou la crédibilité dudit acte, conformément à l’article 279 du RGO ;

Qu’en se limitant au constat que cet engagement n’est pas corroboré par une autre preuve, la Cour d’Appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

Maître Mamadou DIAWARA, conseil des défendeurs, a conclu au rejet du au pourvoi.

III – ANALYSE DES MOYENS

1°) - Sur le moyen tiré de la violation de l’article 77 du RGO :

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué la violation de l’article 77 du RGO, pour avoir méconnu “l’obligation de reconnaissance de loyaux services“, alors que cet acte juridique sous seing privé constitue au moins un commencement de preuve; 

Attendu qu’il y a violation de la loi quand « il apparait qu’à partir des faits matériellement établis, correctement qualifiés, les juges du fond ont fait une mauvaise application de la loi au prix d’une erreur le plus souvent grossière soit qu’ils aient ajouté à la loi une condition qu’elle ne pose pas, soit qu’ils aient refusé d’en faire application à une situation qui manifestement rentrait dans son champ d’application » ;

Attendu que l’article 77 du RGO dont violation est dénoncée est ainsi conçu :

«Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.

Elles doivent être exécutées de bonne foi. » ; 

Attendu que pour parvenir à la confirmation du jugement entrepris, l’arrêt a retenu que suivant procuration en date du 30 Juin 2003, les cohéritiers de B, lui ont donné mandat à l’effet de les représenter dans la procédure d’indemnisation devant la commission ; Que ce mandat ne contient aucune clause expresse de payer une partie de l’indemnité à Y ;

Que par convention du 04 Avril 2005 passé devant notaire, B a donné mandat à Y  de le représenter devant la commission amiable de fixation des indemnités de purge des droits coutumiers ;

Que cette convention aussi ne contient aucune clause qui donne droit à Y le 1/3 de l’indemnité à payer ;

Que “l’obligation de reconnaissance de loyaux services “ en date du 04 Novembre 2002 dont se prévaut Y est contestée par l’intimé ; qu’elle suscite, en tout cas les observations suivantes qui mettent en évidence son caractère équivoque ;

Qu’elle date du 04-11-2002, soit sept (07) mois avant même le décret n°186/P-RM du 9 Mai 2003 portant autorisation et déclaration d’utilité publique ; que cela voudrait dire qu’il ya eu effet avant la cause ;

Qu’elle est antérieure de plus de deux ans à la convention notariée du 04 Avril 2005 par laquelle B a donné mandat à Y pour le représenter devant la commission d’indemnisation ; que cette convention ne fait cependant pas allusion à cette contre partie à lui payer ;

Qu’il s’agit d’un acte sous seing privé ; que X est décédé ; que cet écrit n’est corroboré par aucune preuve ; qu’il ne peut emporter la conviction de la Cour. » ;

Attendu qu’en matière de représentation l’article 31 du RGO précise:

«Au moment de la conclusion du contrat, le représentant doit faire connaître au tiers contractant qu’il agit pour autrui et justifier de ses pouvoirs. » ; 

Attendu que les pouvoirs de B, le 04 Novembre 2002 au moment de la signature de “l’obligation de reconnaissance de loyaux services“ au nom de ses cohéritiers ne sont justifiés par aucune pièce du dossier ;

Qu’en se déterminant comme il l’a fait, l’arrêt attaqué n’a point violé les dispositions de l‘article 77 du RGO, la preuve du consentement des cohéritiers de B, à la convention contestée du 04 Novembre 2002, n’étant pas rapportée ;

Qu’il s’ensuit que le moyen ne sera pas accueilli.

2°)-Sur le moyen tiré de la violation des articles 279 et 54 du RGO :

1ère branche du moyen : De la violation de l’article 279 du RGO

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt déféré la violation de l’article 279 du RGO, en ce qu’il s’est contenté de relever que l’intimé a contesté l’engagement pris par feu B et de remettre péremptoirement en cause l’acte portant cet engagement , sur la base d’observations qu’il aurait suscitées en elle, alors qu’il aurait dû ordonner une vérification d’écriture ou de signature de l’auteur de l’acte ;

Attendu que l’article 279 du RGO dont violation est dénoncée est ainsi conçu :

«Celui auquel on oppose un acte sous seing privé, est obligé d’avouer ou de désavouer formellement son écriture ou sa signature.

Ses héritiers ou ayants cause pouvant se contenter de déclarer qu’ils ne connaissent point l’écriture ou la signature de leur auteur, dans ce cas la vérification en est ordonnée en justice. » ;

Attendu que les défendeurs sont plutôt des cohéritiers de feu B ;

Que leur contestation ne porte ni sur l’écriture ni sur la signature de leur cohéritier, mais sur la non justification de ses pouvoirs au moment de la signature le 04 Novembre 2002 de cet acte portant engagement en leur nom ;

Que dès lors la violation de l’article 279 du RGO ne peut être reprochée à l’arrêt déféré ; qu’il y a lieu de rejeter cette première branche du moyen.  

Sur la 2ème branche du moyen : De la violation de l’article 54 du RGO

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt déféré la violation de l’article 54 du RGO, en ce qu’il a rejeté l’engagement écrit du 04 Novembre 2002 au motif qu’il est antérieur au décret n°186/P-RM du 9 Mai 2003 portant autorisation et déclaration d’utilité publique et à la convention notariée du 04 Avril 2005 par laquelle B a donné mandat à Y, alors que la prestation peut porter sur des choses futures ;

Attendu que l’article 54 du RGO dont la violation est dénoncée est ainsi conçu :

«L’objet de l’obligation est la prestation promise par les parties.

La prestation doit être possible et porter sur les choses qui sont dans le commerce.

Elle doit être déterminée ou déterminable quant à son espèce et sa quotité. Elle peut porter sur des choses futures. » ;

Attendu que les motivations l’arrêt attaqué ne rentrent pas dans le champ d’application de l’article 54 du RGO ;

Qu’en se déterminant comme il l’a fait, l’arrêt attaqué n’a point violé les dispositions dudit article ; qu’en conséquence la deuxième branche du moyen ne peut non plus prospérer ;

3°) - Sur le moyen tiré du défaut de base légale

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué le défaut de base légale, pour avoir limité son constat au fait que l’acte contesté ne peut emporter sa conviction ; que son auteur est décédé et qu’il n’est pas corroboré par une autre preuve, alors qu’il s’agissait pour le juge, lorsque l’acte est contesté par les ayants-cause du signataire, comme dans le cas d’espèce, d’ordonner une vérification judiciaire pour apprécier la validité ou la crédibilité dudit acte, conformément à l’article 279 du RGO ;

Attendu que l’absence de base légale est caractérisée par une insuffisance de motivation de la décision attaquée qui ne permet pas à la Cour de Cassation de contrôler la régularité de la décision ou de vérifier que les juges du fond ont fait une application correcte de la règle de droit ;

Attendu que l’arrêt querellé en retenant que l’acte contesté du 04 Novembre 2002 ne peut emporter sa conviction au motif que c’est suivant procuration en date du 30 Juin 2003, que les cohéritiers de B lui ont donné mandat à l’effet de les représenter ;

que ledit acte est antérieur au décret n°186/P-RM du 9 Mai 2003 portant autorisation et déclaration d’utilité publique et à la convention notarié du 04 Avril 2005 par laquelle B a donné mandat au demandeur au pourvoi de le représenter ; que son auteur est décédé et qu’il n’est pas corroboré par une autre preuve, est suffisamment motivé et a fait une saine application de la loi ; qu’il convient de rejeter le moyen.

…Le rejette ;…


Synthèse
Numéro d'arrêt : 134
Date de la décision : 08/06/2015

Analyses

Réclamation de somme.


Origine de la décision
Date de l'import : 06/03/2020
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ml;cour.supreme;arret;2015-06-08;134 ?
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