La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/04/2015 | MALI | N°85

Mali | Mali, Cour suprême, 13 avril 2015, 85


Texte (pseudonymisé)
COUR SUPREME REPUBLIQUE DU MALI

2ème CHAMBRE CIVILE

Arrêt n°85 du 13 0404 / 2015

Délimitation de Titres Fonciers.

Sommaire :

Moyens de cassation : violation de la loi. Viole la loi, l’arrêt qui ne tire pas les conséquences légales de ses constatations.



RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Des pièces du dossier de l’instance il résulte et notamment des bordereaux analytiques des actes et écrits dép

osés au Bureau de la conservation de la propriété et des droits fonciers de Kati et mentionnés au … inséré au Liv...

COUR SUPREME REPUBLIQUE DU MALI

2ème CHAMBRE CIVILE

Arrêt n°85 du 13 0404 / 2015

Délimitation de Titres Fonciers.

Sommaire :

Moyens de cassation : violation de la loi. Viole la loi, l’arrêt qui ne tire pas les conséquences légales de ses constatations.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Des pièces du dossier de l’instance il résulte et notamment des bordereaux analytiques des actes et écrits déposés au Bureau de la conservation de la propriété et des droits fonciers de Kati et mentionnés au … inséré au Livre Foncier de Kati Volume 88, F158 :

- Que suivant réquisition n°559 du 05 mai 2005, enregistré le 25 Janvier 2006, le chef de Bureau des Domaines de Koulikoro, agissant au nom et pour le compte de l’Etat du Mali a demandé l’immatriculation au Livre Foncier du Cercle de Kati d’un immeuble rural consistant en une concession rurale d’une superficie totale de 2 ha 74a 27Ca sise à Moribabougou-Sala, limité au Nord par la parcelle de Monsieur Ak et Al Ab, à l’Est par la parcelle de Monsieur Ah Aj, au Sud par la parcelle de Monsieur Al Ab, à l’Ouest par la piste de village droit vers Sala ; que ledit immeuble appartient à l’Etat du Mali et provient des terres vacantes ;

Qu’ainsi, ledit immeuble décrit, a été immatriculé au nom de l’Etat du Mali dans le Livre Foncier du Cercle de Kati, Vol.88, Fol 158 sous le n°17.418 et copie dudit Titre a été délivrée au chef du Bureau des Domaines, requérant, chargé de la régie des biens immobiliers de l’Etat du Mali, document établi le 25 Janvier 2006 ;

- D’un bordereau analytique n°2 du Bureau des Domaines de Kati du 22 février 2006 ; que par Acte Administratif n°06-0230/MDEAF-DNDC-DRDC en date, à Koulikoro du 20 février 2006, le Directeur Régional des Domaines et du Cadastre de Koulikoro agissant au nom et pour le compte de l’Etat du Mali a cédé à titre onéreux à Monsieur A, demeurant à … la parcelle de terrain d’une superficie de 2ha, 74a, 27Ca moyennant le prix de 1.694.160. F.CFA ; que la mutation de propriété a été mentionnée à la section IV tant du … que de sa copie remise à Monsieur A, acquéreur susnommé ;

- D’un bordereau n°1 du Bureau des Domaines et du Cadastre de Kati établi le 27 août 2008 par le chef de Bureau ; concernant le … de Kati ; que suivant acte de vente notarié daté du 23 Octobre 2007, enregistré à Kati le 02 mai 2008, Vol XVII, Fol.8 et passé par devant Maître Mamadou Kanda Kéïta, Notaire à la résidence de Bamako ; Monsieur Ah B, Officier de Police à la retraite, demeurant à …, a vendu à Monsieur Ae An, agissant au nom et pour le compte de Aa An la parcelle de terrain n°119 d’une superficie de 2 ha, 34a, 81Ca sise à … à distraire du Titre Foncier n°8.333 de Kati, moyennant le prix de 15.000.000F CFA ; que la parcelle ainsi vendue a formé un nouveau Titre inscrit au Livre Foncier du Cercle de Kati Vol.133, Fol.11 sous le n°35.668 ; qu’en conséquence, ont été mentionnés :

- le morcellement dont il s’agit au tableau « Diminution » de la Section II tant du … de Kati ainsi que de sa copie,

- la mutation de propriété dont il s’agit à la Section IV tant du Titre Foncier n°35668 ainsi que de sa copie remise à Maître Kanda Kéïta, Notaire pour le compte de Mr Aa An acquéreur ;

- De la réquisition (Pièce n°4) datée du 13 juin 2014, signée par le chef de bureau des Domaines de Kati ; que le Titre Foncier n°8.333 en cours de morcellement a été créé le 27 novembre 2002 et est la propriété de Monsieur Am B, superficie 04 ha, 32a 72 ca ;

Par jugement n°163 du 04 mars 2013, rendu dans une instance en délimitation de Titres Fonciers opposant les héritiers de feu A représentés par A à B et Aa An, le Tribunal Civil de Kati a retenu que le … de Aa An empiète sur le … des héritiers de feu A sur une superficie de 1 ha 32a 33ca et a ordonné la reconstitution des bornes du … suivant sa superficie réelle et conformément au plan d’ensemble des lieux ;

Sur appel de B et de Aa An, la Cour d’appel de Bamako, par un arrêt n°054 du 22 Janvier 2014 confirma le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

C’est cet arrêt qui nous occupe.

Résumé succinct du moyen unique de cassation tiré de la violation de la loi divisé en deux branches : Refus d’appliquer l’article 170 Ter du Code Domanial et Foncier, l’article 170 bis (1ère branche) et l’article 167 du Code Domanial et Foncier (2ème branche) :

Première branche : De la violation de la loi par refus d’appliquer les articles 170 ter et 170 bis du Code Domanial et Foncier.

Il est fait grief à la Cour d’Appel de Bamako de confirmer le jugement n°163 du 04 mars 2013 du Tribunal Civil de Kati qui se fonde sur le rapport établi par les experts Af Ad Ac et Ag Ai, lequel rapport conclut à l’empiétement du … sur le … d’une superficie de 1 ha 32a 33ca tout en reconnaissant cependant que seuls les Titres Fonciers n°8333 et n°35668 étaient délimités avec bornes en place et, que ce n’était point le cas pour le … ;

Alors qu’en matière d’empiétement la question est clairement prévue et réglée par l’article 170 ter (nouveau) du Code Domanial et Foncier aux termes duquel : « en cas d’empiétement sur un fond voisin déjà immatriculé, le titulaire de ce fond bénéficie d’un délai de 5 (cinq) années à compter de l’obtention de l’autorisation de construire pour procéder à l’annulation de l’empiétement ; que la prescription est d’ordre public » ; que le juge a l’obligation d’appliquer la loi aux situations qu’elle a vocation de régir ; qu’en procédant autrement, il commet un refus d’appliquer la loi qui est censuré par la Cour Suprême ; qu’il existe une jurisprudence abondante dans ce sens illustré par les arrêts n°88 du 16 mars 1971 de la chambre civile et n°95 du 10 mars 1976 de la chambre commerciale de la Cour de Cassation française ; que le premier juge en décidant dans les motifs et dans le dispositif de son jugement n°163 du 04 mars 2013 que le Titre Foncier n°35668 a empiété sur le … et que la superficie d’empiétement est de 1 ha 32a 33ca devait appliquer la loi qui prévoit et règlemente les litiges relatifs aux empiétements en particulier l’article 170 ter du Code Domanial et Foncier ; que le Titre Foncier n°35668 a été distrait du … qui fut immatriculé le 27 novembre 2004 ; qu’il en résulte que le … est plus ancien que le … ; qu’aux termes de l’article 170 du Code Domanial et Foncier la date de création du Titre Foncier est la date d’inscription sur le registre des dépôts marquant la clôture de la procédure ; que s’il y a empiétement comme a conclu le rapport d’expertise, l’annulation se fait légalement au profit du Titre Foncier le plus ancien qui est le … et non le Titre Foncier le moins ancien qui est le … ; que le conservateur peut être saisi aux fins d’annulation par chacune des parties titulaires du Titre ; que le conservateur peut même y procéder d’office ; que le conservateur ainsi que les parties peuvent toujours saisir le juge civil des contestations persistantes ; que dans le cas d’espèce, il s’agit d’une double immatriculation d’une portion du … ; que dans ce cas les opérations de rectification doivent se faire en accordant la primauté au Titre Foncier le plus ancien conformément à l’article 170 nouveau du Code Domanial et Foncier ; qu’il sollicite donc la cassation de l’arrêt n°54 du 22 janvier 2014 de la Cour d’Appel de Bamako, puis le renvoi de la cause et des parties devant la même Cour autrement composée.

De la deuxième branche tirée de la violation de l’article 167 du Code Domanial et Foncier :

En ce que la Cour d’Appel de Bamako a, à tort retenu l’antériorité du … sur les Titres Fonciers n°8333 et 35668 en décidant qu’il ressort des plans d’implantation des Titres Fonciers en cause que le plan du … exécuté le 31août 2004 a été approuvé le 16 Janvier 2006, que celui du … a été approuvé le 26 Octobre 2007 et celui du Titre Foncier n°35668 le 25 juin 2008 ;

Alors que contrairement au raisonnement de la Cour d’appel la date de naissance du Titre Foncier est la date de sa création et non la date d’une prétendue approbation du plan ;

Alors encore qu’en droit la seule date de création d’un Titre Foncier est la date de son inscription au registre des dépôts, d’une mention constatant l’achèvement des prescriptions de l’article 167 du Code Domanial et Foncier ; que si la date de création du … était le 26 Octobre 2007, date d’approbation du plan ?  Comment l’Etat du Mali a-t-il pu le vendre à B le 03 mai 2007 soit près de six (6) mois avant la date d’approbation du plan ?  si tant est que cette date est celle de sa création ; qu’en réalité le … avait déjà été créé le 27 novembre 2002 ainsi que l’atteste la réquisition datée du 13 juin 2014 adressée au Conservateur des Domaines et du Cadastre du Cercle de Kati ; qu’en vérité la prétendue date d’approbation du plan retenu par la Cour d’appel est plutôt la date de l’opération de rattachement de la parcelle n°119 objet du Titre Foncier n°8.333 et ce, suite à une lettre du 16 Juillet 2007 du chef de Bureau des Domaines de Kati ; laquelle lettre précisait : « J’ai l’honneur de vous demander de bien vouloir procéder au rattachement de la parcelle n°119 sise à Moribabougou d’une superficie de 4ha 32a 40ca objet du Titre Foncier n°8.333 de Abdoul B » ; qu’il suit que l’arrêt attaqué a refusé d’appliquer l’article 170 bis et a violé l’article 167 du Code Domanial et Foncier et mérite la censure de la haute juridiction.

Dans leur mémoire en défense daté du 18 novembre 2014, les héritiers de feu A représentés par A font valoir :

Sur le moyen tiré de la prétendue violation de la loi :

Qu’il ne s’agit en l’espèce ni d’un même immeuble, ni d’une même portion d’immeuble immatriculé deux fois ; que l’immeuble originel des demandeurs en d’autres termes le Titre Foncier n°8.333 au nom de B et celui des défendeurs, le … sont matérialisés sur un même plan de masse à leur création qui met en évidence la piste rurale séparant les deux parcelles ; que le rapport fait par le collège d’experts a formellement constaté un chevauchement matériel du Titre Foncier n°35668 de Aa An issu du morcellement du … de B sur le … des héritiers de feu A ; que la question qui se pose n’est pas relative à l’immatriculation de tel ou tel fond mais plutôt cet empiètement ; que l’arrêt confirmatif attaqué a fait une bonne et juste application de la loi ; que le moyen doit être rejeté.

SUR CE,

DISCUSSION :

Sur le moyen unique tiré de la violation de la loi pris en sa première branche basée sur la violation de l’article 170 ter et 170 bis du Code Domanial et Foncier

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir à tort refusé d’appliquer les articles 170 ter et 170 bis du Code Domanial et Foncier ;

Attendu que la violation de la loi par refus d’appliquer signifie que le juge s’est abstenu d’appliquer la loi à un cas qu’elle doit régir et de violer par voie de conséquence par fausse application un autre texte ; (cf. Yves Chartier, « La Cour de Cassation, 2ème édition, Collection Connaissance du Droit », 2001 Ed. Dalloz, Page 67) ;

Attendu que les articles du Code Domanial et Foncier visés par cette branche du moyen indiquent en substance, qu’en cas d’empiètement sur un fonds voisin déjà immatriculé, le titulaire de ce fonds bénéficie d’un délai de cinq (05) années à compter de l’obtention de l’autorisation de construire pour procéder à l’annulation de l’empiétement ; que la prescription est d’ordre public (article 170 ter nouveau) ;

Qu’au cas où par erreur, un même immeuble ou une même portion d’immeuble serait immatriculé deux fois, la première immatriculation sera seule valable par préférence à la seconde qui sera annulée par le conservateur ; que le conservateur peut être saisi par chacune des parties titulaires du Titre ; que le Conservateur peut même y procéder d’office sur instruction du chef du service des Domaines, au vu d’un rapport du chef du service topographique ;

Que l’annulation de même que les opérations rectificatives de bornage et de réfection du plan sont effectuées sans délai et sans frais par le Conservateur et le service topographique ; que l’annulation entraine la déchéance de la copie du Titre Foncier qui aurait déjà été délivrée ; qu’avis en est donné en la forme administrative au porteur de la copie et publié au Journal Officiel par le Conservateur ; que celui-ci ainsi que les parties peuvent toujours saisir le juge civil si des contestations persistent (article 170 bis du CDF) ;

Attendu que des énonciations de l’arrêt critiqué il ressort : « qu’il résulte des plans d’implantation des Titres Fonciers en cause et dont copies sont versées au dossier que le plan du … a été exécuté le 31 août 2004 et approuvé le 16 janvier 2006 ; que celui du Titre Foncier n°8.333 a été approuvé le 26 octobre 2007 et celui du … a été approuvé le 25 Juin 2008 ; qu’il s’ensuit que le plan annexé au … est antérieur aux deux autres plans ; que dans ces conditions, la règle de l’antériorité de l’immatriculation telle que définie par l’article 170 nouveau de la loi portant modification du Code Domanial et Foncier ne saurait recevoir application ; que par ailleurs, en motivant sa décision d’ordonner la reconstitution des bornes du … par l’existence d’un chevauchement à dire d’expert du Titre Foncier n°35668 sur ledit Titre, le premier juge a bien apprécié les faits et bien appliqué la règle de droit ; qu’il y a lieu en conséquence de confirmer sa décision en adoptant ses motifs » ;

Attendu par ailleurs que, des énonciations du jugement n°163 du 04 mars 2013 du Tribunal Civil de Kati il résulte : « qu’il convient d’ordonner la reconstitution des bornes du … suivant sa superficie réelle et conformément au plan d’ensemble des lieux en application des dispositions des articles 169 du Code Domanial et Foncier et 544 du CCF (Code Civil Français) » ;

Attendu que l’arrêt attaqué, en retenant que la règle de l’antériorité de l’immatriculation telle que définie par l’article 170 nouveau du Code Domanial et Foncier, en décidant que les dates d’exécution et d’approbation des plans des Titres Fonciers concernés par le chevauchement selon le rapport d’expertise ; sans se référer aux dispositions du Code Domanial et Foncier qui régissent le contentieux relatif à l’empiètement d’un fonds sur un fonds voisin, la Cour d’Appel a violé les articles 170 bis (nouveau) et 170 ter (nouveau) du Code Domanial et Foncier visés par le moyen et n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ;

D’où il suit que cette branche du moyen sera accueillie.

Sur la deuxième branche du moyen tirée de la violation de l’article 167 du Code Domanial et Foncier

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué de retenir à tort que le … appartenant aux défendeurs est plus ancien que les Titres Fonciers n°8333 et 35668 appartenant aux demandeurs ;

Attendu que l’article 167 du Code Domanial et Foncier visé par cette branche du moyen indique en substance que l’immatriculation d’un immeuble sur les livres fonciers comporte : l’inscription au registre des dépôts, d’une mention constatant l’achèvement de la procédure, l’établissement du Titre Foncier sur les Livres Fonciers ; la rédaction des bordereaux analytiques pour chacun des droits réels soumis à la publicité et reconnu au cours de la procédure ; la mention sommaire de ces divers droits à la suite du Titre Foncier ; l’établissement d’une copie du Titre Foncier à remettre au propriétaire et de certificats d’inscription à délivrer aux titulaires des droits réels ;

Attendu que des énonciations de l’arrêt attaqué et déjà évoquées dans l’analyse de la première branche du moyen unique de cassation tiré de la violation de la loi, la Cour d’Appel en se déterminant ainsi et en s’abstenant de se référer aux dispositions des articles 170 bis (nouveau), 170 ter (nouveau), 167 du Code Domanial et Foncier alors qu’il résulte de la réquisition datée du 13 juin 2014 signée du Chef du Bureau des Domaines de Kati que le … en cours de morcellement a été crée le 27 novembre 2002, a violé les textes visés par le moyen et n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ; d’où il suit que cet autre branche du moyen est fondée.

…Casse et annule l’arrêt déféré ;

Renvoie la cause et les parties devant la Cour d’Appel de Bamako autrement composée ;…


Synthèse
Numéro d'arrêt : 85
Date de la décision : 13/04/2015

Analyses

Délimitation de Titres Fonciers.


Origine de la décision
Date de l'import : 06/03/2020
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ml;cour.supreme;arret;2015-04-13;85 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award