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09/02/2015 | MALI | N°33

Mali | Mali, Cour suprême, 09 février 2015, 33


Texte (pseudonymisé)
2ème CHAMBRE CIVILE

Arrêt n°33 du 09 0202 / 2015

Annulation de vente aux enchères publiques.

SOMMAIRE :

L’action en annulation de la vente aux enchères publiques est irrecevable après la vente mais celle relative à la saisie peut être demandé jusqu’à la vente.

FAITS ET PROCEDURE :

Monsieur Aa C, créancier de feu Aavait, du vivant de celui-ci fait pratiquer une saisie-vente sur la parcelle n°12-M4 04 sise à …, objet du P.O n°324/bis du 28 mai 1952 appartenant à son débit

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La parcelle a ensuite été vendue aux enchères publiques suivant procès-verbal d’adjudication du 16 Ao...

2ème CHAMBRE CIVILE

Arrêt n°33 du 09 0202 / 2015

Annulation de vente aux enchères publiques.

SOMMAIRE :

L’action en annulation de la vente aux enchères publiques est irrecevable après la vente mais celle relative à la saisie peut être demandé jusqu’à la vente.

FAITS ET PROCEDURE :

Monsieur Aa C, créancier de feu Aavait, du vivant de celui-ci fait pratiquer une saisie-vente sur la parcelle n°12-M4 04 sise à …, objet du P.O n°324/bis du 28 mai 1952 appartenant à son débiteur.

La parcelle a ensuite été vendue aux enchères publiques suivant procès-verbal d’adjudication du 16 Août 2010 ;

Après le décès de Asurvenu le 3 décembre 2011 à Bamako, ses héritiers représentés par Aont, par exploit en date du 15 mai 2012, assigné Aa C devant le Tribunal Civil de la Commune III du District de Bamako pour solliciter l’annulation de la vente aux enchères.

Cette juridiction a, par jugement n°328 du 04 Octobre 2012, déclaré leur action irrecevable.

Sur appel interjeté par les héritiers de feu S. A, la Cour d’Appel de Bamako a, par arrêt n°473 du 10 juillet 2013, confirmé le jugement entrepris ;

D’où le présent pourvoi.

EXPOSE DES MOYENS :

Les demandeurs au pourvoi soulèvent sous la plume de leur conseil trois moyens de cassation tirés du défaut de réponse à conclusions, de la violation de la loi (en quatre branches) et du défaut de base légale.

I - Premier moyen tiré du défaut de réponse à conclusions :

En ce que l’arrêt attaqué n’a pas répondu à leurs conclusions qui invoquent un véritable moyen de droit tendant à l’annulation de la vente intervenue ;

Que le juge, pour satisfaire à l’obligation de motiver correctement sa décision doit répondre aux prétentions des parties qui constituent le cadre des débats ;

Que dans le cas d’espèce, il s’agit d’une procédure en annulation de vente et non de nullité de la saisie.

Que les juges d’appel, suivant en cela le premier juge, se sont prononcés sur la nullité de la saisie qui n’avait jamais été demandée par eux.

Qu’en refusant de se prononcer sur ce qui a été demandé à savoir l’annulation de la vente pour les motifs évoqués avec les moyens de droit soumis, l’arrêt attaqué s’expose à la censure pour défaut de réponse à conclusions ;

II - Deuxième moyen tiré de la violation de la loi :

Ce moyen se subdivise en quatre branches.

1- Première branche du moyen : Violation de l’article 5 du CPCCS 

En ce que, les juges du fond ont statué sur la nullité de la saisie alors qu’aucune des parties n’avait formulé une telle demande ;

Qu’ils ont donc statué ultra petita, violant ainsi les dispositions de l’article 5 susvisé ;

2- Deuxième branche du moyen tirée de la violation des articles 76 et 169 du Code Domanial et Foncier et 28 du Régime Général des Obligations :

En ce que les demandeurs avaient bien indiqué dans leurs différentes écritures que la saisie-vente a été pratiquée sur le permis d’occuper n°324 bis du 28 mai 1952 qui avait pourtant été transformé en Titre Foncier depuis le 1er Février 2008 (T.F n°201/CIII de Bamako sis à Ouolofobougou-Bolifana) ;

Qu’ainsi, au moment de la vente aux enchères publiques intervenue le 16 août 2010, seul le Titre Foncier existait et toute procédure y afférente devait relever du régime juridique de ce Titre, qui est, au sens de l’article 169 du CDF « définitif et inattaquable » ;

Que de l’analyse combinée de ces dispositions, il ressort clairement que dès lors qu’un immeuble est immatriculé, aucun titre précaire (permis d’occuper, lettre d’attribution) ne peut survivre et replacer l’immeuble sous son régime juridique antérieur ;

Que par ailleurs, l’article 28 du RGO indique que pour que le contrat soit valable, il est nécessaire que l’objet existe ;

Qu’or, la vente intervenue suivant procès-verbal d’adjudication en date du 16 août 2010, de Maître Zoumana N’Tji Doumbia, Commissaire-priseur, a porté sur un bien qui n’existe pas ;

Que l’opération juridique ayant porté sur une chose inexistante, l’arrêt attaqué a donc violé les dispositions de l’article 28 du RGO ;

Qu’à cet égard, les demandeurs font également observer que, s’agissant d’une parcelle immatriculée, les seules règles applicables sont celles issues des dispositions de l’Acte Uniforme portant Procédures Simplifiées de Recouvrement et Voies d’Exécution relatives à la saisie immobilière et non celles s’appliquant à la vente des meubles ;

Que pour toutes ces raisons, l’arrêt attaqué doit être censuré par la juridiction suprême ;

3- Troisième branche du moyen tirée de la violation de l’article 253 de l’AUPSRVE :

Les demandeurs exposent que dans le cas de figure, il a été établi qu’il a été procédé à la vente aux enchères publiques du permis d’occuper sus-référencié selon les règles de la saisie mobilière sans au préalable procéder à l’immatriculation alors que l’article 253 du l’Acte Uniforme de l’OHADA-PSRVE fait obligation au créancier de requérir l’immatriculation ; que dès lors, l’adjudication devait être déclarée nulle.

Que l’arrêt attaqué ayant violé les dispositions de l’article susvisé, doit être censuré ;

4- Quatrième branche du moyen tirée de la violation de l’article 144 de

l’AUPSRVE par fausse application des faits :

En ce que les juges du fond, pour motiver leur décision ont visé les dispositions des articles 144 de l’Acte Uniforme de l’OHADA-PSRVE et 2279 du C.Civ français ;

Qu’or, il est constant que ces dispositions ne s’appliquent nullement aux faits qui leur ont été clairement exposés, lesquels ne posent aucun problème par rapport à leur matérialité ; qu’il s’agit d’une demande en annulation d’une vente ayant méconnu tant les règles de droit commun régissant les conditions de validité d’un contrat que les règles régissant la vente en matière immobilière ;

Qu’il est évident que les dispositions de l’article 144 de l’Acte Uniforme susvisé sont relatives à la nullité de la saisie par vice de forme ou de fond autre que l’insaisissabilité des biens et non à une demande d’annulation de vente pour irrégularité de la vente elle-même ;

Que les dispositions de l’article 2279 du Code Civil traitent de la revendication des biens meubles perdus ou volés ;

Que dès lors, il est constant que c’est à tort que les juges du fond ont visé ces dispositions légales qui ne s’appliquent guère aux faits qui leur ont été soumis.

Que pour cela, l’arrêt attaqué encourt la cassation.

III- Troisième moyen tiré du défaut de base légale :

En ce que les juges du fond ont reproduit les dispositions des articles 144 de l’AU-PSRVE et 2279 du Code Civil pour ensuite indiquer « …qu’en l’espèce, la vente intervenue suivant procès-verbal de Maître Zoumana N’Tji Doumbia en date du 16 août 2010 est une vente aux enchères ; qu’en revanche, l’action en annulation de vente a été introduite le 15 mai 2012 ; qu’au regard des dispositions légales ci-dessus spécifiées, il échet de dire que cette action est irrecevable … » ;

Que cette motivation à la fois laconique et inintelligible, ne permet pas à la Cour d’exercer son contrôle sur la régularité de la décision attaquée ;

Que dans le cas d’espèce, il est impossible de déterminer sur quel fondement l’arrêt attaqué a été rendu d’autant plus que les deux dispositions légales à savoir, celles de l’AU et celle de l’article 2279 du Code Civil ne traitent pas de la même matière ; d’où l’incertitude et la confusion par les juges du fond en visant ces deux dispositions ;

Monsieur Aa C, défendeur au pourvoi représenté par Monsieur B a, sous la plume de son conseil Maître Idrissa Bacar Maïga, produit un mémoire en réplique par lequel il demande le rejet du pourvoi.

ANALYSE DES MOYENS

Les demandeurs au pourvoi, sous la plume de leur Conseil, soulèvent trois moyens de cassation tirés du défaut de réponse à conclusions, de la violation de la loi (en quatre branches) et du défaut de base légale.

I - Premier moyen tiré du défaut de réponse à conclusions :

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir refusé de répondre aux conclusions régulièrement déposées par lesquelles, les demandeurs sollicitèrent l’annulation de la vente aux enchères réalisée par Me Zoumana N’Tji Doumbia suivant procès-verbal en date du 16 août 2010 ;

Attendu que l’objet de la présente instance vise précisément à obtenir l’annulation de la vente aux enchères susvisée ;

Que les juges du fond, après avoir énoncé qu’aux termes de l’article 114 de l’AUPSRVE « La nullité de la saisie pour vice de forme ou de fond…. peut être demandée par le débiteur jusqu’à la vente des biens saisis…. » (indiquant par là qu’aucune action en annulation ne peut être poursuivie contre la vente aux enchères) ont conclu à l’irrecevabilité de la requête ;

Qu’en se déterminant ainsi, ils ont nécessairement répondu aux conclusions des demandeurs.

D’où il suit que ce moyen n’est pas fondé ;

II - Sur le deuxième moyen tiré de la violation de la loi :

Attendu que ce moyen se subdivise en quatre branches

1- Sur la première branche du moyen tirée violation de l’article 5 du CPCCS :

Attendu que par cette branche du moyen, les demandeurs reprochent à l’arrêt attaqué d’avoir statué sur la nullité de la saisie alors qu’une telle demande ne lui a pas été présentée ;

Mais attendu que l’arrêt attaqué, n’a pas statué sur la nullité prévue par l’AU de l’OHADA-PSRVE pour indiquer que seule la saisie pouvait faire l’objet d’annulation et non la vente pour en déduire que la demande d’annulation de la vente est irrecevable ;

Qu’il en résulte que cette branche du moyen ne peut pas être accueillie ;

2- Sur la deuxième branche du moyen tirée de la violation des articles 76 et 169 du CDF et 28 du RGO :

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir considéré que la vente aux enchères portait sur le permis d’occuper n°324 bis du 28 mai 1952, alors que ce permis avait été transformé en titre foncier n°201/C.III depuis le 1er février 2008 ; qu’ainsi au moment de la vente intervenue, le 16 août 2010, le permis d’occuper en question n’était plus.

Que dès lors, en se déterminant comme elle l’a fait, la Cour d’Appel a violé les dispositions des articles susvisés ;

Mais attendu que la vente aux enchères publiques a porté sur le permis d’occuper n°324 bis du 28 mais 1952 ; que les contestations relatives à la nature du bien saisi devaient être élevées au moment de la saisie et avant la vente ;

Qu’après la vente, l’irrecevabilité de toute action en annulation de la vente aux enchères publiques fait obstacle à leur appréciation par les juges du fond ;

Que dès lors, ce moyen ne peut prospérer ;

3- Sur la troisième branche du moyen tirée de la violation de l’article 253 de l’AU-OHADA-PSRVE :

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé les dispositions de l’article 253 susvisé qui est ainsi libellé : « Si les immeubles devant faire l’objet de poursuite ne sont pas immatriculés et si la législation nationale prévoit une telle immatriculation, le créancier est tenu de requérir l’immatriculation à la conservation foncière après y avoir été autorisé par décision du Président de la juridiction compétente de la situation des biens, vendus sur requête et non susceptible de recours » ;

Mais attendu que comme rappelé précédemment, l’arrêt attaqué n’a pas statué sur le fond de l’affaire, se bornant à dire que l’action en annulation de la vente aux enchères publiques est irrecevable ;

Que dès lors, il ne peut lui être reproché d’avoir violé les dispositions de l’article susvisé ;

D’où il suit que cette branche du moyen n’est pas fondée ;

4- Sur la quatrième branche du moyen tirée de la violation de l’article 144 de l’AU-PSRVE par fausse application :

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir violé les dispositions de l’article susvisé qui sont relatives à la nullité de la saisie pour vice de forme ou de fond, en les appliquant à une demande en annulation de vente aux enchères publiques ;

Attendu que l’article 144 de l’AU-OHADA- PSRVE dont la violation est alléguée est ainsi libellé : « La nullité de la saisie pour un vice de forme ou de fond autre que l’insaisissabilité des biens compris dans la saisie, peut être demandée par le débiteur jusqu’à la vente des biens saisis… si la saisie est déclarée nulle avant la vente, le débiteur peut demander la restitution du bien saisi s’il se trouve détenu par un tiers… si la saisie est déclarée nulle après la vente, mais avant la distribution du prix, le débiteur peut demander la restitution du produit de la vente… ».

Attendu qu’il résulte de ces dispositions que si une action en nullité peut être formée contre la saisie, il n’en est pas de même contre la vente aux enchères publiques puisqu’il n’est plus possible de revenir sur celle-ci et sur les droits valablement acquis par l’adjudicataire ;

Que dès lors en se servant des dispositions de l’article susvisé pour démontrer qu’une action en annulation de vente aux enchères est irrecevable, l’arrêt attaqué, loin de les avoir violés, en a fait une exacte application ;

D’où il suit que cette branche du moyen n’est pas fondée ;

III- Sur le troisième moyen tiré du défaut de base légale :

Attendu que les demandeurs reprochent à l’arrêt attaqué d’avoir manqué de base légale pour s’être borné à reproduire les dispositions des articles 144 de l’AU-PSRVE et 2279 du Code Civil pour ensuite indiquer que « …la vente intervenue suivant procès-verbal de Me Zoumana N’Tji DOUMBIA en date du 16 août 2010 ; qu’en revanche, l’action en annulation de vente a été introduite le 15 mai 2012 ; qu’au regard des dispositions légales ci-dessus spécifiées, il échet de dire que cette action est irrecevable… » ;

Attendu comme expliqué plus haut, l’arrêt attaqué s’est fondé sur les dispositions de l’article 144 de l’AU-OHADA-PSRVE pour soutenir que la demande en annulation d’une vente aux enchères est irrecevable ;

Qu’en visant l’article 2279 du Code Civil, il a voulu signifier que la vente ayant porté sur permis d’occuper, meuble par excellence, la demande d’annulation n’a pas été formée dans le délai requis ;

Que dès lors, en se déterminant comme elle l’a fait, la Cour d’Appel a légalement justifié sa décision ;

…Le rejette ;…


Synthèse
Numéro d'arrêt : 33
Date de la décision : 09/02/2015

Analyses

Annulation de vente aux enchères publiques.


Origine de la décision
Date de l'import : 06/03/2020
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ml;cour.supreme;arret;2015-02-09;33 ?
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