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12/01/2015 | MALI | N°15

Mali | Mali, Cour suprême, 12 janvier 2015, 15


Texte (pseudonymisé)
2ème CHAMBRE CIVILE

Arrêt n°15 du 12 0101 / 2015

Réparation de préjudice.

Sommaire :

Moyen de cassation : Excès de pouvoir. Violation de la loi. Manque de base légale. Commet un excès de pouvoir, l’arrêt qui confirme le jugement d’un tribunal civil prononçant la mainlevée d’une saisie conservatoire ordonnée par un tribunal de commerce.

1°) Faits et procédure :

Par acte en date du 15 Avril 2013, A assignait A devant le Tribunal de Première Instance de la Commune

II du District de Bamako en réparation de préjudice.



A l’appui de son assignation, il expliquait que A ...

2ème CHAMBRE CIVILE

Arrêt n°15 du 12 0101 / 2015

Réparation de préjudice.

Sommaire :

Moyen de cassation : Excès de pouvoir. Violation de la loi. Manque de base légale. Commet un excès de pouvoir, l’arrêt qui confirme le jugement d’un tribunal civil prononçant la mainlevée d’une saisie conservatoire ordonnée par un tribunal de commerce.

1°) Faits et procédure :

Par acte en date du 15 Avril 2013, A assignait A devant le Tribunal de Première Instance de la Commune II du District de Bamako en réparation de préjudice.

A l’appui de son assignation, il expliquait que A s’est engagé à transporter pour son compte quatre cent cinquante (450) sacs de maïs de Niélé (République de Côte d’Ivoire) à Dakar au Sénégal pour un prix global de un million trois cent cinquante mille (1.350.000) francs CFA. Aucun paiement d’avance n’était prévu au moment de la conclusion du contrat. Le Camion avait quitté Bingué le 20 février 2013 et n’est arrivé à Bamako que le 15 Mars 2013.

Suite à un différend portant sur le paiement d’une avance et des frais de stationnement du véhicule, les deux cocontractants n’ont pu s’entendre pour acheminer la marchandise sur Dakar. A exigeait le paiement de la somme de neuf cent cinquante mille (950.000) FCFA tandis que A proposait le paiement de la somme de sept cent cinquante mille (750.000) FCFA.

C’est dans ces conditions que A recevait la notification d’un procès verbal de saisie conservatoire de son maïs.

A fixait à cinq millions (5.000.000) FCFA le montant du préjudice subi. Quant à A, il expliquait avoir loué son véhicule à A pour transporter son maïs se trouvant dans une localité du Nord de la Côte d’Ivoire à Bamako. Le contrat était conclu pour un durée de 10 jours et un montant de deux millions huit cent soixante quinze mille (2.875.000) FCFA. Le camion a été mis à sa disposition fin janvier 2013 et était utilisé sur le territoire ivoirien par A, en violation des termes du contrat et ce, jusqu’au 15 mars 2013.

En conclusion, A demandait de débouter A de sa demande, le condamner au paiement du prix du transport convenu et de deux millions (2.000.000) F CFA à titre de réparation de préjudice.

Par jugement n°458 du 17 juillet 2013, le Tribunal civil de la Commune II du District de Bamako déboutait A de sa demande reconventionnelle et le condamnait à payer à A, la somme de trois millions à titre de réparation de préjudice, ordonner la restitution de la marchandise sous astreinte de vingt cinq mille (25.000) FCFA par jour de retard.

Sur appel de A, la Cour d’appel de Bamako, a par arrêt n°499 du 11 juin 2014 confirmé le jugement entrepris.

C’est contre cette décision, qu’est dirigé le présent pourvoi.

2°) EXPOSE DES MOYENS DE CASSATION :

Le demandeur au pourvoi par l’entremise de ses conseils Maître Ousmane A. Bocoum et Maître Moussa Maïga, soulèvent à l’appui du pourvoi les moyens de cassation ci-après :

2 - 1 Premier moyen tiré de l’excès de pouvoir

En ce que le juge du Tribunal civil de la Commune II du District de Bamako a ordonné la restitution d’une marchandise régulièrement saisie suivant une ordonnance du Tribunal de commerce de Bamako ; il invoque au soutien de ce moyen une jurisprudence de la Cour Suprême selon laquelle « l’excès de pouvoir est la transgression par le juge, compétent pour connaître du litige, d’une règle d’ordre public par laquelle la loi a circonscrit son autorité ». L’excès de pouvoir est établi « lorsque le juge a cessé de faire œuvre juridictionnelle pour se conduire en législateur, en administrateur ou pour commettre un abus de force et lorsqu’il méconnait les principes sur lesquels, repose l’organisation de l’ordre judiciaire ».

En conséquence Maître Ousmane A. Bocoum demande la cassation sans renvoi et ce en application de l’article 651 du Code de Procédure Civile, Commerciale et Sociale.

2-2 Deuxième moyen tiré de la violation de la loi en deux branches :

Première branche tirée de la violation de l’article 294 du Régime Générale des Obligations

En ce que malgré l’aveu de A qui a proposé le paiement de la somme de sept cent cinquante mille (750.000) francs CFA contre neuf cent cinquante mille (950.000) francs CFA réclamée par A pour couvrir les frais du tronçon Bingué (RCI)- Bamako, le juge a trouvé le moyen de le débouter de sa demande reconventionnelle. En présence de cet aveu et en exigeant à A de faire la preuve de ses prétentions, l’arrêt viole les dispositions de l’article 9 du CPCCS ; par voie de conséquence Maître Bocoum sollicite l’annulation de la décision entreprise ;

Deuxième branche tirée de la violation de l’article 275 CPCCS

En ce que la sommation interpellative du 15 avril 2013 servie à B à la demande de A ne comporte ni son identité, ni sa signature, formalités essentielles pour sa validité ; que ce faisant l’arrêt attaqué a fait une fausse application de l’article 215 du CPCCS.

2-3 Troisième moyen de cassation : Du manque de base légale

En ce que Y., courtier en transport et intermédiaire entre les deux parties a été successivement interpellé par acte d’huissier à la requête de A et A. Les réponses données sont contradictoires et malgré tout l’arrêt attaqué retient que « …. Le sieur Y., seul témoin ayant assisté à la conclusion du contrat verbal de transport, a confirmé intégralement les allégations de A… » ; que d’après le pourvoi, une telle motivation ne permet pas à la Cour de savoir avec qui C traité ; qu’en se déterminant ainsi, l’arrêt prive sa motivation de cohérence et manque de base légale et cela doit entrainer la censure de la Cour.

2-4 Premier moyen tiré de la violation de la loi :

En ce qu’en vertu des articles 54, 56 et 62 AUPSRVE, A a fait pratiquer une saisie conservatoire sur la marchandise objet du litige par le Tribunal de Commerce de Bamako.

A avait saisi le Tribunal de commerce d’une demande de main levée de saisie qui a été rejetée par ce Tribunal. Malgré cette décision et le fait que le maïs se trouve sous main de justice, le Tribunal civil de la Commune II de Bamako a ordonné la livraison du maïs sous astreinte de vingt cinq mille (25.000) francs CFA par jour de retard ; la mainlevée et la livraison du maïs à A ne peuvent être ordonnées que conformément aux articles 62 et suivants de l’Acte Uniforme portant Organisation des Procédures Simplifiées de Recouvrement et les Voies d’Exécution ; que dès lors, selon le pourvoi, l’arrêt confirmatif attaqué mérite d’être cassé pour refus d’application, fausse application et interprétation erronée des dispositions des articles 54, 56 et 62 de l’Acte Uniforme OHADA suscité.

2- 5 Du défaut de base légale

En ce que les motifs de l’arrêt entrepris sont imprécis, incomplets et insuffisants et ne permettent pas à la Haute Juridiction d’exercer son contrôle ;

La Cour d’appel, pour condamner A s’est fondée sur un procès-verbal d’interpellation en date du 15 avril 2013 de Y. qu’elle déclare seul témoin de l’opération. D’après le pourvoi le témoin n’a jamais tenu les propos qu’on lui prête ; en effet, sommé par acte de Maître Mamadou Balla Camara, Huissier de justice, à la requête de A, Y. a déclaré que A n’a pas été sérieux et honnête dans cette affaire et que ses propos sont mensongers.

Le demandeur au pourvoi estime que dès lors que les déclarations X ont été contestées dans les mêmes formes que celles dont la Cour d’Appel prend argument, son témoignage ne peut plus être retenu contre une des parties. En retenant la seule interpellation du 15 avril 2013 et en refusant de se prononcer sur celle du 23 mai 2013 et sans donner une justification à cette position, la Cour d’appel de Bamako ne permet pas à la Cour Suprême de contrôler les motifs et le bien fondé de sa décision.

Par ailleurs, l’arrêt entrepris retient contre A la violation de l’article 16 du Traité OHADA, or, la présente procédure est relative à une réparation de préjudice et non à une injonction de payer ;

Que l’arrêt ne précise pas en quoi A a violé les dispositions de cet article 16 du Traité de l’OHADA ;

Enfin, l’arrêt entrepris confirme la restitution du maïs par A à A en ignorant l’existence de l’ordonnance n°67 du 20 mars 2013 du Tribunal de Commerce de Bamako ; Il s’ensuit que les motifs de l’arrêt déféré sont à la fois imprécis, incomplets et insuffisants ; Ainsi, les conseils de A concluent à la cassation de l’arrêt n°499 du 11 juin 2014 de la Cour d’appel de Bamako.

Maître Souleymane Konaré, Conseil du défendeur au pourvoi a répliqué en estimant que les moyens soulevés à l’appui du pourvoi sont inopérants et doivent être rejetés ;

3°) Analyse du moyen unique de cassation

3 - 1 Moyen tiré de l’excès de pouvoir

Attendu selon le pourvoi qu’il est reproché à l’arrêt confirmatif attaqué d’avoir ordonné la restitution du maïs alors que celui-ci était régulièrement saisi suivant une décision en bonne et due forme du Tribunal de Commerce de Bamako, seul compétent en l’espèce ;

Attendu que l’excès de pouvoir est constitué « lorsque le juge méconnait les principes sur lesquels, repose l’organisation de l’ordre judiciaire…. » ; (voir arrêt n°164 du 7 Juillet 2014 de la Cour Suprême du Mali) ; ou d’après une jurisprudence constante « quant il sort du cercle de sa compétence ».

Attendu qu’en l’espèce, en ignorant l’ordonnance n°067 du 20 mars 2013 du Président du Tribunal de Commerce de Bamako qui avait ordonné la saisie conservatoire de la marchandise, la formation civile de la Cour d’appel en confirmant la restitution d’une marchandise sous main de justice et en cautionnant une « transhumance judiciaire » permettant à un plaideur qui a succombé devant sa juridiction naturelle, le Tribunal de Commerce de se retrouver devant une juridiction de droit commun et obtenir ce qui lui a été refusé par la juridiction normalement compétente, commet un excès de pouvoir qui mérite d’être sanctionné ; qu’il s’ensuit que ce premier moyen peut prospérer ;

3 - 2 Du moyen tiré de la violation de la loi :

Première branche tirée de la violation de l’article 294 du Régime Générale des Obligations

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’avoir exigé de A de faire la preuve de ses prétentions alors qu’il résulte du propre aveu de A qu’il doit sept cent cinquante mille (750.000) FCFA qu’il offre de payer et que A conteste en estimant le montant dû à la somme de neuf cent cinquante mille (950.000) FCFA ;

Attendu qu’en soutenant que Y, seul témoin ayant assisté à la conclusion du contrat a confirmé intégralement les allégations de A ; qu’à l’opposé A ne produit ni témoin, ni autre moyen au soutien de ses affirmations, la Cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales des éléments de preuve découlant du dossier ;

Qu’en effet, il est constant et non contesté qu’il s’agit d’un contrat synallagmatique mettant à la charge de chacune des parties des obligations : celles d’amener la marchandise au lieu convenu pour le transporteur et celle de payer le prix pour le destinataire du produit ; qu’en l’espèce, le destinataire ayant proposé de payer sept cent cinquante mille (750.000) francs CFA pour le tronçon déjà effectué de la Côte d’Ivoire à Bamako, l’exigence de preuve ne peut plus s’expliquer surtout que les deux parties ont produit chacune une sommation interpellative dans lesquelles, le témoin A.K a fait des déclarations contradictoires ; qu’il est dès lors surprenant que la Cour d’appel privilégié une sommation au détriment de l’autre et cela sans la moindre explication justifiant son choix ;

Attendu en conséquence que ce moyen aussi peut être accueilli ;

Deuxième branche tirée de la violation de l’article 215 du CPCCS

 Le pourvoi reproche à l’arrêt attaqué d’avoir pris en considération le témoignage B contre A alors que la pièce produite ne comporte ni son identité, ni sa signature ;

Attendu que l’article 215 du CPCCS dispose que « Les attestations doivent être établies par des personnes qui remplissent les conditions requises pour être témoins ».

Mais attendu cependant sur cette deuxième branche du second moyen que l’identité B est bien indiquée même si les lieu de naissance et demeure exigés par l’article 216 du CPCCS ne figurent pas dans la déclaration ; que ces formalités n’étant pas prescrites à peine de nullité, leur inobservation ne peut donner lieu à cassation ; il convient de le rejeter surtout qu’en ce qui concerne l’absence de signature l’huissier a mentionné « s’abstient de signer et accepte de prendre copie ».

Attendu, en conséquence que cette branche du moyen ne saurait prospérer ;

3-3 Troisième moyen tiré du manque de base légale

Ce moyen de cassation ayant été soulevé par les deux conseils fera l’objet d’une seule analyse.

Attendu que le pourvoi reproche à l’arrêt attaqué de manquer de base légale en ce que le témoin Y. a donné deux versions contradictoires et malgré tout la Cour d’appel en retenant une seule, prive sa décision de cohérence et manque de base légale ;

Attendu qu’il est de principe qu’une Cour d’appel qui confirme une décision d’une juridiction de première instance par adoption de motifs doit non seulement compléter les motifs qui lui paraissent insuffisants ou incomplets, mais aussi redresser, corriger et améliorer le raisonnement imprécis ou inapproprié par une démarche juridique adoptée aux circonstances de la cause ; Or, la Cour d’appel n’a nullement cherché à corriger les lacunes et insuffisances du premier jugement ;

Attendu en l’espèce qu’en se contentant d’une clause de style de type « La Cour fait sienne l’analyse faite par le premier et adopte en conséquence le résultat auquel il a abouti à savoir la violation par A de l’article 16 du Traité OHADA entrainant une juste et bonne réparation conformément à l’article 132 du RGO » la Cour d’appel de Bamako ne permet pas à la Cour régulatrice d’exercer son contrôle ; en effet aucune démonstration sérieuse ne soutend la conclusion à laquelle elle est parvenue et par ailleurs l’article 16 du Traité OHADA du 17 Octobre 1993 doit être nettement distingué de l’article 16 des Actes Uniformes de l’OHADA. Que l’article 16 du Traité affirme la supériorité de la CCJA sur les juridictions nationales de cassation et n’a aucun rapport avec les demandes présentées et ne peut justifier la condamnation de A.

Attendu qu’il résulte de ce qui précède que cet autre moyen peut être accueilli ;

3-4 Moyen de cassation tiré de la violation de la loi en ce qu’il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir refusé d’appliquer ou fait une mauvaise application des articles 54, 56 et 62 de l’Acte Uniforme portant Organisation de Procédures Simplifiées de Recouvrement et des Voies d’Exécution ;

Attendu que l’application de ces articles n’a pas été expressément demandée par la partie qui s’en prévaut ; que par ailleurs le juge ne les ayant pas appliqués et n’entrant pas dans le champ d’application de la cause, il convient de rejeter le moyen ;

 …Casse et annule l’arrêt déféré ;

Renvoie la cause et les parties devant la Cour d’appel de Bamako autrement composée ;…


Synthèse
Numéro d'arrêt : 15
Date de la décision : 12/01/2015

Analyses

Réparation de préjudice.


Origine de la décision
Date de l'import : 06/03/2020
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ml;cour.supreme;arret;2015-01-12;15 ?
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