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18/11/2014 | MALI | N°31

Mali | Mali, Cour suprême, 18 novembre 2014, 31


Texte (pseudonymisé)
CHAMBRE COMMERCIALE

ARRET N° 31 DU 18 Novembre 2014.

Réclamation de colis ou sa contre valeur.

SOMMAIRE:

-le contrat de transport ne fait pas peser sur le transporteur une présomption de faute lourde et de mauvaise foi.

-le juge ne donnant pas les éléments d’appréciation ou les bases de calcules pour chiffrer le préjudice, n’a pas suffisamment motivé sa décision.

FAITS ET PROCEDURE :

Le 30 janvier 2014, le sieur A, commerçant de son état, empruntait à Mopti un car de la Compagnie Bani-Transport

pour se rendre Bamako. Avant de s’embarquer il se fit délivrer un billet à 8000 F CFA et enregistra ses b...

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRET N° 31 DU 18 Novembre 2014.

Réclamation de colis ou sa contre valeur.

SOMMAIRE:

-le contrat de transport ne fait pas peser sur le transporteur une présomption de faute lourde et de mauvaise foi.

-le juge ne donnant pas les éléments d’appréciation ou les bases de calcules pour chiffrer le préjudice, n’a pas suffisamment motivé sa décision.

FAITS ET PROCEDURE :

Le 30 janvier 2014, le sieur A, commerçant de son état, empruntait à Mopti un car de la Compagnie Bani-Transport pour se rendre Bamako. Avant de s’embarquer il se fit délivrer un billet à 8000 F CFA et enregistra ses bagages composés de 5 colis au verso dudit billet après paiement de 3000 F CFA. Arrivé à destination, Aconstata la perte d’un de ses colis. Les recherches et réclamations n’ayant pu permettre de retrouver ledit colis, Aassigna la Compagnie Bani –Transport en réclamation de colis ou sa valeur devant le tribunal de commerce de Mopti.

Par jugement n°03 du 07 avril 2014,le tribunal a condamné la Compagnie Bani-Transport à restituer à Ale colis ou sa valeur fixée à 1.312.500 F CFA et à lui payer la somme de 600.00 F CFA à titre de dommages et intérêts. C’est contre ce jugement que le conseil de la Compagnie Bani –Transport a formé pourvoi.

EXPOSE DES MOYENS :

Le conseil de la demanderesse soulève deux moyens de cassation tirés l’un de la violation de la loi en deux branches et l’autre du défaut de base légale.

I. DE LA VIOLATION DE LA LOI :

A) VIOLATION DE l’ARTICLE 8 DE L’ACTE UNIFORME RELATIF AUX CONTRATS DE TRANSPORT DE MARCHANDISES PAR ROUTE :

En ce que le jugement a retenu la responsabilité de la Compagnie Bani –Transport en la condamnant au paiement de la valeur du colis et des dommages et intérêts ;

Alors qu’il est mentionné noir sur blanc au verso du ticket de voyage produit par Alors de l’enregistrement des bagages que « la compagnie décline toute responsabilité dans les cas ci-dessous :- bagages non enregistrés ; -objets de valeur ou argent dans les bagages.

Que l’article 8-4, dispose que « l’expéditeur qui remet au transporteur des documents, des espèces ou des marchandises de grande valeur, sans en avoir fait connaitre au préalable la nature ou la valeur, est responsable de tout préjudice en raison de leur transport. Le transporteur n’est pas tenu de transporter des documents, des espèces ou des marchandises de grande valeur .S’il transporte ce type de marchandises, il n’est responsable de la perte que dans le cas où la nature ou la valeur du bien lui a été déclarée. La déclaration mensongère qui trompe sur la nature ou la valeur du bien exonère le transporteur de toute responsabilité ».

Que Aréclame des objets de grande valeur à savoir selon lui des colliers de perles, des boules d’ébène et des boules en nickel, alors même que l’existence et la nature de tels objets n’ont jamais été déclarées lors de l’enregistrement des cinq colis.

Qu’en faisant totalement abstraction de cette obligation de déclaration préalable pesant sur l’expéditeur, obligation dont l’inobservation exonère le transporteur de toute responsabilité, et en soutenant malgré cette constance que la prétendue perte du colis serait imputable à la Compagnie Bani –Transport, le jugement entrepris a violé l’article 8-4 précité en refusant de l’appliquer à une situation qui rentre pourtant dans son champ d’application et s’expose à la censure de la haute cour.

Que le jugement pour cette raison mérite la censure.

B. VIOLATION DES ARTICLES 77 ET 264 DU RGO ET 9 DU CPCCS :

En ce que le jugement dans ses motifs a soutenu qu’il est établi péremptoirement eu égard aux arguments ci-dessus développés qu’il y a une présomption de faute lourde commise par ce transporteur de métier qu’est « Bani –Transport » au sens des dispositions de l’article 77 du RGO et qu’en l’espèce le transporteur a manqué à l’obligation de bonne foi et de sécurité résultant envers son cocontractant.

Alors qu’il n’existe aucune obligation conventionnelle ou légale pour un transporteur d’assumer la responsabilité de la perte d’objets de valeur non déclarés même si les colis qui les contenaient ont été enregistrés.

Que l’article 77 du RGO n’a pas vocation à régir cette situation.

Que dès l’instant où il n’existe ni dans le contrat, ni dans une quelconque disposition légale une obligation de prise en charge pour Bani Transport d’objets de valeur non déclarés lors de leur enregistrement ,le juge d’instance, en retenant que Bani Transport a violé une telle obligation, a mal qualifié les faits et a violé l’article 77 du RGO .

Que contrairement à ce que soutient le jugement, la mauvaise foi ne se présume pas mais doit être prouvée comme indiqué à l’article 264 du RGO qui dispose que « la bonne foi est toujours présumée et c’est à celui qui allègue la mauvaise foi de la prouver », tout comme la faute lourde.

Qu’en condamnant Bani Transport sur une simple présomption de faute lourde et de mauvaise foi non prouvée, le jugement entrepris viole les dispositions de l’article 264 du RGO et 9 du cpccs qui impose à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ;

Que de ce fait le jugement s’.expose à la censure de la cour suprême.

II DU DEFAUT DE BASE LEGALE :

En ce que le jugement a condamné au paiement de la somme colossale de 1.312.500 F CFA à titre de contre valeur des objets prétendument perdus et de 600.000 F CFA à titre de dommages –intérêts, sans indiquer les bases de calcul et les éléments d’appréciation pouvant justifier l’existence et la nature du préjudice allégué et les bases d’évaluation du montant octroyé.

Que de tels éléments n’ont jamais été apportés, le sieur Aayant produit une simple liste de produits, établie de façon unilatérale après le voyage , non signée ,non cachetée et non datée ,pour les besoins de la procédure.

Que le tribunal se devait de rechercher ces éléments de preuve pour justifier sa décision.

Qu’ainsi le jugement attaqué souffre d’une insuffisance de recherche de tous les éléments de faits qui justifient l’application des articles 123 et 124 du RGO ;

Que pour cela le jugement s’expose à la censure.

Le conseil du défendeur a conclu au rejet du pourvoi comme étant mal fondé.

ANALYSE :

I DE LA VIOLATION DE LA LOI :

A.) VIOLATION DE L’ARTICLE 8 DE L’ACTE UNIFORME RELATIF AUX CONTRATS DE TRANSPORT DE MARCHANDISES PAR ROUTE :

Attendu qu’il est reproché au jugement attaqué la violation de l’article 8-4 de l’acte uniforme relatif aux contrats de transport de marchandises par route en ce qu’il a retenu la responsabilité du transporteur dans la perte d’objets de valeur non déclarés au moment de l’enregistrement des bagages.

Attendu que cet article parle de transport de marchandises de grande valeur non déclarée au transporteur pour que celui-ci ne soit pas tenu responsable en cas de perte ;

Mais attendu que cet article ne donne aucune indication du niveau à partir duquel il faut considérer que telle marchandise est une marchandise de grande valeur.

Attendu qu’en l’espèce le jugement a condamné la Compagnie Bani Transport à restituer le colis composé d’objet d’arts ou sa contre valeur évaluée à 1.312 500 F CFA sans spécifier s’il s’agit d’objet de grande valeur.

Que la notion d’objet de grande valeur n’étant pas précisée par le texte, son appréciation relève du pouvoir souverain des juges du fond.

Que dans ces conditions on ne saurait reprocher au juge du fond la violation des dispositions de l’article 8-4 de l’acte uniforme relatif aux contrats de transport de marchandises par route.

B. VIOLATION DES ARTICLES 77 ET 264 DU RGO AINSI QUE 9 DU CPCCS :

Attendu qu’il est fait grief au jugement entrepris d’avoir violé les dispositions des articles 77 et 264 du RGO et 9 du cpccs en ce qu’il a condamné sur la base d’une simple présomption de faute lourde et de mauvaise foi du transporteur dans l’exécution du contrat liant les parties, ce par une mauvaise application de l’article 77 du RGO ;

Attendu que le contrat de transport est un contrat synallagmatique imposant des obligations réciproques à chaque cocontractant dont la mauvaise exécution engage la responsabilité de son auteur selon les cas.

Attendu que le jugement a retenu une présomption lourde de faute et de mauvaise foi du transporteur en se fondant sur les articles 77 et 264 du RGO ;

Attendu que l’article 77 traite des conventions librement formées qui doivent être exécutée de bonne foi.

Que l’article 264 stipule que « la bonne foi est toujours présumée, c’est à celui qui allègue la mauvaise foi de la prouver ».

Que l’article 9 du CPCCS quant à lui dispose « qu’il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ».

Attendu que le jugement attaqué, en retenant qu’il y a une présomption de faute lourde et de mauvaise foi sur le fondement des articles 77 et 264, viole la loi ,ces textes ne prévoyant aucune présomption..

Attendu que l’article 9 du CPCCS ne prévoit d’obligation qu’à la charge des parties.

Qu’il ne peut donc être reproché au juge la violation d’un tel texte.

Qu’il y a lieu alors d’accueillir la branche du moyen pour la violation des articles 77 et 264.

II.) DU DEFAUT DE BASE LEGALE :

Attendu qu’il est reproché au jugement un défaut de base légale pour avoir condamné au paiement de la somme colossale de 1.312.500F à titre de restitution CFA et 600.000 F CFA de dommages –intérêts sans rechercher les éléments d’appréciation permettant de justifier l’existence et la nature du préjudice allégué. .

Attendu que pour accorder les montants ci-dessus le jugement énonce « attendu que dès lors, il s’en suit que la perte du colis litigieux est dû à la faute commise par la défenderesse qui n’a pas exécuté toutes les obligations mises à sa charge par le contrat de transport qu’elle a conclu avec le requérant ; qu’il echet de la condamner à remettre à celui-ci soit le colis avec tout son contenu soit à lui payer 1.312.500 F CFA représentant sa contre valeur.

Attendu qu’il y a lieu de condamner « Bani Transport » à payer à Ala somme de 600.000 F CFA à titre de dommages-intérêts compensatoire du préjudice certain qu’il a subi à cause de l’attente de ses marchandises contenues dans l’emballage perdu depuis le 30 janvier 2014 et ce conformément aux dispositions des articles 123 et 124 du RGO  ; que ce faisant il sied de débouter Monsieur Adu surplus de sa demande de ce chef comme non justifié ».

Attendu qu’à travers cette motivation le jugement ne donne aucune explication sur le préjudice en fournissant les éléments d’appréciation ou les bases de calcul ayant permis de retenir ces montants, aucune facture ne figurant au dossier, et le calcul de l’indemnité due en cas de perte devant se faire selon l’article 19 de l’acte uniforme relatif au contrat de transport de marchandises par route.

Qu’il y a lieu donc de retenir que le jugement est insuffisamment motivé et encourt la censure.

…Casse et annule le jugement entrepris ;

Renvoie la cause et les parties devant le Tribunal de Commerce de Mopti autrement composée ;…


Synthèse
Numéro d'arrêt : 31
Date de la décision : 18/11/2014

Analyses

Réclamation de colis ou sa contre valeur.


Origine de la décision
Date de l'import : 06/03/2020
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ml;cour.supreme;arret;2014-11-18;31 ?
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