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22/07/2014 | MALI | N°21

Mali | Mali, Cour suprême, 22 juillet 2014, 21


Texte (pseudonymisé)
CHAMBRE COMMERCIALE

ARRET N° 21 DU 22 juillet 2014.

Réparation de préjudice.

SOMMAIRE : principe de l’immutabilité du litige :

Le juge ne peut l’ignorer sans encourir la cassation.

Par ailleurs, il ne peut avoir autorité de la chose jugée qu’entre les mêmes parties, pour la même cause et pour le même objet.

FAITS ET PROCEDURE :

La Compagnie Cotonnière Ivoirienne (LCCI-SA), qui a pour vocation la vulgarisation du coton et sa distribution sus les marchés internationaux, entretenait des rapports de collaboration avec les producteu

rs de coton regroupés en association ou coopérative selon les localités. Dans le cadre de la campagne 2003-...

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRET N° 21 DU 22 juillet 2014.

Réparation de préjudice.

SOMMAIRE : principe de l’immutabilité du litige :

Le juge ne peut l’ignorer sans encourir la cassation.

Par ailleurs, il ne peut avoir autorité de la chose jugée qu’entre les mêmes parties, pour la même cause et pour le même objet.

FAITS ET PROCEDURE :

La Compagnie Cotonnière Ivoirienne (LCCI-SA), qui a pour vocation la vulgarisation du coton et sa distribution sus les marchés internationaux, entretenait des rapports de collaboration avec les producteurs de coton regroupés en association ou coopérative selon les localités. Dans le cadre de la campagne 2003-2004, ladite société avait signé différents conventions dites « contrats de production » avec les associations ou coopératives de la région nord de la Côte d’Ivoire. Par ces contrats la société cotonnière ivoirienne avait préfinancé la production par la livraison des intrants et l’encadrement technique des paysans. En contrepartie les différents de paysans s’étaient engagés à lui vendre leur production de coton.

Malheureusement la production de ses cocontractants s’est volatilisée.

Les investigations menés lui auraient permis d’apprendre que les coopératives de production de coton de Nassoulou, Zégoua et de Komoro avaient démarché les coopératives de production de coton de Côte d’Ivoire qui avaient signé des contrats avec elle de l’achat et la commercialisation de leur coton par la C.M.D.T.

Suite à un procès –verbal de constat de l’huissier de Korhogo, de l’enquête diligentée par le pôle économique de Bamako et une correspondance de la Direction de la douane à la C.M.D.T révélant « l’infiltration du coton ivoirien du Mali » et une contrebande s’agissant d’importation en violation du code des douanes, LCCI a estimé qu’elle a subi un préjudice et a initié une procédure en contrebande déloyale contre le CMDT. Cette procédure n’a pu prospérer, la C.M.D.T ayant selon elle, formellement affirmé devant les juridictions que ce sont les coopératives présentement mises en causes en cause qui ont orchestré le détournement frauduleux de la production des associations de producteurs en Côte d’Ivoire.

Après cette première procédure, LCCI-SA a initié une procédure en réparation de préjudice contre les coopératives de production de coton de Nassoulou, de Zégoua et de Komoro pour leurs agissements parasitaires.

Le Tribunal de Kadiolo par jugement n° 007 et n° 009 respectivement des 31 janvier et 22 février 2013 a débouté LCCI-SA de sa demande. Sur appel de la Compagnie Cotonnière Ivoirienne, la Cour d’Appel de Bamako par arrêt n° 061 du 06 novembre 2013 a confirmé le jugement querellé. C’est cet arrêt qui fait l’objet du pourvoi formé par LCCI-SA.

EXPOSE DES MOYENS DE CASSATION :

Les conseils de la Compagnie cotonnière ivoirienne soulèvent deux moyens de cassation tirés de la violation de l’article 5 du CPCCS et du défaut de base légale en deux branches.

I DE LA VIOLATION DE L’ARTICLE 5 DU CPCCS :

En ce que les juges du fond ont porté le litige sur le terrain de la responsabilité contractuelle en s’évertuant à rechercher l’existence ou pas d’un contrat entre les parties ;

Alors qu’ils sont saisis d’une action en responsabilité délictuelle pour parasitisme.

Que selon l’article 5 du CPCCS « le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé ».

Que l’article 4 du même code précise que « l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. Ces prétentions sont fixées par la requête introductive d’instance et par les conclusions sn défense. Toutefois, l’objet du litige peut être modifié par les demandes incidentes lorsque celles-ci se rattachent aux prétentions originelles par un lien suffisant ».

Que l’arrêt a même relevé que c’est la responsabilité délictuelle qui est recherchée en indiquant « considérant que la Compagnie Cotonnière Ivoirienne (LCCI-SA) sollicite d’engager la responsabilité civile délictuelle de la coopérative des producteurs maliens de Nassoulou, Zégoua et de Komoro, de même que celle de la CMDT ».

Que malgré tout l’arrêt s’est évertué à démontrer qu’il n’existe pas de contrat entre les parties en cause.

Qu’il y a violation de la loi lorsque « les motifs donnés, qui sont de fait et de droit, soit de droit, se trouvent à justifier légalement la solution qui a été adoptée au regard de la règle ou du texte applicable ». Que la violation d’un principe général de droit est aussi assimilée à la violation de la loi.

Qu’en l’espèce il appert des constatations de l’arrêt une confusion entre la responsabilité contractuelle et la responsabilité délictuelle.

Que selon la jurisprudence, la Cour de cassation censure cette confusion de la responsabilité contractuelle et de la responsabilité délictuelle.

Que les juges saisis d’une responsabilité délictuelle ne peuvent pas en appliquer une autre.

Qu’il s’ensuit qu’il y a violation manifeste du principe de l’immutabilité du litige posé par l’article 5 du CPCCS.

Qu’en conséquence l’arrêt querellé encourt la censure de la haute cour.

II DU DEFAUT DE BASE LEGALE

PREMIERE BRANCHE : SUR L’AUTORITE DE LA CHOSE JUGEE :

En ce que l’arrêt a retenu qu’il y a autorité de chose jugée en ce qui concerne la CMDT, un pourvoi ayant été rejeté selon l’arrêt n° 035 du 29 décembre 2011 de la Cour Suprême dans une instance en réparation de préjudice opposant la dite CMDT à LCCI-SA ;

Alors que ce principe exige la réunion de la triple identité de cause, d’objet et de parties.

Que la CMDT avait été assignée pour concurrence déloyale et parasitisme sont deux concepts différents en droit.

Que selon la jurisprudence tout changement des circonstances de faits peut exclure l’identité de cause.

Qu’en plus depuis longtemps la jurisprudence admet que les diverses dispositions légales servant de base à une action en responsabilité civile constituent autant de causes différentes.

Qu’en l’espèce l’arrêt attaqué n’a pas justifié la réunion des trois éléments pour aboutir à l’application du principe de l’autorité de la chose jugée.

Qu’il est de jurisprudence établie que « quelque soit leur appréciation les juges doivent motiver l’existence ou l’absence de cause à peine de cassation pour manque de base légale ».

Qu’en retenant qu’il y a autorité de la chose jugée sans justifier que les trois conditions exigées sont réunies, les juges d’appel ne donnent pas de base légale à leur décision qui encourt de ce fait la censure de la haute juridiction.

DEUXIEME BRANCHE : SUR L’ADMINISTRATION DE LA PREUVE :

En ce que l’arrêt querellé a soutenu que LCCI-SA n’a pas administré la preuve des faits nécessaires au succès de ses prétentions ;

Alors qu’il a été versé au dossier :

-le procès verbal d’enquête préliminaire sur « l’infiltration du coton ivoirien au Mali ;

-le procès verbal de la douane constatant l’introduction en contrebande du coton en provenance de la Côte d’Ivoire, procès dressé contre la CMDT ;

-divers procès verbaux d’audition de témoins émanant d’un huissier de justice ;

Que ces différents procès verbaux sont signés par des officiers de police judiciaire, des agents assermentés de la douane et les intéressés.

Qu’en vérité ces preuves n’ont même pas été examinées dans où la Cour d’Appel recherchait plutôt la production d’un contrat eu égard au champ contractuel dans lequel elle a placé le litige.

Que si le juge du fond est souverain pour repousser ou admette une offre de preuve en s’appuyant sur des considérations de pur fait tirées de l’inutilité ou de l’opportunité de la mesure, il expose au contraire sa décision au contrôle de la Cour de cassation chaque fois que, pour rejeter la preuve des faits articulés comme non pertinente, il se fonde sur des motifs de droit erronés.

Qu’indiscutablement c’est le cas d’espèce, la cour ayant recherché la preuve d’une responsabilité contractuelle alors qu’elle était saisie d’une action en responsabilité délictuelle dont les preuves n’ont pas été prises en considération.

Que dans ces conditions, l’insuffisance de considération des faits pour dire le droit qui caractérise le défaut de base légale, doit être retenue par la haute cour pour censurer l’arrêt de ce chef.

Les conseils des défenderesses ont conclu au rejet du pourvoi comme mal fondé.

ANALYSE

I DE LA VIOLATION DE L’ARTICLE 5 CPCCS :

Il est fait grief à l’arrêt d’avoir dans ses constatations entretenu une confusion entre la responsabilité contractuelle et la responsabilité délictuelle en se focalisant sur l’inexistence de contrat entre les parties alors que l’action de la demanderesse est uniquement sur le fondement de la responsabilité délictuelle pour parasitisme.

Attendu qu’il ressort en l’espèce des motivations de l’arrêt que les juges du fond pour justifier leur décision, ont retenu que la convention signée concerne les associations et coopératives du nord de la Côte d’Ivoire, qu’il n’y a aucun contrat liant la LLCI-SA et les intimés, qu’il n’y a aucun contrat entre lesdits paysans ivoiriens et les intimés ; qu’il n’y a aucune faute des intimés, à plus forte raison une relation de cause à effet entre le fait générateur et le dommage.

Attendu que ces motivations de l’arrêt sont relatives à la responsabilité contractuelle, en ce qu’elles tendent à démontrer l’inexistence de contrat entre les parties.

Mais attendu qu’en l’espèce laLLCI-SA recherche la responsabilité civile délictuelle des défenderesses au pourvoi.

Attendu que selon la jurisprudence les juges du fond saisis d’une action en responsabilité délictuelle ne peuvent pas en appliquer une autre.

Qu’en créant une confusion entre la responsabilité contractuelle et la responsabilité délictuelle par la recherche ici de l’existence ou pas d’un contrat entre les parties, les juges du fond violent le principe de l’immutabilité du litige posé par l’article 5 du CPCCS et exposent du coup leur décision à la censure de la haute juridiction.

II U DEFAUT DE BASE LEGALE :

PREMIERE BRANCHE : SUR L’AUTORITE DE LA CHOSE JUGEE :

Il est fait grief à l’arrêt d’avoir retenu qu’il y a autorité de chose jugée à l’’égard de la CMDT, sans constater l’existence cumulativement de la triple identité d’objet, de cause et de parties alors que selon le pourvoi la CMDT avait été assignée pour concurrence déloyale tandis que les associations de producteurs de coton le sont ici pour parasitisme, soit deux concepts différents en droit.

Attendu qu’en droit il y a autorité de la chose jugée lors que la chose demandée est la même, que la demande est fondée sur la même cause et faite entre les mêmes parties en la même qualité.

Attendu qu’en l’espèce l’arrêt a soutenu sur ce point que « dans une instance en réparation de préjudice initiée par la LCCI-SA contre la CMDT, l’arrêt n° 035 du 29 décembre 2011 a déjà rejeté le pourvoi de celle-ci, qu’avec autorité de la chose jugée la LCCI-SA est mal venue à demandeur la même réparation de préjudice contre la CMDT, la même partie ».

Attendu qu’en se déterminant ainsi sans faire état de la cause de la demande dans les deux procédures et sans établir donc qu’il y a cumulativement triple identité d’objet, de cause et de parties, les juges du fond ne donnent pas de base légale à leur décision, les motifs évoqués étant insuffisants à justifier l’application de la règle de droit.

Qu’il convient donc d’accueillir cette première branche du moyen.

DEUXIEME BRANCHE : SUR L’ADMINISTRATION DE LA PREUVE :

Le pourvoi reproche ici à l’arrêt de s’être focalisé sur la recherche de l’existence de relation contractuelle entre les parties sans examiner les preuves versées au dossier et établissant selon lui l’introduction en contrebande de coton en provenance de la Côte d’Ivoire.

Attendu que si les juges du fond conservent leur souveraineté quant à l’appréciation des éléments de preuve qui leur sont soumis, ils ne sont pas pour autant dispensés de procéder à une appréciation d’ensemble de toutes les preuves offertes par les parties.

Attendu qu’en l’espèce la demanderesse avait fait état dans les énonciations de l’arrêt de différents procès verbaux de constats d’huissier, de correspondances entre la douane et la CMDT et de dépositions de témoins à l’appui de ses prétentions.

Attendu que pour toute réponse l’arrêt a conclu que la LCCI-SA ne fait pas la preuve de ses demandes.

Qu’en statuant ainsi sans une appréciation de l’ensemble des éléments à eux soumis, les juges d’appel entachent leur arrêt d’un manque de base légale l’exposant à la censure.

D’où la 2ème branche doit être aussi accueillie.

…casse et annule l’arrêt attaqué ;

Renvoi la cause et les parties devant la cour d’Appel de Bamako autrement composée ;…


Synthèse
Numéro d'arrêt : 21
Date de la décision : 22/07/2014

Analyses

Réparation de préjudice.


Origine de la décision
Date de l'import : 06/03/2020
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ml;cour.supreme;arret;2014-07-22;21 ?
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