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26/12/2012 | MALI | N°336

Mali | Mali, Cour suprême, 26 décembre 2012, 336


Texte (pseudonymisé)
ARRET N°336 du 26/12/2012

Réclamation de somme.

Contradiction entre motifs et dispositif- Défaut de base légale- Moyen nouveau devant la Cour Suprême.

Lorsque le dispositif est en contradiction avec le motif de l’arrêt, il se trouve privé de toute justification et par là même vicié par une absence de motif. Cependant, la contradiction peut être qualifiée d’erreur matérielle et réglée comme telle s’il s’agit de montants de somme d’argent retenus différemment dans les motifs et le dispositif.

Encourt la cassation pour défaut de base légal

e, l’arrêt qui se contente de simples affirmations non sous-tendues par aucune pièce du dossier aya...

ARRET N°336 du 26/12/2012

Réclamation de somme.

Contradiction entre motifs et dispositif- Défaut de base légale- Moyen nouveau devant la Cour Suprême.

Lorsque le dispositif est en contradiction avec le motif de l’arrêt, il se trouve privé de toute justification et par là même vicié par une absence de motif. Cependant, la contradiction peut être qualifiée d’erreur matérielle et réglée comme telle s’il s’agit de montants de somme d’argent retenus différemment dans les motifs et le dispositif.

Encourt la cassation pour défaut de base légale, l’arrêt qui se contente de simples affirmations non sous-tendues par aucune pièce du dossier ayant fait l’objet d’analyse.

Enfin, les moyens nouveaux ne sont pas recevables devant la Cour Suprême à l’exception des moyens de pur droit et des moyens nés de la décision attaquée.

FAITS ET PROCEDURE :

Par requête en date du 15 avril 2003, le sieur Areprésenté par son conseil Maître Mamadou Bobo Diallo a saisi le tribunal civil de la Commune VI pour une réclamation de sommes contre Xet B.

Par jugement n°582 du 19 Novembre 2003, Aétait débouté de sa demande.

Sur appel de Ac la cour d’appel par arrêt n°491 du 10 Octobre 2007 infirmait ladite décision et statuant à nouveau, condamnait Xet B à lui payer la somme de 13 millions de FCFA à titre principal et 3.120.000 FCFA à titre d’intérêts moratoires et 2.500.000 FCFA à titre de dommages-intérêts.

Sur pourvoi de la SCP Doumbia-Tounkara, de Ac Ai et de Jurifis-Consult la cour suprême dans son arrêt n°170 du 09/06/2008 cassait et annulait l’arrêt sus indiqué et renvoyait la cause et les parties devant la cour d’appel de Kayes.

Par arrêt n°08 du 27 Janvier 2010 cette juridiction infirmait à nouveau le jugement n°582 du 19 Novembre 2003 et statuant à nouveau condamnait Xà payer à Aila somme de 19.600.000 FCFA en principal, 2.156.000 FCFA au titre d’intérêts moratoires et 2.000.000 FCFA au titre de dommages-intérêts, le déboutait du surplus et mettait hors de cause Af Al

Après cassation des arrêts 352 du 14/07/2004 et 49 du 10/10/2007 de la Cour d’Appel de Bamako et celui n°08 du 27 Janvier 2010 de la Cour d’Appel de Kayes, la Cour d’Appel de Mopti fut saisie.

Par arrêt n°18 du 1er Février 2012 la cour d’appel de Mopti infirmait à nouveau le jugement d’instance et condamnait Xà payer à Ales sommes de :

1°) 19.600.000 FCFA au principal ;

Dit que la dite somme produira les intérêts de droit à compter de la requête introductive d’instance.

2°) Trois millions de FCFA à titre de dommages intérêts ; déboutait Diakité du surplus ;

Met hors de cause B.

C’est de cet arrêt qu’il est fait de nouveau pourvoi.

EXPOSE DES MOYENS DE CASSATION :

Le demandeur au pourvoi soulève trois moyens de cassation tirés du défaut de motifs, défaut de base légale et de la violation de la loi.

1°-Du défaut de motif par contradiction entre les motifs et le dispositif :

En ce que dans son dispositif l’arrêt querellé a retenu contre le demandeur au pourvoi la somme de 19.600.000 FCFA sans expliquer comment ce montant a été retenu ;

Que la cour a retenu dans ses motivations antérieures que Ab a reconnu devoir la somme de 19.000.000FCFA lors d’un conseil de famille en France et au village ;

Que c’est sans aucune explication, ni analyse que l’arrêt retient dans ses motifs 19.000.000 FCFA et 19.600.000 FCFA dans son dispositif ;

Que ceci équivaut à une contradiction s’analysant en défaut de motifs.

2°) Du défaut de base légale par constatation insuffisante des faits :

1ère branche :

En ce que l’arrêt querellé a affirmé que « Xa reconnu devant les conseils de famille en France et au village la totalité de la somme de dix neuf millions de francs CFA (19.000.000 FCFA) et s’est engagé à rembourser en raison de deux millions par an »

Qu’alors que la problématique de cette affaire réside dans le fait que Xn’a jamais reconnu les prêts d’argent entre lui et A;

Que nulle part il ne ressort que des conseils de famille ont eu lieu en France et au village à fortiori que le mémorant a reconnu lors de ces « conseils » devoir la somme de 19.000.000 FCFA.

Qu’aucune des parties n’a eu à faire de telle déclaration par rapport à ces conseils de famille.

Qu’il est de jurisprudence constante que le juge a l’obligation d’indiquer l’origine et la nature des renseignements qui ont servi à motiver sa décision (Civil 19 Novembre 1965, Bull civ II, n°910, en cassation en matière civile Jacques Boré n°2274)

Qu’en se fondant sur de simples affirmations qui ne sont sous-tendues par aucun élément du dossier, l’arrêt querellé encourt la cassation pour constatation incomplète des faits.

2ème branche :

En ce que l’arrêt a comptabilisé que sur les 19 600 000 FCFA que Ac prétend avoir remis au concluant 3.600 000 FCFA pour remise à des parents à Bamako ;

Que l’arrêt a pourtant ignoré la preuve de la remise de la dite somme aux intéressés suivant les procès verbaux de sommation interpellative versés au dossier par le mémorant depuis la première instance ;

Que ces personnes ont toutes reconnu la remise des 3.600.000 FCFA ;

Que c’est donc sans fondement que l’arrêt a retenu ledit montant contre Ab ; qu’aucune preuve contraire aux actes d’huissier n’a été rapportée ;

3°) Du moyen tiré de la violation de la loi : article 267 du Régime général des Obligations :

En ce que pour mettre hors de cause B l’arrêt querellé a retenu comme motivation qu’il ressort des pièces du dossier que B et Ane se connaissaient pas ; qu’il n’y a aucune preuve qu’ils ont travaillé ensemble et que les témoins Ah Ak et Aj Ai ont reconnu l’existence de la dite créance ;

Que cette affirmation est inexacte et d’ailleurs démentie par Ac et Ad;

Que l’arrêt ne précise pas en quoi le fait de se connaître ou non est essentiel pour contracter une dette ;

Que les témoins cités ont été produits par Ac lui-même et qu’ils n’étaient point en France et encore moins témoins d’aucune déclaration ;

Que la cour d’appel pour asseoir sa conviction s’est basée sur la déclaration de dame Am Ae qui a fait part de la reconnaissance au consulat lors d’une réunion, en présence de Aa et Adpar Aque c’est B son débiteur ;

Que l’arrêt a retenu un faux témoignage reconnu par les parties pour une somme de 19.600.000 FCFA violant ainsi les dispositions de l’article 267 du RGO ;

Que l’arrêt mérite cassation.

III- ANALYSE DES MOYENS :

Attendu que le demandeur au pourvoi pour soutenir son action soulève trois moyens de cassation tirés du défaut de motif du défaut de base légale en deux branches et de la violation de la loi.

I- Du moyen tiré du défaut de motif par contradiction entre les motifs et le dispositif:

Attendu que le demandeur au pourvoi reproche à l’arrêt déféré un défaut de motif par contradiction entre les motifs et le dispositif.

Attendu que Xreproche aux juges du fond d’avoir retenu contre lui la somme de 19.600.000 FCFA dans son dispositif alors que dans ses motifs ils retiennent la somme de 19.000.000 FCFA ; que cette contradiction équivaut à un défaut de motif.

Attendu que la cour de cassation assimile traditionnellement la contradiction entre les motifs et le dispositif à la contradiction de motifs ;

Par conséquent, lorsque le dispositif est en contradiction avec les motifs de l’arrêt il se trouve en effet privé de toute justification et par là même vicié par une absence de motifs.

Mais attendu par contre lorsque la contradiction entre les motifs et le dispositif peut être si flagrante que la cour de cassation la considère comme une pure erreur matérielle, rectifiable en vertu de l’article 470 du CPCCS.

Attendu que dans le cas d’espèce le montant retenu dans les différents arrêts et depuis le début de la procédure a toujours été 19.600.000 FCFA ;

Que le fait de retrouver dans le dispositif de l’arrêt le montant 19.000.000 FCFA et dans les motifs 19.600.000FCFA ne peut être qu’une simple erreur matérielle ;

Que par conséquent le moyen n’étant pas pertinent il échet de le rejeter.

II- Du moyen tiré du défaut de base légale par constatation insuffisante des faits :

Attendu que le défaut de base légale par insuffisance de constatation de faits peut provenir d’une exposition incomplète des faits.

Première branche :

Attendu que le demandeur au pourvoi reproche à l’arrêt d’avoir affirmé que Xa reconnu devant les conseils de famille en France et au village devoir à Ala somme de 19.000.000 FCFA alors que cela ne ressort nulle part que des conseils de famille ont eu lieu en France et au village.

Attendu qu’il est de jurisprudence constante que « le juge a l’obligation dans le cas où les pièces servant de preuve sont versées aux débats et soumises à la discussion contradictoire des parties, d’indiquer « l’origine et la nature des renseignements qui ont servi à motiver sa décision » et de préciser « les éléments qui lui permettent de constater » le fait considéré sous peine d’entacher sa décision d’un défaut de base légale (Cass 2ème Civ, 19 Novembre 1965. Bull Civ I n°190 ; Cass 2ème Civ 25 Nov 1970, Bull Civ II, n°319-Cass Com 17 Mai 1983, Bull Civ IV, n°142) ( la cassation en matière civile de Jacques Boré 2003-2004) ;

Attendu en outre que le jugement qui se bornerait pour affirmer un fait, à se référer à des attestations sans apporter la moindre précision sur l’identité des auteurs de ces attestations ni les faits qu’elles relatent ne donnerait pas de base légale à sa décision (Cassation en matière civile de Jacques Boré 2003-2004)

Attendu que dans le cas d’espèce, les juges d’appel se sont contentés de faire de simples affirmations qui ne sont sous-tendues par aucun élément du dossier qu’ils ont analysé au préalable ;

Qu’en se fondant sur de simples affirmations qui ne sont sous-tendues par aucun élément soumis à son jugement l’arrêt querellé encourt la cassation pour constatation incomplète des faits ;

Que par conséquent il convient de retenir la première branche du moyen comme pertinente.

Deuxième branche :

Attendu que par cette branche Xreproche à l’arrêt d’avoir sur les 19.600.000 FCFA, comptabilisé 3.600.000FCFA qu’il a remis aux intéressés bénéficiaires de la dite somme et dont la preuve de la somme résulte des procès verbaux de sommation interpellative versés au dossier ;

Que dans les dites sommations les personnes interpellées ont toutes reconnu avoir reçu l’argent qui leur était destiné ;

Attendu que les juges du fond apprécient souverainement la valeur qu’il convient d’attribuer aux éléments de preuve qui leur sont soumis ( Cass 1ère Civ 3 mars 1968, Bull Civ I n°90 – Cass 2ème Civ 21 avril 1982, Bull Civ II n°59) ;

Attendu que les moyens qui tendent à critiquer cette appréciation des juges du fond ne peuvent être accueillis par la cour de cassation ;

Attendu que dans le cas d’espèce la deuxième branche du moyen ne peut être retenue et il sied de la rejeter.

Du moyen tiré de la violation de la loi : article 267 du Régime Général des Obligations :

Attendu que pour mettre hors de cause Bles juges du fond pour motiver leur arrêt se sont prononcés ainsi qu’il suit : « considérant qu’à l’analyse des pièces du dossier il ressort que A et Af Ag ne se connaissent pas ; qu’il n’est pas prouvé qu’ils ont travaillé ensemble ; que les témoins Ah Ak et Aj Ai ont reconnu l’existence de cette créance ;

Qu’il y a lieu de mettre ce dernier hors de cause » ;

Que l’arrêt pour une somme de 19.600.000 FCFA a retenu un faux témoignage en prenant en compte un écrit et un autre témoignage reconnu par les parties ;

Que l’arrêt a violé les dispositions de l’article 267 du RGO et mérite cassation ;

Attendu que l’article 267 du RGO dont la violation est dénoncée est ainsi libellé :

« Il doit être passé acte devant notaire ou sous signatures privées de toute convention dont l’objet excède 50.000 FCFA et il n’est reçu aucune preuve par témoins contre et outre le contenu des actes encore qu’il s’agisse d’une somme ou valeur inférieure à 50.000F CFA ;

Attendu que le demandeur au pourvoi soulève un moyen nouveau qui n’a pas été soumis aux juges d’appel ; qu’il pose le problème d’avoir pour la cour d’appel retenu un faux témoignage en prenant en compte un écrit et un autre témoignage reconnu par les parties alors que la preuve par témoins n’est pas retenu lorsque la somme dépasse 50.000F CFA ;

Attendu qu’il est de jurisprudence constante que les moyens nouveaux ne sont pas recevables devant la cour de cassation ; que la cour de cassation ne peut seulement qu’apprécier la solution légale qui a été donnée aux moyens débattus devant les premiers juges ;

Attendu que le demandeur au pourvoi soulève pour la première fois devant le juge de cassation l’application de l’article 267 du RGO sans que cela ne soit débattu devant le juge du fond ;

Qu’il échet donc de rejeter le moyen soulevé.

…Casse et annule l’arrêt ;

Renvoie la cause et les parties devant la cour d’appel de Bamako autrement composée ;…


Synthèse
Numéro d'arrêt : 336
Date de la décision : 26/12/2012

Analyses

Réclamation de somme.


Origine de la décision
Date de l'import : 06/03/2020
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ml;cour.supreme;arret;2012-12-26;336 ?
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