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18/09/2012 | MALI | N°21

Mali | Mali, Cour suprême, 18 septembre 2012, 21


Texte (pseudonymisé)
ARRET N° 21 DU 18 SEPTEMBRE 2012.

Injonction de payer.

Contrat et loi des parties- Contrat synallagmatique et contrat sous condition suspensive. Injonction de payer- Conditions.

Le contrat étant la loi des parties, doit être cassé pour violation des articles 77 et 104 RGO, l’arrêt qui condamne dans le cas d’un contrat synallagmatique une partie contractante à l’exécution de ses obligations conditionnées à l’exécution préalable par l’autre partie de ses obligations.

De même mérite cassation, l’arrêt qui confirme une ordonnance d’injonction

de payer alors que la créance n’est pas exigible.



Faits et procédure

Dans le cadre de la réal...

ARRET N° 21 DU 18 SEPTEMBRE 2012.

Injonction de payer.

Contrat et loi des parties- Contrat synallagmatique et contrat sous condition suspensive. Injonction de payer- Conditions.

Le contrat étant la loi des parties, doit être cassé pour violation des articles 77 et 104 RGO, l’arrêt qui condamne dans le cas d’un contrat synallagmatique une partie contractante à l’exécution de ses obligations conditionnées à l’exécution préalable par l’autre partie de ses obligations.

De même mérite cassation, l’arrêt qui confirme une ordonnance d’injonction de payer alors que la créance n’est pas exigible.

Faits et procédure

Dans le cadre de la réalisation du village C.A.N 2002 à Sotuba, Monsieur A a confié à la Société E.R.C – SARL, la construction d’une dizaine de villas.

Après les travaux, certaines irrégularités et mal façons ont été constatées sur les ouvrages.

Par régler ces problèmes les deux parties se sont rapprochées et ont signé un protocole d’accord le 05 Avril 2005.

Aux termes dudit protocole, la Société E.R.C s’engage à reprendre les travaux de finition des villas concernées dès la réception de la totalité des 20. 000.000 F CFA tout en renonçant aux intérêts moratoires et financiers.

Après le règlement de cette somme, l’entreprise E.R.C, sans avoir réalisé les travaux de finition définis dans le protocole d’accord, a, par requête aux fins d’injonction de payer reçu au greffe du Tribunal de Commerce de Bamako le 17 Octobre 2007, demandé le paiement du reliquat des sommes dues.

Sur l’opposition formée par A contre l’ordonnance d’injonction de payer, le tribunal de commerce de Bamako a, par jugement n° 49 du 16 janvier 2008, décidé que l’ordonnance d’injonction de payer n° 282/07 du 17 Octobre 2007, sortira ses plein et entier effets pour la somme de 28.579.057,13 F CFA.

Sur appel de Monsieur A, la Cour d’Appel de Bamako a, par arrêt n° 36 du 23 avril 2009, confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

C’est cet arrêt qui fait l’objet du présent pourvoi.

Exposé des moyens

Le demandeur au pourvoi, sous la plume de son Conseil Maître Daba DIALLO soulève deux moyens de cassation tirés de la violation de la loi pris en quatre branches et du manque de base légale.

Premier moyen de la violation de la loi  (en quatre branches) :

1) Première branche du moyen : violation de l’article 77 du R.G.O

En ce qu’en plus du contrat d’ouvrage initial conclu le 31 mai 2001, les parties ont librement établi un protocole d’accord suite au constat de certaines irrégularités et malfaçons sur les ouvrages ; qu’il a été expressément stipulé à l’article 4 dudit protocole « que la Société E.R.C s’engagé à reprendre les travaux de finition des villas du village CAN dès la réception de la totalité des 20 000. 000F CFA objet du point 2. a ; ».

Que malgré le paiement de 25. 000. 000 F CFA au lieu des 20. 000. 000 FCFA, l’entreprise E.R.C ne s’est pas exécutée ;

Qu’en l’absence de l’accomplissement de cette obligation, la Société E.R.C ne pouvait légitimement réclamer le paiement du reliquat de la créance ;

Que dès lors, les Juges du fond, en ordonnant le paiement du reliquat en dépit de la non exécution de l’obligation mise à la charge de l’entreprise E.R.C, ont violé les dispositions de l’article susvisé et expose leur arrêt à la censure ;

2) Deuxième branche du moyen tirée de la violation de l’article 99 du RGO.

En ce que malgré la condition sous laquelle la Société E.R.C devait reprendre les travaux de réfection sur une dizaine de villas, la cour d’Appel a ordonné le paiement du reliquat de 25. 000. 000 F CFA, violant les dispositions de l’article 99 du RGO ;

3) Troisième branche du moyen tirée de la violation de l’article 104 du RGO.

En ce que Monsieur A avait confié à la Société E.R.C la construction de dix (10) villas pour un montant de 192. 500. 000 F CFA sans aucune garantie ; que des malfaçons ayant été constatées sur certains ouvrages, il avait le droit de sursoir au règlement du reliquat jusqu’à exécution totale des engagements pris par son co-contractant ;

Qu’en lui refusant ce droit, les juges d’appel ont violé les dispositions de l’article 104 du R.G.O ;

4) Quatrième branche du moyen tirée de la violation de l’article 1er de l’Acte Uniforme de l’OHADA portant Procédure Simplifiée de Recouvrement et Voies d’Exécution.

En ce qu’il avait été expressément convenu entre les parties qu’après le versement de la somme de 20. 000. 000 F CFA sur les 50. 000. 000. F reliquataire, l’entrepreneur devait reprendre les travaux et les achever avant le paiement du reliquat ;

Que cet engagement n’ayant pas été tenu par l’entrepreneur, sa créance ne peut être considérée comme « Certaine liquide et exigible » tel que prévu par l’article 1er de l’Acte Uniforme susvisé ; la Cour d’Appel ne pouvait sans violer ledit article ordonner le paiement du reliquat ;

B- Deuxième moyen tiré du manque de base légale.

En ce que contrairement à l’argumentation des juges du fond, la Société E.R.C n’a offert aucune garantie de retenue puisque le demandeur ne l’avait pas exigé ;

Que la Cour tente également de justifier sa décision en soutenant que le maître d’ouvrage a la possibilité, avec la retenue de garantie ; de se faire payer les malfaçons constatées évaluées à 40. 895. 240 F CFA ;

Qu’en se déterminant ainsi, alors qu’elle avait elle-même constaté l’absence de retenue de garantie, la Cour d’Appel ne donne pas de base légale à sa décision qui mérité la cassation ;

La société E.R.C défenderesse au pourvoi a par le truchement de son Conseil Me Ousmane A. BOCOUM, produit un mémoire en réplique par lequel, elle sollicité le rejet du pourvoi.

Analyse des moyens :

Le demandeur au pourvoi propose deux moyens de cassation tirés de la violation de la loi (A) pris en quatre branches et du manque de base légale.

Sur le moyen tiré de la violation de la loi

Ce moyen se subdivise en quatre branches ;

1- Sur la première branche du moyen tirée de la violation de l’article 77 du Régime Général des Obligations

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir violé les dispositions de l’article 77 du R.G.O qui sont ainsi conçues :

« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise.

Elles doivent être exécutées de bonne foi ».

Attendu selon le pourvoi qu’il a été établi un protocole d’accord entre les parties suite au constat de certaines irrégularités et des malfaçons sur les ouvrages ; que l’article 4 dudit protocole d’accord stipule : « La Société E.R.C s’engage à reprendre les travaux de finition des maisons du village C.A.N dès réception de la totalité des 20. 000. 000 F CFA objet du point 2 a ; »

Que malgré le paiement de la somme sus indiquée, la Société E.R.C n’a pas procédé à la finition des ouvrages ;

Attendu que la Cour d’Appel, après avoir constaté l’existence du protocole d’accord, justifie la non reprise des travaux en énonçant « …qu’il n’est pas contesté que pendant la COCAN 2002, toutes les villas construites par E.R.C étaient soit occupées par des locataires, soit vendues à des tiers ; que dans ces conditions, il est impossible d’y faire quoique ce soit… »

Qu’en se déterminant ainsi, pour justifier l’inexécution des obligations mises à la charge de E.R.C, alors que le protocole d’accord a été signé en 2005, la Cour d’Appel a violé les dispositions de l’article 77 du R.G.O susvisé et mérite par cela la cassation ;

2- Sur la deuxième branche du moyen : violation de l’article 99 du R.G.O

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir violé les dispositions de l’article 99 du R.G.O

Attendu que ledit article est ainsi libellé :

« Lorsque l’obligation a été contractée sous condition suspensive la chose qui fait la matière de la convention demeure au risque du débiteur ».

Attendu que pour soutenir cette branche du moyen, le demandeur soutient que le paiement du reliquat était soumis à une condition (celle de la reprise des travaux de réfection) ; que cette condition n’ayant pas été remplie, la Société E.R.C est mal venue à réclamer le reliquat de 25. 000. 000 F CFA sur les 192. 000. 000 F total ;

Mais attendu que « l’obligation contractée sous une condition suspensive est celle qui dépend d’un évènement futur et incertain ou d’un événement actuellement arrivé mais encore inconnu des parties… »

Qu’il en résulte que dans le cas d’espèce qui s’apparente à la non exécution de sa part d’obligation d’une des parties, les dispositions de l’article 99 du R.G.O ne sont pas applicables ;

D’où il suit que cette branche du moyen ne peut prospérer ;

3- Sur la troisième branche du moyen : violation de l’article 104 du R.G.O :

Attendu que ledit article dispose : «Dans les contrats synallagmatiques chacun des cocontractants peut refuser de remplir son obligation tant que l’autre n’exécute pas la sienne ».

Attendu qu’aux termes du point 4 du protocole d’accord entre les parties signé le 5 avril 2005, la Société E.R.C « s’engage à reprendre les travaux de finition des maisons au village CAN dès réception de la totalité des 20 millions objet du point 2-a ;

Que cependant, en obligeant Monsieur A à payer le reliquat à la Société E.R.C alors que celle-ci n’avait pas rempli sa part d’obligation, la Cour d’Appel a violé les dispositions de l’article susvisé et expose sa décision à la cassation :

4- Sur la quatrième branche du moyen tiré de la violation de l’article 1er de l’Acte Uniforme de l’OHADA portant Organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution

Attendu qu’au soutien de cette branche du moyen, le demandeur estime que toutes les conditions n’étaient pas réunies par justifier le recours à la procédure d’injonction de payer ;

Attendu que l’article 1er de l’Acte Uniforme susvisé indique :

« Le recouvrement d’une créance certaine, liquide et exigible peut être demandé suivant la procédure d’injonction de payer ».

Attendu qu’en l’espèce, un protocole d’accord signé entre les parties avait mis à la charge de la Société E.R.C la reprise des travaux de finition des villas objets du contrat initial, après le paiement de 20 000 000 F CFA par le demandeur ; Qu’il en résulte que le reliquat ne devait être payé qu’après l’exécution de cette obligation ;

Que dès lors, en décidant que l’ordonnance d’injonction sortira son effet, alors que la créance n’était pas exigible, la Cour d’Appel a violé les dispositions de l’article susvisé ;

D’où il suit que cette branche du moyen est pertinente.

II – Deuxième moyen tiré du manque de base légale

Attendu qu’il reproché à l’arrêt attaqué d’avoir manqué de base légale, par avoir donné une motivation inexacte ;

Attendu que le manque de base est constitué lorsque les motifs de la décision ne permettent pas de vérifier si les éléments nécessaires pour justifier l’application qui a été faite de la loi se rencontraient bien dans la cause ;

Attendu qu’en l’espèce, le demandeur avait soutenu devant la Cour d’Appel que la créance n’était pas exigible tant que la Société E.R.C n’avait pas exécuté les obligations mises à sa charge par le protocole d’accord ;

Qu’en réponse à cette allégation, la Cour d’Appel énonce « que dans tout marché de ce genre, il ya toujours de 6 à 10% de l’enveloppe globale qui sont mis à côté pour couvrir les frais de petites réparations ou malfaçons ; ces 10% ne sont payés qu’après la réception définitive »

Qu’en se déterminant ainsi par des suppositions, alors qu’aucune garantie de ce genre n’avait été prévue par les parties, la Cour d’Appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

Qu’il s’ensuit que le moyen doit être accueilli.

….Casse et annule l’arrêt déféré ; 

Renvoie la cause et les parties devant la Cour d’Appel de Bamako autrement composée ;…


Synthèse
Numéro d'arrêt : 21
Date de la décision : 18/09/2012

Analyses

Injonction de payer.


Origine de la décision
Date de l'import : 06/03/2020
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ml;cour.supreme;arret;2012-09-18;21 ?
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