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13/08/2012 | MALI | N°219

Mali | Mali, Cour suprême, 13 août 2012, 219


Texte (pseudonymisé)
2eme CHAMBRE CIVILE

ARRET N°219 du 13/08/2012

Expulsion et démolition.

Incompétence : obligation pour le juge de la définir.

Moyen de cassation- Défaut de base légale.

Ne donne pas de base légale à sa décision, la Cour d’Appel qui, dans une affaire d’expulsion et de démolition, se déclare incompétente au seul motif que chacune des parties possède un titre de propriété.





FAITS ET PROCEDURE :

Suivant lettre n°971/C-KTI –DOM du 23 mars 1983, le commandant de cercle de Kati attribua à Madam

e C, la parcelle n°10 lot A de la zone de lotissement de Tiébani.

Par lettre n°110/CKTI-DOM du 15 avril 2003 du pré...

2eme CHAMBRE CIVILE

ARRET N°219 du 13/08/2012

Expulsion et démolition.

Incompétence : obligation pour le juge de la définir.

Moyen de cassation- Défaut de base légale.

Ne donne pas de base légale à sa décision, la Cour d’Appel qui, dans une affaire d’expulsion et de démolition, se déclare incompétente au seul motif que chacune des parties possède un titre de propriété.

FAITS ET PROCEDURE :

Suivant lettre n°971/C-KTI –DOM du 23 mars 1983, le commandant de cercle de Kati attribua à Madame C, la parcelle n°10 lot A de la zone de lotissement de Tiébani.

Par lettre n°110/CKTI-DOM du 15 avril 2003 du préfet du cercle de Kati, la …, précédemment attribuée à Monsieur Aa Ae AfBAb fut transférée au nom de A. Cette parcelle immatriculée au nom de l’Etat du Mali sous le n°11340 du livre foncier du cercle de Kati fut cédée à titre onéreux à A suivant acte administratif n°04-853/MDEAF-DNDC-DRDC en date du 13 Juillet 2004.

Par requête en date du 09 novembre 2005, A sollicita l’annulation pour excès de pouvoir de la lettre d’attribution n°971 du 23 mars 1983 auprès du tribunal administratif de Bamako.

Par jugement n°36 du 28 mars 2007 cette juridiction rejeta la demande et l’appel interjeté contre cette décision fut déclaré irrecevable suivant arrêt n°16 du 27 Janvier 2009 de la Section Administrative de la Cour Suprême.

Par exploit en date du 04 Juin 2009, dame Ac Ad fit citer A en expulsion et démolition devant le tribunal civil de Kati.

La demande de la requérante ayant été rejetée par cette juridiction suivant jugement n°95 du 22 mars 2010, celle-ci interjeta appel de cette décision.

Par arrêt n°775 du 29 décembre 2010, la cour d’appel de Bamako annula ce jugement, se déclara incompétente et renvoya les parties à mieux se pourvoir.

C’est contre cet arrêt que le présent pourvoi est dirigé.

EXPOSE DES MOYENS DU POUVOI:

Au soutien de son recours dame Ac Ad a invoqué deux moyens de cassation tirés du défaut de base légale et du défaut de motifs.

Du moyen tiré du défaut de base légale :

Il est par ce moyen reproché à la cour d’appel de s’être déclarée incompétente à connaître de l’action en démolition et expulsion au motif que les deux parties ont un titre alors que les critères de compétence sont la matière à juger à savoir la démolition et l’expulsion et le lieu de rattachement du litige sur le territoire national qui est Kati ; Qu’en se déclarant incompétente alors que tant l’objet que la matière indiquent qu’elle est seule en droit à connaître de cette affaire, la cour d’appel n’a pas donné une base légale à sa décision et ne donne aux parties aucune possibilité de s’adresser à justice pour obtenir la sanction de la violation de leur droit.

Du moyen tiré du défaut de motifs pour avoir statué par motif d’ordre général:

Il est par ce moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir statué par un motif d’ordre général en déclarant la cour incompétente avec pour seul motif que les deux parties ont un titre, sans rechercher si les décisions des juridictions administratives qui confèrent la primauté au titre de dame Ac Ad, étaient de nature à fonder l’action de celle-ci, qu’en statuant ainsi par un motif général, la cour d’appel n’a pas motivé sa décision.

Le défendeur au pourvoi a sollicité que le recours soit déclaré irrecevable pour imprécision des moyens.

ANALYSE DES MOYENS :

Du moyen tiré du défaut de base légale :

Attendu qu’il est par ce moyen reproché à la cour d’appel de s’être déclarée incompétente à connaître de l’action en démolition et expulsion au motif que les deux parties ont chacune un titre alors la compétence en l’espèce s’apprécie en raison de la matière à juger et du lieu de rattachement du litige sur le territoire national ;

Qu’en se déclarant incompétente alors que tant l’objet que la matière indiquent qu’elle est seule en droit compétente pour connaître du litige, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision qui mérite en conséquence d’être censurée ;

Attendu que selon la doctrine dominante, le défaut de base légale « est constitué par une insuffisance de motivation de la décision attaquée qui ne permet pas à la cour de cassation de contrôler la régularité de la décision, ou plus précisément de vérifier que les juges du fond ont fait une application correcte de la règle de droit » (cf Marie Noëlle Jobard Bachellier et Xavier Bachellier dans la Technique de cassation)

Attendu que la cour d’appel de Bamako s’est déclarée incompétente au motif que « chacune des parties se prévaut d’un titre » ;

Attendu qu’il y a incompétence lorsqu’un tribunal connaît d’une affaire que la loi réserve à un autre tribunal et qu’il n’a pas qualité pour juger d’après les règles de la compétence d’attribution ou de la compétence territoriale ;

Attendu qu’en l’espèce la cour d’appel de Bamako est saisie d’une action en expulsion et en démolition opposant des particuliers et concernant une parcelle sise dans son ressort territorial ;

Attendu qu’une telle matière relève de la compétence attributive des juridictions civiles en vertu des dispositions de l’article 9 de la loi n°88-39/AN-RM du 05 Avril 1988 portant réorganisation judiciaire ;

Attendu d’une part que si l’existence en la possession des parties de titres administratifs (dont le juge civil ne peut apprécier la validité) peut constituer une question préjudicielle ressortissant à la compétence d’un autre ordre de juridiction de nature à amener le juge judiciaire à surseoir à statuer par application des articles 381 et suivants du CPCCS, elle ne lui enlève aucunement la qualité de connaître d’une matière relevant de sa compétence en vertu de la loi n°88-39/AN-RM du 05 Avril 1988 sus- visée ;

Attendu d’autre part que si chacune des parties se prévaut d’un titre sur la parcelle litigieuse, il reste que ces titres qui ne sont pas d’égale valeur, devaient faire l’objet d’analyses de la part des juges du fond au regard des dispositions des articles 169, 170 et 171 du code domaniale et foncier ;

Qu’en effet alors que le titre foncier définitif et inattaquable confère un droit de propriété à son titulaire, le permis d’occuper ne confère à son bénéficiaire qu’un droit d’usage et d’habitation ;

Attendu que l’article 171 nouveau de la loi n°2012-001 du 12 janvier 2012 portant modification de l’ordonnance n°00-027/PRM du 22 mars 2000 portant code domanial et foncier modifiée et ratifiée par la loi n°02-008 du 12 janvier 2002, déclarée applicable aux contentieux pendant devant les juridictions est à cet égard sans équivoque lorsqu’il pose en son alinéa 2 que « à l’exclusion de l’action personnelle ci-dessus indiquée, aucun droit coutumier, aucun droit conféré par un permis d’occuper, une concession rurale ou une lettre d’attribution n’est opposable au titre foncier » ;

Attendu que la cour d’appel, en se déclarant incompétente au seul motif que chacune des parties se prévaut d’un titre, sans rechercher si le litige entre dans son domaine de compétence d’attribution n’a pas permis à la cour suprême de vérifier s’il a été fait une application correcte de la règle de compétence ; d’où il suit que ce moyen doit être accueilli.

Du moyen tiré du défaut de motifs pour avoir statué par motif d’ordre général :

Attendu que le pourvoi fait grief à la cour d’appel d’avoir statué par un motif d’ordre général en se déclarant incompétente au seul motif que « chacune des parties se prévaut d’un titre » sans rechercher si les décisions des juridictions administratives qui confèrent la primauté au titre de dame Ac Ad étaient de nature à fonder l’action de celle-ci. Le pourvoi soutient qu’en statuant ainsi par un motif général, la cour d’appel n’a pas motivé sa décision ;

Attendu qu’il y a motif d’ordre général assimilé à un défaut de motifs, lorsque le juge du fond justifie sa décision par une formule générale dépourvue de toute référence à l’espèce, sans rechercher et apprécier concrètement les faits nécessaires à la solution du litige ;

Attendu qu’en l’espèce, les juges du fond, saisis d’une action en démolition et en expulsion, devaient pour statuer sur leur compétence, au delà de l’existence des titres en présence, rechercher d’une part si cette action entrait dans leur domaine de compétence au regard de la loi sur l’organisation judiciaire, et d’autre part quels sont les effets juridiques des titres en présence au regard des dispositions du code domanial et foncier ;

Attendu qu’en n’ayant pas procédé à une telle investigation et se contentant d’affirmer que « chacune des parties se prévaut d’un titre » la cour d’appel a justifié sa décision par un motif général équivalent à un défaut de motifs, cause de cassation.

…Casse et annule l’arrêt déféré ;

Renvoie la cause et les parties devant la cour d’appel de Bamako autrement composée ;…


Synthèse
Numéro d'arrêt : 219
Date de la décision : 13/08/2012

Analyses

Expulsion et démolition.


Origine de la décision
Date de l'import : 06/03/2020
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ml;cour.supreme;arret;2012-08-13;219 ?
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