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13/08/2012 | MALI | N°216

Mali | Mali, Cour suprême, 13 août 2012, 216


Texte (pseudonymisé)
2eme CHAMBRE CIVILE

ARRET N°216 du 13/08/2012

Expulsion démolition.

Sursis à statuer- Obligatoire en présence d’une question préjudicielle : article 381 CPCCS.

Doit être cassé, l’arrêt de la Cour d’Appel qui refuse de sursoir à statuer dans une procédure d’expulsion et de démolition introduite sur la base d’un Titre Foncier lorsqu’une procédure d’annulation des actes administratifs de cession dudit Titre est engagée devant les tribunaux administratifs.



FAITS ET PROCEDURE :

Suivant vente admin

istrative en date du 18 Septembre 2008, la Direction Régionale des Domaines et du Cadastre de Koulikoro, agissant au n...

2eme CHAMBRE CIVILE

ARRET N°216 du 13/08/2012

Expulsion démolition.

Sursis à statuer- Obligatoire en présence d’une question préjudicielle : article 381 CPCCS.

Doit être cassé, l’arrêt de la Cour d’Appel qui refuse de sursoir à statuer dans une procédure d’expulsion et de démolition introduite sur la base d’un Titre Foncier lorsqu’une procédure d’annulation des actes administratifs de cession dudit Titre est engagée devant les tribunaux administratifs.

FAITS ET PROCEDURE :

Suivant vente administrative en date du 18 Septembre 2008, la Direction Régionale des Domaines et du Cadastre de Koulikoro, agissant au nom et pour le compte de l’Etat du Mali, céda à titre onéreux à Ae Ad la parcelle de terrain d’une superficie de 4a 60ca sise à Kalaban coro et formant le titre foncier n°36690. Ayant constaté que cette parcelle est occupée par Ab Ac qui a érigé des constructions, B fit citer celui-ci devant le tribunal civil de Kati en expulsion-démolition ;

Par jugement n°528 du 29 décembre 2008, la juridiction saisie fit droit à la demande du requérant. Sur appel de Aa Ac, cette décision fut confirmée par la cour d’appel après avoir rejeté l’exception soulevée, ce par arrêt n°531 du 05 Août 2009.

C’est contre cet arrêt que le présent pourvoi est dirigé.

EXPOSE DES MOYENS DU POURVOI :

A l’appui de son pourvoi Aa Ac soulève un moyen unique de cassation tiré de la violation de la loi et notamment des articles 463 et 381 du CPCCS.

Du moyen tiré de la violation des dispositions de l’article 463 CPCCS :

Il est par ce moyen reproché à l’arrêt attaqué une contradiction entre les motifs et les dispositif en ce que si dans les motifs de l’arrêt les juges du fond ont reçu et caractérisé la demande de sursis à statuer en attendant que le juge pénal et le tribunal administratif saisis, vident leur saisine, les mêmes juges se sont, dans le dispositif, prononcés sur une demande de sursis à exécuter, alors qu’aucune demande de sursis à exécuter n’a été formulée ; qu’il y a donc une contradiction entre les motifs et le dispositif qui s’analyse en un défaut de motifs cause de nullité au sens de l’article 463 du CPCCS.

Du moyen tiré de la violation de l’article 381 du CPCCS:

Il est par ce moyen reproché au juge du fond d’avoir rejeté la demande de sursis à statuer alors que le titre foncier n°36690 du cercle de Kati dont se prévaut B, étant obtenu sur la base du faux, il a été engagé devant le juge d’instruction, une procédure pénale pour faux et devant le tribunal administratif une procédure en annulation des actes administratifs de vente du titre foncier n°36690 ;

Que chacune de ces procédures pouvant avoir une influence sur la procédure d’expulsion-démolition engagée contre Aa Ac mandataire de A, les juges du fond se devaient dans le souci d’une bonne administration de la justice, de surseoir à statuer jusqu’à décision des juridictions pénales et administratives ;

Qu’en ne l’ayant pas fait, ils ont violé l’article 381 CPCCS par refus d’application de la loi, cause de cassation.

Le défendeur au pourvoi a, dans son mémoire en réplique, demandé le rejet du recours.

ANALYSE DES MOYENS :

Du moyen tiré de la violation de l’article 463 CPCCS :

Attendu qu’il est par ce moyen reproché à l’arrêt attaqué une contradiction entre ses motifs et son dispositif en ce qu’alors que bien qu’ayant reçu et caractérisé la demande de sursis à statuer en attendant que le juge pénal et le tribunal administratif saisis vident leur saisine, les juges du fond se sont prononcés dans le dispositif sur le sursis à exécuter qui ne leur avait pas été demandé ; qu’il y a donc une contradiction entre les motifs et le dispositif qui s’analyse en un défaut de motifs cause de nullité au sens de l’article 463 CPCCS ;

Attendu que selon Marie Noëlle Jobard – Bachellier et Xavier Bachellier, il y a contradiction entre les motifs et le dispositif « dans l’hypothèse où les juges du fond après avoir dans les motifs de leur décision, pris une certaine position quant aux modalités de résolution de la question litigieuse tranchent dans leur dispositif celle-ci en adoptant une solution différente » (cf la Technique de cassation page 173) ;

Attendu qu’en l’espèce l’arrêt attaqué est ainsi motivé relativement à la demande du sursis à statuer « Considérant, sur la demande de sursis à statuer, que le concluant pour soutenir sa requête, a produit dans le dossier une correspondance du juge d’instruction de Kati adressée au Directeur des Domaines et des Cadastres pour informer ce dernier de ce qu’une information a été ouverte au niveau de son cabinet suivant réquisitoire introductif en date du 19 janvier 2009 du Procureur de la République de Kati contre Gagny et autres ;

Considérant que ce document produit ne saurait faire prospérer la demande de sursis à statuer en l’absence d’une copie soit du réquisitoire soit surtout de l’ordonnance du Président du Tribunal de Kati ou en tout cas de tous autres actes contenus dans le dossier ; que dès lors il y a lieu de rejeter cette demande »

Attendu que dans le dispositif on peut lire « …rejette la demande de sursis à exécuter…  »

Attendu qu’il est manifeste que cette partie du dispositif ne correspond pas à ce que les juges du fond ont voulu décider ; qu’il s’agit donc là d’une simple erreur matérielle ne donnant pas ouverture à cassation, mais devant être rectifiée dans les conditions prévues par l’article 470 CPCCS ;

Attendu qu’il suit que ce moyen n’est pas fondé et doit être rejeté ;

De la violation de l’article 381 CPCCS :

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir refusé d’appliquer l’article 381 du CPCCS en n’ordonnant pas le sursis à statuer, alors qu’en raison de la saisine du juge pénal et du juge administratif les décisions à venir de ces juridictions peuvent avoir une influence sur l’issue de la procédure en expulsion démolition.

Attendu que l’article 381 CPCCS est ainsi conçu : « en dehors des cas où la loi le prévoit, l’instance est suspendue par la décision qui sursoit à statuer ou qui radie l’affaire » ;

Attendu que l’article 382 précise que « la décision de sursis suspend le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événement pour qu’elle détermine » ;

Attendu que pour demander le sursis à statuer Aa Ac a invoqué la saisine du juge pénal pour disposition du bien d’autrui d’une part, et d’autre part la saisine du juge administratif en annulation de l’acte administratif de vente de la parcelle objet du TF n°36690 dont se prévaut B ;

Attendu qu’il est de jurisprudence que le juge civil n’est tenu de surseoir à statuer jusqu’au prononcé du jugement que lorsque l’issue de la demande est susceptible d’être influencée par celui-ci (civil 3è 3 avril 1973, JCP 1974 II, 17657 ; Com 14 mai 1985, Bull .Civ IV, n°152)

Attendu qu’en l’espèce, l’issue de la procédure en disposition du bien d’autrui n’est pas de nature à mettre en cause l’existence du TF qui est définitif et inattaquable ni la cession qui en a été faite à B par l’Etat du Mali ;

Attendu en revanche que l’existence d’une question préjudiciable contraint les juges à surseoir à leur décision jusqu’à ce que la question préjudicielle ait été tranchée par la juridiction compétente pour en connaître ; qu’il va ainsi pour l’appréciation de la légalité d’un acte administratif ;

Attendu que cette appréciation échappant à la compétence des tribunaux judiciaires, lorsque la contestation est sérieuse, le juge devra surseoir à statuer jusqu’à la décision de la juridiction administrative sur la question préjudicielle soulevée (Cass. Com, 3 décembre 1985, n°84-15.073, Bull civ IV, n°282).

Attendu qu’en l’espèce le demandeur à l’expulsion et à la démolition se prévaut de l’acquisition qu’il a faite de la parcelle objet du titre foncier n°36690 en vertu de l’acte administratif de vente 08-02738/MLAFU DNDC du 18-09-2008 du Directeur Régional des Domaines et du Cadastre de Koulikoro.

Attendu que cet acte est attaqué en nullité pour excès de pouvoir devant le juge administratif ;

Attendu que l’annulation de cet acte administratif par les juridictions administratives aura pour effet de priver B de tout droit de propriété sur la parcelle qui retombera dans le patrimoine immobilier de l’Etat ; qu’étant sans droit, il sera sans qualité à demander l’expulsion et la démolition des réalisations faites sur les lieux ; une telle démolition si elle était exécutée pouvant avoir dans ces conditions des conséquences manifestement excessives ;

Attendu que l’arrêt attaqué en ne s’expliquant pas sur la demande de sursis tirée de l’existence d’une question préjudicielle a violé l’article 381 visé au moyen par refus d’application ;

Attendu qu’il y a donc lieu de recevoir ce moyen et de casser l’arrêt déféré ;

…Casse et annule l’arrêt déféré ;

Renvoie la cause et les parties devant la cour d’appel de Bamako autrement composée ;…


Synthèse
Numéro d'arrêt : 216
Date de la décision : 13/08/2012

Analyses

Expulsion démolition.


Origine de la décision
Date de l'import : 06/03/2020
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ml;cour.supreme;arret;2012-08-13;216 ?
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