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14/05/2012 | MALI | N°124

Mali | Mali, Cour suprême, 14 mai 2012, 124


2eme CHAMBRE CIVILE



ARRET N°124 du 14/05/2012



Saisie de droits d’associés et de valeurs mobilières.



Référé- Appel : forclusion du demandeur- Violation des articles 496 et 118 CPCCS.



Cassation sans renvoi : article 651 alinéa 1.



Le délai de l’appel court à partir de la date de la réception de la déclaration d’appel au greffe et non à partir de la date de la déclaration.



Lorsque la cassation a lieu pour irrecevabilité de l’appel, elle est prononcée sans renvoi.



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I - FAITS ET PROCEDURE :



Suivant arrêt n°79 du 17 juin 2010 de la chambre sociale de la cour d’appel de Bamako, la Société...

2eme CHAMBRE CIVILE

ARRET N°124 du 14/05/2012

Saisie de droits d’associés et de valeurs mobilières.

Référé- Appel : forclusion du demandeur- Violation des articles 496 et 118 CPCCS.

Cassation sans renvoi : article 651 alinéa 1.

Le délai de l’appel court à partir de la date de la réception de la déclaration d’appel au greffe et non à partir de la date de la déclaration.

Lorsque la cassation a lieu pour irrecevabilité de l’appel, elle est prononcée sans renvoi.

I - FAITS ET PROCEDURE :

Suivant arrêt n°79 du 17 juin 2010 de la chambre sociale de la cour d’appel de Bamako, la Société Medoro Ressources Limited fut condamnée à payer à B.G. G la somme de 66.000.000F CFA à titre de reliquat de salaires.

En exécution de cet arrêt B.G. G fit procéder à la saisie entre les mains de Medoro du Mali SARL, des droits d’associés et des valeurs mobilières appartenant à Medoro Ressources Limited suivant procès-verbal en date du 02 février 2010 de Maître Aliou Traoré, huissier de justice.

Estimant que cette saisie est irrégulière, la Société Medoro Ressources LTD fit assigner B.G. G devant le juge des référés du tribunal de première instance de la commune III de Bamako en annulation de ladite saisie.

Par ordonnance n°210 du 4 mai 2010, la juridiction saisie rejeta la demande de la société.

Sur appel de celle-ci, la cour d’appel de Bamako infirma cette ordonnance suivant arrêt ci-dessus.

C’est contre cet arrêt que le pourvoi est formé.

II - EXPOSE DES MOYENS DU POUVOI:

Au soutien de son pourvoi, B.G. G soulève un moyen unique de cassation tiré de la violation de la loi prise en trois branches.

1ère branche : De la violation des articles 236 et 237 de l’Acte Uniforme de l’OHADA portant Organisation des Procédures Simplifiées de Recouvrement et des voies d’exécution :

En ce que pour infirmer l’ordonnance n°210 du juge des référés et déclarer caduque la saisie pratiquée le 02 février 2010 et signifiée aux filiales de la société Medoro ressources LTD Canada que sont Medoro Mali SARL, Gold Ressources du mali et Global Ressources de Mali SARL, les juges d’appel ont pris pour seul fondement à leur décision les dispositions de l’article ,238 de l’AU de l’OHADA relatif aux PSRVE alors que les articles 236 et 237 permettent que la saisie soit effectuée auprès de la société ou de la personne morale émettra soit auprès du mandataire chargé de conserver ou de gérer les titres comme il en a été le cas en l’espèce, les filiales ci-dessus visées au siège desquelles la société mère Medoro Ressources LTD a élu domicile étant dirigées par la même personne que celle-ci et n’ayant pas d’autonomie ;

Qu’en statuant comme elle l’a fait, l’arrêt querellé a violé les dispositions des articles 236 et 237 de l’acte uniforme susvisé et mérite en conséquence la cassation.

2ème branche : Violation des articles 763 et 764 du décret n°09-220 du 11 mai 2009 portant modification du CPCCS :

En ce que la cour a déclaré la saisie caduque pour défaut de signification à la société débitrice, alors que les filiales Medoro du Mali SARL, Gold Ressources du Mali, Global Ressources du Mali étant des filiales ne disposant d’aucune autonomie à l’égard de la société mère et au siège desquelles celle-ci a élu domicile, la signification en l’espèce a été faite à domicile par application des dispositions combinées des articles 763 et 764 du décret n°09-220 du 11 mai 2009 portant modification du CPCCS et en vertu d’une jurisprudence constante qui admet que la société mère peut engager sa filiale à l’égard des tiers toutes les fois que celle-ci n’est pas autonome vis-à-vis de celle-là ;

Que l’arrêt doit donc être cassé pour violation des articles susvisés.

3ème branche : Violation de l’autorité de la chose jugée :

En ce que les juges d’appel ont reçu le recours formé le 05 décembre 2010 contre une ordonnance de référé rendue le 04 mai 2010 alors qu’en vertu de l’article 496 CPCCS, l’appel contre une telle ordonnance doit être fait dans les 24 heures ; qu’il y a donc violation de l’article 118 et suivants du CPCCS exposant l’arrêt à la cassation.

Le demandeur au pourvoi a sollicité la cassation sans renvoi sur le fondement de l’article 651 du CPCCS en ce qu’en l’espèce l’affaire pose une question de pur droit n’impliquant pas qu’il soit à nouveau statué au fond.

III - ANALYSE DES MOYENS :

De la violation des articles 236 et 237 de l’Acte Uniforme sur les Procédures Simplifiées de Recouvrement et des Voies d’Exécution :

Attendu qu’il est par ce moyen reproché à l’arrêt déféré d’avoir déclaré nulle la saisie pratiquée le 02 février 2010 suivant procès-verbal de Maître Aliou Traoré, huissier de justice sur les droits d’action et valeurs mobilières de la société Medoro Ressources LTD en se fondant sur le seul article 238 de l’AU de l’OHADA relatifs aux PSRVE alors qu’en vertu des articles 236 et 237 la saisie peut être pratiquée entre les mains du mandataire chargé de conserver ou de gérer le titre comme c’est le cas en l’espèce, les filiales Medoro Mali SARL, Gold Ressources du Mali et Global Ressources Mali SARL, et la société mère Medoro Ressources LTD étant dirigées par la même personne et la dite société mère ayant élu domicile au siège des filiales susvisées ;

Attendu que les articles 236, 237 et 238 de l’AU sur les PSRVE sont ainsi conçus :

Article 236 : « la saisie est effectuée soit auprès de la société ou de la personne morale émettrice, soit auprès du mandataire chargé de conserver ou de gérer les titres ».

Article 237: Huit jours après un commandement de payer demeuré infructueux, le créancier procède à la saisie par un acte qui contient à peine de nullité :

les nom, prénoms et domicile du débiteur et du saisissant ou, s’il s’agit de personnes morales, leur forme, dénomination et siège social ;

élection de domicile dans le ressort territorial juridictionnel où s’effectue la saisie si le créancier n’y demeure pas ; il peut être fait, à ce domicile élu, toute signification ou offre ;

l’indication du titre exécutoire en vertu duquel la saisie est pratiquée ;

le décompte des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus, ainsi que l’indication du taux des intérêts ;

l’indication que la saisie rend indisponibles les droits pécuniaires attachés à l’intégralité des parts ou valeurs mobilières dont le débiteur est titulaire ;

la sommation de faire connaître, dans un délai de huit jours, l’existence d’éventuels nantissements ou saisies et d’avoir à communiquer au saisissant copie des statuts.

Article 238 : Dans un délai de huit jours à peine de caducité, la saisie est portée à la connaissance du débiteur par la signification d’un acte qui contient à peine de nullité :

une copie du procès-verbal de saisie ;

en caractères très apparents, l’indication que les contestations doivent être soulevées à peine d’irrecevabilité, dans le délai d’un mois qui suit la signification de l’acte avec la date à laquelle expire ce délai ;

la désignation de la juridiction compétente qui est celle du domicile du débiteur ;

en caractères très apparents, l’indication que le débiteur dispose d’un délai d’un mois pour procéder à la vente amiable des valeurs saisies dans les conditions prévues aux articles 115 à 119 ci-dessus ;

la reproduction des articles 115 à 119 ci-dessus » ;

Attendu qu’il y a violation de la loi lorsque « qu’à partir de faits matériellement établis et correctement qualifiés, les juges du fond ont fait une mauvaise application de la loi au prix d’une erreur le plus souvent grossière, soit qu’ils aient ajouté à la loi une condition qu’elle ne pose pas, soit qu’ils aient refusé d’en faire application à une situation qui manifestement rentrait dans son champ d’application » (Marie Noëlle Jobard – Bachellier et Xavier Bachellier)

Attendu qu’en l’espèce, pour infirmer l’ordonnance des référés n°240 du 04 mai 2010, du tribunal civil de la commune III de Bamako, et annulé la saisie du 2/02/2010, les juges d’appel ont, sous le visa de l’article 238 de l’AU de l’OHADA, motivé l’arrêt attaqué ainsi qu’il suit : « Considérant que selon cet article la dénonciation de la saisie doit être faite au débiteur ;

Considérant que la saisie pratiquée le 2 février 2010 a été signifiée le 5 février 2010 à la filiale Medoro Mali, non à Medoro Ressources elle-même qui seule est débitrice ;

Considérant que Medoro Ressources et Medoro Mali sont des sociétés à part ; que Medoro Mali étant une société distincte et non débitrice, elle n’est pas habilitée à recevoir en principe de dénonciation d’une saisie qui ne la concerne pas.

Considérant que depuis la saisie le 2 février 2010, aucune signification n’a été faite à la vraie débitrice, que la saisie est donc caduque car non dénoncée dans les huit jours au débiteur » ;

Attendu que les articles 236 et 237 dont la validation est invoquée ont trait le premier aux personnes entre les mains desquelles la saisie peut être pratiquée et le second aux mentions que l’acte de saisie doit contenir à peine de nullité ;

Attendu que l’arrêt attaqué a annulé la saisie pour non dénonciation de la saisie à la vraie débitrice dans le délai de huit jours imparti par l’article 238 ;

Qu’en se déterminant comme ils l’ont fait, les juges du fond n’ont nullement violé les articles 236 et 237 susvisés, d’où il suit que le moyen doit être rejeté.

2ème branche : Violation des articles 763 et 764 du décret n°09-220 du 11 mai 2009, portant modification du CPCCS :

Attendu que le moyen reproche à l’arrêt d’avoir annulé la saisie pour défaut de dénonciation à la vraie débitrice dans le délai de huit jours, alors qu’en l’espèce la signification a été faite au domicile de Medoro Ressources LTD pour avoir été faite aux filiales de celle-ci au siège desquelles elle a élu domicile et qui de surcroît, sont sans autonomie et sont dirigées par la même personne qu’elle ;

Attendu que les articles 763 et 764 susvisés sont ainsi conçus :

Article 763 : « La signification doit être faite à personne.

La signification à une personne morale est faite à personne lorsque l’acte est délivré à son représentant légal, à un fondé de pouvoir de ce dernier, ou à toute autre personne habilitée à cet effet ».

Article 764 : Si la signification à personne s’avère impossible, l’acte peut être délivré soit à domicile, soit à défaut de domicile connu, à résidence.

L’huissier de justice doit relater dans l’acte les diligences qu’il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances caractérisant l’impossibilité d’une telle signification.

La copie peut être remise à toute personne présente au domicile ou à la résidence du destinataire.

La copie ne peut être laissée qu’à condition que la personne présente l’accepte et déclare ses nom, prénoms et qualité.

L’huissier de justice doit laisser, dans tous ces cas au domicile ou à la résidence du destinataire, un avis de passage daté, l’avertissant de la remise de la copie et mentionnant la nature de l’acte, le nom du requérant ainsi que mentions obligatoires et les indications relatives à la personne à laquelle la copie est remise » ;

Attendu qu’en l’espèce la dénonciation de la saisie devrait être faite à la société Medoro Ressources débitrice saisie ayant son siège social 110 Yonge street suite 1502 – Toronto, Ontario – M 5C 1T4 Canada ; ou à son représentant légal, à un fondé de celui-ci ou à toute autre personne habilitée ;

Attendu qu’il ressort des procès-verbaux de signification de saisie des droits d’associés et des valeurs mobilières que la dénonciation des saisies a été faite à Gold ressources du Mali SARL et Medoro du Mali SARL filiale de Medoro Ressources, prises en leur qualité de représentante de la société mère, et non au domicile élu comme le soutient le pourvoi ;

Attendu qu’une filiale, à la différence d’une succursale est une société distincte de la société mère qu’elle ne peut représenter sans un mandat émanant de celle-ci ;

Attendu d’autre part qu’il est de jurisprudence constante qu’une filiale demeure juridiquement autonome malgré la part importante que la société mère peut détenir dans son capital et que ne suffit pas à établir la fictivité d’une société le fait que l’actif de celle-ci soit composé en sa totalité par les actions d’une autre société ou encore que la filiale avait les mêmes dirigeants que la société mère (Cass. Com, 5 mai 1982, Bull .Civ IV, n°156 P.136) ;

Attendu que c’est donc à juste titre que les juges du fond ont déclaré nulles les saisies pratiquées pour défaut de dénonciation dans les 8 jours à la débitrice Medoro Ressources LTD, dès lors qu’il ne ressort d’aucun élément du dossier que celle-ci a élu domicile au siège de ses filiales ou leur a donné un mandat de représentation ;

Attendu qu’il convient donc de rejeter ce moyen comme manquant de pertinence ;

De la violation de l’autorité de la chose jugée :

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt déféré d’avoir reçu l’appel formé le 05 décembre 2010 contre une ordonnance de référé rendue le 04 mai 2010 alors qu’en vertu de l’article 496 CPCCS, le délai d’appel contre une telle ordonnance est de 24 heures, qu’il y a donc violation des articles 118 et suivants du CPCCS exposant l’arrêt à la cassation ;

Attendu que les articles 496 et 118 du CPCCS sont ainsi conçus :

Article 496 : L’ordonnance de référé peut être frappée d’appel.

Le délai d’appel est de 24 heures sauf dispositions contraires. »

Article 118 : Constitue une fin de non recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable sur sa demande, sans examen au fond pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai fixé, la chose jugée » ;

Attendu que pour recevoir l’appel interjeté contre l’ordonnance de référé n°210 du 04 mai 2010 du tribunal civil de la Commune VI de Bamako, les juges d’appel ont motivé l’ordonnance querellée ainsi qu’il suit : « Considérant que la lettre d’appel est effectivement du 04 mai 2010, que ceci est même confirmé par l’acte d’appel lui-même, que l’appel est en réalité fait dans le délai de 24 heures conformément aux dispositions de l’article 496 du Code de Procédure Civile Commerciale et sociale, qu’il y a lieu de rejeter la fin de non recevoir et de l’appel interjeté » ;

Mais attendu qu’il est constant que la recevabilité de l’appel s’apprécie par rapport à la date de réception de la déclaration au greffe et non par rapport à la date indiquée sur cette lettre d’appel ;

Attendu qu’en espèce si la lettre d’appel (qui ne figure d’ailleurs pas au dossier) est du 04 mai 2010 ainsi qu’il ressort de l’acte d’appel, il reste que le même acte d’appel précise que la correspondance n°0062/BC-CHK/10 du 04 mai 2010, par laquelle Maître Hamidou Koné, avocat à la cour, agissant au nom et pour le compte de la société Medoro Ressources LTD a déclaré interjeter appel contre l’ordonnance n°210 rendue le 04 mai 2010, a été reçue au greffe le cinq (5) du mois de décembre 2010 ;

Attendu que les juges du fond se sont fondés sur la date figurant sur la déclaration d’appel en faisant fi de celle à laquelle cette déclaration a été reçue au greffe ;

Qu’en rejetant dans ces conditions la fin de non recevoir tirée de la forclusion et en recevant l’appel interjeté par la société Medoro Ressources LTD, la cour d’appel a violé les dispositions des articles 496 et 118 du CPCCS d’où il suit que l’arrêt doit être censuré .

Attendu que l’article 651 CPCCS dispose « la cour suprême peut casser sans renvoi lorsque la cassation n’implique pas qu’il soit à nouveau statué sur le fond.

Elle peut aussi en cassant sans renvoi, mettre fin au litige lorsque les faits tels qu’ils ont été souverainement constatés et appréciés par les juges du fond, lui permettent d’appliquer la règle de droit appropriée.

En ces cas, elle se prononce sur la charge des dépens afférents aux instances devant les juges du fond …. » ;

Attendu que s’agissant en l’espèce d’un appel interjeté hors délai, la cassation n’implique pas qu’il soit à nouveau statué sur le fond.

…Casse et annule l’arrêt ;

Dit n’y avoir lieu à renvoi ;…


Synthèse
Numéro d'arrêt : 124
Date de la décision : 14/05/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 29/07/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ml;cour.supreme;arret;2012-05-14;124 ?
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