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13/02/2012 | MALI | N°56

Mali | Mali, Cour suprême, 13 février 2012, 56


2eme CHAMBRE CIVILE



ARRET N°56 DU 13/02/2012



Rétractation d’arrêt.



Requête civile- Forclusion du demandeur- Délai : article 588 CPCCS.



Doit être cassé, l’arrêt de la Cour d’Appel qui reçoit une requête civile pour pièces nouvelles plus de trois ans après la découverte desdites pièces.







I – Faits et procédure :



Par jugement n° 175 du 30 Septembre 2004, le tribunal civil de Mopti a rejeté la requête introduite par A et autres contre A, frère de leu

r défunt père, en réclamation de copropriété de la concession objet du permis d’occuper n°457 du 9 /11/1973.



Cette décision est confirmée par la Cour d’...

2eme CHAMBRE CIVILE

ARRET N°56 DU 13/02/2012

Rétractation d’arrêt.

Requête civile- Forclusion du demandeur- Délai : article 588 CPCCS.

Doit être cassé, l’arrêt de la Cour d’Appel qui reçoit une requête civile pour pièces nouvelles plus de trois ans après la découverte desdites pièces.

I – Faits et procédure :

Par jugement n° 175 du 30 Septembre 2004, le tribunal civil de Mopti a rejeté la requête introduite par A et autres contre A, frère de leur défunt père, en réclamation de copropriété de la concession objet du permis d’occuper n°457 du 9 /11/1973.

Cette décision est confirmée par la Cour d’Appel de Mopti dans son arrêt n°22 du 06 Avril 2005 aux motifs que ledit permis d’occuper, précédemment annulé par jugement n°17 du 27/07/2001 du tribunal administratif de la même localité, a été régularisé par l’autorité concédante par lettre n° 330/CM du 07 Août 2001, au nom de A.

Suivant jugement n°25 du 09/12/2005, le Tribunal Administratif de Mopti annulera la lettre sus visée, pour excès de pouvoir, à la demande de A et autres. L’appel formé par la Mairie de la Commune de Mopti contre cette décision sera rejetée pour défaut de moyens par la Section Administrative de la Cour Suprême dans son arrêt n°10 du 01/02/2007.

Sur la base de ces dernières décisions des juridictions administratives, A et autres ont attrait les héritiers de feu A devant la Cour d’ Appel de Mopti, le 31/03/2010, aux fins de rétractation de l’arrêt n°22 du 06 Avril 2005. Cette Cour fera droit à leur demande dans son arrêt n°124 en date du 1er Décembre 2010.

C’est cet arrêt qui fait l’objet du présent pourvoi.

II – EXPOSE DES MOYENS :

Pour soutenir son pourvoi, le demandeur a soulevé trois moyens de cassation tirés de la violation de la loi, du défaut de motivation et du défaut de réponse à conclusions.

1ER MOYEN : DE LA VIOLATION DE LA LOI :

En ce que l’arrêt querellé en déclarant la requête des sieurs A et autres recevable, alors qu’il s’est écoulé plus de cinq ans entre l’arrêt n°22 du 06 Avril 2005 dont rétractation est demandée et la requête civile introduite le 31/03/2010, a violé les dispositions l’article 588 du CPCCS ;

Qu’il est constant que l’arrêt n°22 du 06 Avril 2005 a été pris de façon contradictoire et dans ces conditions, A et autres ne disposaient que d’un délai d’un mois à compter de son prononcé pour toutes actions en requête civile ;

Qu’en recevant leur action en rétractation de cet arrêt plus de cinq ans après son prononcé, la Cour d’Appel de Mopti a violé les dispositions de l’article 588 du CPCCS et expose par conséquent sa décision à la censure.

2ème MOYEN : DU DEFAUT DE MOTIVATION :

En ce que l’arrêt attaqué a rejeté l’exception d’irrecevabilité de la requête civile B et autres, soulevée par les demandeurs sur la base de l’article 588 CPCCS, sans la motiver ;

Que la seule motivation qui ressort de l’arrêt est à savoir la référence à l’article 585 du CPCCS al 9 relatif à la rétractation elle-même ; qu’il se devait d’expliquer le pourquoi du rejet en opposant à l’article 588 du CP CCS des arguments solides ou en l’interprétant en sa manière, en tout cas, toute chose permettant de savoir pourquoi il ne l’a pas retenu ;

Que ce manquement à une obligation légale oblige la Haute Juridiction à le censurer.

3ème MOYEN : DU DEFAUT DE REPONSE A CONCLUSIONS :

En ce que l’arrêt querellé a ordonné la rétractation de l’arrêt n°22 du 06 Avril 2005, sans pour autant se prononcer sur le sort de la concession litigieuse, à savoir qui des deux frères en est désormais propriétaire ou si elle constitue leur propriété commune ;

Qu’il ressort clairement tant de la requête que des conclusions des défendeurs au pourvoi qu’ils réclament la copropriété de la concession litigieuse dont le permis d’occuper n°457 du 9 /11/1973 a été régularisé par lettre n° 330/CM en date du 07 Août 2001 au nom de A , alors qu’il s’agissait d’une copropriété des deux frères Aa et A;

Que l’arrêt attaqué se devait après rétractation de l’arrêt n°22 du 06 Avril 2005, répondre à ce chef de demande ; qu’en procédant à la rétractation sollicitée sans rien dire par la suite, l’arrêt n’a pas répondu aux conclusions des sieurs A et autres ; que par conséquent il encourt la censure.

Me Mahamadou SIDIBE, Avocat à la Cour, agissant au nom et pour le compte B et autres a conclu au rejet du pourvoi.

III - ANALYSE DES MOYENS :

1ER MOYEN : DE LA VIOLATION DE LA LOI :

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt querellé d’avoir violé les dispositions de l’article 588 du CPCCS, en ce qu’il a déclaré recevable la requête en rétractation de A et autres en date du31/03/2010, dirigée contre l’arrêt n°22 rendu contradictoirement depuis le du 06 Avril 2005 par de la Cour d’Appel de Mopti ;

Attendu qu’il y a violation de la loi quand « il apparait qu’à partir des faits matériellement établis, correctement qualifiés, les juges du fond ont fait une mauvaise application de la loi au prix d’une erreur le plus souvent grossière soit qu’ils aient ajouté à la loi une condition qu’elle ne pose pas, soit qu’ils aient refusé d’en faire application à une situation qui manifestement rentrait dans son champ d’application » ; (la technique de cassation Marie Noëlle Jobard et Xavier Bachelier p138) ;

Attendu que l’article 588 CPCCS dont violation est dénoncée est ainsi conçu : «La requête civile sera signifiée avec assignation par exploit d’huissier, dans le délai d’un mois, à l’égard des majeurs, à compter du jour de la signification à personne ou à domicile du jugement attaqué s’il est par défaut, de son prononcé s’il est contradictoire. » ;

Attendu que pour ordonner la rétractation de l’arrêt n°22 du 06 Avril 2005, l’arrêt querellé a développé la motivation suivante :

«Considérant qu’il est constant que l’arrêt °22 du 06 Avril 2005 de la Cour d’Appel de Mopti dont rétractation est demandée, est fondé sur la lettre n° 330/CM du 07/08/2001 du Maire de la Commune Urbaine de Mopti qui a été annulée par le Tribunal Administratif et la Section Administrative de la Cour Suprême ; que dès lors, les juridictions civiles ne peuvent plus fonder leur conviction sur cette pièce ;

Considérant que sur la recevabilité de l’action, l’article 585 alinéa 9 précise « si on a jugé sur pièces reconnues ou déclarées fausses depuis le jugement ; » ; qu’il y a lieu de rejeter l’exception soulevée. » ;

Attendu qu’en effet l’article 585 du CPCCS dispose en ses alinéas 1 et 9 :

Article 585 al 1

« Les jugements contradictoires rendus en dernier ressort par les juridictions de première instance et d’appel, les jugements par défaut rendus aussi en dernier ressort, et qui ne sont plus susceptibles d’opposition, pourront être rétractés, sur requête de ceux qui y auront été parties ou dûment appelés pour les causes ci-après :

…..

Article 585 al 9

9) Si l’on a jugé sur pièces reconnues ou déclarées fausses depuis le jugement…. » ;

Attendu que dans le cas d’espèce la pièce incriminée est bien la lettre n°330/CM du 07/08/2001 par laquelle le Maire de la Commune Urbaine de Mopti informait feu A de la régularisation du permis d’occuper n°457 du

9/11/1973 en son nom ;

Attendu que suivant jugement n°25 du 09/12/2005, ladite pièce a été annulée par le Tribunal Administratif de Mopti, pour excès de pouvoir ; que l’appel que la Mairie a formé contre cette décision a été rejeté par la Section Administrative de la Cour Suprême dans son arrêt n°10 du 01/02/2007 pour défaut de moyens ;

Attendu que l’article 591 du CPCCS précise : « Lorsque les ouvertures de requête civile seront le faux, le dol ou la découverte de pièces nouvelles, les délais ne courront que du jour où, soit le faux, soit le dol, aura été reconnu ou les pièces découvertes, pourvu que, dans ces deux derniers cas il y ait preuve par écrit du jour et non autrement. » ;

Attendu que dans la présente instance, les pièces nouvelles sur lesquelles les juges d’appel se sont fondés pour ordonner la rétractation de l’arrêt n°22 du 06 Avril 2005 sont le jugement n°25 du 09/12/2005 du Tribunal Administratif et l’arrêt n°10 du 01/02/2007de la Section Administrative de la Cour Suprême ;

Attendu qu’entre l’arrêt n°10 du 01/02/2007de la Section Administrative de la Cour Suprême, la dernière pièce en date et la requête civile introduite le 31/03/2010, il s’est écoulé plus de trois (3) ans ;

Que l’arrêt querellé en déclarant une telle requête recevable, trois ans après que l’arrêt n°10 du 01/02/2007de la Section Administrative de la Cour Suprême ait été rendu, a violé les dispositions de l’article 588 du CPCCS ; qu’il convient dès lors de retenir ce moyen comme pertinent ;

2ème MOYEN : DU DEFAUT DE MOTIVATION :

Attendu que l’article 463 du CPCCS précise que « …que le jugement doit être motivé sous peine de nullité » ;

Attendu que pour rejeter l’exception d’irrecevabilité de la requête civile en rétractation de l’arrêt n°12/02/2005, soulevée par les héritiers de feu A, l’arrêt querellé s’est contenté de viser l’article 585 alinéa 9 du CPCCS ;

Qu’en se déterminant ainsi, sans expliquer en quoi cette requête est recevable, il n’a pas satisfait aux exigences de l’article 463 sus visé ; que par conséquent il convient de retenir le moyen comme pertinent.

3ème MOYEN : DU DEFAUT DE REPONSE A CONCLUSIONS :

Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué un défaut de réponse à conclusions, en ce qu’il ne s’est pas prononcé sur le sort de la concession litigieuse dont les défendeurs au pourvoi réclament la copropriété dans leurs requête et conclusions ;

Attendu que l’article 5 du CPCCS dispose « Le juge doit se prononcer sur tout ce qui lui est demandé et seulement sur ce qui lui est demandé » ;

Attendu qu’il ne ressort ni de la requête civile de A et autres en rétractation de l’arrêt n°22 du 06 /O4/2005, ni de leurs conclusions qu’ils ont sollicité expressément que la Cour les déclare copropriétaires ou propriétaires de la concession litigieuse dont le permis d’occupera été annulé ;

Attendu qu’aux termes du texte sus visé, la Cour ne peut répondre qu’à ce qui lui a été demandé ;

Attendu qu’en outre, les conclusions dont il est reproché à la Cour de n’y avoir pas répondu ne sont pas les conclusions déposées par le demandeur ; qu’il convient dès lors de déclarer ce moyen irrecevable ;

Attendu qu’il y a lieu de faire application de l’article 651 du CPCCS qui dispose : « La Cour Suprême peut casser sans renvoi lorsque la cassation n’implique pas qu’il soit à nouveau statué sur le fond.

Elle peut aussi, en cassant sans renvoi, mettre fin au litige lorsque les faits, tels qu’ils ont été souverainement constatés et appréciés par les juges du fond, lui permettent d’appliquer la règle de droit appropriée… » ;

Attendu que dans le cas d’espèce, la cassation étant en courue pour irrecevabilité de la requête civile que dès lors, il y a lieu de casser l’arrêt querellé sans renvoi et dire qu’il n’y a plus rien à juger.

…Casse et annule l’arrêt querellé ; Dit n’y avoir lieu à renvoi ;…


Synthèse
Numéro d'arrêt : 56
Date de la décision : 13/02/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 29/07/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ml;cour.supreme;arret;2012-02-13;56 ?
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