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13/02/2012 | MALI | N°53

Mali | Mali, Cour suprême, 13 février 2012, 53


Texte (pseudonymisé)
2eme CHAMBRE CIVILE

ARRET N°53 DU 13/02/2012

expulsion et démolition.

Preuves : vérification obligatoire d’écriture en cas de contestation de document- article 300 CPCCS.

Encourt la cassation, l’arrêt de la Cour d’Appel qui condamne sur la base d’un écrit contesté sans avoir procédé à une vérification d’écriture.





AU FOND :

I- FAITS ET PROCEDURE :

Dans le cadre du plan d’urbanisation sectoriel (PUS) de l’ancien aéroport de Bamako, l’îlot G1O a été réservé pour l’im

plantation des installations électriques d’d’EDM S.A en vue de l’absorption adéquate de l’énergie en provenance de Manantali.

Cett...

2eme CHAMBRE CIVILE

ARRET N°53 DU 13/02/2012

expulsion et démolition.

Preuves : vérification obligatoire d’écriture en cas de contestation de document- article 300 CPCCS.

Encourt la cassation, l’arrêt de la Cour d’Appel qui condamne sur la base d’un écrit contesté sans avoir procédé à une vérification d’écriture.

AU FOND :

I- FAITS ET PROCEDURE :

Dans le cadre du plan d’urbanisation sectoriel (PUS) de l’ancien aéroport de Bamako, l’îlot G1O a été réservé pour l’implantation des installations électriques d’d’EDM S.A en vue de l’absorption adéquate de l’énergie en provenance de Manantali.

Cette parcelle G1O sise à Lafiabougou, d’une superficie de 5ha 72a 32ca fut transformée courant 2001 en titre foncier par EDM S.A et identifiée sous le n°006/ACI 2000.

Suivant décisions n°121-HC-DB/CAB du 22 avril 2002 et n°039/M. CIV-DB du 23 mai 2002, le Haut Commissaire du District de Bamako et le Maire de la Commune IV de Bamako attribuaient à la société N’Diaye et Frères, 6 000m2 sur le titre foncier n°006/ACI 2000.

Ces décisions furent annulées par le jugement n°117 du 3 août 2004 du tribunal administratif de Bamako et les démarches entreprises par la SNF à l’effet de lui céder 6 000m2 de la parcelle sus indiquée n’ont pas été concluantes.

Aussi, par requête en date du 8 novembre 2007, Me Mahamane I. Cissé, agissant au nom et pour le compte d’d’EDM S.A, saisissait le tribunal civil de la commune IV aux fins d’expulsion de la SNF de la parcelle qu’elle occupe et la démolition des constructions qui y sont édifiées.

Cette juridiction, par jugement n°119 du 13 octobre 2008, statuait ainsi qu’il suit : « Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en premier ressort ;

1°) Reçoit la société Energie du mali (EDM S.A) en son action ;

La déclare bien fondée ; Ordonne le déguerpissement de SNF de la parcelle G1O du lotissement de Lafiabougou ;

Ordonne la démolition par SNF et à ses frais, des constructions et la remise des lieux en état ;

Reçoit la demande additionnelle de EDM S.A ;

Condamne la société N’Diaye et Frères (SNF) à lui payer la somme de deux cent cinquante mille (250.000) francs CFA par mois à compter de juin 2002 jusqu’à aujourd’hui ;

La condamne en outre à payer à la société EDM S.A la somme de vingt millions (20.000.000) F CFA à titre de dommages-intérêts ;

2°) Reçoit la société SNF en sa demande de remboursement ;

Condamne EDM S.A à lui payer les sommes de 9.946.102 et 1.939.583F CFA à titre de remboursement de la valeur des murs de clôture édifiés par SNF ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Met les dépens à la charge de la défenderesse ».

Sur appel de la SNF, la chambre civile de la cour d’appel de Bamako, par arrêt n°423 du 30 juin 2010 statuait ainsi que dessus.

C’est cette décision qui fait l’objet du présent recours formé par Me Mahamane I. Cissé, agissant pour le compte d’d’EDM S.A.

II- EXPOSE DES MOYENS :

Au soutien de son pourvoi, la demanderesse, sous la plume de son conseil, soulève le moyen unique de cassation tiré de la violation de la loi prise en trois branches.

Première branche : la violation de l’article 300 du CPCCS :

En ce que, malgré la dénégation par EDM S.A du protocole d’accord produit devant la cour d’appel et le désaveu de la signature attribuée à son Directeur Général Monsieur Ab Ac Aa, les juges du second degré n’ont pas procédé à la vérification ni de l’écriture déniée, ni de la signature désavouée alors que les dispositions de l’article 300 du CPCCS disposent : « si l’une des parties dénie l’écriture qui est attribuée ou déclare ne pas reconnaître celle qui est attribuée à son auteur, le juge vérifie l’écrit contesté à moins qu’il puisse statuer sans en tenir compte… »

Que la cour d’appel a fondé toute sa motivation sur le protocole d’accord contesté et sa décision encourt la cassation sans renvoi ;

Deuxième branche : la violation des articles 77, 95 du RGO et 10 et 11 paragraphe 2 du contrat de concession du service public de l’électricité et de l’eau :

En ce que la cour d’appel a ignoré la non réalisation de la condition primordiale consistant en l’obtention de l’autorisation expresse et préalable de l’Etat du Mali alors que la base de l’accord de cession conditionnelle entre EDM S.A et la SNF est la lettre n°0005/307/GWE/tzb du 17 mars 2005 dans laquelle EDM S.A lie la cession à trois conditions qui sont les suivantes :

l’obtention de l’autorisation expresse et préalable du maître d’ouvrage conformément aux dispositions du contrat de concession

la prise en charge du déplacement de la ligne surplombant les lieux ;

la production d’un certificat de conformité de la station SNF aux normes de sécurité.

Que de façon expresse, l’article 11 paragraphe 2 du contrat de concession dispose que « les biens de retour, propriétés du concessionnaire, peuvent faire l’objet de cession, sûreté, vente ou transfert pendant la durée de la concession avec l’autorisation expresse et préalable du maître d’ouvrage ».

Qu’en occultant le caractère conditionnel de la cession, les juges du second degré ont violé les dispositions des articles 77, 95 du RGO, 10 et 11 paragraphe 2 du contrat de concession et leur décision s’expose à la censure de la cour suprême.

Troisième branche : la violation de l’article 97 du Régime Général des Obligations :

En ce que les juges d’appel n’ont pas tenu compte de l’incapacité de disposer du titre foncier en question qui est tombé dans le domaine public de l’Etat depuis 2003, avant l’intervention de la cession conditionnelle qui ne date que de 2005, qui, du reste est nulle en raison de l’impossibilité légale de réaliser la condition principale convenue entre les parties alors que dans la lettre du 30 novembre 2003 du Ministre des Domaines de l’Etat, des Affaires Foncières et de l’Habitat à son homologue des Mines, de l’Energie et de l’Eau, il est précisé que le titre foncier n°006 est un bien de retour désormais classé, incorporé dans le domaine immobilier de l’Etat suivant décret n°03-485/PRM du 17 novembre 2003.

Qu’en occultant le caractère inaliénable du titre foncier en cause et la nullité de la cession conditionnelle, l’arrêt attaqué a méconnu les dispositions des articles 97 du RGO et encourt la cassation sans renvoi.

La défenderesse au pourvoi, par l’organe de son conseil, a dans un mémoire en réplique parvenu au greffe de la cour le 2 août 2011, conclu au rejet du pourvoi.

III- ANALYSE DU MOYEN :

Attendu que la demanderesse au pourvoi soulève le moyen unique de cassation tiré de la violation de la loi qu’elle articule en trois branches.

Sur la première branche du moyen unique tiré de la violation de la loi : la violation de l’article 300 du CPCCS :

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir infirmé le jugement entrepris en ne procédant pas à la vérification ni de l’écriture déniée, ni de la signature désavouée attribuée au Directeur Général Ab Ac Aa, violant ainsi les dispositions de l’article 300 du CPCCS ;

Attendu que ce texte dont la violation est alléguée dispose : « si l’une des parties dénie l’écriture qui lui est attribuée ou déclare ne pas reconnaître celle qui est attribuée à son auteur, le juge vérifie l’écrit contesté à moins qu’il puisse statuer sans en tenir compte. Si l’écrit contesté n’est relatif qu’à certains chefs de la demande, il peut être statué sur les autres ».

Attendu que dans le cas d’espèce, il est constant que dans ses écritures en cause d’appel en date du 2, avril 2010, la demanderesse au pourvoi avait désavoué la signature de Ac Aa, Directeur Général de EDM S.A ;

Que l’arrêt attaqué a occulté cette contestation de la signature attribuée au Directeur Général mais a retenu que « les parties ont signé un protocole d’accord en application des dispositions de l’article 2044 du code civil dans le but de régler leur différend ;

Qu’au sens de l’article 2052 du même code, à partir de la signature ce protocole dûment établi, acquiert l’autorité de la chose jugée pour les parties… »

Que la cour d’appel devait donc procéder à une vérification d’écriture conformément au texte visé par le moyen ;

Qu’en statuant comme ils l’ont fait, les juges d’appel ont violé les dispositions de l’article 300 du CPCCS ;

Que dès lors le moyen tiré de la violation de la loi doit être accueilli en cette première branche.

Sur la deuxième branche du moyen unique tiré de la violation des articles 77, 95 du RGO, 10 et 11 du contrat de concession du service public de l’eau et de l’électricité :

Attendu que la demanderesse fait en outre grief à l’arrêt attaqué en ce qu’il a méconnu la condition suspensive insérée dans la convention de cession, violant ainsi les dispositions des articles 77, 95 du RGO, 10 et 11 du contrat de cession ;

Attendu que ces textes dont la violation est alléguée disposent :

Article 77 du RGO : « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.

Elles doivent être exécutées de bonne foi ».

Article 95 du RGO : « la condition est un événement futur et incertain dont dépend la formation ou la disparition de l’obligation ;

Dans le premier cas, la condition est suspensive, dans le deuxième cas, elle est résolutoire ».

Attendu qu’il est acquis que par correspondance n°0005/307 en date du 17 mars 2005, EDM S.A agissant en la personne de son Directeur Général, a assorti la cession d’une partie du TF n°006 au profit de la SNF de trois conditions dont l’obtention de « l’autorisation expresse du maître d’ouvrage » (l’Etat du Mali) conformément à l’article 11 du contrat de concession ;

Que cette autorisation expresse du maître d’ouvrage dans le cas d’espèce peut se résumer à l’obtention du déclassement de la parcelle litigieuse, celle-ci faisant partie d’un ensemble immobilier classé dans le domaine public immobilier de l’Etat ;

Qu’en occultant dès lors cette condition dont la réalisation est une condition de formation du contrat de cession et pour s’en tenir à un protocole d’accord dont la signature est désavouée par la demanderesse au pourvoi, l’arrêt entrepris a violé les dispositions des articles 77 et 95 du RGO et encourt de ce chef la cassation ;

Attendu en revanche que le grief de violation de la loi ne saurait être invoqué sous le visa des dispositions contractuelles, en l’espèce les articles 10 et 11 du contrat de cession, mais celui de l’article 77 du RGO déjà analysé ;

Que la violation de la loi est invoquée lorsqu’il s’agit d’un texte intégrant la hiérarchie des normes et non des dispositions contractuelles régissant les rapports privés des parties ;

Qu’il y a donc lieu de déclarer irrecevable le moyen tiré de la violation desdites clauses contractuelles ;

Sur la troisième branche du moyen tiré de la violation de l’article 97 du RGO :

Attendu par ailleurs que la demanderesse fait grief à l’arrêt entrepris de n’avoir pas tenu compte de l’incapacité de disposer du titre foncier en question qui est tombé dans le domaine public de l’Etat depuis 2003 alors que dans la lettre du 30 novembre 2003 du Ministre des Domaines de l’Etat, des Affaires Foncières et de l’Habitat, il est précisé que le TF n°0006 est un bien de retour désormais classé, incorporé dans le domaine immobilier de l’Etat suivant décret n°03-485/PRM du 17 novembre 2003.

Attendu que l’article 97 du RGO dont la violation est alléguée dispose : « Toute condition impossible, immorale ou illicite est nulle et rend nulle la convention qui en dépend si cette condition a été déterminante »

Attendu qu’en cause d’appel, la demanderesse au pourvoi a produit le décret n°03-485/PRM du 17 novembre 2003 portant classement dans le domaine public immobilier de l’Etat, de la parcelle objet du TF n°006 ;

Qu’en dépit de l’illicéite de la cause de la cession soutenue depuis lors, l’arrêt attaqué a passé outre en déclarant que l’accord des parties sortira son plein et entier effet, alors qu’il porte sur un bien du domaine public immobilier de l’Etat, inaliénable aux termes de l’article 27 du code domanial et foncier.

Attendu qu’il résulte d’une jurisprudence constante que la convention qui donne naissance à une obligation dont la cause est illicite est atteinte d’une nullité que tout intéressé peut invoquer sans que puisse lui être opposée utilement la maxime « Nemo auditur propriam turpitudinem allegans (Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude…) » (2 oct. 1973- - 1974. 378)

Qu’en statuant comme ils l’ont fait, les juges d’appel ont violé la loi par refus d’application de la loi et leur décision encourt de ce chef la cassation.

…Casse et annule l’arrêt déféré ;

Renvoie la cause et les parties devant la cour d’appel de Bamako autrement composée ;…


Synthèse
Numéro d'arrêt : 53
Date de la décision : 13/02/2012

Analyses

expulsion et démolition.


Origine de la décision
Date de l'import : 06/03/2020
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ml;cour.supreme;arret;2012-02-13;53 ?
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