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28/07/1994 | HAïTI | N°28-07-94

Haïti | Haïti, Cour de cassation, 28 juillet 1994, 28-07-94


Hrs. Sér.

Usine Sucrière des Cayes Vs les sieurs Lhérius Sauveur, Anthony Dumas
Faustin France et Consorts

28 juillet 1994


Sommaire

Prescription des actions de réclamation de salaires - Caractère des indemnités de préavis - Justification des dommages-intérêts - Obligations du nouvel employeur.

La prescription des actions en réclamation de salaires, établie par les articles 2036 C. Civ. et 160 C.T., est fondée sur une présomption de paiement desdits salaires par l'employeur; cette prescription ne peut pas s'accomplir quand cet employeur rec

onnaît n'avoir point payé les ouvriers.

Les indemnités de préavis ont un caractère salarial; le...

Hrs. Sér.

Usine Sucrière des Cayes Vs les sieurs Lhérius Sauveur, Anthony Dumas
Faustin France et Consorts

28 juillet 1994

Sommaire

Prescription des actions de réclamation de salaires - Caractère des indemnités de préavis - Justification des dommages-intérêts - Obligations du nouvel employeur.

La prescription des actions en réclamation de salaires, établie par les articles 2036 C. Civ. et 160 C.T., est fondée sur une présomption de paiement desdits salaires par l'employeur; cette prescription ne peut pas s'accomplir quand cet employeur reconnaît n'avoir point payé les ouvriers.

Les indemnités de préavis ont un caractère salarial; leurs réclamations font partie des actions en revendication de salaires, dès lors la prescription de six mois s'applique à ces indemnités.

Les dommages-intérêts prévus par l'article 49 C.T. ne peuvent être justifiés que par une résiliation de contrat sans cause réelle et sérieuse.

L'article 48 C.T. ne met à la charge du nouvel employeur que les obligations de l'employeur précédent découlant du contrat de travail et déjà nées avant la date du changement d'employeur.

Cassation - Annulation

La Cour de Cassation. Deuxième Section, a rendu l'arrêt suivant:

Sur le pourvoi de l'Usine Sucrière des Cayes, dite Centrale Dessalines, identifiée et patentée aux Nos. 000-16-19 et 267110 représentée par le Président de son Conseil d'Administration, le sieur Raymond Coles, identifié, patenté et imposé aux Nos. 300-83-257 et 64800-M, ayant pour Avocats Mes. Louis M. Lamarre, Léon Saint Louis, Max Elibert et Serge François, dûment identifiés, patentés et imposés, avec élection de domicile en leur cabinet sis à la Rue du Quai, No. 115.

En cassation d'un jugement du Tribunal de Première Instance des Cayes en date du 25 octobre 1993, rendu, en ses attributions de travail entre elle et:
1o) Les sieurs Lhérius Sauveur, Anthony Dumas, Faustin France, Saidel Cambry, Michel Julien, Clergé Fusémé, Caristin Lamonge, Milice Saint Preux, Jacques Rénel, Léger François, Timothée Louis, Adrien Goin, Adolphe Julien, René Benoît, Saint-Hilaire Lerozaire, Marc Métellus, tous propriétaires, demeurant et domiciliés aux Cayes, identifiés respectivement aux Nos. 7401-BB, 120-87-677, 7402-BB, 7403-BB, 7404-BB, 7405-BB, 119-38-817, 119-57-081, 121-25-614, 7406-BB, 7407-BB, 7408-BB, 7409-BB, 118-93-224, 121-12-571; ayant pour Avocats constitués Me Anselme Joseph du Barreau des Cayes, dûment identifié, patenté et imposé, avec élection de domicile au Greffe de la Cour de Cassation.

2o) Les sieurs Yves Antoine, Luc Drouillard, Gesner Similien, André Séide, propriétaires, demeurant et domiciliés aux Cayes, identifiés aux Nos. 120-73-180, 144-65-959, ayant pour Avocat Me Yves Jean du Barreau des Cayes, dûment identifié, patenté et imposé, avec élection de domicile au Greffe de la Cour de Cassation.

3o) Les sieurs et dames Philogène Obas, Joseph Théodore, Gervain Bonté, Lionel Francisque, Jean Brown, Jean-Mario Raphaël, Joseph Vilaire, Navilien Pierre-Louis, Jean Michel Antoine, Rénel Saint Paul, Raymond Barthold, Marie Rosette Laurore, Anna Marcénat, tous, propriétaires, demeurant et domiciliés aux Cayes, identifiés respectivement aux Nos. 161-52-599, 119-04-966, 119-77-912, 120-72-254, 150-47-420, 161-43-785, 150-47-160, 161-52-602, 121-23-621, 155-95-456, 118-78-550, 161-43-045, 155-88-426, ayant pour Avocat Me Nerva F. Cassion du Barreau des Cayes, dûment identifié, patenté et imposé, avec élection de domicile en son cabinet sis à la Rue Sténio Vincent, No. 178.

Ouï, à l'audience publique du 30 juin 1994, Monsieur le Juge Raymond Gilles en la lecture de son rapport, puis, les parties n'étant pas représentées à la barre, Monsieur G. Myrbel Jean-Baptiste, en celle des conclusions de son Substitut Jean-Claude Banica.

Vu le jugement attaqué et son exploit de signification, la requête de la demanderesse contenant sa déclaration de pourvoi, les requêtes des défendeurs, des pièces diverses dont le récépissé constatant la consignation de l'amende, les susdites conclusions du Ministère Public et les textes de loi invoqués.

Et, après en avoir délibéré en la Chambre du Conseil, au vou de la loi.

Attendu qu'il résulte de la décision attaquée que trente-trois anciens employés de l'usine Sucrière des Cayes avaient porté plainte au Bureau Régional Sud des Affaires Sociales en vue d'obtenir de la nouvelle administration de l'Usine, pour certaine, les arriérés de salaires dus avant et pendant la fermeture de l'établissement, pour tous, des prestations légales (préavis, boni, congé), et des dommages-intérêts; que toute tentative de conciliation ayant échoué, la cause et les parties furent déférées au Tribunal de Première Instance des Cayes, lequel a rendu en ses attributions de travail et à la date du 25 octobre 1993, un jugement condamnant la Centrale Dessalines à payer aux demandeurs des arriérés de salaires de la récolte de 1990 s'élevant à 27.922 gourdes et 60/100, des indemnités de préavis se chiffrant à 161.080 gourdes et 70/100, et des dommages-intérêts au montant de 239.750 gourdes, tout en rejetant les autres chefs de demande.

Attendu que pour faire casser et annuler cette décision, la pourvoyante a proposé cinq moyens combattus par les défendeurs.

Sur le deuxième moyen pris d'excès de pouvoir, violation et fausse application des articles 160 C.T. et 2036 C. Civ., en ce que le Juge du Travail devait déclarer prescrites les réclamations de salaires produites par les plaignants.

Attendu, selon le jugement attaqué, que Lhérius Sauveur, Clergé Fusémé, Anthony Dumas, Michel Julien, Saidel Cambry, Faustin France et André Séide avaient réclamé des fractions de l'ordre de 30 et 40% qui leur restaient dus sur leurs salaires de la récolte de 1990; que, dans ses conclusions responsives, la défenderesse avait déclaré avoir payé à tous les ouvriers le solde de leurs salaires à la réouverture de l'Usine, soit en avril 1992.

Attendu que la prescription des actions en réclamation de salaires, établie par les articles 2036 C. Civ. et 160 C.T., est fondée sur une présomption de paiement desdits salaires par l'employeur; que cette prescription ne peut pas s'accomplir quand cet employeur reconnaît n'avoir point payé les ouvriers.

Attendu, en l'espèce, que la pourvoyante, jusqu'en avril 1992, reconnaît encore devoir aux ouvriers, puisque c'est à cette date qu'elle avoue avoir réglé le solde qui leur restait dû, il ressort, donc, que la prescription invoquée ne pouvait commencer à courir qu'à partir de ce mois d'avril 1992.

Attendu que, selon les mémorandums du Bureau Régional du Sud transcrits dans la décision attaquée, Séide a produit sa plainte fin septembre 1992, soit moins de six mois après, la prescription en question ne pouvait donc, pas s'accomplir quant à lui, mais cette prescription était réalisée quant à Sauveur, Dumas, Julien, Cambry et France qui n'ont présenté leurs plaintes que les 12 et 18 février 1993, de même qu'à l'égard de Clergé Fusémé ou Fils-Aimé dont la plainte qui ne porte pas de date a été transmise au Tribunal avec les autres en mars 1993, il s'ensuit que le reproche adressé au Juge du Travail est justifié.

Sur les quatrième et cinquième moyens réunis pris d'excès de pouvoir, violation et fausse application des articles 32, 33, 34, 44, 49, 488 C.T. et 1168 C. Civ.

Attendu que la pourvoyante fait grief au premier Juge de l'avoir condamnée à des indemnités de préavis et à des dommages-intérêts alors qu'il n'y a pas eu de révocation abusive et illégale, mais suspension du contrat de travail due à des circonstances indépendantes de sa volonté.

Attendu qu'il résulte des faits et documents de la cause que l'Usine avait fermé ses portes en novembre 1990; qu'à cette date, le contrat de travail de tous les ouvriers était suspendu; que l'Usine n'a repris son fonctionnement qu'en avril 1992, soit dix-sept mois plus tard, d'où il suit que conformément à l'article 33 C.T., cette suspension s'était transformée en rupture de contrats et des indemnités de préavis étaient conséquemment dues aux ouvriers qui, à la réouverture, n'ont pas été réembauchés.

Mais attendu que les indemnités de préavis ont un caractère salarial et que leurs réclamations font partie des actions en revendication de salaires, dès lors la prescription de six mois invoquées par la pourvoyante s'applique à ces indemnités, à l'égard de tous ceux qui ont produit leurs plaintes plus de six mois après le règlement de salaires et prestations par la Direction de l'Usine, ce qui n'est pas, le cas des ouvriers Luc Drouillard, Gilbert Similien, André Séide et Yves Antoine dont les plaintes ont été présentées en septembre 1992.

Attendu que les dommages-intérêts prévus par l'Article 49 C.T. ne peuvent être justifiés que par une résiliation de contrat sans cause réelle et sérieuse, ce qui n'est pas le cas en l'espèce où la fermeture de l'usine était due à des difficultés économiques, que dans le cas même où des dommages-intérêts auraient pu être alloués par la faute de l'ancienne direction, la nouvelle administration ne saurait en être tenue responsable, une telle responsabilité n'entrant pas dans les prévisions de l'article 48 C.T. qui ne met à la charge du nouvel employeur que les obligations de l'employeur précédent découlant du contrat de travail et déjà nées avant la date du changement d'employeur, il en ressort que le jugement attaqué encourt les reproches articulés aux moyens et sera, en conséquence, cassé.

Statuant à nouveau en vertu de l'article 118 de la loi sur l'organisation judiciaire.

Sur la demande de salaires produite, pour la période de fermeture de l'Usine, par Saint-Hilaire Lerozaire, Gervain Bonté, Raymond Barthold et Lyonel Francisque.

Attendu que le jugement attaqué, qui avait rejeté cette demande, a acquis sur ce chef l'autorité de la chose jugée, puisque les ouvriers n'ont pas exercé de pourvoi contre cette décision, il n'y a pas lieu de considérer cette demande.

Sur la demande de boni et congé

Attendu que le même jugement, non attaqué par les ouvriers, a reconnu dans ses motifs, pour justifier son rejet implicite de ce chef de demande, que la compagnie s'était acquittée de ses obligations en ce qui concerne le boni et le congé, là aussi, il y a chose jugée, et cette demande ne sera pas non plus considérée.

En ce qui concerne André Séide

Attendu que 1o) selon une souche de chèque retrouvée dans son dossier, il a déjà reçu 2.007 gourdes et 45/100, représentant 60% de ses salaires de la récolte de 1990, il lui reste à percevoir les 40% restants, soit 1.338 gourdes et 30/100; 2o) il avait exécuté des travaux supplémentaires pour un montant de 1.177 dollars et 27/100, ou 5.886 gourdes et 35/100, appert un lot de seize factures établies en son nom, datées de mars 1989 à août 1990 et non contestées par la défenderesse, cette dernière sera condamnée à lui payer ces valeurs.
Attendu d'autre part, que suivant un certificat à lui délivré par la Direction de l'Usine le 8 juin 1993, il a travaillé pour cet établissement pendant cinq ans et cinq mois avec un salaire journalier de 4.dollars et 20/100 ou 21.00 gourdes, il a donc droit à une indemnité de préavis équivalent à deux mois de salaire, soit 1.260 gourdes.

Sur le cas de Yves Antoine

Attendu que suivant son certificat de travail en date du 27 novembre 1990, il a fourni à l'Usine vingt-six années de service moyennant un salaire mensuel de 222 dollars ou 1.110 gourdes, il devra recevoir une indemnité de préavis de 4.440 gourdes, soit quatre fois son salaire.

Sur le cas de Luc Drouillard et Gilbert Similien

Attendu que selon des documents qu'ils ont eux-mêmes déposés, soit, pour Drouillard, une lettre datée du 30 juin 1992, et, pour Similien, un certificat de travail du 24 décembre 1992, ils avaient été repris par l'Usine à la réouverture, il n'y a donc pas eu de rupture de contrat à leur endroit, du moins en ce qui concerne le litige dont le Tribunal de Travail a été saisi, et ils ne peuvent pas prétendre à des indemnités de préavis pour le moment; que si leur nouveau contrat de travail a été rompu, il leur appartiendra, d'introduire une nouvelle action pour faire reconnaître leurs droits.

La Cour, par les motifs de Cassation et ceux qui précèdent le Ministère Public entendu, casse et annule le jugement du 25 octobre 1993 du Tribunal de Première Instance des Cayes, en ses attributions de travail, ordonne la restitution de l'amende consignée; statuant à nouveau, rejette la demande de paiement des salaires arriérés de la récolte de 1990 sauf pour André Séide dont l'action n'est pas prescrite; rejette également celle d'indemnités de préavis, excepté pour André Séide et Yves Antoine pour les mêmes raisons; rejette enfin la demande de dommages-intérêts; condamne la Centrale Dessalines à payer à André Séide 1o) la somme de sept mille deux cent vingt-quatre gourdes et 65/100 (7.224.65 Gdes) pour arriérés de salaires, 2o) celle de mille deux cent soixante gourdes (1.260 gdes) à titre de préavis; à Yves Antoine, la somme de quatre mille centre quarante gourdes (4.140 gdes), indemnité de préavis; compense les dépens.

Ainsi jugé et prononcé par Nous, Georges Henry, Vice-Président, Larousse B. Pierre, Raymond Gilles, Georges Moïse et Raoul Lyncée, Juges, en audience publique du vingt-huit juillet mil neuf cent quatre-vingt-quatorze, en présence de Monsieur Jean Claude Banica, Substitut du Commissaire du Gouvernement, avec l'assistance du Greffier Bignon André.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 28-07-94
Date de la décision : 28/07/1994
Sociale

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ht;cour.cassation;arret;1994-07-28;28.07.94 ?
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