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04/06/1992 | HAïTI | N°04-06-92

Haïti | Haïti, Cour de cassation, 04 juin 1992, 04-06-92


Aff. Pén.

Kesner Michel Thermesi, Substitut du Commissaire du Gouvernement
Vs
Un jugement du Tribunal Criminel

4 juin 1992

Sommaire

Pourvoi du M.P dans l'intérêt de la loi contre un jugement du tribunal criminel siégeant sans assistance de jury - Accusation de trafic illicite de stupéfiants.

En matière criminelle, le Juge tient son mandat, non de l'oralité des débats, mais plutôt de l'ordonnance de renvoi et, subsidiairement de la citation donnée aux accusés, requête du M. P., à comparaître devant le tribunal qu'il préside.

Dans la

règle incontestée selon laquelle le juge criminel ne peut tirer ses éléments de conviction que des déba...

Aff. Pén.

Kesner Michel Thermesi, Substitut du Commissaire du Gouvernement
Vs
Un jugement du Tribunal Criminel

4 juin 1992

Sommaire

Pourvoi du M.P dans l'intérêt de la loi contre un jugement du tribunal criminel siégeant sans assistance de jury - Accusation de trafic illicite de stupéfiants.

En matière criminelle, le Juge tient son mandat, non de l'oralité des débats, mais plutôt de l'ordonnance de renvoi et, subsidiairement de la citation donnée aux accusés, requête du M. P., à comparaître devant le tribunal qu'il préside.

Dans la règle incontestée selon laquelle le juge criminel ne peut tirer ses éléments de conviction que des débats, qui ont eu lieu devant lui, il n'est pas sans intérêt de rappeler que cette oralité s'entend de tout ce qui a été proféré en audience publique à l'entendement des accusés, qu'il s'agisse de dépositions de témoins ou de déclarations provenant de la lecture des documents.

En matière pénale, il n'y a pas de preuve systématique; le Juge n'est lié ni par l'aveu des accusés, ni par leur dénégation; il se décide suivant l'impression que les déclarations, qu'il a entendues, rapprochées des autres éléments des débats, ont produit sur lui.

Cassation

La Cour de Cassation, Deuxième Section, a rendu l'arrêt suivant:

Sur le pourvoi exercé par Monsieur Kesner Michel Thermezy, Substitut du Commissaire du Gouvernement près le Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince, identifié au Nº. 328-47-064, en charge du Parquet, agissant pour la vindicte publique.

Contre un jugement du Tribunal Criminel de cette ville, siégeant sans assistance du jury rendu à la date du 22 novembre 1991 en faveur des nommés Bram Cornelus Cormou, Jaime Lechugas et Hector Hernando Barrios Navarro, non produisants.

Ouï, à l'audience publique du 9 avril 1992 le Juge Larousse B. Pierre en la lecture de son rapport, et les parties n'étant pas représentées à la barre, Monsieur G. Myrbel Jean-Baptiste, Commissaire du Gouvernement, en celle des conclusions de son Substitut Boniface Alexandre.
Vu l'acte déclaratif du pourvoi, son exploit de notification, le jugement attaqué, les susdites conclusions du Ministère Public, les autres pièces de la procédure et les dispositions de loi invoquées.

Et, après en avoir délibéré en la Chambre du Conseil, conformément à la loi.

Attendu qu'en vertu d'une ordonnance de renvoi du Juge d'Instruction en date du 11 octobre 1991, les sieurs Bram Cornélus Cormou, Jaime Lechugas et Hector Hernando Barrios Navarro ont comparu le 22 novembre suivant, devant le Tribunal Criminel de Port-au-Prince siégeant sans assistance de jury sous l'accusation de trafic illicite de drogue aux termes des Articles 7, 8 et 54 de la loi du 18 décembre 1975, modifiée par celle du 7 juin 1982.

Que par sa décision rendue audience tenante, le Tribunal déclara non constante l'infraction de trafic illicite de drogue et renvoya les accusés hors des liens de l'accusation.

C'est contre ce jugement que le Substitut du Commissaire du Gouvernement de ce ressort, en charge du Parquet, a par déclaration faite au Greffe du Tribunal de Première Instance de cette ville le 26 novembre 1991 soit dans le délai légal, exercé un pourvoi en Cassation pour les torts et griefs que cause cette décision à la société.

Attendu que le pourvoi exercé par le Ministère Public étant recevable en la forme, il revient à la Cour, à défaut de griefs formulés par le Magistrat, de vérifier, d'office, si le jugement est conforme aux prescriptions de la loi pénale.

Attendu que, statuant sur le crime de trafic illicite de stupéfiants reproché aux accusés, le Juge, après un exposé de faits et circonstances dont il n'a pas indiqué la source pour permettre à la Cour d'exercer son droit de contrôle, a décidé sans poser aucune des questions résultant de l'acte d'accusation, comme l'exige l'article 2 de la Loi du 20 juillet 1929, d'où un vice de forme qui rend sa décision reprochable.

Attendu, en outre, qu'à l'appui de son jugement de relaxe il a émis les motifs déterminants suivants: Attendu qu'ils (les accusés) n'ont jamais reconnu avoir eu connaissance de la présence de stupéfiants dans le bateau; qu'en matière pénale, c'est l'oralité des débats qui sert de mandat au Juge; attendu qu'à ce compte rien n'a été révélé établissant qu'ils étaient eux-mêmes au courant qu'ils devaient transporter des colis de drogue; attendu que de ce fait, il en résulte un doute de leur participation au transport de cette marchandise; attendu qu'il convient de souligner qu'il y a eu, débat oral, puisque, en audience publique, appert le procès-verbal dressé par le Greffier de siège, lecture a été donnée de l'ordonnance de renvoi et de l'acte d'accusation, les accusés ont été interrogés, le Ministère Public entendu en ses réquisitions et le conseil de la défense, en sa plaidoirie.

Attendu, de plus, que contrairement à ce qu'avance le Juge, il tient son mandat, non de l'oralité des débats, mais plutôt de l'ordonnance de renvoi et, subsidiairement de la citation donnée aux accusés, requête du Ministère Public, à comparaître devant le Tribunal qu'il préside.

Que, si toutefois, par l'expression qu'il emploie, il entend faire référence à cette règle incontestée selon laquelle le Juge Criminel ne peut tirer ses éléments de conviction que, des débats qui ont eu lieu devant lui, il n'est pas sans intérêt de rappeler ici que cette oralité s'entend de tout ce qui a été proféré en audience publique à l'entendement des accusés, qu'il s'agisse de dispositions de témoins ou de déclarations provenant de la lecture de documents.

Attendu qu'en matière pénale il n'y a pas de preuve systématique; que le Juge n'est lié ni par l'aveu des accusés, ni par leur dénégation; qu'il se décide suivant l'impression que les déclarations, qu'il a entendues, rapprochées des autres éléments des débats, ont produit sur lui.

Attendu qu'à ce compte, il est à déplorer que le Juge de l'espèce, qui était en même temps Juré, n'ait pas usé, par devoir, de tous les moyens que la loi met à sa disposition pour rechercher la vérité; que méconnaissant cette règle fondamentale de sa mission, il ait ignoré les pièces de l'information telles que: procès-verbaux de Juges de Paix, rapport de police qui contiennent des charges contre les accusés et dont la lecture à l'audience, par respect pour le principe de l'oralité eût permis à ses derniers de les discuter et sur lesquelles il se devait de les interpeller de s'expliquer.

Que dès lors l'on comprend qu'il ait pu si facilement considérer "qu'il n'a rien été révélé aux débats établissant la culpabilité des accusés" et conclure ainsi au doute en leur faveur.

Mais attendu que le doute ne peut résulter que de l'impossibilité de se faire une juste opinion, après comparaison du degré de probabilité découlant de deux thèses qui s'opposent.

Or, attendu qu'il se vérifie, à la lecture du jugement, que son rédacteur n'a eu égard qu'à la dénégation des accusés, sans tenir aucun compte des éléments appuyant l'accusation; qu'il s'ensuit que c'est plutôt pour absence de preuve qu'il a décidé la relaxe; qu'un tel jugement, dès lors, à part le vice de forme consécutif à la violation de l'article 2 de la loi du 20 juillet 1929 et les autres transgressions de la loi déjà signalées ne s'appuie pas sur une motivation certaine et positive lui conférant une base légale, pourquoi il sera annulé avec les renseignements de droit.

Par ces motifs, le Ministère Public entendu, casse et annule le jugement rendu le 22 novembre 1991 par le Tribunal Criminel de Port-au-Prince, siégeant sans assistance du jury; renvoie la cause et les accusés en l'état, par devant le Tribunal de Première Instance de Saint Marc pour qu'ils soient jugés conformément à la loi; ordonne que le présent arrêt et les pièces de la procédure soient transmis au Commissaire du Gouvernement près le susdit Tribunal aux fins de droit et ce, à la diligence du Commissaire du Gouvernement près la Cour.

Ainsi jugé et prononcé par Nous, Georges Henry, Vice-Président, Larousse B. Pierre, Raymond Gilles, Georges Moïse et Raoul Lyncée, Juges, à l'audience publique du quatre juin mil neuf cent quatre-vingt-douze, en présence de Monsieur G. Myrbel Jean-Baptiste, Commissaire du Gouvernement, avec l'assistance du Greffier Bignon André.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 04-06-92
Date de la décision : 04/06/1992
Pénale

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ht;cour.cassation;arret;1992-06-04;04.06.92 ?
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