La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/02/1980 | HAïTI | N°13/1980

Haïti | Haïti, Cour de cassation, 12 février 1980, 13/1980


Aff. .Civ
Carmelle Héraux Vs Alice Dalencourt.
12 février 1980
Sommaire
Contrat de bail à ferme - Défaut d'enregistrement de contrat - Pouvoir d'appréciation des juges du fond.
Lorsque la requête du demandeur, l'exploit de signification de ses moyens indiquent clairement les parties à la décision attaquée, le but de la loi est atteint, puisqu'aucun doute ne peut subsister sur le jugement critiqué.
La transcription est une formalité qui tend à assurer dans l'intérêt des tiers la publicité des droits immobiliers et certains droits mobiliers résultant de louage d

'immeuble; en outre, le défaut de transcription ne peut jamais provoquer la nulli...

Aff. .Civ
Carmelle Héraux Vs Alice Dalencourt.
12 février 1980
Sommaire
Contrat de bail à ferme - Défaut d'enregistrement de contrat - Pouvoir d'appréciation des juges du fond.
Lorsque la requête du demandeur, l'exploit de signification de ses moyens indiquent clairement les parties à la décision attaquée, le but de la loi est atteint, puisqu'aucun doute ne peut subsister sur le jugement critiqué.
La transcription est une formalité qui tend à assurer dans l'intérêt des tiers la publicité des droits immobiliers et certains droits mobiliers résultant de louage d'immeuble; en outre, le défaut de transcription ne peut jamais provoquer la nullité d'un acte ni entraîner celle de la décision qui en aurait fait état.
Aux termes de l'article 909 du Code Civil, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manouvres frauduleuses pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manouvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.
La Cour de Cassation, deuxième section, a rendu l'arrêt suivant:
Sur le pourvoi de la dame Carmelle Héraux, propriétaire, demeurant et domiciliée à Port-au-Prince, patentée aux Nos. 48677-A, identifiée au No. 1627-Q, ayant pour avocats Me Louis M. Lamarre, Me Boniface Alexandre et Me Osner Févry, dûment identifiés, patentés et imposés, avec élection de domicile en leur cabinet, sis, en cette ville, 27 Rue Américaine, contre un arrêt de la Cour d'Appel de Port-au-Prince, rendu le 7 juin 1979 entre elle et les héritiers Alice Dalencour représentés par le sieur André Dalencour propriétaire, demeurant et domicilié en cette ville, identifié au No. 1096-Q, ayant pour avocats Me Charles H. G. Dalencour, dûment identifié, patenté et imposé avec élection de domicile en son cabinet sis en cette ville, 2, Rue Charles Summer;
Ouï, à l'audience publique du 29 Janvier écoulé les parties n'étant pas représentées à la barre, M. le Commissaire, Luc D. Hector en la lecture des conclusions de son Substitut. Me Luc D.Michel, tendant au rejet du pourvoi.
Vu l'acte déclaratif de ce pourvoi, l'arrêt attaqué, les requêtes et les productions des parties, les susdites conclusions du Ministère Public et les textes de loi invoqués.
Et, après en avoir délibéré en la chambre du Conseil, conformément à la loi.
Attendu que, motifs pris de l'expiration du bail écrit intervenu entre feue Alice Dalencour et Carmelle Héraux, qui avait loué de celle-ci une maison à Pétion-Ville pour l'exploitation d'un hôtel, les héritiers de la de cujus saisirent de leur demande en expulsion la Chambre des affaires commerciales du Tribunal Civil de Port-au-Prince qui, par son jugement en date du 20 février 1978 y fit droit, en condamnant la locataire à faire place nette des lieux, avec une allocation de dommages-intérêts en faveur des poursuivants.
Que cette décision, déférée à la Cour de Port-au-Prince, sur appel de la dame Héraux, fut, par arrêt du 7 juin 1979, confirmée dans toute sa forme et teneur, sauf sur le chef des dommages-intérêts dont les seconds juges ont estimé équitable d'augmenter le quantum.
Que c'est cet arrêt qui est l'objet du présent pourvoi appuyé de huit moyens que les Dalencour ont combattu dans leur requête en défense après avoir excipé de deux fins de non-recevoir contre l'admission du recours;
Sur la première fin de non recevoir tirée de la violation de l'article 422 C.P.C., en ce que l'acte déclaratif du pourvoi ne mentionne la qualité d'aucune des parties en cause.
Attendu que les formalités prévues en cet article ne sont pas prescrites à peine de nullité; qu'elles n'ont pour but que de faire connaître sans équivoque la décision, objet du pourvoi; que, quant à l'omission de la qualité des parties dans l'acte déclaratif, elle peut être utilement réparée par la requête et l'exploit de signification des moyens.
Attendu qu'en l'espèce, la requête de la demanderesse et l'exploit de signification de ses moyens indiquent que l'arrêt attaqué a été rendu entre Carmelle Héraux, hôtelière et André Dalencour, représentant des héritiers Alice Dalencour; que le but de la loi est atteint, puisqu'aucun doute ne peut subsister sur la décision querellée.
Sur la deuxième prise de violation de l'article 431 C.P.C. en ce que la requête de la pourvoyante ne spécifie pas si c'est une section simple ou les sections réunies de la Cour qui doit examiner le pourvoi.
Attendu que ni la loi sur l'organisation judiciaire ni le code de procédure civile n'imposent une telle exigence; que, pour être en règle avec ces dispositions législatives qui, seules, régissent le cas, il suffit que les plaideurs soumettent leur pourvoi à la Cour de Cassation, comme, en l'espèce, l'a fait Carmelle Héraux qui a adressé sa requête à "Messieurs les Juges de la Cour de Cassation de la République"; que cette obligation, que le moyen veut mettre à la charge de la demanderesse, ressortit plutôt à l'administration intérieure de ce Haut Tribunal à laquelle compètent toutes les diligences pour l'inscription d'une affaire au rôle de la section qui doit en connaître.
Que cette fin de non recevoir, dénuée de tout fondement sera, comme la précédente, écartée.
Sur les premier et troisième moyens du pourvoi pris ensemble, d'excès de pouvoir, violation de l'article 3 du C.I.C., fausse interprétation de l'article 377 C.P.C., fausse application de l'article 47 de la loi du 28 septembre 1977 et de violation des articles 49 et suivants de la même loi, en ce que, saisie, en vertu de la maxime "Le criminel tient le civil en état", d'une demande de sursis basée sur une plainte en faux affectant l'enregistrement du contrat du bail qu'elle examinait, la Cour d'Appel a refusé le sursis, en reconnaissant à tort, soit que la demande était nouvelle, soit que le bail était affranchi de la formalité de l'enregistrement par la prescription vicennale et, en ce que ladite Cour a finalement statué sur pièce non enregistrée, au mépris d'une prohibition légale, pour n'avoir pas écarté ledit contrat des débats sur la considération qu'une mention d'enregistrement équivaut à l'absence de cette formalité.
Attendu que, s'il est vrai que l'arrêt a invoqué l'article 377 C.P.C. pour déclarer nouvelle la demande de sursis, il est néanmoins évident que, contrairement au grief soulevé, il n'a fait aucun emploi fautif de texte, puisque ladite demande a été tout de même examinée.
Attendu que, pour la rejeter, l'arrêt a considéré, entre autres motifs, qu'aucune loi ne sanctionne de nullité un contrat de bail pour défaut d'enregistrement; que celui du 1er mars 1957, déjà exécuté et expiré et qui existe indépendamment de tout enregistrement, ne pouvait être annulé, puisqu'il a toujours été reconnu par la pourvoyante elle-même et que dès lors, même si le faux allégué était établi, le jugement de l'action publique ne serait appelé à exercer aucune influence sur l'action civile.
Attendu qu'en raisonnant ainsi, les juges d'appel ont justifié légalement leur décision; qu'ils n'ont donc ni violé ni faussement appliqué ou interprété les dispositions de loi envisagées par le pourvoi, lequel était d'autant moins fondé à s'insurger contre l'opinion de la Cour; que la sanction prévue, pour le défaut d'enregistrement des pièces soumises au délibéré du juge, n'est pas la nullité de la décision, mais la responsabilité personnelle du Magistrat envers le fisc, d'où il suit que ces moyens, pour n'être pas fondés seront écartés.
Sur le deuxième moyen pris de fausse interprétation de l'article 79 C.P.C, motifs erronés équivalant à l'absence de motifs, en ce que la Cour d'Appel a refusé d'ordonner la signification et la communication d'un arrêt de cassation dont les Dalencour avaient fait état.
Attendu que les Dalencour avaient initialement porté leur action devant la juridiction civile; que la Cour de Céans, par un arrêt rendu le 21 juillet 1975 en faveur de la recourante, avait annulé une décision de la Cour d'Appel reconnaissant la compétence du juge civil, contrairement au déclinatoire soulevé par la dame Héraux qui invoquait sa qualité de commerçante: que, c'est de cet arrêt que la communication était requise.
Attendu que les juges du fond ont le pouvoir d'apprécier souverainement l'opportunité d'une demande en communication de pièces; qu'en l'espèce, la Cour d'Appel, après avoir estimé que la pièce réclamée n'était d'aucune utilité pour la défense de la dame Héraux, a constaté que les Dalencour, en s'adressant au juge consulaire, n'en avaient pas fait état, mais c'était plutôt la pourvoyante qui, la première, l'avait portée à la connaissance de ses adversaires dans l'état de frais signifié à leur avocat:
Qu'il s'ensuit que c'est à bon droit que l'exception a été rejetée; qu'il échet, en conséquence, d'écarter ce moyen, comme les précédents.
Sur le quatrième moyen pris de motifs erronés, fausse application de l'article 138 de la loi du 28 septembre 1977, en ce que la Cour d'Appel a admis, avec le premier juge, que le contrat du 1er mars 57 n'était pas astreint à la transcription, pour être conclu pour moins de neuf années, alors que le bail est plutôt de 16 ans, en raison de la reconduction tacite qui s'était opérée.
Attendu que la transcription est une formalité qui tend à assurer, dans l'intérêt des tiers, la publicité des droits immobiliers et de certains droits mobiliers résultant de louage d'immeubles; qu'en outre, le défaut de transcription ne peut jamais provoquer la nullité d'un acte ni entraîner celle de la décision qui en aurait fait état.
Attendu qu'en l'espèce, Carmelle Héraux avait soulevé, en première instance, l'irrecevabilité de l'action introduite contre elle pour défaut de transcription du contrat de bail de 1957; que le juge avait rejeté cette fin de non-recevoir sur le motif, que cette dame, comme co-signataire du contrat et non tierce partie, n'était pas recevable, quelle que soit la durée du bail, à se prévaloir de son défaut de transcription.
Que c'est donc à bon droit que, faisant siens les motifs ci-dessus, l'arrêt querellé a déclaré non fondés les mêmes griefs renouvelés dans l'appellation; qu'il en résulte que loin de mériter le reproche qui lui est adressé, cet arrêt a fait une juste et saine application des dispositions, non de l'article 136 visé au pourvoi, mais 122 de la loi invoquée qui régit la matière.
Sur le cinquième et sixième moyens réunis pris de violation de la loi du 14 septembre, des décrets-lois de 1959 et 1961 sur les loyers, de fausse application de l'article 1508 C.C., d'excès de pouvoir par violation de l'article 909 du même code.
Selon Carmelle Héraux, l'action qui lui est intentée est motivée par son refus d'accepter une augmentation du coût des loyers proposée par les Dalencour, avec une promesse de renouvellement du bail pour cinq ans, dans un projet à elle soumis, deux années avant l'expiration du contrat de 1957. La Cour d'Appel, continue-t-elle, au mépris de ses droits de preneuse, toujours liée consensuellement aux bailleurs, en vertu du principe: "promesse de bail vaut bail "a agréé la demande, en référence de l'article 1508 C.C prévu pour le cas d'un bail expiré, alors qu'elle devait la repousser, par application des textes d'ordre public ci-dessus visés, édictés pour la protection des locataires d'immeubles, comme aussi, elle se devait d'ordonner l'enquête et la comparution sollicitées en fonction des dispositions de l'article 111 du C. Com, pour l'administration de la preuve des manouvres dolosives dont elle a été victime, du fait du projet de renouvellement de bail qui l'a incitée à entreprendre des constructions additionnelles à l'immeuble loué;
Attendu que l'arrêt constate que le projet invoqué, dénié par les Dalencour auxquels il est attribué, est un texte dactylographié, sans date ni aucune signature; qu'il en a déduit à bon droit, qu'il est dépourvu de toute force probante, et, en conséquence, a ordonné, à juste raison, sur la considération, que le bail initial, renouvelé en 1965 pour une période de huit ans, était arrivé à expiration en 1973 au prescrit de l'article 1508 C.C, a ordonné le déguerpissement de la preneuse des lieux occupés;
Attendu d'autre part, qu'aux termes de l'article 909 C.C, le dol est une cause de nullité de la convention, lorsque les manouvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manouvres, l'autre partie n'aurait pas contracté."
Qu'il suit de cet énoncé que le dol, au civil, ne peut être envisagé que par rapport à une convention:
Attendu que, pour écarter la mesure d'instruction sollicitée, l'arrêt a retenu, avec justesse, que les manouvres allégués ne pouvaient être considérées ni par rapport au projet de renouvellement de bail ni par rapport au contrat du premier mars 1957, en ce que, d'une part, il est illogique de rechercher un vice de consentement dans une convention dépourvue de toute existence juridique, et, d'autre part, à l'époque où les manouvres alléguées étaient censées avoir été pratiquées - 1971, le contrat de 1957 avait déjà connu 14 années d'exécution, outre l'invraisemblance des imputations de dol découlant du fait qu'une des clauses du bail autorise expressément la preneuse à entreprendre les constructions qu'elle se plaint d'avoir édifiées, d'où il suit que les juges d'appel n'ont fait aucun accroc aux lois d'ordre public invoquées, mais qu'au contraire, ils ont sainement interprété les textes applicables à la matière, ce qui entraîne le rejet de ces moyens.
Sur le septième moyen pris de violation des articles 1168, 1169 C.C motifs erronés ayant exercé une influence dolosive sur le dispositif, en ce que "les motifs sur lesquels s'appuie l'arrêt pour relever la faute de la pourvoyante ne sont pas déterminants".
Attendu que la condamnation de la dame Héraux aux dommages-intérêts en faveur des Dalencour repose sur des motifs pertinents tirés des faits de la cause; qu'en effet, ces motifs établissent la faute, le préjudice et la relation de cause à effet entre faute et préjudice, la faute, résultant de la persistance de la pourvoyante à demeurer dans les lieux loués, en dépit de l'échéance du terme conventionnellement fixé pour le délaissement, le préjudice, des frais et débours considérables d'un procès de six années et plus, entrepris par ses bailleurs pour la déloger y compris les ennuis moraux inhérents à toute procédure longue et dispendieuse.
Qu'il s'ensuit, abstraction faite d'autres motifs qui peuvent être tenus pour surabondants, que l'arrêt a fait une juste interprétation des principes découlant des textes invoqués et qu'il ne mérite pas le reproche qui lui est adressé, d'où rejet du moyen.
Sur le huitième et dernier moyen pris d'excès de pouvoir, violation, fausse application et fausse interprétation de la loi, absence complète de motifs, en ce que saisie de deux actions différents, sic, l'une, un appel, l'autre, une demande en défense d'exécuter, la Cour les a jointes sans motiver cette décision; (sic).
Attendu
que ce moyen manque en fait: la Cour d'Appel n'a, dans la cause, ordonné aucune jonction; qu'en effet, il se constate que, saisie, à l'avocat de Carmelle Héraux, successivement des conclusions de l'appel et de celles de la demande en défense, la Cour était tout naturellement investie d'un mandat global embrassant les deux demandes, sans qu'intervînt pour elle la nécessité d'envisager une quelconque jonction; que dès lors, quand, après avoir évacué l'appellation, elle décide que la défense d'exécuter est devenue sans objet, elle se retrouve avoir rempli, selon la logique de la situation, le mandat qui lui était ainsi octroyé, dans le respect de tous les principes, pourquoi, ce moyen sera rejeté, ainsi que le pourvoi.
Par ces motifs, et sur les conclusions conformes du Ministère Public, la Cour rejette le pourvoi de la dame Carmelle Héraux contre l'arrêt de la Cour d'Appel de Port-au-Prince rendu le sept juin 1979 entre elle et les héritiers Dalencour; dit acquise à l'Etat l'amende consignée et condamne la pourvoyante aux dépens liquidés à la somme de .......... Gourdes, en ce, non compris le coût du présent arrêt.
Ainsi jugé et prononcé par nous, Malherbe Daniel, Vice-Président, Elie Legagneur, Rodrigue D. Macajoux, Georges Henry, Alfred Blaise, Juges, en présence de Me Luc D. Hector, Commissaire du Gouvernement avec l'assistance de M. Evariste Cinéas, Commis-Greffier du siège, en audience publique du douze février mil neuf cent quatre vingt.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 13/1980
Date de la décision : 12/02/1980
Civile
Sens de l'arrêt : Rejet

Analyses

Contrat de bail à ferme - Défaut d'enregistrement de contrat - Pouvoir d'appréciation des juges du fond.

Lorsque la requête du demandeur, l'exploit de signification de ses moyens indiquent clairement les parties à la décision attaquée, le but de la loi est atteint, puisqu'aucun doute ne peut subsister sur le jugement critiqué.


Parties
Demandeurs : Carmelle Héraux
Défendeurs : Alice Dalencourt

Références :

Décision attaquée : Cour d'Appel de Port-au-Prince, 07 juin 1979


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ht;cour.cassation;arret;1980-02-12;13.1980 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award