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09/12/2009 | FRANCE | N°09/00393

France | France, Tribunal de grande instance de Poitiers, Ordonnance de référé, 09 décembre 2009, 09/00393


ORDONNANCE DU : 09 Décembre 2009

DOSSIER N : 09 / 00393

AFFAIRE : Valentin X..., Thierry X..., Alexandre Y... C / S. A. TELE MONTE-CARLO

Code N. A. C. : Demande tendant à la réparation et / ou à la cessation d'une atteinte au droit au respect de la vie privée

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE POITIERS
REFERES-PRESIDENCE TGI CIVIL
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

LE JUGE DES RÉFÉRÉS : Isabelle CHASSARD, Présidente

GREFFIER : Jacqueline SERRANO,

PARTIES : DEMANDEURS

Monsieur Valentin X... né le 26 Mars 1990 à POITIERS (86000)

, demeurant...

Monsieur Thierry X... né le 21 Février 1965 à BENASSAY (86470), demeurant...

représenté par SCP ...

ORDONNANCE DU : 09 Décembre 2009

DOSSIER N : 09 / 00393

AFFAIRE : Valentin X..., Thierry X..., Alexandre Y... C / S. A. TELE MONTE-CARLO

Code N. A. C. : Demande tendant à la réparation et / ou à la cessation d'une atteinte au droit au respect de la vie privée

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE POITIERS
REFERES-PRESIDENCE TGI CIVIL
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ

LE JUGE DES RÉFÉRÉS : Isabelle CHASSARD, Présidente

GREFFIER : Jacqueline SERRANO,

PARTIES : DEMANDEURS

Monsieur Valentin X... né le 26 Mars 1990 à POITIERS (86000), demeurant...

Monsieur Thierry X... né le 21 Février 1965 à BENASSAY (86470), demeurant...

représenté par SCP CLARA COUSSEAU OUVRARD PAGOT REYE SAUBOLE SEJOURNE ET ASSOCIES, (Me AHOUANMENOU) avocats au barreau de POITIERS
Monsieur Alexandre Y... né le 30 Avril 1990 à POITIERS (86000), demeurant..., ...-86130 ST GEORGES LES BAILLARGEAUX

représenté par Me BERNARD, avocat au barreau de POITIERS

DEFENDERESSE

S. A. TELE MONTE-CARLO, dont le siège social est sis 6 bis, quai Antoine 1er, 2ème et 3ème étage-98000 MONACO
représentée par Me PILLOT avocat à PARIS
Débats tenus à l'audience du : 02 Décembre 2009 Assignation en date du 20 novembre 2009 Ordonnance rendue à l'audience du 09 Décembre 2009

– Vu l'assignation qui précède à laquelle il convient de se référer quant aux moyens et prétentions initiales du demandeur tendant à ce qu'il soit ordonné à la SA de droit monégasque TELE MONTE CARLO : – de procéder au retrait du magazine d'information du 11 / 11 / 2009 « 90'enquêtes » intitulé police scientifique, enquête sur les vrais experts » de la liste des vidéos accessibles sur le site internet http : / / www. tmc. tv dont elle est propriétaire des éléments (textes, logos, images, éléments snores, vidéos incônes, données, codes, sources, etc...) qui y sont diffusés – d'interrompre toute diffusion ou rediffusion dudit magazine d'information du 11 / 11 / 2009 parmi ses programmes accessibles au public sur l'une des fréquences numériques ou numériques hertzienne dont elle est propriétaire

et que la défenderesse soit condamnée à payer 5000 euros à titre de dommages et intérêts à chacun des requérants outre la somme de 3000 euros à chacun des requérants.
Les demandeurs sollicitent en outre que l'ordonnance soit déclarée exécutoire par provision sur minute en application de l'article 489 alinéa 2. Ils appuient leurs demandes sur les dispositions des articles 808 et suivants du code de procédure civile.

En défense, la SA TMC conclut à l'irrecevablité des demandes :- faute d'intérêt à agir compte tenu de l'impossibilité d'identification des demandeurs et l'absence de pièces justificatives expose que : – en l'absence d'atteinte à la présomption d'innocence dont ils bénéficient en application de l'article 9-1 du code civil compte tenu de ce que la société TMC ne concourt pas à l'enquête, de ce qu'il n'a jamais été affirmé que les demandeurs étaient coupables et qu'il a été indiqué qu'ils étaient témoins assistés

Reconventionnellement, elle sollicite la condamnation des demandeurs à lui payer la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Subsidiairement, elle soulève l'existence de contestations sérieuses : – faute d'atteinte à leur droit à l'image – eu égard aux modifications des codes couleurs concernant l'habitation

La SA TMC ajoute que : – elle n'a été saisie d'aucune demande préalable à la signification de l'exploit introductif d'instance – le respect à la vie privée prévu par la convention européenne des droits de l'homme doit se concilier avec la liberté d'expression prévu par l'article 10 – cette protection de la vie privée peut donc céder devant la liberté d'informer, par le texte et l'image – la liberté de communication des informations et des idées autorise la publication d'images de personnes impliquées dans un événement public ou concernées par un sujet d'intérêt général sous réserve du respect de la dignité de la personne humaine dès lors que cette diffusion est en relations directe avec l'évènement ou le sujet et qu'elle ne constitue pas une dénaturation de l'image ou de ceux qui y sont présentés – le film avait été visionné par des magistrats de la juridiction et un capitaine du SIRPA Gendarmerie qui ont donc pu estimer que des précautions suffisantes ont été prises – elle a prévu des modifications à savoir : – floutage de l'escalier et du lit – floutage complet de M Thierry X... – accentuation de la modification de la voix de la « mère du prévenu » – le portail et la cour seront floutés au début et à la fin de la séquence litigieuse – en ce qui concerne l'intérieur de la maison, le mobilier de la cuisine et du salon ainsi que la chambre du demandeur et la chambre de ses parents seront floutés – lors de l'audition intervenant au bout de 30mn 51s de reportage, les prénoms audibles seront bipés et le nom déjà transformé le sera aussi – il n'est justifié d'aucun préjudice – la demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée faute de demande préalable à l'égard de la SA TMC

A l'audience, la SA TMC ajoute que : – la société TMC assure seulement la diffusion mais ne fait pas le montage – la société TV PRESSE PRODUCTION (M C...) est une autre personne morale que la SA TMC – le fait que semble t il selon les déclarations d'audience des demandeurs le reportage soit toujours diffusé par deux autres sites Internet, ces deux autres sites ne dépendent pas de la société TMC

Sur demande du président d'audience, la SA TMC indique que la non diffusion par ses soins pourra attendre le délibéré au 09 / 12 / 2009. La SA TMC confirme ce point par courrier en cours de délibéré (jusqu'à la date du 10 / 12 / 2009) tout en produisant, sur autorisation de la juridiction conformément aux articles 445 et 442 du code de procédure civile, le contrat de cession des droits entre TV PRESSE PRODUCTION et elle même avec autorisation d'effacer le montant de la transaction et ce compte tenu des moyens soulevés à l'audience.
A l'audience, la défenderesse sollicite la diffusion du DVD qu'elle a amené afin de pouvoir se rendre compte du caractère reconnaissable des lieux et des personnes et s'assurer du caractère audible ou non des noms éventuellement cités.
Les demandeurs s'y opposent dans la mesure où il s'agit de la version des défendeurs qui n'est peut être pas celle qui a été diffusée. Ils remettent également leur exemplaire.
Sur ce point, le président d'audience décide que les deux DVD seront fournis comme pièce de procédure et seront tous les deux visualisés au même titre que les pièces papier fournies.
Par ailleurs, M X... père, étant présent sur l'audience, la juridiction a pu disposer de la connaissance de l'aspect physique réel de l'un des demandeurs concerné par un plan non flouté dans le reportage.
A l'audience, les demandeurs invoquent le préjudice moral particulier pour les deux jeunes majeurs (Alexandre Y... et Valentin X...), tous deux nés en 1990. Ces jeunes majeurs indiquent avoir été mis hors de cause dans le cadre de l'instruction en cours et avoir la qualité de témoins assistés, deux autres personnes ayant quant à elles été mises en examen.

SUR CE

Sur la fin de non recevoir faute d'intérêt à agir
Il résulte de l'article 122 du code de procédure civile que constitue une fin de non recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande sans examen au fond, c'est à dire, en matière de référé, sans examen des conditions prévues pour justifier le bien fondé des demandes selon les cas de référés.
Dès lors, le moyen tiré de l'absence de pièces justificatives ou la contestation de l'existence d'une violation de la présomption d'innocence qui s'inscrit dans l'appréciation de l'existence ou non du « trouble manifestement illicite » constituent des moyens de défense relevant de l'examen au fond au sens de l'article 122 du code de procédure civile et non des fins de non recevoir.
La SA TMC, a soulevé le fait qu'elle n'a pas procédé au montage mais a assuré seulement la diffusion. Elle n'a pas qualifié juridiquement ce moyen. Cependant, il est manifeste que cet argument ne peut constituer une fin de non recevoir pour défaut d'intérêt à agir.
En effet, l'intérêt à agir des demandeurs est caractérisé par le fait que chacun des demandeurs est concerné et filmé dans le reportage litigieux.

A titre superfétatoire, il convient d'ajouter que la SA TMC a bien acquis les droits de diffusion et a assuré la diffusion dans les termes de la convention de « pré achat de droits de télédiffusion » conclue par elle le 30 / 10 / 2009 avec la SAS TF1. Il importe peu de connaître les relations juridiques qui lient au titre de ce reportage la SAS TF1 et la Société TV PRESSE PRODUCTION laquelle a de manière certaine assuré la réalisation du film.

Les fins de non recevoir soulevées au titre du défaut d'intérêt à agir seront donc rejetées puisque tant les demandeurs que la défenderesse sont directement concernés par le litige. Il sera donc procédé à l'examen du bien fondé des demandes en considération des conditions posées par l'article 809 alinéa 1 du code de procédure civile.

Sur les demandes principales

1) Sur le fondement juridique applicable
Il résulte de l'article 809 alinéa 1 que le Juge peut toujours prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite, même en présence d'une contestation sérieuse.
Sur ce fondement juridique, le juge des référés n'a pas à vérifier l'existence ou non de contestations sérieuses. Il doit uniquement s'assurer que le trouble lui même est manifestement illicite et que la défenderesse a participé effectivement à la réalisation du trouble.
En conséquence, les contestations non rattachées au trouble lui même ne peuvent être prises en compte.
L'essentiel du litige est donc d'apprécier si le reportage diffusé et susceptible de l'être encore, crée un trouble manifestement illicite et ce sur 3 plans compte tenu des moyens soulevés par les demandeurs : – en considération de licéité de l'entrée des caméras dans le domicile des demandeurs – en considération des dispositions de l'article 9 du code civil et des articles 8 et 10 de la convention européenne des droits de l'homme (respect de la vie privée et de la liberté d'expression) – en considération des dispositions de l'article 9-1 du code civil (respect de la présomption d'innocence)

2) rappel des faits et les atteintes au respect de la vie privée résultant du reportage réalisé

Il y a lieu de rappeler que les faits dont est saisi le juge des référés concernent principalement les perquisitions effectuées sur commission rogatoire le 23 / 06 / 2009 au domiciles des demandeurs. Ce type d'évènement n'est pas un évènement public pour ce qui concerne le déroulement effectif au sein de l'habitation des demandeurs.
Les gendarmes ont effectué ces actes procéduraux rattachés à une enquête pénale en cours accompagnés par une équipe de tournage, équipe qui était présente à leurs côtés en vertu d'une convention signée le 24 / 03 / 2009 par la Gendarmerie, M C...au titre de la société TV PRESSE PRODUCTION, des chefs de juridiction du TGI POITIERS représentés. Cette convention avait été souscrite afin de permettre à la société de production de disposer d'illustrations du thème suivant : « les techniciens en identification criminelle de la Brigade départementale de renseignement et d'informations judiciaires « BDRIJ » de la Vienne. »

Cette convention prévoyait une durée limitée de réalisation entre le 24 mars 2009 et le 01 juin 2009.
Au titre des faits, il convient de rappeler que Monsieur X... père invoque s'être opposé à l'entrée des caméras dans son domicile en indiquant qu'il lui a été alors indiqué que la présence des caméras avaient été autorisée par les magistrats du tribunal. Il lui était alors remis une carte de visite au nom de TV PRESSE PRODUCTION avec l'indication du nom de M C.... Par l'intermédiaire de son avocat, M X... Thierry a adressé une lettre recommandée à TV PRESSE PRODUCTION le 06 / 07 / 09 indiquant :
« nous avons reçu instruction de vous indiquer l'opposition formelle de notre client (Valentin) ainsi que de ses parents chez qui il est domicilié, de procéder à la diffusion de toute image permettant l'identification du domicile ainsi que l'identification des personnes. Il conviendrait de procéder au retrait des images relatives au transport des gendarmes jusqu'au domicile de M X..., au transport entre ce domicile et la caserne de gendarmerie de POITIERS ainsi que celles au départ de ce dernier lieu vers le Palais de justice ou toute autre image concernant notre client »

L'envoi de ce courrier à peine quelques jours après le tournage des scènes situées au domicile de Messieurs X... confirme en outre ce qui a été oralement indiqué lors même de la perquisition et qui a conduit à la remise par le caméraman d'une carte de visite TV PRESSE PRODUCTION. Frédérick C...» contenant l'adresse de cette personne morale.
Cette lettre recommandée est revenue non réclamée.
Concernant M Alexandre Y..., il n'est pas invoqué une opposition au moment même de la réalisation de la perquisition le 23 juin 2009 également. Cependant, aucune autorisation expresse de ce dernier n'a été donnée et M Y... soulève qu'une telle autorisation aurait dû lui être demandée.

Les CD produits aux débats en tant que pièces de procédure ont été visionnés par la juridiction dans le cadre de son délibéré. La version internet du film a été visionnée par un huissier dont les constatations sont consignées dans le procès verbal en date du 18 / 11 / 2009.

Le reportage contient, s'agissant des personnes concernées : – la possibilité de reconnaître M X... Thierry qui n'est pas même flouté ni filmé de dos. Le profil arrière de M X... permet manifestement de le reconnaître pour qui le côtoie ou le connaît – l'identification particulièrement audible du lieu d'interpellation de M Alexandre Y... (parking du super U) permettant à ses collègues de travail de faire le lien avec le contenu du reportage – l'identification manifestement possible des lieux concernés (plan des faits avec les noms des villes proches) permettant une identification géographique étroite des lieux d'habitat des personnes concernées et ce d'autant qu'il est montré des habitations en milieu rural permettant aux voisins et habitants proches d'avoir l'attention attirée – la voix de Mme X... non modifiée ou si peu qu'elle semble naturelle – l'indication des vrais prénoms des personnes concernées, permettant lorsque trois prénoms sont cités de reconnaître un groupe d'amis aisément pour qui les côtoient localement – une visite de l'habitation de M X... permettant de concevoir parfaitement la structure interne des pièces de ce fait reconnaissable par toute personne étrangère à M X... mais qui a pu avoir l'occasion d'entrer chez lui et ce nonbstant le floutage partiel de son habitation – la possibilité manifeste d'entendre le nom de M Alexandre Y... pour toute personne qui connaît son nom, notamment la deuxième fois où il est prononcé

Nombre de séquences critiquées par Messieurs X..., pour atteinte leur vie privée sont de plus, sans lien avec le sujet pour lequel une autorisation judiciaire a été donnée.

Elles concernent plutôt le déroulement de l'enquête, l'émotion familiale lors de la perquisition et non des éléments de police scientifiques tel que par exemple : – la séquence commençant par « dans la cuisine, la mère accuse le coup (...) » alors que l'intégralité de cette séquence permet sans contestation possible de reconnaître le domicile de M X... et constitue manifestement une violation du droit au respect de la vie privée. – Le fait de citer les prénoms des personnes figurant sur une photo de trois amis avec des armes à la main dans une chambre à coucher et de citer également le nom de famille de M Y... Alexandre parfaitement audible pour une personne qui connaît son nom puisque tel a été le cas pour l'huissier. Cette constatation est également confirmée par le visionnage en délibéré des films produits comme pièces aux débats.

3) sur l'opposabilité du trouble manifestement illicite à l'égard de la seule SA TMC

Les moyens suivants sont invoqués par la SA TMC : « la société TMC assure seulement la diffusion mais ne fait pas le montage ; la société TV PRESSE PRODUCTION (M C...) est une autre personne morale que la SA TMC ; l'opposition à la diffusion par M X... n'a été adressée qu'à la société TV PRESSE PRODUCTION »
La SA TMC ne peut soulever ce moyen dans le cadre de l'article 809 alinéa 1 du code de procédure civile dans la mesure où ce moyen est indépendant du trouble lui même et qu'il est incontestable que la SA TMC a eu une part active dans la survenance du trouble subi en diffusant le reportage après en avoir acquis les droits de la SAS TF1.
Par ailleurs, il convient de préciser que des obligations personnelles notamment au titre de l'article 9 du code civil pesaient sur la société TMC en vertu de la convention par elle signée avec le conseil supérieur de l'audiovisuel et en vertu de ladite convention de pré achat des droits de diffusion signée le 30 / 10 / 2009 avec la SAS TF1.

L'article 7 de la convention du 30 / 10 / 2009 relative à la clause de contenu éditorial précise que « le contractant (TF1) s'engage à soumettre, avant la mise en production de l'émission, le contenu des reportages à l'approbation de TMC par l'intermédiaire de toute personne habilitée ». Cette disposition démontre la responsabilité propre et personnelle de la défenderesse.

Il y a lieu de relever en outre que l'article 2-3-4 de la convention conclue entre TMC et le conseil supérieur de l'audiovisuel le 10 / 06 / 2003 dont des extraits figurent en annexe de la convention de pré achat signée avec TF1 énonce, en ce qui concerne les obligations déontologiques relatives aux droits à la personne que :
– « l'éditeur respecte les droits de la personne relatifs à sa vie privée, son image, son honneur et sa réputation tels qu'ils sont définis par la loi et la jurisprudence » – « l'éditeur veille en particulier : – à éviter la complaisance dans l'évocation de la souffrance humaine, (...) – à ce que le témoignage de personnes sur des faits relevant de leur vie privée ne soit recueilli qu'avec leur consentement éclairé » – Par ailleurs, l'article 2-3-10 de la même convention sur la déontologie énonce :

« Dans le respect du droit à l'information, la diffusion d'émissions, d'images, de propos ou de documents relatifs à des procédures judiciaires ou à des faits susceptibles de donner lieu à une information judiciaire nécessite qu'une attention particulière soit apportée, d'une part au respect de la présomption d'innocence, c'est à dire qu'une personne non encore jugée ne soit pas présentée comme coupable, d'autre part, au secret de la vie privée et enfin, à l'anonymat des mineurs délinquants. (...) Lorsqu'une procédure judiciaire en cours est évoquée à l'antenne, l'éditeur doit veiller à ce que : – l'affaire soit évoquée avec mesure, rigueur et honnêteté – (...) »

Ces règles déontologiques sont contractuellement rendues obligatoires dans les relations entre TF1 et TMC par l'effet de l'article 7 étant relevé que :
– TF1 s'est engagée à respecter les dispositions de la convention conclue entre TMC et le Conseil supérieur de l'audiovisuel du 10 / 06 / 2003 – TF1 s'est engagé à obtenir toutes les autorisations nécessaires des personnes filmées et / ou interviewées afin de permettre une exploitation paisible des droits acquis par TMC

Ces engagements déontologiques qui s'ajoutent aux règles légales applicables s'imposent à la SA TMC laquelle est tenue de les vérifier avant toute diffusion.
La SA TMC ne démontre pas s'être assurée du respect de toutes les autorisations nécessaires, et s'est manifestement contentée des garanties contractuelles données par TF1 dans la convention du 30 / 10 / 2009. Or la protection de la vie privée, à l'égard des personnes privées concernées, est une obligation partagée, sans préjudice pour les uns et les autres de prévoir entre elles des recours ou garanties.
Cette obligation pèse donc également sur la SA TMC, sauf son recours éventuel contre la SA TV PRESSE PRODUCTION.
La convention du 30 octobre 2009 n'est pas opposable aux demandeurs en raison du principe de l'effet relatif des contrats. C'est à la SA TMC qui a assuré la diffusion et qui envisage de la poursuivre et non aux demandeurs de rechercher à qui est imputable en définitive la violation de règles.
Il appartenait à la SA TMC de la mettre en cause la SAS TF1 sur le fondement de l'article 331 alinéa 2 du code de procédure civile, en vue de la recherche de garantie prévue dans les termes de la convention signée entre elles le 30 / 10 / 2009 en cas de jouissance non paisible des droits cédés ou pour simple opposabilité de la décision à intervenir.
Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 332 alinéa 1 du code de procédure civile dans la mesure où la présence de TF1 et / ou de la SA TV PRESSE PRODUCTION n'est pas nécessaire à la solution du litige engagé par les demandeurs, compte tenu de la responsabilité propre de la SA TMC dans la diffusion et des dispositions spécifique du référé prévu par l'article 809 alinéa 1 du code de procédure civile.
Le fait que TV PRESSE PRODUCTION n'ait pas retiré la lettre recommandée reçue le 07 / 07 / 2009 soit bien avant la signature du contrat entre TMC et TF1 (signature du 30 / 10 / 2009) est donc inopérant dans le litige opposant les demandeurs à la SA TMC.
En conséquence, la SA TMC ne peut invoquer le caractère inopposable à son égard de l'illicéité du trouble subi.

4) sur les incidences de la convention du 24 mars 2009

La SA TMC invoque le fait que la présence des caméras était autorisée par la convention du 24 / 03 / 2009 et que le reportage a été visionné par des magistrats.
La signature des représentants de la juridiction s'inscrit dans le cadre du bon déroulement des enquêtes pénales à venir en cours. C'est la raison pour laquelle sont prévues des dispositions indiquant que l'équipe de tournage ne pourrait filmer en cas d'opposition du juge d'instruction ou du magistrat du parquet. L'articulation des articles de la convention démontre aisément ce contexte liée au fait que les magistrats ne peuvent connaître à la date de la signature d'une convention la nature des enquêtes pénales à venir pendant la période de réalisation autorisée.
La précaution suivante inscrite dans la convention du 24 / 03 / 2009 : « Aucun élément permettant d'identifier les personnes physiques ou morale n'apparaîtra dans le reportage, ni aucune indication permettant de localiser le lieu des opérations de police »

définit, compte tenu des signataires de la convention du 24 / 03 / 2009, l'étendue des autorisations données au titre du déroulement de la procédure pénale concernée et non comme une protection de la vie privée (article 9 du code civil) prévue pour le compte de tiers non signataires.
En invoquant à tort l'existence de cette convention pour convaincre M X... que la présence des caméras pouvait être lui imposée, l'équipe présente n'a pas donné à M X... les éléments d'un « consentement éclairé » étant souligné au surplus que la SA TV PRESSE PRODUCTION ne disposait d'aucune autorisation lors des perquisitions du 23 / 06 / 2009.
En effet, les termes de la convention du 24 mars 2009 étaient caducs depuis le 01 / 06 / 2009, date qui constituait le terme de la période de réalisation autorisée. Aucune justification d'une prolongation autorisée de cette période couvrant la date du 23 juin 2009 n'est apportée par la SA TMC.
A supposer que soit établi le fait qu'il ait été indiqué à M X... que la présence des caméras était autorisée par les magistrats, cette indication était donc fausse.
Il en résulte que le trouble subi par les demandeurs est manifestement illicite en ce que les règles du code de procédure pénale ne permettaient en aucune manière la présence de l'équipe de tournage lors des perquisitions du 23 juin 2009, ni l'introduction des caméras chez messieurs X..., malgré leur opposition et chez M Y... sans son autorisation expresse.
Le contenu même du reportage en sus des dispositions de la convention de pré achat du 30 / 10 / 2009 rappelées précédemment imposait à la SA TMC de vérifier, personnellement l'existence des autorisations nécessaires.
Cette absence d'autorisation a des effets conséquents sur les moyens soulevés relatifs à la liberté d'expression et à l'application de l'article 10 de la convention européenne des droits de l'homme.

5) sur l'application du droit à la liberté d'expression prévu par l'article 10 de la convention européenne des droits de l'homme

Tout comme le droit au respect de la vie privée de toute personne, le droit à la liberté d'expression constituent des fondements d'une société démocratique.
L'article de 8 de la Convention européenne des droits de l'homme doit protéger l'individu non seulement contre l'ingérence des pouvoirs publics, mais aussi contre celle des particuliers et des institutions, des établissements publics ou des sociétés commerciales, y compris ceux ou celles ayant pour objet des moyens de communication de masse.
La délicate combinaison de ce droit avec la liberté d'expression prévue par l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme doit tenir compte des principes posés en son alinéa 2 qui énonce que : – « l''exercice des droits et libertés d'expression comporte des devoirs et des responsabilités – ils « peuvent être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique : – à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire ».

La SA TMC indique elle même à juste titre que « la liberté de communication des informations et des idées autorise la publication d'images de personnes impliquées dans un événement public ou concernées par un sujet d'intérêt général sous réserve du respect de la dignité de la personne humaine dès lors que cette diffusion est en relation directe avec l'événement ou le sujet et qu'elle ne constitue pas une dénaturation de l'image ou de ceux qui y sont présentés. »

Au titre des principes applicables, il convient également de rappeler la jurisprudence de la cour de cassation concernant la liberté de choix de l'illustration de sujets d'intérêt général :
– « Le principe de la liberté de la presse implique le libre choix des illustrations d'un débat général de phénomène de société sous la seule réserve du respect de la dignité de la personne humaine. » (civ 04 / 11 / 2004) – « L'illustration d'une étude d'intérêt général, qui dispense du consentement spécial des personnes représentées, n'implique pas nécessairement que celles ci soient identifiables » (Civ 14 / 06 / 2007)

L'ensemble de ces principes qui définissent l'étendue et les limites de la liberté de la presse ne remettent pas en cause le caractère manifestement illicite du trouble subi par les demandeurs pour les raisons suivantes : – les perquisitions ne sont pas, en ce qui concerne leur déroulement au sein du domicile d'une personne, des événements publics – le principe du libre choix de l'illustration d'une étude d'intérêt général, y compris sans le consentement des personnes représentées, suppose que les conditions cumulatives suivantes soient remplies :

a) le recueil de l'image servant d'illustration ne soit pas prohibé par des dispositions législatives ou réglementaires spécifique à la nature de l'image ou de la scène recueillie b) l'image recueillie respecte le droit à la dignité de la personne humaine c) les modalités de présentation de l'image recueillie soient en correspondance avec le sujet traité (cf Civ 14 / 06 / 2007 prévoyant que l'illustration d'un reportage sur la prostitution permettait le recueil d'images de prostituées sans leur consentement mais que le fait qu'elles puissent être identifiées – absence de floutage ou autre technique-n'était pas justifié par le sujet général illustré)

En l'espèce, les conditions a) et c) font défaut, tant pour messieurs X... que pour M Alexandre Y... en ce que : – le recueil des images des séquences de perquisitions du 23 juin était prohibé, cette interdiction n'étant pas couverte par une autorisation dérogatoire – les mesures techniques mises en oeuvre sont manifestement insuffisantes et ont permis de rendre identifiables les demandeurs ainsi que la présentation interne des locaux constituant le cadre de leur habitat, ce dernier étant également couvert par le droit au respect de la vie privée (Civ 07 / 11 / 2006) alors que ces éléments ne peuvent être justifiés par le sujet d'intérêt général traité tel qu'intialement déclaré (« les techniciens en identification criminelle de la Brigade départementale de renseignement et d'informations judiciaires « BDRIJ » de la Vienne. ») ou même tel que finalement retenu (« Police scientifique : les vrais experts »)

S'agissant des mesures réparatrices, la combinaison du droit à la vie privée et du principe de la liberté d'expression impose la recherche par le juge des mesures les plus adaptées au respect de ces deux libertés et droits fondamentaux.
Le reportage n'est pas intégralement consacré à la procédure pénale concernant les demandeurs puisque d'autres enquêtes sont évoquées. Ce constat conduit nécessairement à rejeter les demandes telles que présentées par les demandeurs qui sont excessives et non proportionnées à ce qui est nécessaire.
Le seul non respect de la troisième condition susvisée aurait permis l'organisation de mesures réparatrices techniques pour mieux assurer l'anonymat et supprimer les possibilités de reconnaissance des cadres d'habitat.
Mais le non respect de la première condition ne peut permettre la mise en oeuvre de telles mesures qui auraient pour effet de légitimer le recueil illicite d'images.
En conséquence, en l'espèce, la seule mesure réparatrice possible consiste en la suppression totale des séquences relatives aux perquisitions en ce compris les images extérieures des habitations et pour le surplus en l'amélioration des mesures de floutage et de traitement des informations sonores, comme il sera plus amplement spécifié au dispositif de la présente ordonnance

Concernant les autres séquences (hors séquences supprimées) du reportage relatif à cette affaire pénale et s'il était souhaité par la SA TMC de les conserver : – l'ensemble des prénoms cités relatifs à l'affaire en cause et en quelque endroit qu'ils se trouvent dans le reportage seront bipés – le nom de M Y... prononcé deux fois sera bipé – les noms de villes et de la région de la carte initiale figurant au procès verbal de constat mentionnant les divers lieux de tirs seront floutés et l'indication géographique de leur localisation en voix off sera supprimée ou bipée – le nom du parking « super U » sera bipé – l'ensemble des trajets vers et depuis les domiciles des demandeurs seront supprimés

Ces mesures réparatrices peuvent être parfaitement imposées à la SA TMC pour les raisons précédemment exposées et compte tenu du fait que l'article 7 dernier alinéa de la convention de pré achat des droits de télédiffusion précise que « TMC pourra effectuer ou demander au contractant (TF1) d'effectuer des coupures, des montages et / ou des floutages sous réserve qu'ils soient justifiés par des raisons législatives, réglementaires et / ou des obligations pesant sur TMC ». Tel est le cas en l'espèce.

Compte tenu de la cession pour une durée limitée des droits de télédiffusion du reportage à la SA TMC et faute de dispositions spécifiques conventionnelles à cet égard dans la convention du 30 / 10 / 2009, il convient d'imposer à titre de mesure réparatrice à la SA TMC d'informer par lettre recommandée son cocontractant ainsi qu'à la SA TV PRESSE DIFFUSION (puisqu'elle a su solliciter une attestation de la part de cette dernière) des mesures ordonnées et d'en conserver le justificatif.
Enfin, compte tenu de l'étendue des droits d'utilisation concédés par TF1 tels que prévus à l'article 2 de la convention du 30 / 10 / 2009 et notamment s'agissant des droits d'exploitation en « catch up TV », il est expressément rappelé que la SA TMC a la responsabilité de n'utiliser lesdits droits de télédiffusion qu'avec les modifications ordonnées par la présente ordonnance. Tel est le sens de l'obligation mentionnée comme suit dans le dispositif : « ordonne à la SA TMC et à toutes personnes physiques ou morales de son chef... »
Compte tenu de la responsabilité qui incombe à la SA TMC d'avoir déjà mis en ligne pendant une période limitée le reportage litigieux, il incombe à la SA TMC d'informer toute personne physique ou morale ayant bénéficié de sa part d'une exploitation de droits, des modifications à apporter au reportage et de prendre toutes mesures pour faire interrompre la diffusion de la version non modifiée fût elle non autorisée par elle. A cette fin, les demandeurs informeront la SA TMC des diffusions des versions d'origine dont ils pourront s'apercevoir.
Ces dernières mesures, certes non spécifiquement sollicitées, déclinent de fait les demandes présentées dans l'assignation. En tout état de cause, le juge des référés peut prendre d'office toutes mesures destinées à assurer l'exécution de sa décision
L'astreinte peut être ordonnée d'office. Il convient en l'espèce de l'ordonner selon les modalités précisées au dispositif

6) sur les demandes rattachées à la violation du principe de présomption d'innocence prévu par l'article 9-1 du code civil

L'analyse de ce moyen doit conduire à l'analyse des termes employés dans le reportage afin d'examiner si les demandeurs ou certains d'entre eux ont été présentés comme coupables. Sur ce point, contrairement à ce que soutient la SA TMC, ce respect de la présomption d'innocence lui est opposable et ce pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés au titre des dispositions de l'article 9 du code civil Elle ne peut donc arguer ne pas être y soumise du fait qu'elle ne concourt pas à l'enquête.

Il est constant en l'espèce qu'aucune des personnes citées n'ont été jugées coupables des faits dont il s'agit et qu'elles sont donc présumées innocentes. En outre, l'insuffisance des mesures prises pour protéger les demandeurs et notamment M Alexandre Y... et M Valentin X... de tout risque d'être identifiés rend pertinent le moyen soulevé.

Le fait de divulguer le nom d'une personne majeure mise en examen n'est interdit par aucun texte et il est permis de rendre compte des affaires judiciaires en cours d'instruction dès lors que les journalistes assortissent la relation des faits d'aucun commentaire de nature à révéler un préjugé de leur part quant à la culpabilité de la personne en cause (cf TGI PARIS 07 / 07 / 1993)
En l'espèce, les phrases retenues par les demandeurs sont celles citées dans le constat d'huissier en date du 18 / 11 / 2009 : – voix off à 5'24''commençant par « avec ces armes, les gendarmes espèrent mettre fin à une affaire (...) l'éleveur est toujours sous le choc » – voix off à 54'40''« quand aux jeunes complices présumés des tireurs fous, il arrivent devant le palais de justice accompagnés par les gendarmes ; ils doivent comparaître en tant que témoins assistés devant le juge d'instruction. Seuls les deux meneurs sont mis en examen dans cette affaire. Ils attendent à présent leur procès prévu l'année prochaine, ils risquent jusqu'à 14 ans de prison »

La première phrase ci dessus citée ne peut être considérée comme constitutive d'une violation de l'article 9-1 du code civil faute de rattachement à une personne citée ou identifiable.
La seconde phrase ne permet pas de retenir une violation de l'article 9-1 en ce qu'elle ne contient aucun commentaire sur la culpabilité des demandeurs lesquels sont qualifiés de témoins assistés. De plus, seules les deux autres personnes mises en examen sont mentionnées comme attendant leur procès.
En outre, les mesures qui seront prises pour réparer le trouble manifestement illicite subi par les demandeurs rendront les demandeurs non identifiables.
Il y a donc lieu de rejeter les demandes présentées au titre de l'application de l'article 9-1 du code civil.

7) sur les demandes de provision et sur l'article 700 du code de procédure civile

La SA TMC ne peut alléguer de l'absence de justifications d'un préjudice moral en l'espèce, le préjudice étant manifeste compte tenu des violations constatées de l'article 9 du code civil, du recueil illicite d'images, de l'entrée illicite dans des locaux d'habitation appartenant à des personnes privées. Aucun justificatif n'est nécessaire à cet égard, le trouble subi par les demandeurs étant manifestement illicite.
Il y aura lieu de distinguer la situation de Messieurs Alexandre Y... et de Valentin X...qui sont tous deux de jeunes majeurs (nés en 1990) de celle de M X...Thierry. En effet, l'impact psychologique sur ces derniers est à l'évidence plus accentué. L'indemnisation du préjudice exclut bien entendu le choc des perquisitions qui sont quant à elles parfaitement légitimes en vertu des règles du code de procédure pénale.
S'agissant de M X..., il subit également un préjudice particulier lié à l'absence de prise en compte de son opposition à l'entrée dans les lieux par l'invocation de faux arguments et également l'absence de prise en compte de son opposition à toute diffusion et ce à hauteur du tiers de la somme qui lui est allouée ci dessous.
La SA TMC sera condamnée à payer à :- M Alexandre Y... et à M Valentin X...la somme de 3000 euros chacun – M Thierry X...la somme de 3000 euros.

Il est équitable d'allouer à M Thierry X...et à M Valentin X...la somme de 1500 euros chacun qui ont fait une démarche préalable auprès d'un avocat dès juillet 2009 et à M Alexandre Y... la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

8) sur la demande d'exécution provisoire sur minute

En application de l'article 495 du code de procédure civile, la présente décision sera exécutoire sur minute eu égard à l'urgence, la SA TMC n'ayant accepté de suspendre les diffusions ainsi que le placement sur leur site internet tmc. fr que jusqu'au 10 / 12 / 2009.

PAR CES MOTIFS

Statuant en audience publique par ordonnance de référé contradictoire et en premier ressort,

Vu l'article 809 du code de procédure civile,

Vu les articles 8 et 10 de la convention européenne des droits de l'homme,
Vu la convention du 24 mars 2009,
Vu la convention de pré achat de droits de télédiffusion du 30 / 10 / 2009,
Rejette les fins de non recevoir soulevées en défense.
Rejette la demande de constatation d'une violation des disposition de l'article 9-1 du code civil.
Constate le trouble manifestement illicite attaché au contenu du reportage « 90'enquêtes. Police scientifique, enquête sur les vrais experts ».
Ordonne à la SA TMC et à toutes personnes de son chef de procéder à l'exécution des mesures réparatrices suivantes avant toute nouvelle diffusion effectuée selon quelque modalité technique que ce soit, du reportage « 90'enquêtes. Police scientifique, enquête sur les vrais experts » :
1)- la suppression totale des séquences relatives aux perquisitions diligentées chez Messieurs X... et Monsieur Y... en ce compris les images extérieures des habitations avant l'entrée dans celles ci ou après la sortie
Toute diffusion imputable à la SA TMC au mépris de cette obligation sera sanctionnée par une astreinte de 3000 euros par infraction constatée étant rappelé que la présente ordonnance est immédiatement exécutoire.
2)- pour l'ensemble du reportage subsistant après application de la mesure qui précède :

– l'ensemble des prénoms cités relatifs à l'affaire en cause et en quelque endroit qu'ils se trouvent dans le reportage seront bipés – le nom de M Y... prononcé deux fois sera bipé

– les noms de villes et de la région de la carte initiale figurant au procès verbal de constat mentionnant les divers lieux de tirs seront floutés et l'indication géographique de leur localisation en voix off sera supprimée ou bipée – le nom du parking « super U » sera bipé – l'ensemble des trajets vers et depuis les domiciles des demandeurs seront supprimés – le niveau de floutage des visages ou parties de visage sera accentué afin de les rendre moins « lisibles » – au cas où les demandeurs pourraient apparaître dans des séquences subsistantes, le floutage comme précisé ci dessus sera systématique et les voix modifiées afin de rendre le timbre de la voix non reconnaissable.

Toute diffusion imputable à la SA TMC au mépris de ces mesures sera sanctionnée par une astreinte de 200 euros par infraction constatée pour chacune des mesures ci dessus prévues étant rappelé que la présente ordonnance est immédiatement exécutoire.

– 3) Ordonne à titre de mesure réparatrice à la SA TMC d'informer par lettre recommandée la SAS TF1 ainsi que la SA TV PRESSE PRODUCTIONS des mesures ordonnées dans le délai de 8 jours à compter de la présente ordonnance et d'en conserver le justificatif dont copie sera transmis pour information aux demandeurs. Dit que copie du justificatif sera adressé à chacun des demandeurs par la SA TMC dans un délai maximal d'un mois à compter de la présente ordonnance sous astreinte de 40 euros par jour de retard passé ce délai et ce pendant deux mois.

Ordonne à la SA TMC d'informer toute personne physique ou morale ayant bénéficié de sa part d'une exploitation de droits, des modifications à apporter au reportage et de prendre toutes mesures pour faire interrompre la diffusion de la version non modifiée fût elle non autorisée par elle. A cette fin, les demandeurs informeront la SA TMC des diffusions des versions d'origine dont ils pourront s'apercevoir. La SA TMC informera les demandeurs des adresses de sites concernés par les informations et demandes d'interruption faites à son initiative dans un délai maximal d'un mois à compter de la présente ordonnance sous astreinte de 40 euros par jour de retard passé ce délai et ce pendant deux mois.

Sur la demande de provision et les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile

Condamne la SA TMC à payer à titre de provision sur le préjudice subi à chacun des 3 demandeurs la somme de 3000 euros

Sur les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile

Condamne la SA TMC à payer la somme de 1500 euros chacun à Messieurs X... Thierry et X... Valentin et la somme de 1000 euros à M Alexandre Y... sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Rejette le surplus des demandes.

Dit que la présente décision sera exécutoire par provision sur minute étant rappelé que la décision ainsi exécutoire doit obligatoirement comprendre l'ordonnance rendue mais aussi l'assignation.

Condamne la SA TMC aux entiers dépens lesquels seront, le cas échéant recouvrés selon les règles applicables en matière d'aide juridictionnelle.

Ainsi jugé et prononcé publiquement le neuf décembre deux mille neuf

LE GREFFIER, LE JUGE DES REFERES,

Jacqueline SERRANO Isabelle CHASSARD



Analyses

PROTECTION DES DROITS DE LA PERSONNE - Respect de la vie privée - Atteinte - Cas

S'il est possible qu'une convention passée entre les services de police et de justice et une société de production autorise une équipe de tournage à suivre des enquêtes pénales, c'est à la condition que celle-ci soit suffisamment limitée en assurant le bon fonctionnement des enquêtes à venir durant le temps de l'autorisation, mais également en garantissant le respect de la vie privée de l'ensemble des protagonistes. Ainsi, l'existence de ladite convention ne dispense pas les réalisateurs du reportage d'obtenir le consentement libre et éclairé de l'ensemble des personnes filmées. Ainsi, les requérants sont fondés à demander le retrait du reportage d'images filmées chez eux alors qu'ils s'y étaient formellement opposés et de l'ensemble des séquences qui pourrait permettre une quelconque identification sur le fondement d'une atteinte au droit au respect de leur vie privée


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Publications
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Origine de la décision
Formation : Ordonnance de référé
Date de la décision : 09/12/2009
Date de l'import : 28/11/2023

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 09/00393
Numéro NOR : JURITEXT000021861057 ?
Numéro d'affaire : 09/00393
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.poitiers;arret;2009-12-09;09.00393 ?
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