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07/06/2022 | FRANCE | N°22/208

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Ct0760, 07 juin 2022, 22/208


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
3ème section

No RG 22/00208 -
No Portalis 352J-W-B7G-CV3WL

No MINUTE :

Assignation du :
06 Janvier 2022

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ RÉTRACTATION
rendue le 07 Juin 2022
DEMANDERESSE

S.A.S. SYSTOSOLAR
[Adresse 1]
[Localité 2]

représentée par Maître Nicolas MOREAU de la SCP BIGNON LEBRAY, avocat au barreau de PARIS, avocats postulant, vestiaire #P0370 et par Maître Barbara BERTHOLET de la SCP BIGNON LEBRAY, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant

DÉFENDERESSE<

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Société HANWHA SOLUTIONS CORPORATION
[Adresse 3]
SEOUL (RÉPUBLIQUE DE CORÉE)

représentée par Maîtres Sabine AGE et Maître Amandine M...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
3ème section

No RG 22/00208 -
No Portalis 352J-W-B7G-CV3WL

No MINUTE :

Assignation du :
06 Janvier 2022

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ RÉTRACTATION
rendue le 07 Juin 2022
DEMANDERESSE

S.A.S. SYSTOSOLAR
[Adresse 1]
[Localité 2]

représentée par Maître Nicolas MOREAU de la SCP BIGNON LEBRAY, avocat au barreau de PARIS, avocats postulant, vestiaire #P0370 et par Maître Barbara BERTHOLET de la SCP BIGNON LEBRAY, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant

DÉFENDERESSE

Société HANWHA SOLUTIONS CORPORATION
[Adresse 3]
SEOUL (RÉPUBLIQUE DE CORÉE)

représentée par Maîtres Sabine AGE et Maître Amandine METIER de L'AARPI HOYNG ROKH MONEGIER, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0512

COMPOSITION

Nahtalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe
assistée de Lorine MILLE, greffière,

DÉBATS

A l'audience du 05 Avril 2022, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue le 07 Juin 2022

ORDONNANCE

Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

___________________________

EXPOSÉ DU LITIGE

1.La société de droit coréen Hanwha Solutions Corporation se présente comme spécialisée dans la fourniture de solutions photovoltaïques. Elle est ainsi la titulaire inscrite du brevet européen désignant la France no 2 220 689 (ci-après EP'689), déposé le 6 novembre 2008 et revendiquant la priorité d'une demande allemande no DE 10 2007 054384 du 14 novembre 2007. Ce brevet a pour titre "Procédé de fabrication d'une cellule solaire comportant une double couche de diélectrique à passivation de surface, et cellule solaire correspondante". Sa délivrance, le 27 août 2014, a été suivie de plusieurs oppositions et interventions, la procédure orale étant prévue en juin 2021 (avant d'être reportée en septembre 2022).

2.Soupçonnant que la société de droit français Systosolar commercialisait en France les produits fabriqués par le groupe chinois Longi, qu'elle poursuit en contrefaçon en Allemagne et aux Etats-Unis notamment, la société Hanwha Solutions Corporation a, par deux requêtes du 8 février 2021, sollicité et obtenu du délégataire du président du tribunal judiciaire de Paris, l'autorisation de faire pratiquer des opérations de saisie-contrefaçon au siège de la société Systosolar à Nantes et au sein de son établissement secondaire de Clisson (44), aux fins d'établir l'origine, la consistance et l'étendue de cette contrefaçon.

3.Les ordonnances rendues le 9 février 2021 ont été exécutées le 18 février suivant et, par actes d'huissier délivrés le 19 mars 2021, la société Hanwha Solutions Corporation a fait assigner les sociétés Systosolar, Longi Solar Technology GmbH, Longi Trading Ltd, et Longi Netherlands trading BV devant ce tribunal en contrefaçon de brevet. Les sociétés Longi ont conclu au fond le 21 octobre 2021 et la société Systosolar le 7 janvier 2022.

4.C'est en cet état que par acte d'huissier délivré le 5 janvier 2022, la société Systosolar a fait assigner la société Hanwha Solutions Corporation aux fins d'obtenir la rétractation des ordonnances du 9 février 2021, devant le magistrat ayant autorisé les saisies siègeant à l'audience du 5 avril 2022 à 11 heures.

5.Dans ses dernières conclusions du 4 avril 2022 dont elle a développé les termes à l'audience, la société Systosolar demande au juge des référés d'ordonner la rétractation des deux ordonnances aux fins de saisie contrefaçon rendues le 9 février 2021 à la requête de la société Hanwha Solutions Corporation, et de dire que cette rétractation emporte l'annulation des procès-verbaux de saisie dressés par Maitre [L] le 18 février 2021 et de leurs annexes et l'obligation pour la société Hanwha Solutions Corporation de restituer toutes les pièces et documents saisis à la société Systosolar et l'impossibilité de s'en prévaloir dans le monde entier. La société Systosolar sollicite encore la condamnation de la société Hanwha Solutions Corporation aux dépens, ainsi qu'à lui payer la somme de 15.000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

6.Dans ses conclusions du 4 avril 2022 soutenues oralement à l'audience du 5 avril 2022, la société Hanwha Solutions Corporation demande quant à elle au juge des référés de débouter la société Systosolar de ses demandes, de la condamner aux dépens, ainsi qu'à lui payer la somme de 15.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Moyens des parties

7.La société Systosolar soutient que la société Hanwha n'a révélé au juge des requêtes que les éléments qui lui étaient favorables et ce, afin, selon elle, d'obtenir des éléments d'information avant l'annulation très probable de son brevet par l'OEB. La société demanderesse reproche d'abord à la société Hanwha de s'être livrée à une présentation erronée de la procédure suivie devant le division d'opposition de l'OEB et de s'être en particulier abstenue de révéler au juge des requêtes l'opinion préliminaire émise le 21 octobre 2020 en faveur de la nullité du brevet. La société Systosolar reproche encore à la société Hanwha une présentation partielle des différentes procédures engagées à l'étranger et en particulier d'avoir tu au juge des requêtes que le brevet US'215, équivalent au brevet EP'689, avait été annulé. La société Systosolar reproche enfin à la société Hanwha d'avoir caché au juge des requêtes le fait qu'un partenariat les avait liées jusqu'en octobre 2018, les circonstances dans lesquelles il a pris fin expliquant selon elle la saisie-contrefaçon diligentée à son encontre.

8.La société Hanwha soutient quant à elle qu'il ne peut lui être fait grief de n'avoir pas mentionné l'opinion préliminaire émise le 21 octobre 2020, dont elle rappelle qu'elle ne lie pas le juge et ce d'autant moins selon elle que cette opinion préliminaire a été émise sur la base du brevet tel que délivré, alors que l'une de ses versions limitée avait été acceptée en 2017 et que c'est cette version qu'elle a effectivement présentée au juge des requêtes, quoique non avenue (ce que révélait selon elle le point 3.2 de la pièce no2.5.1 annexée à ses requêtes). La société Hanwha rappelle à cet égard qu'elle mentionnait dans sa requête la validation de son brevet comme une simple probabilité. S'agissant des procédures engagées à l'étranger, la société Hanwha fait valoir qu'elle a loyalement révélé au juge des requêtes le rejet de son action en contrefaçon dirigée contre les sociétés Longi aux Etats-Unis. La société Hanwha soutient enfin que l'existence de relations commerciales passées entre elle et la société Systosolar n'avait aucune pertinence pour l'appréciation du bien fondé de la requête afin de saisie-contrefaçon.

Appréciation du juge des référés

9.Aux termes de l'article L.615-5 du code de la propriété intellectuelle, "La contrefaçon peut être prouvée par tous moyens.
A cet effet, toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon est en droit de faire procéder en tout lieu et par tous huissiers, le cas échéant assistés d'experts désignés par le demandeur, en vertu d'une ordonnance rendue sur requête par la juridiction civile compétente, soit à la description détaillée, avec ou sans prélèvement d'échantillons, soit à la saisie réelle des produits ou procédés prétendus contrefaisants ainsi que de tout document s'y rapportant. L'ordonnance peut autoriser la saisie réelle de tout document se rapportant aux produits ou procédés prétendus contrefaisants en l'absence de ces derniers. La juridiction peut ordonner, aux mêmes fins probatoires, la description détaillée ou la saisie réelle des matériels et instruments utilisés pour fabriquer ou distribuer les produits ou pour mettre en oeuvre les procédés prétendus contrefaisants. Elle peut subordonner l'exécution des mesures qu'elle ordonne à la constitution par le demandeur de garanties destinées à assurer l'indemnisation éventuelle du défendeur si l'action en contrefaçon est ultérieurement jugée non fondée ou la saisie annulée.
A défaut pour le demandeur de s'être pourvu au fond, par la voie civile ou pénale, dans un délai fixé par voie réglementaire, l'intégralité de la saisie, y compris la description, est annulée à la demande du saisi, sans que celui-ci ait à motiver sa demande et sans préjudice des dommages et intérêts qui peuvent être réclamés."

10.Selon les articles 496 et 497 du code de procédure civile, applicables aux ordonnances rendues sur requête,"S'il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance. Le juge a la faculté de modifier ou de rétracter son ordonnance, même si le juge du fond est saisi de l'affaire."

11.Il est constamment jugé s'agissant de ces dispositions que le caractère non contradictoire de la procédure sur requête, qui autorise un requérant, à solliciter dans un cadre exorbitant du droit commun, sur une présentation unilatérale de sa demande, l'autorisation de procéder chez une personne suspectée de commettre des actes de contrefaçon ou un tiers, sans son assentiment, à des investigations instrusives ou à des mesures conservatoires, suppose une particulière loyauté du requérant. Ce dernier se doit ainsi de porter à la connaissance du juge, l'ensemble des éléments de droit et de faits utiles, afin de permettre à celui-ci de porter une appréciation éclairée sur la demande qui lui est soumise et d'ordonner une mesure proportionnée, en tenant compte des intérêts divergents du saisissant et du saisi.

12.Il résulte en l'occurrence des pièces produites aux débats, et n'est d'ailleurs pas contesté, que la société Hanwha Solutions Corporation s'est abstenue de révéler au juge des requêtes l'opinion préliminaire émise le 21 octobre 2020 par la division d'opposition de l'OEB en faveur de la nullité du brevet EP'689. Cette omission est en elle-même déloyale. Elle l'est d'autant plus au cas particulier que, contrairement à ce qu'affirme la société Hanwha pour justifier le silence gardé, l'opinion préliminaire mentionne expressément qu'elle diverge de celle précédemment émise le 12 septembre 2017 et annulée avec effet rétroactif (pièce no2.7 de la société Systosolar, point 5.1 de l'opinion préliminaire du 21 octobre 2020, "Autres requêtes subsidiaires"), derrière laquelle la société Hanwha se retranche pour soutenir, comme elle l'a fait dans sa requête, qu' "il est probable que la division d'opposition maintienne le brevet avec le même jeu de revendication modifiées que celui qu'elle a retenu dans sa première décision du 12 septembre 2017" (point 03 des requêtes), alors précisément que la division d'opposition est d'un avis contraire. Il est de la même manière observé que la société Hanwha a, de manière tout aussi déloyale, omis de révéler que le brevet US'215, équivalent américain du brevet EP'689, avait été déclaré nul par l'USPTO.

13.En cachant ces informations cruciales, la société Hanwah a indéniablement privé le juge des requêtes d'informations qui lui auraient été particulièrement utiles à l'appréciation de la mesure et en particulier pour l'appréciation de sa proportionnalité. Il y a donc lieu de faire droit à la demande de rétractation totale des ordonnances du 9 février 2021 selon les modalités précisées au dispositif de la présente décision.

14.Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la société Hanwha sera condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer à la société Systosolar la somme de 15.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort,

Le juge des référés,

Vu les ordonnances du 9 février 2021 ;

Vu les procès-verbaux de saisie-contrefaçon du 18 février 2021 ;

Ordonne la rétractation totale des ordonnances du 9 février 2021 rendues sur requêtes de la société Hanwha Solutions Corporation, laquelle emporte annulation des procès-verbaux dressés le 18 février 2021 par Maître [L], huissier de justice, ainsi que de leurs annexes;

Ordonne la restitution à la société Systosolar de l'intégralité des documents et pièces saisis le 18 février 2021;

Condamne la société Hanwha Solutions Corporation aux dépens ;

Condamne la société Hanwha Solutions Corporation à payer à la société Systosolar la somme de 15.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rappelle que la présente ordonnance est de droit exécutoire par provision.

Fait et jugé à [Localité 4] le 07 Juin 2022.

La GreffièreLe juge des référés


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Ct0760
Numéro d'arrêt : 22/208
Date de la décision : 07/06/2022

Analyses

x


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2022-06-07;22.208 ?
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