TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE [Localité 10]
3ème chambre
1ère section
No RG 19/01143
No Portalis 352J-W-B7D-CO2FU
No MINUTE :
Assignation du :
02 janvier 2019
JUGEMENT
rendu le 02 juin 2022
DEMANDERESSE
S.A.S. SAMES KREMLIN
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Olivier LEGRAND de la SEP LEGRAND LESAGE-CATEL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1104
DÉFENDERESSES
Société DÜRR SYSTEMS
[Adresse 4]
[Adresse 5]
[Adresse 9]
[Localité 3]
Société DÜRR SYSTEMS AG
[Adresse 6]
[Adresse 7] (ALLEMAGNE)
représentées par Me Stanislas ROUX-VAILLARD du PARTNERSHIPS HOGAN LOVELLS (PARIS) LLP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J0033
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Gilles BUFFET, Vice -président
Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe
Alix FLEURIET, Juge
assistés de Caroline REBOUL, Greffière,
DÉBATS
A l'audience du 08 mars 2022 tenue en audience publique devant Gilles BUFFET et Alix FLEURIET, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile.
JUGEMENT
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort
La société SAMES KREMLIN, immatriculée le 21 mars 2017 au RCS de [Localité 8] et issue de la fusion des sociétés SAMES TECHNOLOGIES et KREMLIN REXSON, fait partie du groupe EXEL INDUSTRIES.
La société SAMES KREMLIN est spécialisée dans la conception, la fabrication et la commercialisation de matériels et systèmes dédiés à la manipulation, au dosage, au mélange, à la distribution et à l'application de fluides, en particulier les peintures dans le domaine automobile.
La société de droit allemand DÜRR SYTEMS AG est spécialisée dans les produits d'application de peinture, les systèmes d'assemblage et les technologies robotiques associées.
La société de droit français DÜRR SYSTEMS est une filiale de la société DÜRR SYSTEMS AG qui assure notamment la distribution des produits Dürr sur le marché automobile français.
La société SAMES KREMLIN est titulaire d'un brevet français FR 08 56607 (FR 607), déposé le 30 septembre 2008 par la société SAMES TECHNOLOGIES et enregistré par l'INPI le 25 juillet 2014, intitulé "Projecteur rotatif et procédé de projection de produit de revêtement mettant en oeuvre un tel projecteur rotatif". Il est toujours en vigueur par le paiement régulier des annuités.
Elle est également titulaire d'un brevet européen EP 2 328 689 déposé le 30 septembre 2009, sous priorité de la demande française FR 607, délivré le 26 février 2014.
Ce brevet a été maintenu sous une forme modifiée par décision de la division d'opposition de l'OEB du 11 janvier 2018.
Cette décision fait actuellement l'objet d'un recours devant la chambre des recours de l'OEB.
Ce brevet ne produit pas ses effets en France, la société SAMES KREMLIN y ayant renoncé.
La société SAMES KREMLIN fait valoir qu'elle a appris que la société DÜRR SYSTEMS avait entrepris de présenter, offrir à la vente et vendre en France, sous la dénomination Ecobell, des pulvérisateurs rotatifs mettant selon elle en oeuvre le brevet FR 607.
Autorisée par ordonnances du 22 novembre 2018, la société SAMES KREMLIN a fait pratiquer des opérations de saisie-contrefaçon le 7 décembre 2018 dans les locaux de la société DÜRR SYSTEMS et PEUGEOT CITROEN RENNES.
La société SAMES KREMLIN fait valoir que les opérations de saisie-contrefaçon ont permis d'établir que la commercialisation des pulvérisateurs dénommés "EcoBell 2 HD", qui contreferaient le brevet FR 607, est le fait de la société DÜRR SYSTEMS AG, que leur importation en France est assurée par les sociétés DÜRR SYSTEMS AG et DÜRR SYSTEMS et que la société DÜRR SYSTEMS est en charge de leur commercialisation en France.
Par exploits d'huissier des 2 et 7 janvier 2019, la société SAMES KREMLIN a fait assigner les sociétés DÜRR SYSTEMS AG et DÜRR SYSTEMS devant le tribunal de grande instance de Paris, devenu le tribunal judiciaire de Paris le 1er janvier 2020, en contrefaçon des revendications 1, 4, 6, 7, 8, 9, 11, 12, 13 et 16 du brevet FR 607.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 2 septembre 2021, la société SAMES KREMLIN demande au tribunal de :
- Ecarter des débats la pièce communiquée par les sociétés DÜRR SYSTEMS AG et DÜRR SYSTEMS sous le numéro HL no 5.4 ;
- Déclarer les sociétés DÜRR SYSTEMS AG et DÜRR SYSTEMS coupables de contrefaçon des revendications 1, 4, 6, 7, 8, 9, 11, 12, 13 et 16 du brevet français FR 08 56607 ;
- Faire interdiction aux sociétés DÜRR SYSTEMS AG et DÜRR SYSTEMS, sous astreinte de 10.000 euros par infraction constatée à compter de la signification du jugement à intervenir et pendant une période de trois mois à l'issue de laquelle il sera à nouveau fait droit, de diffuser tous documents, prospectus, catalogues, tant sur support papier que par tout autre moyen, présentant des pulvérisateurs ayant les mêmes caractéristiques que les pulvérisateurs EcoBell 2 HD équipés d'anneau d'air de guidage référencé M35020109 et de bol référencé N16010062 ou N16010063 ayant fait l'objet des opérations de saisie contrefaçon du 7 décembre 2018, sous ces dénomination et références ou sous quelques autres dénomination et références que ce soit, de les importer en France, de les détenir, de les offrir à la vente et de les vendre ;
- Ordonner le retrait des pulvérisateurs EcoBell 2 HD équipés d'anneau d'air de guidage référencé M35020109 et de bol référencé N16010062 ou N16010063 commercialisés en France depuis le 7 décembre 2013 ou, à tout le moins, depuis le 2 janvier 2014 et la destruction devant huissier des pulvérisateurs ainsi retirés et de ceux détenus en stock par la société DÜRR SYSTEMS, aux frais des sociétés DÜRR SYSTEMS AG et DÜRR SYSTEMS et sous astreinte de 1.500 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir et pendant une période de trois mois à l'issue de laquelle il sera à nouveau fait droit;
- Faire injonction aux sociétés DÜRR SYSTEMS AG et DÜRR SYSTEMS, sous astreinte de 1.500 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir et pendant une période de trois mois à l'issue de laquelle il sera à nouveau fait droit, d'avoir à produire, chacune, un état certifié par leur commissaire aux comptes, attestant des quantités de pulvérisateurs EcoBell 2 HD équipés d'anneau d'air de guidage référencé M35020109 et de bol référencé N16010062 ou N16010063 importés et vendus en France depuis le 7 décembre 2013 ou, à tout le moins, depuis le 2 janvier 2014, ainsi que du chiffre d'affaires et du bénéfice réalisés au titre de la fourniture, de l'installation, de la mise en service et de la maintenance de lignes ou équipements d'application comportant ces pulvérisateurs, ainsi que de la fourniture des pièces détachées correspondantes, accompagné de l'ensemble des éléments comptables justificatifs (bons de commande, bon de livraison, factures d'achat et factures de vente) ;
- Dire que le tribunal se réservera la liquidation des astreintes et la fixation éventuelle de nouvelles astreintes ;
- Condamner in solidum les sociétés DÜRR SYSTEMS AG et DÜRR SYSTEMS au paiement à la société SAMES KREMLIN de la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts du chef de l'atteinte portée à ses droits privatifs sur le brevet FR 08 56607 et de sa dévalorisation consécutive ;
- Dire que le tribunal statuera sur le préjudice commercial subi par la Société SAMES KREMLIN au vu des pièces qui seront produites par les sociétés DÜRR SYSTEMS AG et DÜRR SYSTEMS en exécution de la condamnation à production de pièces prononcée sous astreinte ;
- Condamner d'ores et déjà in solidum les sociétés DÜRR SYSTEMS AG et DÜRR SYSTEMS au paiement à la société SAMES KREMLIN de la somme de 450.000 euros à titre de dommages et intérêts provisionnels du chef du préjudice commercial subi ;
- Ordonner la publication du jugement à intervenir in extenso ou par extraits dans trois journaux ou périodiques, au choix de la société SAMES KREMLIN et aux frais des sociétés DÜRR SYSTEMS AG et DÜRR SYSTEMS tenues in solidum, dans la limite de 5.000 euros H.T. par insertion ;
- Déclarer les sociétés DÜRR SYSTEMS AG et DÜRR SYSTEMS mal fondées en toutes leurs demandes, fins et conclusions ; les en débouter ;
- Condamner in solidum les sociétés DÜRR SYSTEMS AG et DÜRR SYSTEMS au paiement à la société SAMES KREMLIN de la somme de 100.000 euros par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- Les condamner in solidum à rembourser à la société SAMES KREMLIN les honoraires, frais et dépens exposés par elle à l'occasion des opérations de saisie contrefaçon du 7 décembre 2018 ;
- Les condamner également in solidum en tous les dépens, dont distraction au profit de Me Olivier LEGRAND conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;
- Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant appel et sans constitution de garantie.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 27 septembre 2021, les sociétés DÜRR SYSTEMS AG et DÜRR SYSTEMS demandent au tribunal de :
A titre principal :
- Dire et juger que les revendications 1, 4, 6, 7, 8, 9, 11, 12, 13 et 16 du brevet FR 08 56607 sont dépourvues de nouveauté, ou à tout le moins d'activité inventive ;
En conséquence,
- Prononcer la nullité des revendications 1, 4, 6, 7, 8, 9, 11, 12, 13 et 16 du brevet FR 08 56607 ;
- Ordonner l'inscription de la décision à intervenir au Registre National des Brevets, à la diligence du greffe ;
- Débouter la société Sames Kremlin de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre des sociétés Dürr Systems AG et Dürr Systems ;
A titre subsidiaire :
- Dire et juger que les sociétés Dürr Systems AG et Dürr Systems bénéficient d'un droit de possession personnelle antérieure sur l'invention couverte par les revendications 1, 4, 6, 7, 8, 9, 11, 12, 13 et 16 du brevet FR 08 56607 ;
En conséquence,
- Débouter la société Sames Kremlin de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre des sociétés Dürr Systems AG et Dürr Systems ;
A titre très subsidiaire :
- Dire et juger que la demande de Dürr Systems AG en revendication du brevet FR 08 56607 est bien fondée ;
En conséquence,
- Ordonner le transfert des droits attachés au brevet FR 08 56607 à la société Dürr Systems AG ;
- Ordonner l'inscription de la décision intervenir au Registre National des Brevets, à la diligence du greffe ;
A titre infiniment subsidiaire :
- Dire et juger que la masse contrefaisante est limitée aux bols et aux anneaux d'air de guidage portant la référence EcoBell 2 HD ;
- Dire et juger que les demandes de Sames relatives à des actes antérieurs au 2 janvier 2014 sont prescrites ;
- Limiter les mesures ordonnées aux bols et aux anneaux d'air de guidage portant les références EcoBell 2 HD visées par Sames, à l'exclusion notamment des pulvérisateurs, des robots, et des équipements de commande ;
- Limiter les mesures ordonnées aux actes accomplis depuis le 2 janvier 2014 ;
- Débouter la société Sames Kremlin de ses demandes de dommages-intérêts provisionnels formées à l'encontre des sociétés Dürr Systems AG et Dürr Systems ;
En tout état de cause :
- Dire et juger que l'action de Sames Kremlin est abusive ;
- Condamner Sames Kremlin à verser à Dürr Systems AG une somme de 250.000 euros à titre de dommages-intérêts au titre de la procédure abusive ;
- Condamner Sames Kremlin à verser à Dürr Systems une somme de 250.000 euros à titre de dommages-intérêts au titre de la procédure abusive ;
- Condamner la société Sames Kremlin à verser aux sociétés Dürr Systems AG et Dürr Systems, in solidum, la somme de 187.974 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, sauf à parfaire ;
- Condamner la société Sames Kremlin en tous les dépens de l'instance dont distraction au profit de Me Stanislas Roux-Vaillard, en application de l'article 699 du code de procédure civile ;
- Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir du chef de la condamnation aux dommages-intérêts, de la condamnation aux dépens et de la condamnation prononcée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 12 octobre 2021.
MOTIFS DU JUGEMENT :
La présentation du brevet FR 607 :
La description de ce brevet indique que l'invention concerne un projecteur rotatif de produit de revêtement et également un procédé de projection de produit de revêtement qui met en oeuvre un tel projecteur rotatif. La pulvérisation au moyen de projecteurs rotatifs est utilisée pour s'appliquer sur, notamment, des carosseries de véhicules automobiles, un apprêt, une couche de base et/ou un vernis.
Le brevet indique qu'un projecteur rotatif de produit de revêtement comporte un organe de pulvérisation tournant à haute vitesse, sous l'effet de moyens d'entraînement en rotation, tels qu'une turbine à air comprimé, un corps fixe logeant les moyens d'entraînement en rotation ainsi que des moyens d'alimentation de l'organe de pulvérisation en produit de revêtement.
L'organe de pulvérisation a généralement la forme d'un bol à symétrie de révolution et une arête de pulvérisation apte à former un jet de produit de revêtement.
Le produit de revêtement s'étale sur la surface intérieure du bol, sous l'effet de la force centrifuge, jusqu'à une arête de pulvérisation où il est micronisé en fines gouttelettes, le jet de produit de revêtement pulvérisé présentant une forme globalement conique.
Le brevet indique que, dans l'état de la technique antérieur, la pulvérisation était améliorée par l'utilisation de jets d'air en dotant à cette fin le projecteur de plusieurs orifices disposés sur un cercle centré sur l'axe de symétrie du bol et situés sur le pourtour extérieur du bol.
Il peut comporter des jets d'air "primaire", inclinés par rapport à l'axe de rotation du bol selon une direction primaire présentant une composante axiale et une composante orthoradiale ou circonférentielle, les jets d'air primaire générant un flux d'air tourbillonnant autour du pourtour extérieur du bol et du jet de produit de revêtement. Ce flux d'air tourbillonnant, parfois qualifié de "vortex", permet de conformer le jet de produit pulvérisé par l'arête en fonction de l'application recherchée.
Il peut comporter également des jets d'air "secondaire", par des orifices secondaires disposés également sur le pourtour extérieur du bol et sur le même cercle que les orifices primaires et de façon décalée par rapport à ceux-ci. Chaque jet d'air secondaire est incliné par rapport à l'axe de rotation selon une direction secondaire présentant une composante axiale et une composante radiale, ces composantes étant déterminées de manière à injecter des flux d'air autour du bol permettant de réduire la dépression causée en aval du bol par la rotation du bol à haute vitesse. Les jets d'air secondaire sont destinés à obtenir un film de peinture déposée uniforme.
Le brevet indique, cependant, que les jets d'air secondaire ainsi inclinés ne permettent pas de régler la forme du jet de produit ni, par conséquent, la surface d'impact des goutelettes pulvérisées sur l'objet à revêtir. Ils requièrent également des réglages délicats pour éviter de détériorer la forme du jet de produit de revêtement.
Le brevet mentionne également que le projecteur induit des vitesses d'air de jupe et d'air de vortex relativement élevées, risquant de dégrader l'application du produit de revêtement sur l'objet à revêtir, de manière qualitative, avec des impacts de produit dont les profils sont parfois irréguliers et généralement peu robustes, et quantitative, le rendement de dépôt de produit étant relativement limité.
L'invention enseignée par le brevet vise notamment à remédier à ces inconvénients en proposant un projecteur rotatif de produit de revêtement permettant d'obtenir des rendements de dépôt relativement élevés ainsi qu'une bonne robustesse des impacts de produit de revêtement sur les objets à revêtir.
L'objectif de l'invention est atteint, selon le brevet, par sa revendication 1 rédigée comme suit :
"Projecteur rotatif (P) de produit de revêtement comportant :
- un organe de pulvérisation (1) du produit de revêtement présentant au moins une arête (12) globalement circulaire et apte à former un jet de produit de revêtement,
- des moyens d'entraînement en rotation de I'organe de pulvérisation (1) et
- un corps (2) qui est fixe et qui comprend :
des orifices primaires (4) disposés sur un contour primaire (C4) entourant l'axe de rotation (X1) de I'organe de pulvérisation (1), chaque orifice primaire (4) étant destiné à éjecter un jet d'air primaire (J4) suivant une direction primaire (X4),
des orifices secondaires (6) disposés sur un contour secondaire (C6) entourant l'axe de rotation (X1) de I'organe de pulvérisation (1), chaque orifice secondaire (6) étant destiné à éjecter un jet d'air secondaire (J6) suivant une direction secondaire (X6),
caractérisé en ce que les orientations respectives de chaque direction primaire (X4) et de chaque direction secondaire (X6) ainsi que les positions respectives de chaque orifice primaire (4) et de chaque orifice secondaire (6) induisent la formation de jets combinés (J46) résultant chacun de l'intersection d'au moins un jet d'air primaire (J4) et d'au moins un jet d'air secondaire (J6) associés, la région d'intersection (R46) se situant en amont de l'arête (12)."
Le brevet indique que, grâce à ce dispositif dévoilé par cette revendication, toutes les gouttelettes micronisées par l'arête 12 sont ainsi soumises à des forces aérauliques uniformes et constantes, ce qui a pour effet de conférer une robustesse élevée aux impacts de produit de revêtement sur l'objet à revêtir et d'améliorer sensiblement le rendement du dépôt, ou efficacité de transfert, du produit de revêtement sur l'objet à revêtir, les forces aérauliques uniformes et constantes permettant de réduire la quantité de produit de revêtement non déposé sur l'objet à revêtir, ce qui augmente le rendement de dépôt d'environ 10%.
Les autres revendications opposées par la société SAMES KREMLIN aux sociétés DÜRR SYSTEMS AG et DÜRR SYSTEMS sont les suivantes :
4. "Projecteur rotatif (P) selon l'une des revendications précédentes, caractérisé en ce que chaque orifice primaire (4) et l'orifice secondaire (6) associé sont séparés par une distance (c46) comprise entre 0 mm et 10 mm, de préférence égale à 1 mm."
6. "Projecteur rotatif (P) selon l'une des revendications précédentes, caractérisé en ce que l'ensemble des directions primaires (X4) et l'ensemble des directions secondaires (X6) présentent respectivement une symétrie par rapport à l'axe de rotation (X1)."
7. "Projecteur rotatif (P) selon l'une des revendications précédentes, caractérisé en ce que la distance (L1) entre le contour primaire (C4) et l'arête (12), prise suivant l'axe de rotation (X1), est comprise entre 5 mm et 30 mm et en ce que la distance (L1) entre le contour secondaire (C6) et l'arête (12), prise suivant l'axe de rotation (X1), est comprise entre 5 mm et 30 mm."
8. "Projecteur rotatif (P) selon l'une des revendications précédentes, caractérisé en ce que le contour primaire (C4) et le contour secondaire (C6) présentent chacun une forme circulaire."
9."Projecteur rotatif (P) selon l'une des revendications précédentes, caractérisé en ce que le contour primaire (C4) et le contour secondaire (C6) sont disposés dans un plan commun (P46), le plan commun (P46) étant perpendiculaire à l'axe de rotation (X1)."
11. "Projecteur rotatif (P) selon la revendication 8 ou 9, caractérisé en ce que le contour primaire (C4) et le contour secondaire (C6) sont confondus en un cercle (C) centré sur l'axe de rotation (X1), le rapport entre le diamètre (D12) de l'arête (12) et le diamètre (D) du cercle (C) étant compris entre 0,65 et 1 et de préférence égal à 0,95."
12."Projecteur rotatif (P) selon la revendication 11, caractérisé en ce que le corps (2) comprend entre 20 et 60 orifices primaires (4) et entre 20 et 60 orifices secondaires (6), en ce que les orifices primaires (4) et les orifices secondaires (6) sont circulaires, en ce que les orifices primaires (4) sont agencés sur le cercle (C) en alternance avec les orifices secondaires (6) et en ce que le diamètre (d4) des orifices primaires (4) et le diamètre (d6) des orifices secondaires (6) sont compris entre 0,4 mm et 1,2 mm et de préférence égaux à 0,8 mm".
13. "Projecteur rotatif (P) selon la revendication 9, caractérisé en ce qu'une direction primaire (X4) et une direction secondaire (X6) associée se rejoignent en un point de rencontre (46), la distance selon l'axe de rotation (X1) entre le plan commun (P46) et le point de rencontre
(46) étant comprise entre 0,5 fois et 30 fois, de préférence entre 1 fois et 2 fois, la plus grande dimension (d4, d6) des orifices primaires (4) ou secondaires (6) prise dans le plan commun (P46)."
16. "Procédé de projection de produit de revêtement, caractérisé en ce qu'il met en oeuvre un projecteur rotatif (P) selon I'une des revendications 1 à 15, avec un débit d'air total compris
entre 100 NL/min et 1000 NL/min, de préférence entre 300 NL/min et 800 NL/min et
comprenant de 25% à 75%, de préférence 33%, de débit des jets d'air primaire (J4) et de 75% à 25%, de préférence 67%, de débit des jets d'air secondaire (J6)."
Les figures reproduites dans le brevet sont les suivantes :
La validité du brevet FR 08 56607 :
Sur le moyen tiré de l'absence de nouveauté :
Les sociétés DÜRR SYSTEMS AG et DÜRR SYSTEMS soutiennent que les revendications 1, 4, 6, 7, 8, 9, 11, 12, 13 et 16 du brevet FR 607 sont dépourvues de nouveauté, de sorte qu'elles seraient nulles.
Elles font valoir, à cet égard :
- qu'entre 2006 et le début de l'année 2007, elles ont développé une mise à jour d'un pulvérisateur intitulé EcoBell 2 pour en améliorer les performances en modifiant deux pièces, le bol de pulvérisation et l'anneau d'air de guidage pourvu de deux types de jets d'air émis dans des directions différentes et se combinant en amont de l'arête du bol afin de créer un "vortex" produisant de meilleures performances,
- que ce nouveau dispositif, dénommé EcoBell 2 HD au milieu de l'année 2007, comprenait l'ensemble des caractéristiques des revendications du brevet FR 607,
- qu'en décembre 2006, une demande de brevet DE 596 a été déposée couvrant les caractéristiques de l'EcoBell 2 HD,
- qu'en janvier et février 2007, le développement de l'EcoBell 2 HD est arrivé à son terme,
- que les dessins techniques finalisés du bol de pulvérisation et de l'anneau d'air de guidage ont été élaborés en mars 2017,
- que, du 24 au 28 septembre 2007, l'Ecobell 2 HD a été exposé à plus de 750 participants lors de l'événement "Open House 2007", que le pulvérisateur lui-même était exposé, accompagné d'une présentation détaillant ses caractéristiques, d'un démonstrateur à base d'eau illustrant la trajectoire des jets, et d'explications orales fournies par un employé de la société DÜRR SYSTEMS AG,
- que, du 17 septembre au 12 octobre 2007, l'EcoBell 2 HD a été installé dans l'usine DAIMLERCHRYSLER en Allemagne, la documentation retraçant la négociation, la préparation et le bilan de cette installation étant produite aux débats,
- que, du 26 au 30 novembre 2007 , le dispositif a fait l'objet d'essais sur les lignes de production de l'usine de PSA PEUGEOT-CITROEN en France, ces essais ayant donné lieu à un compte-rendu détaillé établi par PSA, et sont retracés par les échanges préparatifs ainsi que des attestations d'un employé de DÜRR et d'un employé de PSA,
- que, du 14 au 31 janvier 2008, l'EcoBell 2 HD a fait l'objet d'essais dans les locaux de DÜRR sur des voitures RENAULT MODUS en présence d'un employé de RENAULT, qu'un compte rendu de ces essais a été dressé par RENAULT et que DÜRR a elle-même réalisé un rapport détaillé du processus, les essais étant également attestés par un employé de DÜRR,
- que le même pulvérisateur a été commercialisé de 2007 à aujourd'hui, sans changement, et que n'a été ajouté qu'une différence d'ordre purement cosmétique liée en l'ajout d'encoches sur les modèles les plus récents,
- qu'au regard du pulvérisateur EcoBell 2 HD divulgué publiquement et commercialisé en 2007, avant le dépôt de la demande de brevet FR 607, les revendications de ce brevet, qui reprennent les mêmes caractéristiques que ce pulvérisateur, sont dépourvues de nouveauté,
- que le brevet invoqué est également nul au regard des documents de l'art antérieur constitués par des demandes de brevets de la société DÜRR SYSTEMS AG, DE 590 et WO 950,
- que si, concernant la délivrance du brevet EP 689, la division d'opposition de l'OEB n'a pas tenu compte des preuves fournies par la société DÜRR SYSTEMS AG de nature à établir un usage public antérieur destructeur de la nouveauté de ce brevet portant sur la même invention que le brevet FR 607 désigné comme priorité, elle a néanmoins révoqué la revendication 1 du brevet EP 689, identique à la revendication 1 du brevet FR 607, au regard de la demande WO 950 qui l'antériorisait,
- que le document DE 590 divulgue implicitement les aspects du pulvérisateur qui ont été ultérieurement repris par la société SAMES KREMLIN dans le brevet FR 607 à titre de parties caractérisantes,
- qu'en effet, le document DE 590 enseigne que les orientations proposées pour les orifices primaires et secondaires permettent aux flux d'air de fusionner et former un flux d'air pourvu d'une orientation spécifique, ce document prévoyant un jet primaire orienté de façon axiale et un jet secondaire incliné à 45o leur permettant de fusionner et de résulter en un jet combiné, l'anneau d'air de guidage divulgué prévoyant que la région d'intersection entre les jets est située à une distance égale à la distance entre le centre des deux orifices d'une même paire d'orifices, la distance séparant l'orifice primaire du point de rencontre des directions étant inférieure à la distance séparant les contours d'orifices de l'arête du bol, de sorte que la région d'intersection des jets est située en amont de l'arête du bol,
- que le document WO 950 divulgue également l'ensemble des caractéristiques du brevet FR 607 opposé par la société SAMES KREMLIN,
- qu'à cet égard, le document WO 950 enseigne notamment qu'il est souhaitable que les jets d'air émis par les orifices d'air de guidage individuels se chevauchent dans la direction circonférentielle ou au moins se jouxtent l'un l'autre sans aucun espace lorsqu'ils frappent l'arête de pulvérisation du bol, tandis que ce document indique sans ambiguïté que l'intersection des jets se produit en amont de l'arête du bol.
La société SAMES KREMLIN réplique :
- que les sociétés DÜRR SYTEMS AG et DÜRR SYTEMS ne justifient d'aucune divulgation antérieure, destructrice de la nouveauté du brevet FR 607,
- que le dispositif qui aurait été présenté et vendu en 2007 n'est pas identique à celui ayant fait l'objet des opérations de saisie-contrefaçon du 7 décembre 2018, et ce, même s'ils se présentent sous la même dénomination EcoBell 2 HD,
- qu'à cet égard, au regard des différences des références des anneaux d'air de guidage entre les produits présentés en 2007 et ceux saisis en 2018, il n'est pas justifié de caractéristiques techniques constantes pour les pulvérisateurs EcoBell 2 HD des défenderesses, l'anneau d'air de guidage présentant des encoches sur les pulvérisateurs commercialisés en 2018, qui étaient absentes auparavant,
- que les défenderesses ne justifient pas que l'événement "Open House 2007" organisé par la société DÜRR SYSTEMS AG en Allemagne aurait donné lieu à la présentation d'un dispositif reproduisant l'ensemble des moyens couverts par la revendication 1 du brevet FR 607, en l'absence de preuve formelle de communication d'une documentation complète des produits,
- qu'il n'est pas plus établi qu'un tel dispositif a été présenté et offert à la vente, dans le cadre des relations commerciales de la société DÜRR SYSTEMS AG avec la société DAIMLER CHRYSLER en 2007,
- que les pièces communiquées par les défenderesses permettent tout au plus d'établir que la société DÜRR SYSTEMS AG a présenté lors de l'Open House de 2007 et/ou vendu à la société DAIMLER CHRYSLER un projecteur rotatif de produit de revêtement dénommé EcoBell 2 HD comportant un organe de pulvérisation avec un anneau d'air de guidage, comprenant des jets d'air primaire et secondaire pour former des jets combinés, sans que, pourtant, les autres caractéristiques de la revendication 1 du brevet FR 607 soient divulguées, en l'absence de preuve formelle que la région d'intersection des jets d'air primaire et des jets d'air secondaire se situerait en amont de l'arête du bol,étant précisé que les deux seules pièces qui abordent cette question (pièces HL 5.2 et annexe 4 de la pièce HL 5.4) enseignent de manière concordante que ces jets d'air se croisent à la limite extérieure du bol,
- qu'outre l'absence de preuve certaine de l'usage antérieur par la société DÜRR SYSTEMS AG d'un dispositif reprenant l'ensemble des moyens couverts par les revendications opposées du brevet FR 607, le grief de défaut de nouveauté opposé n'est pas plus fondé au regard des documents de l'art antérieur invoqués en défense,
- qu'à cet égard, la demande allemande DE 596 publiée le 19 juin 2008 et la demande internationale WO 950 déposée le 12 juin 2009 sous priorité du 12 juin 2008 et publiée le 17 septembre 2009 ne divulguent pas plus les caractéristiques du brevet FR 607,
- que la société SAMES KREMLIN conteste devant la chambre des recours de l'OEB l'analyse de la division d'opposition qui a retenu que l'invention couverte par la revendication 1 du brevet EP 689 n'était pas nouvelle au regard du document WO 950,
- que le document DE 596 n'enseigne pas que le jet d'air de guidage éjecté individuellement par une buse (20) et le jet d'air de guidage éjecté individuellement par une buse (21) se combineraient en un jet, les distances des jets n'étant pas comparées tandis que ce document ne divulgue aucune inclinaison préférentielle des buses (21) de 45o, de sorte que l'homme du métier ne peut retenir que l'intervalle d'inclinaison préféré est de 30 à 45o,
- que le document WO 950 ne divulgue pas les moyens couverts par la partie caractérisante de la revendication 1 du brevet FR 607, n'enseignant pas la combinaison des jets d'air de guidage, ce document ne prévoyant pas plus une mise en fonctionnement simultanée des buses (6) et (7) qui sont réglables indépendamment, tandis que l'objectif clairement et précisément poursuivi est que les flux d'air de guidage atteignent le bol de pulvérisation sur son arête et non en amont de celle-ci,
- que ce document ne divulgue pas plus de manière certaine et sans ambiguïté les caractéristiques additionnelles spécifiquement couvertes par les revendications dépendantes 4, 6, 11, 12, 13 et 16 du brevet FR 607.
Sur ce :
Selon l'article L.611-11 du code de la propriété intellectuelle, une invention est considérée comme nouvelle si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique.
L'état de la technique est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen(...)".
La nouveauté d'une invention ne peut être ruinée que par une antériorité de toutes pièces qui doit être prise telle quelle, sans avoir besoin d'être interprétée.
L'élément de l'art antérieur n'est destructeur de nouveauté que s'il renferme tous les moyens techniques essentiels de l'invention dans la même forme, le même agencement et le même fonctionnement en vue du même résultat technique.
Il incombe donc aux sociétés DÛRR SYSTEMS AG et DÜRR SYSTEMS de justifier d'une antériorité destructrice de la nouveauté des revendications opposées du brevet FR 607 avant sa date de dépôt intervenue le 30 septembre 2008.
Il est rappelé que la revendication 1 du brevet FR 607 est rédigée comme suit :
"Projecteur rotatif (P) de produit de revêtement comportant :
- un organe de pulvérisation (1) du produit de revêtement présentant au moins une arête (12) globalement circulaire et apte à former un jet de produit de revêtement,
- des moyens d'entraînement en rotation de I'organe de pulvérisation (1) et
- un corps (2) qui est fixe et qui comprend :
des orifices primaires (4) disposés sur un contour primaire (C4) entourant l'axe de rotation (X1) de I'organe de pulvérisation (1), chaque orifice primaire (4) étant destiné à éjecter un jet d'air primaire (J4) suivant une direction primaire (X4),
des orifices secondaires (6) disposés sur un contour secondaire (C6) entourant l'axe de rotation (X1) de I'organe de pulvérisation (1), chaque orifice secondaire (6) étant destiné à éjecter un jet d'air secondaire (J6) suivant une direction secondaire (X6),
caractérisé en ce que les orientations respectives de chaque direction primaire (X4) et de chaque direction secondaire (X6) ainsi que les positions respectives de chaque orifice primaire (4) et de chaque orifice secondaire (6) induisent la formation de jets combinés (J46) résultant chacun de l'intersection d'au moins un jet d'air primaire (J4) et d'au moins un jet d'air secondaire (J6) associés, la région d'intersection (R46) se situant en amont de l'arête (12)."
Au titre de l'état de la technique antérieur qui serait destructeur de la nouveauté de cette revendication, les sociétés DÛRR SYSTEMS AG et DÜRR SYSTEMS opposent notamment la demande internationale WO 2009/149950 A1 (WO 950), déposée le 12 juin 2009 par la société DÜRR SYSTEMS GmbH, devenue DÜRR SYSTEMS AG, à l'OMPI et publiée le 17 décembre 2009, cette demande visant une priorité du 12 juin 2008.
Compte tenu de la date de priorité de cette demande, antérieure au dépôt intervenu le 30 septembre 2008 de la demande du brevet FR 607, le document WO 950 représente l'état de la technique opposable dans le cadre de l'examen de la nouveauté du brevet FR 607, conformément à l'article L.611-11 du code de la propriété intellectuelle susvisé.
Le document WO 950, intitulé "pulvérisateur universel", concerne un système de pulvérisation destiné à un pulvérisateur rotatif pour appliquer un agent de revêtement. Le but de l'invention couverte par ce document consiste à réduire les coûts d'ingénierie pour les travaux de peinture sur les carrosseries de véhicules automobiles.
La description de ce document indique, page 7, que le système de pulvérisation selon l'invention, comporte un bol de de pulvérisation logé de manière rotative, destiné à pulvériser le produit de revêtement et à dispenser un jet de pulvérisation du produit de revêtement, le bol étant pourvu d'une arête annulaire circonférentielle de pulvérisation ayant un diamètre externe prédéterminé. Pour entraîner le bol de pulvérisation, le document prévoit, page 9, que le système de pulvérisation est pourvu d'une turbine pour entraîner le bol qui entraîne un arbre du bol sur lequel le bol est monté.
Le document WO 950 divulgue également que le système de pulvérisation comporte un anneau d'air de guidage, qui est un corps fixe, destiné à dispenser un premier air de guidage et un second air de guidage pour former le jet de pulvérisation distribué par le bol de pulvérisation.
Le document WO 950 enseigne que l'anneau d'air de guidage comporte deux couronnes de buses d'air de guidage, pouvant être dispensé sur le jet de pulvérisation, une première couronne d'air de guidage comportant une pluralité de buses d'air de guidage 6 à orientation axiale, dispensant un premier air de guidage en direction axiale sur l'arête de pulvérisation 5 du bol de pulvérisation 3, et une deuxième couronne de buses d'air de guidage 7 comportant une pluralité d'orifices vrillés dans la direction périphérique, dispensant un deuxième air de guidage sur l'arête de pulvérisation 5 du bol de pulvérisation 3.
Il s'en déduit que le document WO 950 divulgue deux coutours autour de l'axe de rotation, chacun comportant un type d'orifice (buses) émettant un jet d'air dans une direction différente.
Page 19, le document WO 950 indique que l'anneau d'air de guidage 4 comporte deux couronnes de buses d'air de guidage, via lesquelles les deux airs de guidage susceptibles d'être commandés séparément l'un de l'autre peuvent être dispensés sur le jet de pulvérisation, ce qui implique sans ambiguïté que les couronnes de buses sont par principe actionnées ensemble, mais peuvent cependant l'être séparément.
S'il est indiqué, page 9, qu'il est souhaitable que, du fait de l'élargissement de leur jet, les jets d'air émis par les orifices d'air de guidage individuels se chevauchent dans la direction circonférentielle ou au moins se jouxtent l'un l'autre sans aucun espace lorsqu'ils frappent l'arête de pulvérisation du bol, le document WO 950 n'indique pas cependant, contrairement à ce que soutiennent les sociétés DÛRR SYSTEMS AG et DÜRR SYSTEMS, que, si les jets d'air induisent la formation de jets d'air combinés, ceux-ci résultent de l'intersection d'au moins un jet d'air primaire et d'au moins un jet d'air secondaire associés, mais plutôt que les jets issus des orifices primaires 6 induisent la formation de jets combinés entre eux et que les jets issus des orifices secondaires 7 induisent également la formation de jets combinés entre eux .
En revanche, il est incontestable que les jets combinés issus des jets primaires entre eux forment, dans un plan normal à l'axe de rotation du projecteur situé en amont de l'arête, un anneau continu, de même que les jets combinés issus des jets secondaires entre eux.
A cet égard, les intersections respectives des jets primaires entre eux et des jets secondaires entre eux ont lieu nécessairement en amont de l'arête de pulvérisation, du fait de la répartition régulière des orifices primaires et secondaires sur le coutour du corps fixe.
Or, du fait de la répartition régulière par paire des orifices d'air primaires et secondaires, ainsi qu'il résulte clairement de la figure 11 reproduite dans le document WO 950 :
de sorte que chaque orifice secondaire se trouve entre chaque orifice primaire, et inversement, force est de constater que, compte tenu de la géométrie des orifices, il est impossible que des jets issus des orifices primaires passent entre deux jets issus des orifices secondaires sans les croiser (ou inversement) en amont de l'arête, de sorte que les jets primaires et secondaires sont amenés à se combiner mutuellement.
Par conséquent, au regard du document WO 950 qui divulgue l'ensemble des caractéristiques de la revendication 1 du brevet FR 607, il y a lieu de dire qu'elle est dépourvue de nouveauté, sans qu'il soit nécessaire de procéder à l'examen de l'antériorité invoquée tirée de la promotion et de la commerciliation antérieure du dispositif EcoBell 2 HD et du document DE 596 invoqués par les défenderesses, et ainsi de statuer sur la demande de rejet de l'attestation de M. [J] du 7 juin 2019 (pièce HL 5.4).
Concernant la revendication dépendante 4 du brevet FR 607 qui est rédigée comme suit: "4. "Projecteur rotatif (P) selon l'une des revendications précédentes, caractérisé en ce que chaque orifice primaire (4) et l'orifice secondaire (6) associé sont séparés par une distance (c46) comprise entre 0 mm et 10 mm, de préférence égale à 1 mm", le diamètre d'un orifice primaire 6 est, selon le document WO 950, de 0,7 mm et celui d'un orifice secondaire 7 de 0,65 à 0,6 mm. Au regard de la figure 11, il est évident que les offices primaires et secondaires sont séparées par une distance comprise entre 0 et 10 mm, la distance séparant chaque orifice d'une paire étant nécessairement inférieure au diamètre de chacun des orifices.
Par conséquent, la revendication 4 du brevet FR 607 est antériorisée par le document WO 950, et n'est donc pas nouvelle.
Concernant la revendication 6 prévoyant que le projecteur rotatif (P) est caractérisé en " ce que l'ensemble des directions primaires (X4) et l'ensemble des directions secondaires (X6) présentent respectivement une symétrie par rapport à l'axe de rotation (X1)", il résulte de la figure 11 du document WO 950 que l'ensemble des directions primaires et secondaires sont respectivement symétriques par rapport à l'axe de rotation, chacune des directions étant répartie à intervalles réguliers sur des cercles respectifs dont le centre est l'axe de rotation.
Le document WO 950 est donc destructeur de la nouveauté de la revendication 6 du brevet FR 607.
La revendication 7 du brevet litigieux est rédigée come suit : "Projecteur rotatif (P) selon l'une des revendications précédentes, caractérisé en ce que la distance (L1) entre le contour primaire (C4) et l'arête (12), prise suivant l'axe de rotation (X1), est comprise entre 5 mm et 30 mm et en ce que la distance (L1) entre le contour secondaire (C6) et l'arête (12), prise suivant l'axe de rotation (X1), est comprise entre 5 mm et 30 mm",
Le document WO 950 indique, page 14, que l'écart axial entre les buses d'air de guidage et l'arête de pulvérisation du bol de pulvérisation est de préférence de 6,3 mm, soit donc une distance entre le contour primaire et l'arête, prise suivant l'axe de rotation, et entre le contour secondaire et l'arête, prise suivant l'axe de rotation, comprise entre 5 et 30 mm, de sorte que la revendication 7 du brevet FR 607 est également dépourvue de nouveauté.
La revendication 8 du brevet FR 607 : "Projecteur rotatif (P) selon l'une des revendications précédentes, caractérisé en ce que le contour primaire (C4) et le contour secondaire (C6) présentent chacun une forme circulaire.", est clairement reproduite dans la figure 11 du document WO 950, de sorte que la revendication 8 n'est pas nouvelle.
La revendication 9 du brevet FR 607 est rédigée comme suit : "9.Projecteur rotatif (P) selon l'une des revendications précédentes, caractérisé en ce que le contour primaire (C4) et le contour secondaire (C6) sont disposés dans un plan commun (P46), le plan commun (P46) étant perpendiculaire à l'axe de rotation (X1)."
La figure 8 du document WO 950 fait apparaître que les contours primaire et secondaire sont situés sur un même plan correspondant à l'anneau d'air de guidage (4) perpendiculaire à l'axe de rotation :
.
La revendication 9 du brevet FR 607 est donc dépourvue de nouveauté.
La revendication 11 du brevet FR 607 est rédigée comme suit : "Projecteur rotatif (P) selon la revendication 8 ou 9, caractérisé en ce que le contour primaire (C4) et le contour secondaire (C6) sont confondus en un cercle (C) centré sur l'axe de rotation (X1), le rapport entre le diamètre (D12) de l'arête (12) et le diamètre (D) du cercle (C) étant compris entre 0,65 et 1 et de préférence égal à 0,95."
Le document WO 950 précise, pages 7 et suivantes, que la première couronne de buses d'air de guidage a un diamètre qui est essentiellement égal au diamètre externe de l'arête de pulvérisation du bol de pulvérisation et que la deuxième couronne de buses d'air de guidage a un certain diamètre qui est essentiellement égal au diamètre externe de l'arête de pulvérisation du bol de pulvérisation.
Les contours primaire et secondaire ont donc le même diamètre et sont disposés sur le même cercle (figure 11) centré sur l'axe de rotation, tandis que le diamètre de l'arête de pulvérisation du bol de pulvérisation est très proche ( "essentiellement") du diamètre du cercles des buses, et qu'il peut donc être compris dans un rapport entre 0,65 et 1 comme le suggère le document WO 950.
Par conséquent, le document WO 950 antériorise la revendication 11 du brevet FR 607.
La revendication 12 est rédigée comme suit : "12."Projecteur rotatif (P) selon la revendication 11, caractérisé en ce que le corps (2) comprend entre 20 et 60 orifices primaires (4) et entre 20 et 60 orifices secondaires (6), en ce que les orifices primaires (4) et les orifices secondaires (6) sont circulaires, en ce que les orifices primaires (4) sont agencés sur le cercle (C) en alternance avec les orifices secondaires (6) et en ce que le diamètre (d4) des orifices primaires (4) et le diamètre (d6) des orifices secondaires (6) sont compris entre 0,4 mm et 1,2 mm et de préférence égaux à 0,8 mm".
La figure du document 11 de l'antériorité WO 950 montre que les contours des orifices primaires et secondaires comprenent 30 orifices primaires et 30 orifices secondaires, lesquels sont circulaires, les orifices primaires se trouvant sur le cercle en alternance avec les orifices secondaires.
Enfin, il est rappelé que le diamètre d'un orifice primaire est, selon le document WO 950, de 0,7 mm et celui d'un orifice secondaire de 0,65 mm, soit des valeurs comprises entre 0,4 mm et 1,2 mm.
Il s'ensuit que la revendication 12 du brevet FR 607 est antériorisée par le document WO 950 et n'est pas nouvelle.
Concernant la revendication 13, il est rappelé qu'elle porte sur un "Projecteur rotatif (P) selon la revendication 9, caractérisé en ce qu'une direction primaire (X4) et une direction secondaire (X6) associée se rejoignent en un point de rencontre (46), la distance selon l'axe de rotation (X1) entre le plan commun (P46) et le point de rencontre (46) étant comprise entre 0,5 fois et 30 fois, de préférence entre 1 fois et 2 fois, la plus grande dimension (d4, d6) des orifices primaires (4) ou secondaires (6) prise dans le plan commun (P46)."
Le document WO 950 indique, page 9, que l'angle de vrillage du jet secondaire peut être, par exemple, de l'ordre de 40o à 70o, tandis qu'il est rappelé que l'orifice primaire a un diamètre de 0,7 mm.
Dans l'hypothèse d'un jet primaire axial avec un jet secondaire pouvant être incliné à 45o, la distance selon l'axe de rotation entre le plan commun et le point de rencontre des directions primaire et secondaire est donc nécessairement comprise entre 0,5 et 30 fois la plus grande dimension des orifices primaires ou secondaires prise dans le plan commun.
Par conséquent, la revendication 13 du brevet Fr 607 n'est pas nouvelle.
Enfin, la revendication 16 du brevet FR 607 divulgue un "Procédé de projection de produit de revêtement, caractérisé en ce qu'il met en oeuvre un projecteur rotatif (P) selon I'une des revendications 1 à 15, avec un débit d'air total compris entre 100 NL/min et 1000 NL/min, de préférence entre 300 NL/min et 800 NL/min et comprenant de 25% à 75%, de préférence 33%, de débit des jets d'air primaire (J4) et de 75% à 25%, de préférence 67%, de débit des jets d'air secondaire (J6)".
La desciption du document WO 950 mentionne, page 16, qu'à partir des buses d'air de guidage vrillées est distribué de préférence un flux d'air de guidage qui se situe dans l'ordre de 0 Nl/min à 700 Nl/min et qu'en revanche, à partir des buses d'air de guidage à orientation axiale est dispensé de préférence un flux d'air de guidage qui se situe dans l'ordre de 100 Nl/min à 800 Nl/min.
Ainsi que le relève les sociétés DÛRR SYSTEMS AG et DÜRR SYSTEMS, l'homme du métier, au regard des fourchettes proposées par le document WO 950, peut notamment retenir un air de guidage pour les orifices secondaires de 100 Nl/min et pour les orifices primaires de 500 NL/min, soit un débit d'air global de 600 Nl/min, compris donc entre 100 Nl/min et 1000 Nl/min,
Par ailleurs, s'il est retenu un débit de 400 Nl/min pour chacun des jets d'air, on obtient un débit d'air total comprenant entre 25 à 75% de débit des jets d'air primaire et de 75 à 25% des débits d'air secondaire.
La revendication 16 du brevet FR 607 est donc dépourvue de nouveauté.
Aussi, il convient d'annuler les revendications 1, 4, 6, 7, 8, 9, 11, 12, 13 et 16 du brevet français FR 607 et de débouter la société SAMES KREMLIN de ses demandes formées au titre de la contrefaçon de ces revendications.
Sur la demande reconventionnelle en procédure abusive formée par les sociétés DÛRR SYSTEMS AG et DÜRR SYSTEMS :
Les sociétés DÜRR SYSTEMS AG et DÜRR SYSTEMS font notamment valoir qu'elles ont fourni de très nombreuses preuves d'usage de l'invention avant le dépôt du brevet litigieux, que la société SAMES KREMLIN a cependant adressé de nombreuses lettres d'avertissements à leurs clients en invoquant ses droits sur le brevet EP 689, qui revendique la priorité du brevet FR 607, ces lettres étant antérieures aux saisies-contrefaçon pratiquées et à l'introduction de l'instance, ce qui a suscité des réactions des destinataires des courriers sollicitant des explications. Les sociétés DÛRR SYSTEMS AG et DÜRR SYSTEMS font valoir qu'elles ont subi un préjudice commercial d'image et un préjudice financier dû à la dégradation de ses relations avec ses clients.
La société SAMES KREMLIN réplique que le dépôt du brevet FR 607 et l'introduction de l'action en contrefaçon sur la base de celui-ci ne procèdent d'aucune intention malicieuse et ne caractérise pas un abus du droit d'agir en justice, le brevet FR 607 bénéficiant d'une présomption de validité, la revendication principale du brevet EP 689 modifiée regroupant les revendications 1, 8 et 11 du brevet FR 607 invoquées dans la procédure tandis que la contrefaçon du brevet FR 607 est caractérisée. Elle ajoute qu'aucun argument ne peut être tiré par les défenderesses de l'envoi à diverses sociétés de mises en demeure fondées sur un titre différent et incriminant un autre dispositif.
Sur ce :
Aux termes de l'article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.
En vertu des dispositions des articles 1240 et 1241 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, chacun étant responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.
L'exercice d'une action en justice constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que dans les cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol.
Il est rappelé qu'un brevet est présumé valable jusqu'à décision contraire.
Par ailleurs, la diffusion et l'exploitation d'un dispositif antérieur Eco Bell 2 HD qui reprendrait les caractéristiques du brevet FR 607 sont vivement contestées par la société SAMES KREMLIN et il n'est aucunement établi que, lors de l'introduction de l'instance, elle avait acquis la conviction qu'une telle antériorité lui était opposable.
En outre, il ne peut être considéré comme fautif le fait pour la demanderesse d'invoquer ses droits sur le brevet EP 689 par courriers à des sociétés tierces, et non le brevet français incriminé, le brevet EP 689, maintenu sous une forme modifiée, n'ayant pas à l'époque fait l'objet d'une décision de la chambre des recours de l'OEB.
Il est également relevé que ne peut participer d'un abus du droit d'agir en justice le fait de solliciter des saisies-contrefaçon qui ont été judiciairement autorisées.
Enfin, les échanges intervenus entre les parties sur certaines pièces participant du déroulement du procès et de l'organisation de leurs défenses ne relèvent pas de la procédure abusive.
Par conséquent, la preuve formelle d'un abus du droit d'agir en justice de la société SAMES KREMLIN n'est pas rapportée et les demandes indemnitaires formées au titre de la procédure abusive par les sociétés DÜRR SYSTEMS AG et DÜRR SYSTEMS seront rejetées.
Sur les demandes accessoires :
Partie succombante, la société SAMES KREMLIN sera condamnée aux dépens et à payer aux sociétés DÜRR SYSTEMS AG et DÜRR SYSTEMS 120.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, l'exécution provisoire du jugement sera ordonnée, à l'exception de la transcription de l'annulation des revendications 1, 4, 6, 7, 8, 9, 11, 12, 13 et 16 du brevet français FR 607 compte tenu de son caractère irréversible.
PAR CES MOTIFS
Statuant par décision contradictoire, rendue en premier ressort, par mise à disposition au greffe,
LE TRIBUNAL
Déclare nulles, pour défaut de nouveauté, les revendications 1, 4, 6, 7, 8, 9, 11, 12, 13 et 16 du brevet français FR 607,
Dit que la présente décision, une fois définitive, sera transmise à l'INPI pour être inscrite au registre national des brevets à l'initiative de la partie la plus diligente ;
Déboute la société SAMES KREMLIN de ses demandes formées au titre de la contrefaçon des revendications de ce brevet,
Déboute les sociétés DÜRR SYSTEMS AG et DÜRR SYSTEMS de leurs demandes reconventionnelles pour procédure abusive,
Condamne la société SAMES KREMLIN aux dépens, qui pourront être recouvrés par Me Stanislas ROUX-VAILLARD dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,
Condamme la société SAMES KREMLIN à payer aux sociétés DÜRR SYSTEMS AG et DÜRR SYSTEMS 120.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision, à l'exception de la transcription de l'annulation des revendications 1, 4, 6, 7, 8, 9, 11, 12, 13 et 16 du brevet français FR 607 au registre national des brevets.
Fait et jugé à [Localité 10] le 02 juin 2022
LA GREFFIERE LE PRESIDENT