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24/05/2022 | FRANCE | N°21/10917

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Ct0196, 24 mai 2022, 21/10917


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE [Localité 5]

3ème chambre
3ème section

No RG 21/10917 -
No Portalis 352J-W-B7F-CVAZW

No MINUTE :

Assignation du :
18 Août 2021

ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 24 mai 2022

DEMANDEUR

Monsieur [Z] [E]
[Adresse 3]
[Localité 4]

représenté par Maître Cyrille AMAR de la SELAS AMAR GOUSSU STAUB, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0515

DÉFENDERESSE

S.A. VICAT
[Adresse 2]
[Localité 1]

représentée par Maître Nicolas MOREAU de la SCP BIG

NON LEBRAY, avocat au barreau de PARIS, avocat posutlant, vestiaire #P0370 et par Maîtres Barbara BERTHOLET et Louis DE GAULLE de la SAS DE GAULLE FLEURANCE...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE [Localité 5]

3ème chambre
3ème section

No RG 21/10917 -
No Portalis 352J-W-B7F-CVAZW

No MINUTE :

Assignation du :
18 Août 2021

ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 24 mai 2022

DEMANDEUR

Monsieur [Z] [E]
[Adresse 3]
[Localité 4]

représenté par Maître Cyrille AMAR de la SELAS AMAR GOUSSU STAUB, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0515

DÉFENDERESSE

S.A. VICAT
[Adresse 2]
[Localité 1]

représentée par Maître Nicolas MOREAU de la SCP BIGNON LEBRAY, avocat au barreau de PARIS, avocat posutlant, vestiaire #P0370 et par Maîtres Barbara BERTHOLET et Louis DE GAULLE de la SAS DE GAULLE FLEURANCE et ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidants, vestiaire #K35

MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT

Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe
assistée de Lorine MILLE, Greffière

DÉBATS

A l'audience du 14 avril 2022, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue le 24 mai 2022.

ORDONNANCE

Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE :

1.Suivant un contrat de "licence de savoir-faire et d'invention" en date du 1er février 2018, expressément soumis au droit français et à la compétence exclusive du tribunal judiciaire de Paris, M. [Z] [E], chercheur spécialisé en minéralogie et chimie du minéral, a consenti à la société Vicat, spécialisée dans la fourniture de produits et services destinés à la construction, un droit exclusif d'usage portant sur un liant minéral innovant, dont la fabrication permet une réduction sensible des émissions de CO2, et ce, moyennant le versement d'une redevance d'un montant de 2.000 euros par mois. Le contrat prévoit qu'il est conclu pour la durée du contrat de travail à durée déterminée (article 7) par lequel la société Vicat a engagé M. [E], du 1er février au 31 juillet 2018, en raison de l'accroissement d'activité lié au développement de liants activés chimiquement. Le contrat prévoit également la faculté pour le licencié d'acquérir l'invention et pour le concédant, l'engagement dans ce cas de lui céder l'invention, à des "conditions justes et raisonnables" que les parties s'engagent "à négocier de bonne foi" (article 6).

2.Par deux avenants successifs, le contrat de travail de M. [E] a été renouvelé jusqu'au 31 juillet 2019, et par une lettre du 25 juillet 2019, la société Vicat a levé l'option d'achat de l'invention prévue au contrat de licence. Un nouveau contrat de travail à durée déterminé a été régularisé entre les parties pour la période du 4 février au 31 juillet 2020.

3.C'est en cet état que, par une lettre du 5 août 2020, la société Vicat a finalement notifié à M. [E] sa décision de ne pas acquérir l'invention et de mettre un terme aux négociations.

4.Les échanges ayant suivi cette décision de la société Vicat n'ayant pas permis de rapprocher les points de vue des parties, cette société s'étant refusée à toute indemnisation du préjudice étant résulté de la violation selon M. [E] de ses engagements contractuels, ce dernier l'a, par acte d'huissier délivré le 19 août 2021, faite assigner devant le tribunal judiciaire de Paris afin d'obtenir sa condamnation au paiement de diverses sommes.

5.Par des conclusions d'incident notifiées électroniquement le 14 décembre 2021, M. [E] a saisi le juge de la mise en état d'une demande aux fins d'obtenir la condamnation de la société Vicat au versement d'une provision d'un montant de 1.270.000 euros. Il forme la même demande dans ses dernières conclusions d'incident du 14 mars 2022.

6.Par des conclusions d'incident no2 notifiées par la voie électronique le 11 avril 2022, la société Vicat conclut au rejet de cette demande et, subsidiairement, qu'elle soit assortie d'une consignation du même montant auprès de la Caisse des Dépôts et consignations.

7.L'incident a été plaidé à l'audience du 14 avril 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Moyens des parties

8.M. [E] fonde ses demandes sur les dispositions de l'article 1104 du code civil d'où découle selon lui le caractère non sérieusement contestable de ses demandes. Il soutient à cet égard qu'en levant l'option d'achat de l'invention, la société Vicat s'est engagée à négocier de bonne foi les termes du contrat d'achat, n'ayant plus la faculté de remettre en cause le principe de l'acquisition. Aussi, en opérant une volte-face brutale, fondée sur un motif insusceptible de la justifier à ce stade, la société Vicat a, selon lui, démontré en définitive son cynisme et le fait qu'elle n'a en réalité jamais eu l'intention d'acquérir l'invention, mais a, en contractant et en levant l'option, simplement cherché à retarder l'arrivée sur le marché d'un produit concurrent respectueux de l'environnement.

9.La société Vicat fait quant à elle valoir que la demande de M. [E] se heurte à de nombreuses contestations sérieuses, en particulier tirées de la qualification du contrat, qui n'était pas une promesse synallagmatique ou unilatérale de vente, parfaite dès la levée d'option, mais un contrat entourant des négociations. Elle ajoute avoir toujours négocié de bonne foi, ainsi qu'en témoignent ses investissements auxquels elle a renoncé. Elle ajoute que le préjudice éventuellement subi par M. [E] ici ne peut en aucun cas s'analyser en une perte de chance.

Appréciation du juge de la mise en état

10.Aux termes de l'article 789 du code de procédure civile, "Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour : (...) 3o Accorder une provision au créancier lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Le juge de la mise en état peut subordonner l'exécution de sa décision à la constitution d'une garantie dans les conditions prévues aux articles 514-5,517 et 518 à 522."

11.En application des dispositions identiques de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, il est constamment jugé que l'interprétation des clauses d'un contrat revient à trancher une contestation sérieuse (Cass. Civ. 1ère, 4 juillet 2006, pourvoi no 05-11.591, Bull. 2006, I, no 337).

12.Il résulte en outre de l'article 1123 premier alinéa du code civil que "Le pacte de préférence est le contrat par lequel une partie s'engage à proposer prioritairement à son bénéficiaire de traiter avec lui pour le cas où elle déciderait de contracter." Et selon l'article 1124 de ce même code, "La promesse unilatérale est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l'autre, le bénéficiaire, le droit d'opter pour la conclusion d'un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire."

13.L'article 6 "Option d'acquisition" du contrat est ainsi libellé : "Pendant toute la durée du présent contrat, le licencié bénéficie d'une option d'acquisition de la pleine et entière propriété sur l'invention et, le cas échéant, d'une licence d'exploitation sur le savoir-faire. La décision du licencié sera notifiée au concédant par écrit daté avec preuve de réception. Le concédant s'engage, en cas d'exercice de cette option par le licencié, à lui céder la pleine et entière propriété de l'invention et à lui concéder, le cas échéant, une licence d'exploitation sur le savoir-faire à des conditions justes et raisonnables, que les parties s'engagent à négocier de bonne foi en tenant compte des informations dont elles disposeront alors (...)".

14.Force est en l'occurrence de constater que les éléments essentiels du contrat (objet, prix,...) que M. [E] s'est engagé à consentir à la société Vicat, ne sont pas déterminés par le contrat du 1er février 2018, de sorte que ce contrat pourrait tout aussi bien s'analyser en un pacte de préférence, et non en une promesse de contrat, seule cette dernière qualification permettant de retenir que le contrat était parfait par la seule levée de l'option. Aussi, la nécessité d'interpréter le contrat et partant, de trancher une contestation sérieuse, de même que la nécessité d'apprécier la bonne ou la mauvaise foi de la société Vicat, qui excède tout autant la compétence du juge de la mise en état, ne peuvent que conduire au rejet de la demande de provision.

15.Les dépens seront réservés.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort,

Le juge de la mie en état,

REJETTE la demande de provision présentée par M. [E] ;

RÉSERVE les dépens ;

RENVOIE l'affaire à l'audience de mise en état (dématérialisée) du :

30 juin 2022 à 14 heures

pour laquelle les parties sont invitées à faire part au juge de la mise en état de leur avis sur la proposition qui leur est faite de procéder entre elles par voie de médiation afin de leur permettre de tenter de trouver une issue rapide et librement négociée au présent litige, et à défaut, pour fixation d'un calendrier court ;

Faite et rendue à [Localité 5] le 24 mai 2022.

La GreffièreLe Juge de la mise en état


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Ct0196
Numéro d'arrêt : 21/10917
Date de la décision : 24/05/2022

Analyses

x


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2022-05-24;21.10917 ?
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