La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/05/2022 | FRANCE | N°17/14628

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Ct0196, 19 mai 2022, 17/14628


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
1ère section

No RG 17/14628
No Portalis 352J-W-B7B-CLSDE

No MINUTE :

Assignation du :
19 octobre 2017

JUGEMENT
rendu le 19 mai 2022

DEMANDERESSES

S.A.S. BELLE ETOILE
[Adresse 4]
[Localité 3]

représentée par Me Olivier ITEANU de la SELAS ITEANU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1380

S.A.S. SUN CITY - Intervenante volonataire
[Adresse 2]
[Localité 5]

représentée par Me Virginie GUIOT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E432
r>DÉFENDERESSE

S.A. ETABLISSEMENT MICHEL
[Adresse 1]
[Adresse 10]
[Localité 6]

représentée par Me Vanessa BOUCHARA de la SELARL CABINET BOUCHARA, av...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
1ère section

No RG 17/14628
No Portalis 352J-W-B7B-CLSDE

No MINUTE :

Assignation du :
19 octobre 2017

JUGEMENT
rendu le 19 mai 2022

DEMANDERESSES

S.A.S. BELLE ETOILE
[Adresse 4]
[Localité 3]

représentée par Me Olivier ITEANU de la SELAS ITEANU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1380

S.A.S. SUN CITY - Intervenante volonataire
[Adresse 2]
[Localité 5]

représentée par Me Virginie GUIOT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E432

DÉFENDERESSE

S.A. ETABLISSEMENT MICHEL
[Adresse 1]
[Adresse 10]
[Localité 6]

représentée par Me Vanessa BOUCHARA de la SELARL CABINET BOUCHARA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0594

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Gilles BUFFET, Vice- président
Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe
Alix FLEURIET, Juge

assistés de Caroline REBOUL, Greffière,

DÉBATS

A l'audience du 24 janvier 2022 tenue en audience publique devant Gilles BUFFET et Nathalie SABOTIER, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

La société BELLE ETOILE, immatriculée le 26 décembre 2016, a pour activités déclarées l'acquisition, le développement, l'exploitation de marques, brevets et tout élément de propriété intellectuelle, les prestations de services, l'achat et la vente de produits.

La société SUN CITY, immatriculée le 1er février 2010, est notamment spécialisée dans l'achat, la vente, la fabrication de tous articles de chaussures, gadgets, linge de maison, maroquinerie, textile, réparation de chaussures, soldés en tous genres, import, export, achat/vente en gros, semi-gros, détail, import/export de tous produits pour hommes, femmes, enfants, la maison, le bureau, les produits alimentaires et les prestations de services.

La société ETABLISSEMENT MICHEL, immatriculée le 21 juin 2012, a pour activités l'achat, la vente en gros, demi-gros et détail de confection, bonneterie, lingerie, prêt à porter hommes, femmes, enfants, chaussures, habillement et tous accessoires de mode, soldes en tous genres, foires et marchés, déballage.

La société NEWMAN , immatriculée le 23 juin 2010, était spécialisée dans le commerce d'articles, d'habillement hommes, femmes et enfants.

Elle était titulaire de la marque semi-figurative de l'Union européenne :

no001230135 déposée le 5 juillet 1999 et enregistrée pour désigner des produits des classes 3, 18 et 25, dont, dans cette dernière classe, les vêtements, chaussures et la chapellerie.

Elle était également titulaire de la marque semi-figurative française "NEWMAN", reproduisant le même graphisme, no95599540, déposée le 30 novembre 1995 et enregistrée pour désigner des produits des classes 3,5,9,14,16,18,20,21,23,24,25 et 28 dont les vêtements (habillement) en classe 25.

La société NEWMAN a conclu, le 3 mars 2015, un contrat de licence avec la SAS ETABLISSEMENT MICHEL lui conférant le droit exclusif en Europe de fabriquer ou faire fabriquer, distribuer et vendre sous les marques NEW MAN les produits suivants : haut et bas de jogging homme, pyjamas et gants.

Par avenant du 17 mars 2015, les parties ont convenu d'ajouter le produit "parapluie" aux produits précédemment concédés sous licence.

Le contrat a été conclu pour une durée s'achevant au 30 juin 2018, avec tacite reconduction, sauf dénonciation anticipée.

La SAS ETABLISSEMENT MICHEL s'était engagée, aux termes du contrat, à verser une redevance calculée, sauf dérogation écrite, sur la base du chiffre d'affaires grossiste (wholesale turnover) réalisé avec les produits sur les trois années, de la signature du contrat au 31 mars 2016, du 1er avril 2016 au 31 mars 2017 et du 1er avril 2017 au 31 mars 2018, avec un minimum garanti HT de 40.000 euros pour l'année 1, 50.000 euros l'année 2, et 60.000 euros l'année 3, le taux de redevance s'élevant à 10 % HT de la valeur nette des ventes autrement désignée par chiffre d'affaire grossiste ou "wholesale turnover" ou 14% HT de la valeur nette des ventes FOB.

La société NEWMAN et la SAS ETABLISSEMENT MICHEL ont également conclu un autre contrat de licence le 3 mars 2015 conférant le droit exclusif en Europe pour la SAS ETABLISSEMENT MICHEL de fabriquer ou faire fabriquer, distribuer et vendre sous les marques NEW MAN les produits suivants : chaussettes homme, sous-vêtements homme (boxer, caleçon court, slip, tricot et marcel, caleçon long chaud, tee shirt chaud de nuit).

Le contrat a été conclu pour une durée s'achevant au 30 juin 2018, avec tacite reconduction, sauf dénonciation anticipée.

Le contrat prévoyait une redevance au profit de la société NEWMAN calculée sur la base, sauf dérogation écrite, du chiffre d'affaires grossiste (wholesale turnover) réalisé avec les produits sur les trois années, de la signature du contrat au 31 juin 2016, du 1er juillet 2016 au 30 juin 2017 et du 1er juillet 2017 au 30 juin 2018, avec un minimum garanti HT de 40.000 euros pour l'année 1, 50.000 euros l'année 2, et 60.000 euros l'année 3, le taux de redevance s'élevant à 10 % HT de la valeur nette des ventes autrement désignée par chiffre d'affaire grossiste ou "wholesale turnover" ou 14% HT de la valeur nette des ventes FOB.

Enfin, un troisième contrat de licence a été conclu le 22 avril 2015 entre la société NEWMAN et la SAS ETABLISSEMENT MICHEL lui conférant le droit exclusif en Europe de fabriquer ou faire fabriquer, distribuer et vendre sous les marques NEW MAN les produits suivants: maroquinerie homme, petite maroquinerie homme, sac ordinateur, sacoche bandoulière.

Le contrat a été conclu pour une durée s'achevant au 31 décembre 2018, avec tacite reconduction, sauf dénonciation anticipée.

Le contrat prévoyait une redevance au profit de la société NEWMAN calculée sur la base, sauf dérogation écrite, du chiffre d'affaires grossiste (wholesale turnover) réalisé avec les produits sur les trois années, de la signature du contrat au 31 avril 2016, du 1er mai 2016 au 31 avril 2017 et du 1er mai 2017 au 31 avril 2018, avec un minimum garanti HT de 20.000 euros pour l'année 1, 25.000 euros l'année 2, et 30.000 euros l'année 3, le taux de redevance s'élevant à 10 % HT de la valeur nette des ventes autrement désignée par chiffre d'affaire grossiste ou "wholesale turnover" ou 14% HT de la valeur nette des ventes FOB.

Par jugement du 3 juin 2016, le tribunal de commerce de Besançon a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire de la société NEWMAN, nommant comme mandataire judiciaire, Me [H] [O].

Par jugement du 7 décembre 2016, le tribunal de commerce de Besançon a arrêté le plan de cession de la société NEWMAN au profit des sociétés SUN CITY et ETOILES SCR, avec faculté de substitution. Le plan prévoyait la reprise du seul contrat de licence conclu avec la société LOOK VISION portant sur la distribution de lunettes.

Suivant jugement du 25 janvier 2017, le tribunal de commerce de Besançon a prononcé la liquidation judiciaire de la société NEWMAN.

Par contrat du 30 janvier 2017 conclu entre la société NEWMAN, représentée par son administrateur judiciaire, et les sociétés SUN CITY et BELLE ETOILE, la cession des actifs de la société NEWMAN ordonnée a été régularisée. La société BELLE ETOILE, se substituant à la société ETOILES SCR, a notamment acquis les marques "NEWMAN".

Antérieurement, par lettres recommandées avec accusés de réception des 21 décembre 2016, Me [X] [W], es qualité d'administrateur au redressement judiciaire de la société NEWMAN, a indiqué à la société ETABLISSEMENT MICHEL que le président de la société et lui-même entendaient procéder à la résiliation des contrats de licence portant sur les joggings, pyjamas, gants, petite maroquinerie, chaussettes et sous-vêtements, compte tenu de leur non respect à défaut pour la société ETABLISSEMENT MICHEL d'avoir apporté les éléments d'informations sur la nature des produits commercialisés et sur le circuit de distribution, informant également la société ETABLISSEMENT MICHEL que le plan de cession des actifs de la société NEWMAN ne prévoyait pas la reprise desdits contrats.

[X] [W] faisait ainsi interdiction à la SAS ETABLISSEMENT MICHEL de fabriquer et vendre des marchandises de marque NEWMAN à compter du 8 décembre 2016.

Par courrier du 25 janvier 2017, le conseil de la SAS ETABLISSEMENT MICHEL avisait Me [W] de ce qu'elle contestait les motifs de cette résiliation.

La société BELLE ETOILE a consenti, le 1er mars 2017, une licence de marques au profit de la société SUN CITY.

Faisant valoir que lasociété ETABLISSEMENT MICHEL avait continué, postérieurement au 8 décembre 2016, à vendre des produis couverts par les marques NEWMAN, la société BELLE ETOILE a fait dresser un procès-verbal de constat Internet par huissier de justice le 9 mars 2017, établissant que des sacs, chaussettes, boxers, étaient toujours en vente sur le site internet "les2sous.com", édité par la société ETABLISSEMENT MICHEL.

Selon un second procès-verbal de constat du 26 avril 2017, il était relevé que la société ETABLISSEMENT MICHEL continuait à afficher la marque NEW MAN en devanture de ses locaux.

Par ordonnance du 13 octobre 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris, devenu le tribunal judiciaire de Paris à compter du 1er janvier 2020, a débouté la société BELLE ETOILE de ses demandes formées contre la société ETABLISSEMENT MICHEL en cessation des atteintes vraisemblables alléguées sur les marques NEWMAN.

Autorisée par ordonnance du 17 octobre 2017, la société BELLE ETOILE a fait assigner à jour fixe la société ETABLISSEMENT MICHEL devant le tribunal judiciaire de Paris, selon exploit d'huissier du 19 octobre 2017.

Le 30 janvier 2018, la société ETABLISSEMENT MICHEL a saisi le juge-commissaire à la procédure collective de la société NEWMAN d'une demande tendant à voir prononcer l'irrégularité de la procédure de résiliation des contrats conclus entre elle et la société NEWMAN les 3 mars et 22 avril 2015, dire qu'aucune résiliation des contrats de licence n'est intervenue et que ces contrats sont opposables à la société BELLE ETOILE.

Par ordonnance rendue le 10 avril 2018, le juge-commissaire a "confirmé la pleine résiliation du contrat de licence à la date de notification de Me [W] par LRAR au 21/12/2016 au vu de l'article L. 641-11-1 du code Commerce", condamnant la société ETABLISSEMENT MICHEL à payer au liquidateur la somme de 30.000 euros dont le détail était repris dans la note de compte (voir annexe dossier M. [J]) assorti des intérêts de retard, la société ETABLISSEMENT MICHEL étant également condamnée aux dépens et à la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration formalisée par courrier recommandé avec accusé de réception du 12 avril 2018, la société ETABLISSEMENT MICHEL a formé un recours à l'encontre de cette ordonnance devant le tribunal de commerce de Besançon.

Par jugement du 24 mai 2018, le tribunal judiciaire de Paris a ordonné le sursis à statuer sur les demandes des parties dans l'attente du jugement à intervenir du tribunal de commerce de Besançon sur le recours formé par la SAS ETABLISSEMENT MICHEL à l'encontre de l'ordonnance du juge-commissaire du 10 avril 2018.

Par jugement du 27 juin 2018, le tribunal de commerce de Besançon a notamment confirmé la résiliation des contrats de licence conclus entre les sociétés ETABLISSEMENT MICHEL et NEWMAN, mais dit que cette résiliation est intervenue de plein droit à la date du 25 janvier 2017 correspondant à celle du jugement prononçant la conversion en liquidation judiciaire de la société NEWMAN.

Par bulletin du 10 juillet 2018, l'affaire était renvoyée à l'audience de mise en état du 22 janvier 2019 pour faire le point sur la procédure d'appel en raison de l'appel interjeté contre le jugement du 27 juin 2018.

Par arrêt du 5 décembre 2018, la cour d'appel de Besançon a notamment infirmé le jugement rendu le 27 juin 2018 en ce qu'il a constaté la résiliation des contrats de licence conclus entre les sociétés ETABLISSEMENT MICHEL et NEWMAN et dit que cette résiliation était intervenue de plein droit au 25 janvier 2017 correspondant à celle du jugement prononçant la conversion en liquidation judiciaire de la société NEWMAN, disant que ni le juge-commissaire, ni le tribunal de commerce statuant sur l'opposition formée contre l'ordonnance, ni la cour d'appel statuant sur le recours formé contre le jugement, n'avaient le pouvoir juridictionnel pour connaître des demandes des parties, déclarant ainsi les parties irrecevables en toutes leurs prétentions.

Un pourvoi en cassation a été formé contre cet arrêt.

Par bulletin du 22 janvier 2019, l'examen de l'affaire a été renvoyée à l'audience de mise en état du 16 avril 2019 pour faire le point sur la procédure pendante devant la Cour de cassation.

Le 19 février 2019, la société BELLE ETOILE a saisi le juge de la mise en état d'un incident tendant à faire interdiction à la société ETABLISSEMENT MICHEL de faire usage du signe "NEWMAN", de lui enjoindre de communiquer des pièces financières, de la condamner au paiement d'une provision pour le procès et d'ordonner la consignation par la société ETABLISSEMENT MICHEL d'une somme correspondant à 20% du préjudice global évalué par la société BELLE ETOILE.

Par ordonnance du 11 juillet 2019, le juge de la mise en état a, relevant que la question de la régularité de la résiliation des contrats de licence consentis à la société ETABLISSEMENT MICHEL était actuellement pendante devant la Cour de cassation, constaté cependant que les contrats de licence étaient arrivés à leur terme les 30 juin 2018 pour les contrats "sous-vêtements homme" et "pyjamas" et le 31 décembre 2018 pour le contrat "maroquinerie". Eu égard notamment à une retenue douanière effectuée en septembre 2019 portant sur des vêtements revêtus de la marque "NEWMAN" expédiés par la société ETABLISSEMENT MICHEL, le juge de la mise en état a considéré que la contrefaçon invoquée par la société BELLE ETOILE était vraisemblable. En revanche, le juge de la mise en état a considéré que la demande de consignation n'était pas justifiée, la société BELLE ETOILE ne justifiant pas que la situation de la société ETABLISSEMENT MICHEL était en péril et ne quantifiant pas le préjudice invoqué.

Aux termes de cette ordonnance, le juge de la mise en état a donc notamment :

- interdit à la société ETABLISSEMENT MICHEL de faire usage, à quelque titre que ce soit, du signe "NEW MAN", sous astreinte,

- enjoint à la société ETABLISSEMENT MICHEL de communiquer à la société BELLE ETOILE les factures d'achat et de vente des produits sous-vêtements homme (boxer, caleçon court, slip, tricot et marcel, caleçon long chaud, tee-shirt chaud de nuit) portant le signe "NEWMAN", les bons de commande en cours de ces produits, l'état des stocks de ces produits, les noms et adresses des producteurs, fabricants, distributeurs, fournisseurs, desdits produits, les quantités produites, fabriquées, livrées, reçues ou commandées, ainsi que les prix pratiqués pour ces marchandises, pour la période du 30 juin 2018 au 11 juillet 2019, sous astreinte,

-débouté la société BELLE ETOILE du surplus de ses demandes,

- renvoyé l'examen de l'affaire pour faire le point sur la procédure en cours devant la Cour de cassation.

Par arrêt du 23 septembre 2020, la Cour de cassation, relevant que la cour d'appel avait relevé d'office le moyen tiré de l'incompétence du juge-commissaire sans inviter les parties à présenter leurs observations, a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 5 décembre 2018 par la cour d'appel de Besançon et renvoyé les parties devant la cour d'appel de Dijon.

Compte tenu de la longueur de la procédure et afin de ne pas retarder excessivement le prononcé d'un jugement au fond, la clôture de l'affaire pendante devant le tribunal judiciaire de Paris a été prononcée le 16 mars 2021.

Par arrêt du 20 mai 2021, la cour d'appel de Dijon a notamment dit que les contrats de licence de marque conclus entre la société ETABLISSEMENT MICHEL et la société NEWMAN les 3 mars et 23 avril 2015 étaient devenus caducs et privés d'effet depuis le 8 décembre 2016 du fait de l'entrée en vigueur du plan de cession à cette date.

Par jugement du 15 juin 2021, le tribunal a révoqué l'ordonnance de clôture, les sociétés BELLE ETOILE et ETABLISSEMENT MICHEL ayant conclu au fond à la suite de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Dijon.

Un pourvoi en cassation a été formé le 27 mai 2021 contre l'arrêt rendu le 20 mai 2021 par la cour d'appel de Dijon.

Le tribunal a invité la société ETABLISSEMENT MICHEL à communiquer l'avis de son avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation sur le mérite du pourvoi.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 28 octobre 2021, la société BELLE ETOILE demande au tribunal de :

Vu les articles L. 713-1, L. 713-2, L. 716-1, L. 716-14 et L. 717-1 du code de la propriété intellectuelle,
Vu les articles 9 et suivants du règlement (UE) 2015/2424 du parlement européen et du conseil du 16 décembre 2015,
Vu l'article 1165 ancien du code civil,
Vu les articles 74, 75, 377, 378 et 803 du Code de procédure civile,
Vu les articles L. 642-5 et L. 642-8 du Code de commerce,

- DIRE ET JUGER la Société BELLE ETOILE recevable en ses demandes, fins et conclusions,

En conséquence,

- FAIRE INTERDICTION à la Société ETABLISSEMENT MICHEL de reproduire et faire usage du signe NEW MAN pour désigner des vêtements et plus généralement des produits désignés dans l'enregistrement des marques revendiquées, sur tout site internet, sur ses factures, sur la devanture de son établissement à [Localité 7] (93) et sur quelque support que ce soit, à destination du public situé sur le territoire communautaire, sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée et par jour de retard à l'expiration d'un délai de 72 heures suivant la signification par Huissier de justice de la décision à intervenir,

FAIRE INTERDICTION à la Société ETABLISSEMENT MICHEL de concevoir, fabriquer, importer, distribuer, offrir à la vente, commercialiser, sur le territoire communautaire, des vêtements sous la marque NEW MAN et plus généralement des produits désignés dans l'enregistrement des marques revendiquées, par quelque moyen que ce soit et notamment dans son établissement à [Localité 7] (93) et par l'intermédiaire de tout site internet sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée et par jour de retard à l'expiration d'un délai de 72 heures suivant la signification par Huissier de justice de la décision à intervenir,

ORDONNER la communication par la Société ETABLISSEMENT MICHEL à la Société BELLE ETOILE :

- de l'intégralité des factures d'achat et de vente de produits portant le signe NEW MAN,
- des bons de commande en cours de produits portant le signe NEW MAN,

- de l'état des stocks de produits portant le signe NEW MAN sur la période du 8 décembre 2016 jusqu'au jour du prononcé de la décision à intervenir,

- et des informations sur les noms et adresses des producteurs, fabricants, distributeurs, fournisseurs et autres détenteurs antérieurs des marchandises, ainsi que des grossistes destinataires et des détaillants et des renseignements sur les quantités produites, fabriquées, livrées, reçues ou commandées, ainsi que sur le prix obtenu pour les marchandises en question,

sur la période du 8 décembre 2016 jusqu'au jour du prononcé de la décision à intervenir, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard et par document non remis à l'Huissier de justice à compter de l'expiration d'un délai de 72 heures suivant la signification par Huissier de justice de la décision à intervenir,

CONDAMNER la Société ETABLISSEMENT MICHEL, compte tenu des actes de contrefaçon des marques de l'Union européenne et française « NEW MAN » respectivement enregistrées sous les numéros 1230135 et 95599540 qu'elle a commis, au paiement au profit de la Société BELLE ETOILE de la somme globale de 4.801.964 euros détaillée comme suit:

- la somme de 3.101.964 euros au titre des conséquences économiques négatives (1.601.964 euros au titre du manque à gagner et 1.500.000 euros au titre de la perte subie),

- la somme de 700.000 euros au titre du préjudice moral de la Société BELLE ETOILE,
- et la somme de 1.000.000 euros au titre des bénéfices réalisés par la Société ETABLISSEMENT MICHEL,

SUBSIDIAIREMENT,

CONDAMNER la société ETABLISSEMENT MICHEL au paiement au profit de la société BELLE ETOILE de la somme forfaitaire globale de 4.800.000 euros par application de l'alinéa 2 de l'article L. 716-14 du code de la propriété intellectuelle,

ORDONNER la destruction devant Huissier de justice, aux frais avancés de la société ETABLISSEMENT MICHEL, de l'intégralité des stocks de produits portant le signe NEW MAN détenus et en cours de fabrication par la Société ETABLISSEMENT MICHEL, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard et par produit non détruit à compter de l'expiration d'un délai de 72 heures suivant la signification par Huissier de justice de la décision à intervenir,

ORDONNER la publication de tout ou partie, au choix de la Société BELLE ETOILE, de la décision à intervenir sur tout site internet édité par la Société ETABLISSEMENT MICHEL au jour du prononcé de la décision à intervenir pendant une durée de trois mois ainsi que dans trois publications au choix de la Société BELLE ETOILE et aux frais avancés de la Société ETABLISSEMENT MICHEL,

DEBOUTER la Société ETABLISSEMENT MICHEL de l'ensemble de ses demandes, y compris reconventionnelles, fins et conclusions,

CONDAMNER la Société ETABLISSEMENT MICHEL au paiement de la somme de 60.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

ORDONNER l'exécution provisoire de la décision à intervenir en toutes ses dispositions.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 6 septembre 2021, la société ETABLISSEMENT MICHEL demande au tribunal de :

Vu les articles 377 et 378 du Code de Procédure Civile,
Vu les articles L.622-13, L.631-14 et L.641-11-1 du Code de Commerce,
Vu les articles L.713-2 et L.716-1 du Code de la Propriété Intellectuelle,
Vu l'article L. 714-1 du Code de la Propriété Intellectuelle,
Vu l'article 1200 du Code Civil,
Vu les articles 1240 et 1241 du Code Civil,

A TITRE PRINCIPAL :

? CONSTATER que seul le juge-commissaire de la procédure collective de la société NEWMAN est compétent pour prononcer le cas échéant la résiliation des contrats de licence conclus le 3 mars et le 22 avril 2015 entre la société NEW MAN et la société ETABLISSEMENT MICHEL ;

? CONSTATER que la société ETABLISSEMENT MICHEL a dûment été autorisée par trois contrats de licence conclus le 3 mars et le 22 avril 2015 avec la société NEW MAN à exploiter les marques NEW MAN jusqu'au 30 juin 2018, s'agissant des produits couverts par les contrats du 3 mars 2015, et jusqu'au 31 décembre 2018, s'agissant des produits couverts par le contrat du 22 avril 2015 ;

? CONSTATER qu'aucune résiliation des contrats de licence conclus le 3 mars et le 22 avril 2015 n'est intervenue ;

? CONSTATER que ces contrats sont restés valables jusqu'à leurs termes respectifs et parfaitement opposables à la société BELLE ETOILE et à la société SUN CITY ;

? CONSTATER que la société ETABLISSEMENT MICHEL n'a dès lors commis aucun acte de contrefaçon, car elle était dûment autorisée à exploiter les marques jusqu'au 30 juin 2018, pour les produits couverts par les contrats du 3 mars 2015, et jusqu'au 31 décembre 2018, pour les produits couverts par le contrat du 22 avril 2015 ;

EN CONSEQUENCE :

? DEBOUTER la société BELLE ETOILE de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions à l'encontre de la société ETABLISSEMENT MICHEL.

? DEBOUTER la société SUN CITY de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions à l'encontre de la société ETABLISSEMENT MICHEL.

A TITRE SUBSIDIARE :

? DEBOUTER la société BELLE ETOILE de l'ensemble de ses demandes indemnitaires, ou à tout le moins les ramener à de plus justes proportions ;

? DEBOUTER la société SUN CITY de l'ensemble de ses demandes indemnitaires, ou à tout le moins les ramener à de plus justes proportions ;

? DEBOUTER la société BELLE ETOILE et la société SUN CITY de leurs demandes de communication des documents comptables ;

? DEBOUTER la société BELLE ETOILE et la société SUN CITY de l'ensemble de leurs demandes d'interdiction ;

? DEBOUTER la société BELLE ETOILE et la société SUN CITY de leurs demandes de destruction des stocks de produits portant le signe NEW MAN en présence d'un Huissier de justice ;

? DEBOUTER la société BELLE ETOILE et la société SUN CITY de leurs demandes de publication de la décision à intervenir ;

? DEBOUTER la société BELLE ETOILE et la société SUN CITY de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

A TITRE RECONVENTIONNEL

? DIRE ET JUGER que la société BELLE ETOILE a commis des actes de dénigrement à l'égard de la société ETABLISSEMENT MICHEL ;

? CONDAMNER la société BELLE ETOILE à verser la somme indemnitaire de 50 000 (cinquante mille) euros à la société ETABLISSEMENT MICHEL à ce titre ;

? DIRE ET JUGER que la société BELLE ETOILE a mis en place une stratégie d'étouffement commercial fautive à l'encontre de la société ETABLISSEMENT MICHEL et qu'elle a porté atteinte à l'exclusivité d'exploitation dont bénéficiait la société ETABLISSEMENT MICHEL sur la marque NEW MAN ;

? CONDAMNER la société BELLE ETOILE à verser la somme indemnitaire de 100 000 (cent mille) euros à la société ETABLISSEMENT MICHEL à ce titre ;

? DIRE ET JUGER que la société BELLE ETOILE a engagé une procédure abusive à l'encontre de la société ETABLISSEMENT MICHEL ;

? CONDAMNER la société BELLE ETOILE à verser la somme indemnitaire de 50 000 (cinquante mille) euros à la société ETABLISSEMENT MICHEL à ce titre ;

? ORDONNER la levée du blocage du site internet www.les2sous.com ou à tout le moins permettre à ETABLISSEMENT MICHEL de communiquer le jugement à intervenir à l'hébergeur du site internet www.les2sous.com, la société O2SWITCH SARL, aux fins de permettre le déblocage dudit site.

EN TOUT ETAT DE CAUSE

? DEBOUTER la société BELLE ETOILE de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions à l'encontre de la société ETABLISSEMENT MICHEL.

? DEBOUTER la société SUN CITY de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions à l'encontre de la société ETABLISSEMENT MICHEL.

? CONDAMNER solidairement la société BELLE ETOILE et la société SUN CITY à verser à la société ETABLISSEMENT MICHEL la somme de 30.000 (trente mille) euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

? CONDAMNER solidairement la société BELLE ETOILE et la société SUN CITY aux entiers dépens de l'instance.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 3 septembre 2021, la société SUN CITY demande au tribunal de :

Vu les articles L. 713-1, L. 713-2, L. 716-1, L. 716-5 alinéa 2 et L. 716-14 du code de la propriété intellectuelle,
Vu les articles 68, 325, 803 et suivants du Code de procédure civile,

DIRE ET JUGER la Société SUN CITY recevable en son intervention volontaire principale, ses demandes, fins et conclusions,

En conséquence,

DONNER ACTE à la Société SUN CITY de son intervention volontaire principale, la recevoir et la juger bien fondée,

FAIRE INTERDICTION à la Société ETABLISSEMENT MICHEL de reproduire et faire usage du signe NEW MAN pour désigner des vêtements et plus généralement des produits désignés dans l'enregistrement de la marque française NEW MAN no 95599540 du 30 novembre 1995, sur tout site internet, sur ses factures, sur la devanture de son établissement à [Localité 7] (93) et sur quelque support que ce soit, à destination du public situé sur le territoire français, sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée et par jour de retard à l'expiration d'un délai de 72 heures suivant la signification par Huissier de justice de la décision à intervenir,

FAIRE INTERDICTION à la Société ETABLISSEMENT MICHEL de concevoir, fabriquer, importer, distribuer, offrir à la vente, commercialiser, sur le territoire français, des vêtements sous la marque NEW MAN et plus généralement des produits désignés dans l'enregistrement de la marque française NEW MAN no 95599540 du 30 novembre 1995, par quelque moyen que ce soit et notamment dans son établissement à [Localité 7] (93) et par l'intermédiaire de tout site internet sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée et par jour de retard à l'expiration d'un délai de 72 heures suivant la signification par Huissier de
justice de la décision à intervenir,

ORDONNER la communication par la Société ETABLISSEMENT MICHEL à la Société SUN CITY, des documents et informations suivants :

- des bons de commande en cours de produits portant le signe NEW MAN,

- de l'état des stocks de produits portant le signe NEW MAN sur la période du 8 décembre 2016 jusqu'au jour du prononcé de la décision à intervenir,

- et des informations sur les noms et adresses des producteurs, fabricants, distributeurs, fournisseurs et autres détenteurs antérieurs des marchandises, ainsi que des grossistes destinataires et des détaillants ; et des renseignements sur les quantités produites, fabriquées, livrées, reçues ou commandées, ainsi que sur le prix obtenu pour les marchandises en question, sur la période du 1 er Janvier 2017 jusqu'au jour du prononcé de la décision à intervenir, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard et par document non remis à l'Huissier de justice à compter de l'expiration d'un délai de 72 heures suivant la signification par Huissier de justice de la décision à intervenir,

ORDONNER la destruction devant Huissier de justice, aux frais avancés de la Société ETABLISSEMENT MICHEL, de l'intégralité des stocks de produits portant le signe NEW MAN détenus et en cours de fabrication par la Société ETABLISSEMENT MICHEL, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard et par produit non détruit à compter de l'expiration d'un délai de 72 heures suivant la signification par Huissier de justice de la décision à intervenir,

CONDAMNER la Société ETABLISSEMENT MICHEL au paiement au profit de la Société SUN CITY de la somme forfaitaire globale de 5.000.000 euros en réparation de son préjudice global, par application de l'alinéa 2 de l'article L. 716-14 du code de la propriété intellectuelle, compte tenu des actes de contrefaçon de la marque française NEW MAN no 95599540 du 30 novembre 1995 qu'elle a commis,

ORDONNER la publication de tout ou partie, au choix de la Société SUN CITY, de la décision à intervenir ur tout site internet édité par la Société ETABLISSEMENT MICHEL au jour du prononcé de la décision à intervenir pendant une durée de trois mois, ainsi que dans trois publications au choix de la Société SUN CITY et aux frais avancés de la Société ETABLISSEMENT MICHEL,

DEBOUTER la Société ETABLISSEMENT MICHEL de l'ensemble de prétentions, moyens et conclusions,

CONDAMNER la Société ETABLISSEMENT MICHEL au paiement de la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

ORDONNER l'exécution provisoire de la décision à intervenir en toutes ses dispositions.

Une nouvelle clôture de l'instruction a été prononcée le 30 novembre 2021 et l'affaire fixée pour être plaidée le 24 janvier 2022.

MOTIFS DU JUGEMENT :

Sur l'intervention volontaire de la société SUNCITY :

Aux termes de l'article 329 du code de procédure civile, l'intervention est principale lorsqu'elle élève une prétention au profit de celui qui la forme.
Elle n'est recevable que si son auteur a le droit d'agir relativement à cette prétention.

La société SUN CITY fait valoir qu'elle a conclu un contrat de licence exclusive portant sur les marques NEWMAN avec la société BELLE ETOILE le 1er mars 2017 et qu'elle a subi un préjudice du fait de l'exploitation non autorisée de ces marques par la société ETABLISSEMENT MICHEL alors que les contrats de licence qu'elle avait conclus avec la société NEWMAN étaient privés d'effet depuis le 8 décembre 2016 aux termes de l'arrêt de la cour d'appel de Dijon du 20 mai 2021.

Le droit d'agir de la société SUN CITY n'étant pas formellement contesté par la société ETABLISSEMENT MICHEL, il convient de dire la société SUN CITY recevable en son intervention volontaire.

Sur la rupture des contrats de licence des 3 mars et 22 avril 2015 :

La société ETABLISSEMENT MICHEL fait valoir que ces contrats de licence n'ont pas été valablement résiliés le 21 décembre 2016 et qu'ils n'étaient pas frappés de caducité et privés d'effet depuis le 8 décembre 2016.

Elle soutient, à cet égard, que seul le juge-commissaire pouvait prononcer la résiliation des contrats de licence conclus entre la société NEWMAN et la société ETABLISSEMENT MICHEL. Elle indique que ce juge n'a été saisi ni par la société BELLE ETOILE ni par l'administrateur judiciaire qui n'avait pas qualité pour prononcer de lui-même la résiliation des contrats, n'ayant qu'une mission d'assistance du débiteur. La société ETABLISSEMENT MICHEL fait valoir qu'elle n'a jamais sollicité ou donné son accord pour la résiliation des contrats lors de l'adoption du plan de cession tandis que les contrats non repris dans le plan de cession ne se trouvaient pas résiliés par l'effet du jugement arrêtant ce plan. Elle ajoute que le liquidateur de la société NEWMAN, postérieurement au plan de cession, n'a pas plus saisi le juge-commissaire d'une demande de résiliation des contrats.

La société ETABLISSEMENT MICHEL indique également qu'aucune faute contractuelle n'était démontrée au moment où la résiliation des contrats lui a été notifiée par l'administrateur judiciaire.

Elle ajoute que les contrats ne sont jamais devenus caducs le 8 décembre 2016 du fait de la cession des marques NEWMAN au profit de la société BELLE ETOILE sans reprise des contrats de licence, le sort des contrats ne pouvant être régi que par les règles d'ordre public applicables aux procédures collectives, étant rappelé que les lois spéciales dérogent aux lois générales et que le droit commun des contrats ne peut être utilement invoqué, étant, en toute hypothèse, précisé que les dispositions de l'article 1186 du code civil, dans leur rédaction issue de l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016, ne peuvent s'appliquer aux contrats litigieux qui ont été conclus avant son entrée en vigueur tandis qu'un simple de transfert d'un bien sans disparition de celui-ci ne peut remettre en cause les contrats antérieurs portant sur ce bien.

La société ETABLISSEMENT MICHEL conclut que les contrats de licence en cause sont restés en vigueur jusqu'à leurs termes respectifs, à savoir le 30 juin 2018 s'agissant des produits couverts par les deux premiers contrats (sous-vêtements, joggings, pyjamas, gant) et jusqu'au 31 décembre 2018 pour les produits couverts par le troisième contrat (produits de maroquinerie), de sorte qu'aucune contrefaçon des marques "NEWMAN" ne peut lui être reprochée.

Enfin, elle indique que, si les contrats de licence n'ont pas été inscrits aux registres des marques français et européen, les contrats étaient néanmoins opposables à la société BELLE ETOILE, qui en avait connaissance avant d'acquérir les droits sur la marque, au regard des dispositions des articles 27 du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 et L.714-7 du code de la propriété intellectuelle.

La société BELLE ETOILE réplique la société NEWMAN, liquidée depuis 2017, ne pouvait plus concéder à la société ETABLISSEMENT MICHEL des droits sur des marques dont elle n'était plus titulaire et que la titularité sur les marques concédées, élément essentiel des contrats, a donc disparu le 8 décembre 2016, les contrats étant devenus caducs à cette date. La société BELLE ETOILE ajoute que la société ETABLISSEMENT MICHEL n'a pas poursuivi l'exécution de ses propres obligations stipulées au contrat de licence puisqu'elle n'a versé aucune redevance à quiconque, en contrepartie de la licence dont elle prétend avoir pu bénéficier après le transfert des marques. La société BELLE ETOILE soutient également que ces licences n'ont pas fait l'objet d'une inscription aux registres des marques, de sorte qu'elles ne lui sont pas opposables. Enfin, elle ajoute que les contrats de cession n'ont pas été repris dans le plan de cession des actifs de la société NEWMAN.

La société SUN CITY adopte les moyens soulevés par la société BELLE ETOILE.

Sur ce :

L'arrêt de la cour d'appel de Dijon du 20 mai 2021, qui est déféré à la censure de la Cour de cassation, ne présente aucun caractère définitif.

Il appartient donc au tribunal d'examiner la question de la poursuite des contrats de licence des marques "NEWMAN" conclus les 3 mars et 22 avril 2015 entre les sociétés NEWMAN et ETABLISSEMENT MICHEL-avant l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire dont a bénéficié la société NEWMAN suivie de l'adoption d'un plan de cession et d'une liquidation judiciaire- autorisant la société ETABLISSEMENT MICHEL à commercialiser, sous ces signes, des haut et bas de jogging homme, pyjamas, gants, parapluies, chaussettes homme, sous-vêtements homme (boxer, caleçon court, slip, tricot et marcel, caleçon long chaud, tee shirt chaud de nuit), maroquinerie homme, petite maroquinerie homme, sacs d'ordinateur et sacoches bandoulières.

Sur la caducité des contrats de licence invoquée, il est rappelé que les dispositions de l'ordonnance no2016-131 du 10 février 2016 entrant en vigueur le 1er octobre 2016 , l'ensemble des contrats conclus à compter de cette date seront soumis au droit issu de cette ordonnance. Corrélativement, l'article 9, alinéa 2, de l'ordonnance prévoit que les contrats conclus avant le 1er octobre 2016 demeurent soumis au droit antérieur.

Les contrats de licence ayant été conclus les 3 mars et 22 avril 2015, le droit des contrats antérieur à l'ordonnance du 10 février 2016 s'applique.

Aux termes de l'article 1131 ancien du code civil, l'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet.

Or, d'une part, si les sociétés BELLE ETOILE et SUN CITY soutiennent que les contrats de licence seraient devenus caducs au motif que la société NEWMAN, liquidée depuis 2017, ne pouvait plus transmettre des droits sur des marques dont elle n'était plus titulaire, il est rappelé que la cause d'un contrat de licence de marque est l'existence d'une marque en cours de validité.

Aussi, le seul changement du titulaire des marques "NEWMAN", qui étaient toujours en vigueur, n'est pas de nature, à la date de transfert de leur propriété, à rendre dépourvus d'effets les contrats de licence en l'état d'une simple substitution de la société BELLE ETOILE à la société NEWMAN, le cessionnaire ayant volontairement acquis les marques en sachant qu'elles étaient exploitées par des sociétés tierces dans le cadre des licences initialement consenties par la société NEWMAN.

Par conséquent, les contrats de licence litigieux doivent être réputés s'être poursuivis après l'acquisition des marques "NEWMAN" par la société BELLE ETOILE, sauf s'il a été valablement mis un terme à ces contrats par une stricte application des règles d'ordre public relatives aux procédures collectives, étant rappelé, à cet égard, que la société NEWMAN a été placée en redressement judiciaire par jugement du 3 juin 2016 avant de faire l'objet d'une liquidation judiciaire le 25 janvier 2017, à la suite de l'adoption par jugement du 7 décembre 2016 du plan de cession des actifs de la société NEWMAN.

Pour justifier de la résiliation des contrats, les sociétés BELLE ETOILE et SUN CITY se prévalent des courriers recommandés avec accusés de réception adressés le 21 décembre 2016 par l'administrateur au redressement judiciaire de la société NEWMAN à la société ETABLISSEMENT MICHEL.

Il est constant que cette résiliation n'a pas été prononcée par le juge-commissaire en charge de cette procédure.

Il est rappelé qu'aux termes de l'article L.622-13 du code de commerce, applicable au redressement judiciaire :

"I. -Nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution d'un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde.

Le cocontractant doit remplir ses obligations malgré le défaut d'exécution par le débiteur d'engagements antérieurs au jugement d'ouverture. Le défaut d'exécution de ces engagements n'ouvre droit au profit des créanciers qu'à déclaration au passif.

II. - L'administrateur a seul la faculté d'exiger l'exécution des contrats en cours en fournissant la prestation promise au cocontractant du débiteur.

Au vu des documents prévisionnels dont il dispose, l'administrateur s'assure, au moment où il demande l'exécution du contrat, qu'il disposera des fonds nécessaires pour assurer le paiement en résultant. S'il s'agit d'un contrat à exécution ou paiement échelonnés dans le temps, l'administrateur y met fin s'il lui apparaît qu'il ne disposera pas des fonds nécessaires pour remplir les obligations du terme suivant.

III. - Le contrat en cours est résilié de plein droit :

1o Après une mise en demeure de prendre parti sur la poursuite du contrat adressée par le cocontractant à l'administrateur et restée plus d'un mois sans réponse. Avant l'expiration de ce délai, le juge-commissaire peut impartir à l'administrateur un délai plus court ou lui accorder une prolongation, qui ne peut excéder deux mois, pour se prononcer;

2o A défaut de paiement dans les conditions définies au II et d'accord du cocontractant pour poursuivre les relations contractuelles. En ce cas, le ministère public, l'administrateur, le mandataire judiciaire ou un contrôleur peut saisir le tribunal aux fins de mettre fin à la période d'observation.

IV. - A la demande de l'administrateur, la résiliation est prononcée par le juge-commissaire si elle est nécessaire à la sauvegarde du débiteur et ne porte pas une atteinte excessive aux intérêts du cocontractant.

V. - Si l'administrateur n'use pas de la faculté de poursuivre le contrat ou y met fin dans les conditions du II ou encore si la résiliation est prononcée en application du IV, l'inexécution peut donner lieu à des dommages et intérêts au profit du cocontractant, dont le montant doit être déclaré au passif. Le cocontractant peut néanmoins différer la restitution des sommes versées en excédent par le débiteur en exécution du contrat jusqu'à ce qu'il ait été statué sur les dommages et intérêts.

VI. - Les dispositions du présent article ne concernent pas les contrats de travail. Elles ne concernent pas non plus le contrat de fiducie, à l'exception de la convention en exécution de laquelle le débiteur conserve l'usage ou la jouissance de biens ou droits transférés dans un patrimoine fiduciaire".

Or, il est relevé qu'après l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société NEWMAN, la société ETABLISSEMENT MICHEL n'a pas mis en demeure l'administrateur de prendre parti sur la poursuite de ses contrats de licence antérieurs, tandis qu'aucune décision du juge-commissaire, saisi par l'administrateur dans l'hypothèse où la résiliation des contrats s'avérerait nécessaire à la sauvegarde du débiteur, n'est intervenue.

Concernant la période d'adoption du plan de cession des actifs de la société NEWMAN et la liquidation judiciaire subséquente de cette société, il est rappelé qu'aux termes de L.642-7 alinéa 7 du code de commerce, dans sa version en vigueur du 1er juillet 2014 au 24 mai 2019, applicable en l'espèce, le cocontractant dont le contrat n'a pas fait l'objet de la cession prévue par le deuxième alinéa (le jugement qui arrête le plan emporte cession des contrats déterminés par le tribunal) peut demander au juge-commissaire qu'il en prononce la résiliation si la poursuite de son exécution n'en est pas demandée par le liquidateur.

Or, la société ETABLISSEMENT MICHEL n'a pas demandé au juge-commissaire de résilier ses contrats de licence de marques qui n'étaient pas repris dans le plan de cession des actifs de la société NEWMAN et dont le liquidateur n'a pas demandé le maintien, étant précisé que les contrats non repris dans le plan de cession ne se trouvent pas résiliés de plein droit par l'effet du jugement arrêtant ce plan.

Enfin, aux termes de l'article L.641-11-1 du code de commerce, applicable au jugement de liquidation judiciaire, qui fait écho à l'article L.622-13 dudit code :

"I. - Nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution d'un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l'ouverture ou du prononcé d'une liquidation judiciaire.

Le cocontractant doit remplir ses obligations malgré le défaut d'exécution par le débiteur d'engagements antérieurs au jugement d'ouverture. Le défaut d'exécution de ces engagements n'ouvre droit au profit des créanciers qu'à déclaration au passif.

II. - Le liquidateur a seul la faculté d'exiger l'exécution des contrats en cours en fournissant la prestation promise au cocontractant du débiteur.

Lorsque la prestation porte sur le paiement d'une somme d'argent, celui-ci doit se faire au comptant, sauf pour le liquidateur à obtenir l'acceptation, par le cocontractant du débiteur, de délais de paiement. Au vu des documents prévisionnels dont il dispose, le liquidateur s'assure, au moment où il demande l'exécution, qu'il disposera des fonds nécessaires à cet effet.S'il s'agit d'un contrat à exécution ou paiement échelonnés dans le temps, le liquidateur y met fin s'il lui apparaît qu'il ne disposera pas des fonds nécessaires pour remplir les obligations du terme suivant.

III. - Le contrat en cours est résilié de plein droit :

1o Après une mise en demeure de prendre parti sur la poursuite du contrat adressée par le cocontractant au liquidateur et restée plus d'un mois sans réponse. Avant l'expiration de ce délai, le juge-commissaire peut impartir au liquidateur un délai plus court ou lui accorder une prolongation, qui ne peut excéder deux mois, pour se prononcer ;

2o A défaut de paiement dans les conditions définies au II et d'accord du cocontractant pour poursuivre les relations contractuelles ;

3o Lorsque la prestation du débiteur porte sur le paiement d'une somme d'argent, au jour où le cocontractant est informé de la décision du liquidateur de ne pas poursuivre le contrat.

IV. - A la demande du liquidateur, lorsque la prestation du débiteur ne porte pas sur le paiement d'une somme d'argent, la résiliation est prononcée par le juge-commissaire si elle est nécessaire aux opérations de liquidation et ne porte pas une atteinte excessive aux intérêts du cocontractant.

V. - Si le liquidateur n'use pas de la faculté de poursuivre le contrat ou y met fin dans les conditions du II ou encore si la résiliation du contrat est prononcée en application du IV, l'inexécution peut donner lieu à des dommages et intérêts au profit du cocontractant, dont le montant doit être déclaré au passif. Le cocontractant peut néanmoins différer la restitution des sommes versées en excédent par le débiteur en exécution du contrat jusqu'à ce qu'il ait été statué sur les dommages et intérêts.

VI. - Les dispositions du présent article ne concernent pas les contrats de travail. Elles sont également inapplicables au contrat de fiducie et à la convention en exécution de laquelle le débiteur constituant conserve l'usage ou la jouissance de biens ou droits transférés dans un patrimoine fiduciaire."

Or, en l'espèce, le liquidateur n'a pas demandé au juge-commissaire de résilier les contrats de licence consentis par la société NEWMAN à la société ETABLISSEMENT MICHEL.

Il s'ensuit qu'aux différents stades de la procédure collective dont la société NEWMAN a fait l'objet, la société ETABLISSEMENT MICHEL n'a pas demandé la résiliation des contrats de licence, tandis qu'aucune décision la prononçant n'a été rendue par le juge-commissaire à l'initiative de l'administrateur judiciaire.

Par conséquent, la résiliation effectuée par l'administrateur judiciaire par courriers du 21 décembre 2016 est irrégulière et sans effet, l'administrateur judiciaire ne pouvant contourner les règles impératives susvisées en faisant valoir, dans ces courriers, que la société ETABLISSEMENT MICHEL aurait commis une faute en n'apportant pas les éléments d'informations sur la nature des produits commercialisés et sur le circuit de distribution, laquelle n'est au demeurant pas caractérisée.

Il est ajouté que l'administrateur judiciaire ne fait pas plus état dans les courriers litigieux de l'absence de paiement des redevances dues à la société NEWMAN, dont il est justifié, au regard des déclarations de Me [O], mandataire judiciaire, que l'ensemble des redevances dues avant la cession des marques ont finalement été payées par la société ETABLISSEMENT MICHEL.

Enfin, si les contrats de licence de marques consentis à la société ETABLISSEMENT MICHEL portant sur les marques de l'Union européenne et française "NEWMAN" n'ont pas été enregistrés tant à l'EUIPO qu'à l'INPI, il est rappelé qu'aux termes de l'article 27-1. du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne : " Les actes juridiques concernant la marque de l'Union européenne visés aux articles 20, 22 et 25 (licences) ne sont opposables aux tiers dans tous les États membres qu'après leur inscription au registre.

Toutefois, avant son inscription, un tel acte est opposable aux tiers qui ont acquis des droits sur la marque après la date de cet acte mais qui avaient connaissance de celui-ci lors de l'acquisition de ces droits", tandis que l'article L.714-7 du code de la propriété intellectuelle dispose que "toute transmission ou modification des droits attachés à une marque doit, pour être opposable aux tiers, être inscrite au Registre national des marques. Toutefois, avant son inscription, un acte est opposable aux tiers qui ont acquis des droits après la date de cet acte mais qui avaient connaissance de celui-ci lors de l'acquisition de ces droits".

Or, le contrat de cession des actifs de la société NEWMAN conclu le 30 janvier 2017, ensuite del'adoption du plan de cession par jugement du 7 décembre 2016, auquel est partie la société BELLE ETOILE, se substituant à la société ETOILES SCR, mentionne, en son article 1.1.2, que "Me [W] a informé tous les autres titulaires de licence sur la marque NEWMAN de la résiliation de leur contrat de licence à compter du 8 décembre 2016 et notamment les sociétés ETABLISSEMENT MICHEL et VEROTRADE et leur a rappelé qu'ils devaient cesser de vendre des marchandises de marque NEWMAN à compter du 8 décembre 2016".

Il s'ensuit que les contrats de licence de marques conclus entre les sociétés NEWMAN et ETABLISSEMENT MICHEL sont opposables à la société BELLE ETOILE qui avait nécessairement connaissance de ces contrats lorsqu'elle a acquis les marques "NEWMAN" lors de la cession des actifs de la société NEWMAN et qu'elle entendait ne pas poursuivre.

Par conséquent, il y a lieu de retenir que les contrats de licence litigieux sont restés en vigueur jusqu'à leur terme, à défaut de renouvellement, soit jusqu'au 30 juin 2018 pour les contrats du 3 mars 2015 et 31 décembre 2018 pour le contrat du 22 avril 2015.

La société ETABLISSEMENT MICHEL était donc autorisée à continuer à commercialiser les produits de marques "NEWMAN" visés par les contrats de licence jusqu'à leur expiration.

Aussi, il n'y a pas lieu d'examiner les griefs invoqués par la société BELLE ETOILE et la société SUN CITY, licenciée exclusive, sur la contrefaçon des marques pour la période antérieure à l'expiration des contrats de licence.

Sur la contrefaçon des marques postérieure à l'expiration des contrats :

Les sociétés BELLE ETOILE et SUN CITY font valoir que, concernant le contrat "sous-vêtements homme" du 3 mars 2015 arrivé à expiration le 30 juin 2018, les douanes de [Localité 9] ont effectué, le 11 septembre 2018, une retenue douanière portant sur des caleçons qui contreferaient les marques "NEWMAN" concernant des produits expédiés par la société ETABLISSEMENT MICHEL.

La société ETABLISSEMENT MICHEL réplique que les informations données par l'administration des douanes lors de la retenue invoquée sont contradictoires, tandis qu'aucun document, image des marchandises prétendument retenues permettent d'établir sans équivoque leur nature, emballage, date d'expédition et origine.

Sur ce :

Conformément à l'article 9-2 du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne, sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque:
a) ce signe est identique à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée;
b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque.

L'article L.717-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur la violation des interdictions prévues aux articles 9, 10, 13 et 15 du règlement (UE) 2017/1001 du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne.

Aux termes de l'article L.716-4 du code de la propriété intellectuelle, l'atteinte portée au droit du titulaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits attachés à la marque la violation des interdictions prévues aux articles L. 713-2 à L. 713-3-3 et au deuxième alinéa de l'article L. 713-4.

L'article L.713-2 du code de la propriété intellectuelle dispose qu'est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services:
1o D'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée;
2o D'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association du signe avec la marque.

Il est rappelé que la société ETABLISSEMENT MICHEL n'est plus autorisée depuis le 30 juin 2018 à commercialiser des sous-vêtements homme sous les marques "NEWMAN", le contrat de licence du 3 mars 2015 correspondant étant arrivé à son terme.

La société BELLE ETOILE communique un avis de mise en retenue douanière du 11 septembre 2018 portant sur quatre caleçons présumant contrefaire la marque "NEWMAN".

Il est observé que le courriel du 13 septembre 2018 adressé par les services des douanes aux demanderesses mentionne comme expéditeur des produits la société ETABLISSEMENT MICHEL et comme destinataire, la société O DESTOCK à [Localité 8].

Or, d'une part, il existe une contradiction entre l'avis de mise en retenue douanière et ce courriel en ce que ce dernier indique que la quantité saisie est de cinq caleçons, et non quatre.

Par ailleurs, la date d'expédition des produits n'est pas connue, tandis qu'en contrariété avec l'article L.716-8 du code de la propriété intellectuelle, il n'est pas établi que les services des douanes auraient transmis des images des marchandises.

Enfin, il n'est justifié de l'existence de mesures conservatoires par le titulaire de la marque ou son licencié exclusif en lien avec cette retenue.

Aussi, la preuve n'est pas suffisamment rapportée de la commercialisation par la société ETABLISSEMENT MICHEL de produits couverts par les marques "NEWMAN" après l'expiration des contrats de licence, étant précisé qu'hormis la retenue douanière invoquée, les sociétés BELLE ETOILE et SUN CITY ne font état d'aucun autre fait susceptible de caractériser une exploitation non autorisée des marques "NEW MAN" par la société ETABLISSEMENT MICHEL.

Par conséquent, il n'est pas établi que la société ETABLISSEMENT MICHEL aurait commis des actes de contrefaçon des marques no001230135 et 95599540.

Aussi, il convient de débouter les sociétés BELLE ETOILE et SUN CITY de l'ensemble de leurs demandes formées au titre de la contrefaçon.

Sur les demandes reconventionnelles de la société ETABLISSEMENT MICHEL :

La société ETABLISSEMENT MICHEL fait valoir que la société BELLE ETOILE a commis des actes de dénigrement à son préjudice, ayant tout fait pour la faire apparaître auprès de ses partenaires commerciaux comme un vulgaire contrefacteur, ayant même obtenu le blocage de son site internet marchand "les2sous.com", pour l'empêcher de commercialiser ses produits en ligne, alors qu'elle y était autorisée en vertu de ses contrats de licence.

Ensuite, la société ETABLISSEMENT MICHEL soutient qu'elle a fait l'objet d'une stratégie "d'étouffement commercial" par la société BELLE ETOILE, celle-ci ayant, en violation de l'exclusivité d'exploitation des marques conférée par les contrats de licence, mis en place une exploitation intensive de ces marques à travers la société SUN CITY, qui a commercialisé les produits "NEWMAN" dans des conditions identiques à celles de la société ETABLISSEMENT MICHEL et notamment auprès des mêmes partenaires commerciaux. Elle ajoute que la société BELLE ETOILE a fait bloquer en douanes des produits qu'elle était parfaitement en droit de commercialiser.

Enfin, la société ETABLISSEMENT MICHEL affirme que la procédure diligentée à son encontre présente un caractère abusif.

La société BELLE ETOILE réplique qu'elle n'a commis aucun acte de dénigrement, n'ayant pas cité la société ETABLISSEMENT MICHEL dans ses demandes auprès de la société VENTE PRIVEE tandis qu'aux termes de son courrier adressé à l'hébergeur du site Internet "les2sous.com", qui n'était pas public et ne concernait pas un concurrent de la défenderesse, elle se bornait à énoncer ses droits sur ses marques.

La société BELLE ETOILE fait valoir qu'elle n'a mis en oeuvre aucune politique d'étouffement de la société ETABLISSEMENT MICHEL, qui a réalisé un important chiffre d'affaires sur les produits "NEWMAN" et n'a payé aucune redevance au titre de l'exploitation des marques.

Enfin, la société BELLE ETOILE soutient que son action en justice était légitime.

Sur ce :

En vertu des dispositions des articles 1240 et 1241 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, chacun étant responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

La divulgation d'une information de nature à jeter le discrédit sur un concurrent constitue un dénigrement peu important que l'information divulguée soit matériellement exacte ( Cass. Com., 24 septembre 2013, no12-19.790, Bull. 2013, IV, no139).

Aux termes de son courrier du 9 janvier 2017, le conseil de la société BELLE ETOILE a indiqué à la société VENTE-PRIVEE.COM qu'elle a acquis les droits sur les marques "NEWMAN" et qu'elle a relevé que des ventes de produits "NEWMAN" avaient été réalisées le 5 janvier 2017, sur le site en ligne "vente-privee.com", en infraction avec ses droits. Il était demandé à la société VENTE-PRIVEE.COM de lui communiquer les coordonnées de la société qui lui avait confié la vente de ces produits et de bloquer tous les paiements de ces ventes, dans l'attente des suites à donner à cette affaire.

Or, le conseil de la société BELLE ETOILE ne cite pas la société ETABLISSEMENT MICHEL de sorte que le contenu dénigrant de ce courrier n'est pas établi.

Aux termes de la notification en application de l'article 6 de la loi pour la confiance dans l'économie numérique du 21 juin 2004, effectuée le 30 mai 2017 à la société O2SWITCH, hébergeant le site Internet "les2sous.com" édité par la société ETABLISSEMENT MICHEL, le conseil de la société BELLE ETOILE a déclaré qu'à travers ce site, la société ETABLISSEMENT MICHEL, sans l'autorisation de la société BELLE ETOILE, reproduisait et faisait usage des marques "NEWMAN", le site s'analysant en des actes de contrefaçon. Il était fait état d'une procédure en référé introduite le 9 mai 2017 devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins d'interdire à la société ETABLISSEMENT MICHEL de reproduire et faire usage des marques "NEWMAN". Il était demandé à la société O2SWITCH de retirer du site Internet "les2sous.com" les contenus illicites signalés portant atteinte aux droits de la société BELLE ETOILE.

Aussi, la société BELLE ETOILE en affirmant ainsi que la société ETABLISSEMENT MICHEL a été l'auteur d'actes de contrefaçon, alors qu'aucune décision de justice n'a été rendue en ce sens (l'ordonnance de référé du 13 octobre 2017 lui sera même défavorable), sans la moindre réserve ni mesure, a jeté le discrédit sur les produits commercialisés par la société ETABLISSEMENT MICHEL dans le but de faire obstacle à leur commercialisation au profit de la société concurrente SUN CITY.

Un tel comportement fautif, qui a entraîné le blocage du site Internet exploité par la société ETABLISSEMENT MICHEL, lui a causé un préjudice incontestable qui sera réparé par l'allocation d'une indemnité de 10.000 euros.

En revanche, si la société ETABLISSEMENT MICHEL fait valoir que la société BELLE ETOILE a été l'auteur d'une stratégie "d'étouffement commercial" en violant les droits qu'elle détenait sur les marques "NEWMAN" en vertu des contrats de licence, dès lors qu'elle a porté atteinte à l'exclusivité que la société ETABLISSEMENT MICHEL bénéficiait sur l'exploitation des marques, par l'intervention de la société SUN CITY qui a intensivement commercialisé des produits concurrents sous ces signes, en multipliant les procédures judiciaires et en procédant à des retenues douanières injustifiées, il est observé qu'elle ne forme sa demande indemnitaire que contre la société BELLE ETOILE, à l'exclusion de la société SUN CITY, et sur le fondement de la responsabilité délictuelle de droit commun des articles 1240 et 1241 du code civil.

Or, les manquements ainsi reprochés à la société BELLE ETOILE, tirés de la violation de l'exclusivité sur les marques consentie au licencié et de la volonté d'empêcher qu'il puisse les exploiter, ne peuvent s'analyser qu'en des fautes contractuelles découlant du non-respect par la société BELLE ETOILE de ses obligations découlant des contrats de licence.

La responsabilité contractuelle n'étant pas invoquée par la société ETABLISSEMENT MICHEL, la demande formée à ce titre ne peut qu'être rejetée.

Enfin, il est rappelé que l'exercice d'une action en justice constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que dans les cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol.

La société BELLE ETOILE ayant pu se méprendre sur l'étendue de ses droits, la demande formée par la société ETABLISSEMENT MICHEL au titre de la procédure abusive sera rejetée.

Enfin, il est rappelé qu'il appartient à la société ETABLISSEMENT MICHEL de faire le nécessaire auprès de l'hébergeur du site Internet "les2sous.com" afin d'obtenir la levée du blocage de ce site, sur présentation du présent jugement.

Sur les demandes accessoires :

Parties succombantes, les sociétés BELLE ETOILE et SUN CITY seront condamnées in solidum aux dépens et à payer à la société ETABLISSEMENT MICHEL 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Compatible avec la nature de l'affaire et nécessaire, compte tenu de l'ancienneté du litige, il convient d'ordonner l'exécution provisoire du présent jugement.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, mis à disposition par le greffe le jour du délibéré,

Déclare la société SUN CITY recevable en son intervention volontaire,

Déboute la société BELLE ETOILE de ses demandes formées au titre de la contrefaçon des marques "NEWMAN" no001230135 et 95599540,

Déboute la société SUN CITY de ses demandes formées au titre de la contrefaçon desdites marques,

Condamne la société BELLE ETOILE à payer à la société ETABLISSEMENT MICHEL 10.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des actes de dénigrement,

Rejette la demande indemnitaire de la société ETABLISSEMENT MICHEL au titre de l'atteinte à l'exclusivité d'exploitation sur les marques "NEWMAN" et des faits de nature à empêcher cette exploitation,

Déboute la société ETABLISSEMENT MICHEL de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,

Dit qu'il appartiendra à la société ETABLISSEMENT MICHEL de solliciter la levée du blocage du site Internet "les2sous.com" sur présentation du présent jugement,

Condamne in solidum les sociétés BELLE ETOILE et SUN CITY aux dépens,

Condamne in solidum les sociétés BELLE ETOILE et SUN CITY à payer à la société ETABLISSEMENT MICHEL 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement.

Fait et jugé à Paris le 19 mai 2022

LA GREFFIERE LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Ct0196
Numéro d'arrêt : 17/14628
Date de la décision : 19/05/2022

Analyses

x


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2022-05-19;17.14628 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award