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10/05/2022 | FRANCE | N°21/5422

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Ct0196, 10 mai 2022, 21/5422


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
3ème section

No RG 21/05422 -
No Portalis 352J-W-B7F-CUHON

No MINUTE :

Assignation du :
14 avril 2021

ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 10 mai 2022

DEMANDERESSE

Madame [K] [T] [O] épouse [M]
[Adresse 1]
[Localité 5]

représentée par Maître Charles MOREL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0279

DEFENDEURS

SOCIÉTÉ POUR L'ADMINISTRATION DES DROITS DES ARTISTES ET MUSICIENS INTERPRÈTES (ADAMI)
[Adresse 3]
[Adresse 3]

représentée par Maîtres Florence GAULLIER et Lorette DUBOIS de la SELARL VERCKEN et GAULLIER, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0414

Monsieur [H]...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
3ème section

No RG 21/05422 -
No Portalis 352J-W-B7F-CUHON

No MINUTE :

Assignation du :
14 avril 2021

ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 10 mai 2022

DEMANDERESSE

Madame [K] [T] [O] épouse [M]
[Adresse 1]
[Localité 5]

représentée par Maître Charles MOREL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0279

DEFENDEURS

SOCIÉTÉ POUR L'ADMINISTRATION DES DROITS DES ARTISTES ET MUSICIENS INTERPRÈTES (ADAMI)
[Adresse 3]
[Adresse 3]

représentée par Maîtres Florence GAULLIER et Lorette DUBOIS de la SELARL VERCKEN et GAULLIER, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0414

Monsieur [H] [M],
intervenant volontaire
[Adresse 4]
[Adresse 4]

Monsieur [R] [M],
intervenant volontaire
[Adresse 2]
[Localité 5]

représentés par Maître Patricia MOYERSOEN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0609

MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT

Arthur COURILLON-HAVY, juge

assisté de Lorine MILLE, greffière

DEBATS

A l'audience du 17 février 2022, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue le 19 avril 2022, à cette date la décision a été prorogée au 10 Mai 2022.

ORDONNANCE

Prononcée en audience publique
Contradictoire
En premier ressort

Exposé du litige

1.Mme [K] [O] veuve [M] reproche à la société pour l'administration des droits des artistes et musiciens interprètes (l'Adami) d'avoir cessé le paiement des sommes dues au titre des droits voisins de feu son époux, [J] [M], avec qui elle était mariée sous le régime de la communauté universelle et dont elle est la légataire universelle, au motif que deux enfants d'une précédente union, MM. [H] et [R] Higelin, contestent la succession.

2.Après des échanges qui ne l'ont pas satisfaite, Mme [O] a assigné l'Adami le 14 avril 2021 en paiement des redevances au titres des droits d'artiste interprète de [J] [M] depuis son décès, le 6 avril 2018. MM. [H] et [R] Higelin sont intervenus à l'instance par conclusions du 15 septembre 2021, estimant le présent tribunal incompétent.

3.Par conclusions d'incident du 21 septembre 2021, l'Adami a demandé un sursis à statuer, puis par conclusions d'incident du 11 janvier 2022 MM. [M] ont soulevé l'incompétence du tribunal.

4.Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 9 février 2022, l'Adami demande de surseoir à statuer dans l'attente soit d'une décision judiciaire définitive soit d'un accord transactionnel définitif sur la composition et la répartition de la succession de [J] [M] ; et s'oppose à la demande de Mme [O] formée au titre des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile.

5.Elle estime que la qualité de créancier à son égard de Mme [O] dépend du sort de la succession de [J] [M], ce qui l'empêche de s'acquitter de son obligation tant que ce litige n'est pas résolu.

6.Dans leurs dernières conclusions signifiées par voie électronique le 10 février 2022, MM. [H] et [R] Higelin
?soulèvent l'incompétence du présent tribunal au profit du président du tribunal judiciaire de Bobigny ou du juge de la mise en état chargé de la procédure inscrite à ce tribunal sous le numéro RG 19/14108
?subsidiairement demandent le dessaisissement au profit de ce tribunal ;
?plus subsidiairement, de surseoir à statuer dans l'attente du jugement rendu par ce tribunal dans l'affaire 19/14108, et ordonner dans l'attente que les sommes dues par l'Adami soient séquestrées entre les mains de celle-ci ;
?en tout état de cause, ils réclament 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

7.Ils soutiennent qu'alors que Mme [O] se présente comme seule titulaire des droits en vertu d'un testament et de la communauté universelle, eux contestent précisément la validité du testament et la portée de la communauté (en ce que les droits voisins seraient des biens propres par nature au sens de l'article 1404 du code civil et seraient dès lors exclus de la communauté) ; ils en déduisent que le créancier de l'Adami est l'indivision successorale, que la demande de Mme [O] s'analyse donc en une demande de répartition provisionnelle des bénéfices de l'indivision, une demande entre héritiers et une demande relative à l'exécution des dispositions à cause de mort, qui relèvent toutes de la juridiction du dernier domicile du défunt. Subsidiairement, ils estiment que cette demande est connexe à leur contestation, dont est déjà saisi le tribunal de Bobigny.

8.Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 18 janvier 2022, Mme [K] [O] veuve [M] demande d'écarter les exceptions, de rejeter la demande de mise sous séquestre, et réclame elle-même 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

9.Elle expose que si elle est « en situation d'indivision successorale », elle n'agit toutefois pas contre les héritiers mais contre un débiteur, sa demande échappant dès lors selon elle à la compétence du juge de l'indivision et du juge de la succession. Contre la connexité et le sursis à statuer, elle estime que la réponse à sa demande n'est pas conditionnée à la solution apportée dans l'instance sur la succession, car il ne s'agit ici que de la rétention illégale des redevances par l'Adami à son égard, ce qui ne préjugerait pas de la répartition des droits entre héritiers, laquelle donnerait lieu le cas échéant à créances et récompenses.

10.L'incident a été entendu à l'audience du 17 février 2022 et mis en délibéré.

MOTIFS

11.En vertu de l'article D. 211-6-1 du code de l'organisation judiciaire et du tableau VI annexé audit code, le tribunal judiciaire de Paris a compétence exclusive pour connaitre des actions en matière de propriété littéraire et artistique dans le ressort de la cour d'appel de Paris, où se trouve le domicile du défendeur, l'Adami. Or la demande au principal de Mme [O] est une demande en paiement fondée sur des droits voisins du droit d'auteur, qui font partie de la propriété littéraire et artistique (première partie du code de la propriété intellectuelle). Cette demande relève donc de la compétence exclusive du présent tribunal. Les exception d'incompétence et de connexité doivent par conséquent être écartées. Seul un sursis à statuer est possible.

12.L'Adami ne conteste pas sa dette de redevances au titre des droits voisins de l'artiste interprète, mais seulement l'identité du créancier, qui dépendrait de l'issue du litige relatif à la succession de l'artiste.

13.Pour trancher le présent litige, il est plus précisément nécessaire de savoir si avant le décès de [J] [M], les droits voisins lui appartenaient en propre, ou s'ils faisaient partie de la communauté des époux : dans le premier cas, ces droits ont été transmis aux héritiers, ils sont donc en indivision, et dans l'attente du partage toute action contre le débiteur ne peut être faite que pour le compte de l'indivision ; ce qui n'implique pas nécessairement un sursis à statuer mais impose a minima d'examiner à quel titre et au profit de qui Mme [O] forme sa demande, au regard des règles relatives aux indivisions. Tandis que dans le second cas, il n'est pas contesté par les parties que du fait de la clause d'attribution au conjoint survivant, les droits voisins, avec le reste de la communauté, auraient été transmis à Mme [O], qui serait donc dans cette hypothèse la seule créancière des redevances sur ces droits. Que les enfants envisagent d'exercer ultérieurement une action en retranchement ou en réduction ne fait pas perdre à Mme [O] sa qualité de propriétaire des biens issus de la communauté, et ne fait donc pas obstacle à une action en paiement fondée sur ces biens.

14.Le litige est donc, dans cette hypothèse, indépendant de la succession (outre que même dans la première hypothèse, le tribunal de Bobigny n'est pas saisi de la liquidation et du partage), et pose seulement une question de propriété littéraire et artistique. Rien ne justifie alors de prononcer un sursis à statuer qui aurait pour conséquence soit de retarder inutilement la résolution du litige en attendant une décision qui ne trancherait aucune question nécessaire à celui-ci, soit d'inciter le tribunal de Bobigny à se saisir de cette question en l'obligeant ce faisant à se prononcer sur une matière ne relevant pas de sa compétence.

15.Ainsi, la possibilité même de surseoir à statuer dépend de la réponse à la question principale tenant à la nature des droits voisins au regard de la communauté des époux. Autrement dit, il faut d'abord examiner le fond du droit.

16.L'instance n'étant pas éteinte, il n'y a pas lieu à statuer sur les dépens ; et le débat incident ne justifie pas en l'espèce qu'une partie soit condamner à payer les frais de l'autre.

PAR CES MOTIFS

Le juge de la mise en état, statuant publiquement en premier ressort par ordonnance contradictoire mise à disposition au greffe,

Écarte les exceptions d'incompétence et de connexité ;

Rejette les demandes de sursis à statuer ;

Dit n'y avoir lieu à indemnité de procédure ;

Renvoie l'affaire à la mise en état du 23 juin 2022 pour les conclusions au fond des défendeurs (Adami et MM. [M]) ; suivra un délai au 15 septembre pour les ultimes conclusions de Mme [O], la clôture étant envisagée, après d'ultimes répliques si nécessaire, au 20 octobre.

Faite et rendue à Paris le 10 mai 2022

La Greffière Le Juge de la mise en état


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Ct0196
Numéro d'arrêt : 21/5422
Date de la décision : 10/05/2022

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2022-05-10;21.5422 ?
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