La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/05/2022 | FRANCE | N°21/2640

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Ct0196, 10 mai 2022, 21/2640


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
3ème section

No RG 21/02640
-
No RG 22/05574

No MINUTE :

Assignation du :
10 et 11 février 2021

ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 10 mai 2022

DEMANDERESSE AU PRINCIPAL
DEFENDERESSE A L'INCIDENT

S.A.S. AGORA OPINION
[Adresse 2]
[Localité 5]

représentée par Maître Emmanuel DE MARCELLUS de la SELARL DE MARCELLUS et DISSER, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #A0341

DEFENDERESSES AU PRINCIPAL
DEMANDERESSES A L'INCIDENT

S.A.S

. EVALANDGO
[Adresse 1]
[Adresse 6]
[Localité 3]

S.A.S. SECTRONIC
[Adresse 7]
[Localité 4]

représentées par Maître Héloïse BAJER PELLET, avocat ...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
3ème section

No RG 21/02640
-
No RG 22/05574

No MINUTE :

Assignation du :
10 et 11 février 2021

ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 10 mai 2022

DEMANDERESSE AU PRINCIPAL
DEFENDERESSE A L'INCIDENT

S.A.S. AGORA OPINION
[Adresse 2]
[Localité 5]

représentée par Maître Emmanuel DE MARCELLUS de la SELARL DE MARCELLUS et DISSER, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #A0341

DEFENDERESSES AU PRINCIPAL
DEMANDERESSES A L'INCIDENT

S.A.S. EVALANDGO
[Adresse 1]
[Adresse 6]
[Localité 3]

S.A.S. SECTRONIC
[Adresse 7]
[Localité 4]

représentées par Maître Héloïse BAJER PELLET, avocat au barreau de PARIS, avocat posutlant, vestiaire #C2140 et par Maître Marie SONNIER-POQUILLON, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant,

MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT

Arthur COURILLON-HAVY, juge
assisté de Lorine MILLE, greffière

DEBATS

A l'audience du 24 mars 2022, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue le 19 avril 2022, à cette date l'affaire a fait l'objet d'une prorogation au 10 mai 2022.

ORDONNANCE

Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

Exposé du litige

1.La société Agora opinion, qui commercialise des bornes permettant à une personne d'indiquer sa satisfaction par des boutons de type « smiley », demande de prononcer la nullité d'un brevet français dont se sont prévalues ses concurrentes les sociétés Evalandgo et Sectronic pour la mettre en demeure de cesser de commercialiser certains de ses modèles. Reconventionnellement, ces deux sociétés ont formé des demandes en contrefaçon du même brevet. Elles ont aussi demandé un sursis à statuer en raison de l'examen, encore en cours, d'un brevet européen susceptible de se substituer au brevet français ; c'est l'objet du présent incident.

2.Ce brevet français, intitulé « Borne d'interaction avec des utilisateurs et système comprenant une telle borne », a été déposé par les sociétés Evalandgo et Sectronic le 27 février 2015, demande enregistrée sous le numéro 15 517 01, et publiée le 2 septembre 2016 sous le numéro FR 3 033 202 ; il a été délivré le 10 mars 2017 (ci-après le brevet FR 202 ou le brevet français).

3.Ces mêmes sociétés ont aussi déposé le 25 février 2016, sous priorité du brevet FR 202, une demande internationale de brevet, dont est issue une demande de brevet européen enregistrée sous le numéro 16 709 305.3 et publiée le 1er septembre 2016 sous le numéro EP 3 262 592, qui a fait l'objet d'une décision de refus de délivrance par la division d'examen le 14 février 2020, contre laquelle les déposants ont formé un recours devant la chambre des recours le 10 avril 2020 (ci-après, le brevet EP 592 ou le brevet européen).

4.Assignées en nullité de leur brevet français par acte du 11 février 2021, les sociétés Evalandgo et Sectronic ont, par conclusions d'incident du 20 janvier 2022, demandé un sursis à statuer dans l'attente du la délivrance ou du retrait définitif du brevet européen, et soulevé l'irrecevabilité des demandes en nullité visant les revendications 4, 5 et 13 du brevet français, au motif qu'elles n'étaient pas opposées à la société Agora opinion. Interrogée par le juge de la mise en état, la société Agora opinion a confirmé abandonner sa demande en nullité desdites revendications.

5.Dans leurs dernières conclusions d'incident signifiées par voie électronique le 23 mars 2022, les sociétés Evalandgo et Sectronic demandent de surseoir à statuer sur l'action en nullité et en contrefaçon, sans disjonction, jusqu'à la date à laquelle le brevet FR 202 cesse de produire ses effets ou jusqu'à la date à laquelle la demande de brevet EP 592 est rejetée, retirée ou le brevet révoqué ; d'ordonner en conséquence le retrait de l'affaire du rôle ; et réclament 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ou les dépens.

6.Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 17 mars 2022, la société Agora opinion s'oppose au sursis s'agissant de la demande en nullité du brevet, demande en conséquence la disjonction de l'instance pour qu'il soit statué séparément sur les demandes en nullité et les demandes en contrefaçon, et s'oppose à une indemnité de procédure à ce stade du litige.

7.L'incident a été entendu à l'audience du 24 mars 2022, et mis en délibéré.

MOTIFS

8.En vertu de l'article L. 614-13 du code de la propriété intellectuelle, dans la mesure où un brevet français couvre une invention pour laquelle un brevet européen a été délivré au même inventeur ou à son ayant cause avec la même date de dépôt ou de priorité, le brevet français cesse de produire ses effets soit à la date à laquelle le délai prévu pour la formation de l'opposition au brevet européen est expiré sans qu'une opposition ait été formée, soit à la date à laquelle la procédure d'opposition est close, le brevet européen ayant été maintenu.

9.L'article L. 614-15 prévoit alors que le tribunal saisi d'une action en contrefaçon d'un brevet français qui couvre la même invention qu'un brevet européen demandé par le même inventeur ou délivré à celui-ci ou à son ayant cause avec la même date de priorité sursoit à statuer jusqu'à la date à laquelle le brevet français cesse de produire ses effets aux termes de l'article L. 614-13 ou jusqu'à la date à laquelle la demande de brevet européen est rejetée, retirée ou réputée retirée, ou le brevet européen révoqué.

10.Comme l'admettent les parties, cette disposition impose de surseoir à statuer sur les demandes en contrefaçon, que celles-ci soient présentées à titre principal ou à titre reconventionnel, et il est constant que le brevet EP 592 couvre la même invention, est demandé par le même inventeur et a la même date de priorité que le brevet FR 202. Le sursis à statuer est donc obligatoire à l'égard des demandes fondées sur la contrefaçon de ce brevet.

11.Mais cette disposition ne mentionne pas les demandes en nullité, et rien n'impose de l'y étendre. Une nullité du brevet français n'est en effet incompatible ni avec la délivrance ultérieure d'un brevet européen portant sur la même invention, ni avec sa révocation ou avec le rejet ou le retrait de la demande. L'article L. 614-15 ne peut donc pas être interprété en ce sens qu'il imposerait le sursis à statuer pour les demandes en nullité du brevet français.

12.Ce n'est donc qu'en opportunité qu'il peut être sursis à statuer sur ces demandes. Or, bien que l'éventuelle délivrance d'un brevet européen, faisant disparaitre le brevet français, fasse disparaitre en même temps l'objet de la demande en nullité, le demandeur à la nullité peut avoir un intérêt légitime à faire juger cette demande avant que la procédure devant l'Office européen ne parvienne à son terme ; en particulier lorsque la décision sur le brevet français est susceptible d'intervenir avant la décision sur le brevet européen, ce qui est manifestement le cas ici au regard des délais prévisibles devant l'Office. Cet intérêt est d'autant plus légitime que la demande en nullité du brevet est présentée à titre principal, c'est-à-dire d'initiative par une personne qui manifeste ainsi davantage qu'une simple défense contre une action en contrefaçon. Le fait, constant, que la société Agora opinion ait cessé la commercialisation de ses produits argüés de contrefaçon est un élément supplémentaire démontrant son intérêt à voir juger rapidement la nullité du brevet français. Ainsi, contrairement à ce qu'estiment les sociétés Evalandgo et Sectronic, la distinction entre demande principale et demande reconventionnelle en nullité n'est pas nécessairement artificielle, et au cas particulier, elle correspond au contraire à une situation justifiant de juger séparément la validité du brevet français indépendamment du sort de la demande de brevet européen.

13.Par conséquent, la demande de sursis à statuer doit être rejetée s'agissant de la demande en nullité, et accueillie s'agissant des demandes en contrefaçon.

14.L'issue du débat incident ne justifie pas d'accorder une indemnité de procédure aux sociétés Evalandgo et Sectronic, qui perdent partiellement.

PAR CES MOTIFS

Le juge de la mise en état, statuant publiquement en premier ressort par ordonnance contradictoire mise à disposition au greffe,

Ordonne la disjonction de l'instance, de sorte que :
- la présente instance enregistrée sous le numéro RG 21/2640 ne concerne dorénavant que les demandes de la société Agora opinion (nullité du FR 202, indemnité de procédure, dépens), et la résistance qu'y opposent les sociétés Evalandgo et Sectronic (ainsi que leur demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens) ;
- les autres demandes, c'est-à-dire les demandes des sociétés Evalandgo et Sectronic fondées sur la contrefaçon du brevet FR 202 (interdiction, dommages et intérêts, publication), font l'objet d'une nouvelle instance enregistrée sous le numéro RG 22/05574;

Et :

Dans l'instance 22/05574 relative à la contrefaçon du brevet FR 202

Sursoit à statuer jusqu'à ce que le brevet FR 202 cesse de faire effet en raison de la délivrance du brevet EP 592, ou que celui-ci soit révoqué, ou sa demande retirée ;

Renvoie l'affaire à la mise en état du 19 mai 2022 pour permettre aux parties d'en demander le retrait du rôle ;

Dans l'instance 21/02640 relative à la nullité du brevet FR 202

Rejette la demande de sursis à statuer ;

Rejette la demande des sociétés Evalandgo et Sectronic formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Renvoie l'affaire,
- pour les conclusions en réponse de la société Agora opinion sur la validité du brevet, pour le 22 juillet 2022
- pour l'ultime réplique des défenderesses à la nullité, pour le 21 octobre 2022,
- et pour la clôture de l'instruction, après éventuels ultimes ajustements des conclusions au plus tard le 3 novembre, à l'audience de mise en état du 10 novembre 2022.

Faite et rendue à Paris le 10 mai 2022

La GreffièreLe Juge de la mise en état


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Ct0196
Numéro d'arrêt : 21/2640
Date de la décision : 10/05/2022

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2022-05-10;21.2640 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award