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10/05/2022 | FRANCE | N°20/3876

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Ct0196, 10 mai 2022, 20/3876


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE [Localité 2]

3ème chambre
3ème section

No RG 20/03876 -
No Portalis 352J-W-B7E-CSAV5

No MINUTE :

Assignation du :
19 mai 2020

JUGEMENT
rendu le 10 mai 2022
DEMANDERESSE

S.A.S. SYGNATURES
[Adresse 3]
[Localité 1]

représentée par Maître Mélanie VION de la SELEURL Mélanie Vion Avocat, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #D1488 et par Maître Nicolas MORVILLIERS de la SELA MORVILLIERS SENTENAC et ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE, avocat plaidant

DÉF

ENDERESSE

S.A.S. SIGNATURS
[Adresse 4]
[Localité 2]

représentée par Maître Emmanuelle RAFFALLI, avocat au barreau de PARIS, avocat ...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE [Localité 2]

3ème chambre
3ème section

No RG 20/03876 -
No Portalis 352J-W-B7E-CSAV5

No MINUTE :

Assignation du :
19 mai 2020

JUGEMENT
rendu le 10 mai 2022
DEMANDERESSE

S.A.S. SYGNATURES
[Adresse 3]
[Localité 1]

représentée par Maître Mélanie VION de la SELEURL Mélanie Vion Avocat, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #D1488 et par Maître Nicolas MORVILLIERS de la SELA MORVILLIERS SENTENAC et ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE, avocat plaidant

DÉFENDERESSE

S.A.S. SIGNATURS
[Adresse 4]
[Localité 2]

représentée par Maître Emmanuelle RAFFALLI, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaure D1327 et par Maître Claude DEBOOSERE LEPIDI, avocat au barreau de VERSAILLES, avocat plaidant

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Nahtalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe
Arthur COURILLON-HAVY, juge
Linda BOUDOUR, juge

assisté de Lorine MILLE, greffière

DEBATS

A l'audience du 09 Mars 2022 tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 10 mai 2022.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

La SAS SYGNATURES, immatriculée au RCS de TOULOUSE le 14 août 1985, a pour activités l'expertise comptable et le commissariat aux comptes.

Elle est titulaire de la marque verbale française « SYGNATURES » no3298019, déposée le 14 juin 2004, enregistrée et renouvelée, pour désigner des « travaux de bureau ; conseils en organisation et direction des affaires, comptabilité ; analyse financière ; consultation en matière financière » en classes 35 et 36.

La SAS SIGNATURS, immatriculée au RCS de PARIS le 22 avril 2010, a pour activités l'expertise comptable et le commissariat aux comptes.

Ayant découvert l'existence de la SAS SIGNATURS, la SAS SYGNATURES l'a, par courrier recommandé de son conseil en propriété industrielle du 20 septembre 2018, notamment mise en demeure de modifier sa dénomination sociale et de cesser toute exploitation du signe « SIGNATURS » à quelque titre que ce soit.

Saisi d'une demande d'arbitrage de leur différend et par une décision du 18 novembre 2019, l'Ordre des experts comptables de [Localité 1] s'est déclaré incompétent pour connaître du litige opposant les sociétés SIGNATURS et SYGNATURES.

La SAS SYGNATURES a vainement réitéré sa mise en demeure par courrier recommandé de son conseil du 3 février 2020.

C'est dans ces circonstances que, par acte d'huissier du 19 mai 2020, la SAS SYGNATURES a fait assigner la SAS SIGNATURS devant le tribunal judiciaire de PARIS en contrefaçon de marque et concurrence déloyale.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 18 février 2021, la SAS SYGNATURES demande au tribunal, de :

« Vu le livre VII de la Partie II du code de la propriété intellectuelle,
Vu les articles L713-2 et L716-1 du code de la propriété intellectuelle,
Vu l'article 1240 du code civil,

- JUGER que la dénomination sociale SIGNATURS constitue une contrefaçon par imitation de la marque antérieure « SYGNATURES » no043298019 ;

- JUGER que la dénomination sociale SIGNATURS porte atteinte à la dénomination sociale « SYGNATURES » de la société SYGNATURES, et constitue des faits de concurrence déloyale ;

- JUGER que la société SIGNATURS a commis des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale;

Par conséquent,
- ORDONNER à la société SIGNATURS de cesser toute imitation de la marque et de la dénomination sociale SYGNATURES et toute utilisation du terme « SIGNATURS » à quelque titre que ce soit, et notamment à titre de dénomination sociale, nom commercial, marque, enseigne, nom de domaine ou tout autre signe distinctif, et sur tous supports, sous astreinte de 3.000 euros par jour de retard passé un délai de 21 jours suivant la signification du jugement à intervenir ;

- ORDONNER à la société SIGNATURS de modifier sa dénomination sociale et d'effectuer les diligences nécessaires auprès du greffe et des registres publics, sous astreinte de 3.000 euros par jour de retard passé un délai de 21 jours suivant la signification du jugement à intervenir ;

- CONDAMNER la société SIGNATURS à verser à la société SYGNATURES la somme de 30.000 euros de dommages et intérêts au titre de la contrefaçon ;

- CONDAMNER la société SIGNATURS à verser à la société SYGNATURES la somme de 30.000 euros de dommages et intérêts au titre de la concurrence déloyale ;

- ORDONNER la publication, aux frais exclusifs de la société SIGNATURS, et sous astreinte de 3.000 euros par jour de retard passé un délai de 21 jours suivant la signification du jugement à intervenir, du dispositif ou d'un extrait précis de la décision à intervenir, précédé du titre PUBLICATION JUDICIAIRE, dans 3 journaux ou revues, édition papier ou numérique, au choix de la requérante et dans la limite de 5.000 euros par insertion ;

- AUTORISER la société SYGNATURES à procéder à la publication du même extrait du jugement sur le site internet http://www.sygnatures.com/ pendant une durée ininterrompue de 90 jours ;

- CONDAMNER la société SIGNATURS au paiement de la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNER la société SIGNATURS aux entiers dépens de l'instance ;

- DIRE n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la décision à intervenir ».

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 11 janvier 2021, la SAS SIGNATURS demande au tribunal de :

Vu les articles 1315 et 1353 du code civil, l'article 9 du code de procédure civile,
Vu les articles L. 13-2, L. 716-1 et L. 122-4 et suivants du code de la propriété intellectuelle,
Vu l'article 1240 du code civil,

- Débouter purement et simplement la SAS SYGNATURE de toutes ses demandes fins et conclusions tant au titre de l'action en contrefaçon qu'au titre de l'action en concurrence déloyale ;

- Voir condamner la SAS SYGNATURS à régler à la concluante la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts et 5. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Voir ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;

- Condamner la SAS SYGNATURE aux entiers dépens ».

La clôture a été prononcée le 21 octobre 2021 et l'affaire fixée à l'audience de plaidoiries du 9 mars 2022.

Les parties ayant régulièrement constitué avocat, le présent jugement, rendu en premier ressort, sera contradictoire en application de l'article 467 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la contrefaçon de marque

La SAS SYGNATURES soutient que la dénomination sociale « SIGNATURS » constitue une contrefaçon par imitation de la marque verbale antérieure « SYGNATURES » dont elle est titulaire.

La SAS SIGNATURS répond avoir pour objet social l'exercice des professions d'expert comptable et de commissaire aux comptes qui sont réglementées et que la recherche de leurs services relève d'une recherche de compétences reconnues.

Elle conteste tout risque de confusion dès lors qu'« il n'existe pas de similitude tant dans la description des activités des sociétés en cause, ni davantage sur le caractère réglementé ou non de ces activités, ni sur les travaux protégés par les marques déposées » et qu'elles n'exercent pas leurs activités respectives dans la même zone géographique. Elle fait également valoir qu'« il appartient à la SAS SYGNATURES de démontrer que son sigle remplit la condition légale d'originalité » et que l'orthographe de sa dénomination sociale est différente.

SUR CE,

L'article L. 713-1 alinéa 1er du code de la propriété intellectuelle dispose que l'enregistrement de la marque confère à son titulaire un droit de propriété sur cette marque pour les produits ou services qu'il a désignés.

Aux termes de l'article L. 713-2 du même code, est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :
1o D'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;
2o D'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association du signe avec la marque.

Selon l'article L. 716-4 dudit code, l'atteinte portée au droit du titulaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits attachés à la marque la violation des interdictions prévues à l'article L. 713-2 du même code.

Le signe litigieux ne constituant pas une reproduction à l'identique de la marque opposée, la demande doit être examinée au regard des dispositions de l'article L. 713-2, 2o du code de la propriété intellectuelle.

Dès lors, il y a lieu plus particulièrement de rechercher si, au regard d'une appréciation des degrés de similitude entre les signes et entre les produits et/ou services désignés, il existe un risque de confusion dans l'esprit du public concerné.

En l'espèce, le public pertinent pour apprécier l'existence d'une contrefaçon est le professionnel ayant recours aux services d'un expert-comptable ou d'un commissaire aux comptes. Son niveau d'attention est élevé dès lors qu'il s'agit de la tenue de sa comptabilité ou de la certification de ses comptes.

Sur la comparaison des services

La marque verbale française « SYGNATURES » no3298019 est enregistrée pour désigner en classes 35 et 36 des services de « comptabilité ; analyse financière ; consultation en matière financière ».

Il ressort de l'extrait K-bis et des extraits non contestés du site internet etlt;www.signaturs.cometgt; (pièces demandeur no6 et 12), que la SAS SIGNATURS fait usage du signe litigieux « SIGNATURS » à titre de dénomination sociale. Cet usage est étroitement lié à la fourniture de ses services d'expertise comptable et de commissariat aux comptes.

Au regard des services visés dans l'enregistrement de la marque verbale opposée par la SAS SYGNATURES et des services fournis par la SAS SIGNATURS, les services en cause sont similaires dès lors que la comptabilité, l'analyse financière et la consultation en matière financière relèvent également de la compétence d'un expert-comptable ou d'un commissaire aux comptes.

Sur la comparaison des signes

La marque no3298019 opposée par la SAS SYGNATURES porte sur le signe verbal « SYGNATURES ».

Le signe litigieux porte sur le vocable « SIGNATURS ».

L'imitation nécessite la démonstration d'un risque de confusion entre les signes, lequel doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce. Cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique et conceptuelle des signes en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par ceux-ci en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants.

Sur le plan visuel, les signes en cause « SYGNATURES » et « SIGNATURS » présentent la même structure et ont, à une lettre près, la même longueur, le premier étant composé de dix lettres et le second de neuf lettres. Leurs lettres sont communes, à l'exception des lettres « Y » et « I » en deuxième position et de la lettre « E » qui est absente dans le signe litigieux. La similitude visuelle est donc moyenne.

Sur le plan phonétique, les signes en cause, composés d'un seul mot en trois syllabes, sont prononcés selon le même rythme et ont la même sonorité, les syllabes d'attaque « SY » et « SI » et les syllabes finales « TURES » et « TURS » étant prononcées de la même manière dans les deux signes. Ces derniers sont donc phonétiquement identiques.

Sur le plan conceptuel, les signes en cause « SYGNATURES » et « SIGNATURS » renvoient tous deux au mot « signature », lequel évoque l'engagement et l'authentification. Ces signes sont donc conceptuellement très proches.

Le signe « SYGNATURES » est en outre distinctif pour désigner les services visés à l'enregistrement de la marque.

Il résulte de tout ce qui précède qu'outre une similarité des services, la forte similitude entre les signes en cause pris dans leur ensemble entraîne un risque de confusion pour le public pertinent qui, même présentant un niveau d'attention élevé, pourrait attribuer les services d'expertise comptable et de commissariat aux comptes de la SAS SIGNATURS à la SAS SYGNATURES.

Contrairement à ce qu'affirme la défenderesse, l'absence des lettres « Y » et « E » dans le signe litigieux n'est pas de nature à écarter le risque de confusion.

Il s'ensuit une atteinte à la fonction essentielle d'identification d'origine des services de « comptabilité ; analyse financière ; consultation en matière financière » désignés par la marque opposée.

En conséquence, en utilisant le signe litigieux « SIGNATURS » à titre de dénomination sociale, la SAS SIGNATURS a commis des actes de contrefaçon par imitation de la marque verbale française « SYGNATURES » no3298019 dont la SAS SYGNATURES est titulaire.

Sur la concurrence déloyale

La SAS SYGNATURES soutient que la défenderesse porte également atteinte à sa dénomination sociale dès lors que la comparaison des signes opérées au titre de la contrefaçon de marque est identique s'agissant des dénominations sociales « SYGNATURES » et « SIGNATURS » et qu'il en résulte, à l'instar de la contrefaçon, un risque de confusion entre ces deux dénominations sociales.

En réplique, la SAS SIGNATURS fait valoir que la demanderesse n'établit aucune concurrence déloyale et ne justifie d'aucun préjudice. Elle souligne qu'elles sont géographiquement éloignées et qu'il n'existe aucun risque de confusion entre leurs dénominations sociales.

SUR CE,

L'article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Aux termes de l'article 1241 du code civil, chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce, ce qui implique qu'un signe ou un produit qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit sous certaines conditions tenant à l'absence de faute, laquelle peut être constituée par la création d'un risque de confusion sur l'origine du produit dans l'esprit de la clientèle, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce.

L'appréciation de cette faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté de l'usage, l'originalité et la notoriété de la prestation copiée.

La concurrence déloyale exige la preuve d'une faute relevant de faits distincts de ceux allégués au titre de la contrefaçon.

L'atteinte à la dénomination sociale constitue un acte de concurrence déloyale et requiert alors des faits distincts de la contrefaçon de marque.

En l'espèce, les faits invoqués par la SAS SYGNATURES au titre de la concurrence déloyale, à savoir l'usage par la défenderesse de la dénomination sociale « SIGNATURS », ne sont pas distincts de ceux invoqués au titre de la contrefaçon de la marque verbale « SYNGATURES » dès lors que ce signe constitue sa dénomination sociale. En outre, la demanderesse ne caractérise et n'établit aucun préjudice distinct de celui causé par la contrefaçon de marque.

En conséquence, la SAS SYGNATURES sera déboutée de sa demande indemnitaire à ce titre.

Sur les mesures réparatrices au titre de la contrefaçon

La SAS SYGNATURES sollicite le paiement de la somme de 30.000 euros en réparation de son préjudice résultant de la contrefaçon de marque dès lors qu'elle a « subi pendant plusieurs années la présence d'une société presque éponyme dans le même secteur d'activité », une partie de ses clients étant situés en Île-de-France. Elle estime que « la clientèle a pu s'y méprendre à plusieurs reprises ».

La SAS SIGNATURS répond que la demanderesse exerce son activité en région Occitanie et ne justifie de son préjudice ni dans son principe ni dans son quantum.

SUR CE,

L'article L. 716-4-10 du code de la propriété intellectuelle dispose que pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :
1o Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
2o Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3o Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon ;
Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée.

En l'espèce, le préjudice allégué par la demanderesse au titre de la contrefaçon relève du préjudice économique. Le moyen en défense de la SAS SIGNATURS tiré de ce qu'elle exerce son activité en région Île-de-France tandis que la SAS SYGNATURES exerce son activité en région Occitanie est inopérant dès lors le monopole conféré au titulaire de la marque enregistrée s'étend sur l'ensemble du territoire national, étant par ailleurs observé que la demanderesse produit la liste de ses clients également situés en région Île-de-France (sa pièce no14), ainsi qu'une liste de résultats sur le moteur de recherche Google en date du 17 février 2021 faisant apparaître le site internet etlt;www.signaturs.cometgt; de la SAS SIGNATURS sous le site internet etlt;www.sygnatures.cometgt; de la SAS SYGNATURES lorsque les termes « SIGNATURES EXPERT-COMPTABLE » sont saisis dans la barre de recherche (sa pièce no15).

L'imitation de la marque verbale « SYGNATURES » cause à la SAS SYGNATURES un préjudice économique résultant de la dilution de sa marque dont la capacité d'identification d'origine des services qu'elle désigne – et partant sa fonction essentielle – se trouve réduite, entraînant alors une perte de sa valeur économique.

Toutefois, la demanderesse n'allègue aucune perte économique concrète, se contentant d'invoquer les conséquences abstraites du risque de confusion, sans indiquer, en particulier, l'ampleur de l'usage litigieux, qui supposerait a minima pour être apprécié que soit communiquée une appréciation de l'ampleur de l'activité de la société défenderesse ; ce que la demanderesse, à qui incombe la charge de la preuve de son préjudice, ne fait pas. Il faut dès lors en déduire que malgré la durée relativement longue de l'usage du signe illicite, la perte économique subie par la société Sygnatures n'est pas significative.

Son préjudice sera indemnisé à hauteur de la somme de 4.000 euros.

Une mesure d'interdiction sera prononcée selon les modalités précisées au dispositif de la présente décision. Le changement de dénomination sociale de la SAS SIGNATURS sera ordonné en tant que de besoin.

Le préjudice de la SAS SYGNATURES étant suffisamment réparé par l'octroi de dommages et intérêts, la publication du jugement par voie de presse apparaît disproportionnée et sera par conséquent rejetée, sans préjudice du droit de la demanderesse de publier la présente décision, une fois devenue définitive, sur son site internet, pour peu qu'elle ne soit accompagnée d'aucun commentaire dénigrant (Cass. Com. 9 janv. 2019, pourvoi no 17-18.350).

Sur la demande reconventionnelle pour procédure abusive

La demande en contrefaçon de marque ayant été accueillie, la SAS SIGNATURS n'est pas fondée à solliciter la condamnation de la SAS SYGNATURES au paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive, aucun abus du droit d'ester en justice n'étant caractérisé.

En conséquence, la SAS SIGNATURS sera déboutée de sa demande reconventionnelle.

Sur les demandes accessoires

Sur les dépens

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie.

La SAS SIGNATURS, qui succombe à l'instance, sera condamnée aux dépens.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

L'article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation.

En l'espèce, l'équité commande de condamner la SAS SIGNATURS à payer à la SAS SYGNATURES la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur l'exécution provisoire

Aux termes de l'article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

En l'espèce, la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire et il n'y a pas lieu d'y déroger.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

Dit qu'en utilisant le signe « SIGNATURS » à titre de dénomination sociale, la SAS SIGNATURS a commis des actes de contrefaçon par imitation de la marque verbale française « SYGNATURES » no3298019 dont la SAS SYGNATURES est titulaire ;

Condamne la SAS SIGNATURS à payer à la SAS SYGNATURES la somme de 4.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice économique résultant de la contrefaçon ;

Fait interdiction à la SAS SIGNATURS d'utiliser dans la vie des affaires, sur le territoire français, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, y compris à titre de dénomination sociale et de nom de domaine, le signe « SIGNATURS » pour offrir ou fournir des services d'expertise comptable et de commissariat aux comptes, et ce à l'expiration du délai de six semaines à compter de la signification du présent jugement, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, l'astreinte courant pendant trois mois ;

Enjoint, en tant que de besoin, à la SAS SIGNATURS de modifier sa dénomination sociale et de procéder aux formalités correspondantes au Registre du commerce et des sociétés de PARIS, et ce à l'expiration du délai de six semaines à compter de la signification du présent jugement, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, l'astreinte courant pendant trois mois ;

Dit que le tribunal se réserve la liquidation des astreintes ;

Déboute la SAS SYGNATURES de sa demande de publication par voie de presse, sans préjudice de son droit de publier la présente décision, une fois devenue définitive, sur son site internet à l'adresse etlt;www.sygnatures.cometgt; ;

Déboute la SAS SYGNATURES de sa demande indemnitaire formée au titre de la concurrence déloyale ;

Déboute la SAS SIGNATURS de sa demande reconventionnelle pour procédure abusive ;

Condamne la SAS SIGNATURS à payer à la SAS SYGNATURES la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS SIGNATURS aux dépens ;

Rappelle que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire.

Fait et jugé à Paris le 10 mai 2022.

La GreffièreLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Ct0196
Numéro d'arrêt : 20/3876
Date de la décision : 10/05/2022

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2022-05-10;20.3876 ?
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