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19/04/2022 | FRANCE | N°21/286

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Ct0196, 19 avril 2022, 21/286


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
3ème section

No RG 21/00286 -
No Portalis 352J-W-B7F-CTRUZ

No MINUTE :

Assignation du :
29 décembre 2020

ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 19 avril 2022

DEMANDERESSES AU PRINCIPAL
DEFENDERESSES A L'INCIDENT

S.A.S. [K] [G]
[Adresse 2]
[Localité 4]

Madame [K] [G]
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentées par Maître Claire-Eva CASIRO COSICH, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0955

DEFENDERESSE AU PRINCIPAL
DEMANDERESSE A L

'INCIDENT

S.A.S. EMY 103
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Maître François-Xavier BOULIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #K0092

MAGIST...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
3ème section

No RG 21/00286 -
No Portalis 352J-W-B7F-CTRUZ

No MINUTE :

Assignation du :
29 décembre 2020

ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 19 avril 2022

DEMANDERESSES AU PRINCIPAL
DEFENDERESSES A L'INCIDENT

S.A.S. [K] [G]
[Adresse 2]
[Localité 4]

Madame [K] [G]
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentées par Maître Claire-Eva CASIRO COSICH, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0955

DEFENDERESSE AU PRINCIPAL
DEMANDERESSE A L'INCIDENT

S.A.S. EMY 103
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Maître François-Xavier BOULIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #K0092

MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT

Arthur COURILLON-HAVY, juge
assisté de Lorine MILLE, greffière

DEBATS

A l'audience du 17 février 2022, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue le 19 avril 2022.

ORDONNANCE

Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

Exposé du litige

1.Mme [K] [G], qui crée notamment des modèles de chaussures, et la société [K] [G], qui les commercialise, reprochent à la société Emy 103 d'avoir commercialisé, en 2020, des chaussures reproduisant l'apparence ainsi qu'un procédé technique relatif à la semelle de ses chaussures appelées « Cassandre », « Berthe », et « Lucie », modèles et procédé technique sur lesquels Mme [G] revendique des droits d'auteurs.

2.Après une mise en demeure dont la réponse ne les a pas satisfaites, elles ont assigné la société Emy 103 le 29 décembre 2020, demandant de lui ordonner la cessation de la production et de la vente des modèles contrefaisants, de la condamner à leur payer des dommages et intérêts du fait de la spoliation de la paternité de l'oeuvre, de l'utilisation du procédé technique, de l'économie réalisée sur les frais de développement et de publicité des modèles contrefaits, et 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

3.Par conclusions d'incident du 23 juin 2021, la défenderesse a soulevé l'irrecevabilité des demandes pour défaut de qualité à agir, faute de titularité des droits d'auteur invoqués.

4.Dans ses dernières conclusions d'incident signifiées par voie électronique le 20 janvier 2022, la société Emy 103 demande de déclarer irrecevables les demandes de la société [K] [G] et de Mme [G], et de les condamner à lui payer 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

5.Elle estime non démontrée la création des modèles invoqués par Mme [G], en ce que, notamment, les pièces produites émanent d'elle-même, concernent d'autres modèles, et plus généralement ne seraient pas de nature à prouver la date de création et la titularité.

6.Dans leurs dernières conclusions signifiées par voie électronique le 26 novembre 2021, la société [K] [G] et Mme [K] [G] demandent d'écarter la fin de non-recevoir, rejeter les demandes reconventionnelles, et condamner la société Emy 103 à leur payer 500 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

7.Elles exposent que Mme [G] a été la première, au début de l'année 2018, à développer le procédé technique consistant à remplacer, dans une partie de la semelle, le raphia par du velours de chèvre. Elles invoquent, pour justifier de la création des « modèles » en cause, des dessins de la main de Mme [G], une « gamme couleur », une consultation par Mme [G], sur Instagram, pour choisir la forme de la chaussure, affirmant que ces modèles ont été créés au début de l'année 2018, ce que démontrerait un ensemble de courriels adressés à la presse spécialisée et aux distributeurs de chaussure, datés de l'été 2018, dans lesquels elle présenterait ses modèles et aurait même envoyé une photo prise dans l'usine fabriquant ses créations.

8.L'incident a été entendu le 17 février 2022, et la décision mise en délibéré.

MOTIFS

9.En application de l'article L. 113-1, la qualité d'auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l'oeuvre est divulguée.

10.Les demanderesses produisent un certain nombre de photos ou d'images de chaussures, ainsi qu'une facture adressée par une société dont elles disent qu'il s'agit de leur nouveau fabricant et qui mentionne des chaussures sous les noms « Cassandre », « Bertha », et « Lucie » ; mais aucun de ces documents ne date d'avant janvier 2020 ; ils ne peuvent donc pas, par eux-mêmes, prouver une divulgation avant la date à laquelle la défenderesse a elle-même exploité les oeuvres invoquées. Seules comportent une date antérieure : une photo publiée sur Instagram qui mentionne une date relative, « 63sem » soit 63 semaines avant le moment où la capture a été faite (ce qui est à tout le moins imprécis), mais qui ne mentionne pas Mme [G] ; et une photo sur une page Facebook « Le 8 shoes », qui ne divulgue pas davantage le modèle présenté sous le nom de Mme [G] (outre que la chaussure qui y figure est très peu reconnaissable).

11.Elles produisent également 2 courriels comportant (selon la copie d'écran qui en est faite, dont la véracité n'est pas expressément contestée) en pièce-jointe une image contenant 4 chaussures dont 1 seule ressemble approximativement au modèle Lucie, les 3 autres ne correspondant pas aux modèles invoqués. En toute hypothèse, ces courriels ne revendiquent en rien que les modèles visés aient été créés par Mme [G], et ce simple envoi à une seule personne ne s'analyse pas en une divulgation et ne permet pas de prouver qu'il a donné lieu ou était concomitant à une divulgation tenant, par exemple, à une commercialisation (commercialisation qu'aucune pièce ne vient démontrer). Elles produisent un troisième courriel adressé à la même personne, comportant une photo qui aurait été prise depuis l'usine. Cette photo, sur laquelle aucun modèle n'est reconnaissable, ne divulgue rien en elle-même, tout comme le courriel qu'elle accompagne et qui ne comporte aucun texte hormis « cela vient de l'usine ».

12.Enfin, l'attestation établie par une personne se disant cliente ne vise aucun modèle en particulier, et l'autre attestation émane d'une personne se disant « partenaire » de Mme [G], ce qui interdit de tenir pour démontrés des faits qu'il est seul à établir et que rien ne corrobore.

13.Ainsi, les demanderesses échouent à apporter la preuve, qui leur incombe, d'une divulgation des modèles invoqués sous le nom de Mme [G], avant la période où la défenderesse a produit les chaussures litigieuses ; elles échouent donc à rapporter la preuve de la titularité des droits d'auteur qu'elles invoquent, sur les chaussures Cassandre, Berthe et Lucie. Leurs demandes fondées sur ces droits doivent par conséquent être déclarées irrecevables (la qualification de ce moyen en fin de non-recevoir n'étant pas contestée). L'intégralité de leurs demandes étaient fondées sur cette contrefaçon ; l'intégralité de leurs demande sont donc déclarées irrecevables, ce qui met fin à l'instance.

14.Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. L'article 700 du même code permet au juge de condamner en outre la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre, pour les frais exposés mais non compris dans les dépens, une somme qu'il détermine, en tenant compte de l'équité et de la situation économique de cette partie.

15.Les demanderesses au principal perdent le procès et doivent par conséquent, outre les dépens, payer une somme de 2 500 euros à la société Emy 103 pour les frais qu'elle a dû exposer pour se défendre.

PAR CES MOTIFS

Le juge de la mise en état, statuant publiquement en premier ressort par ordonnance contradictoire mise à disposition au greffe,

Déclare irrecevables l'ensemble des demandes de la société [K] [G] et de Mme [G] ;

Les condamne aux dépens ainsi qu'à payer 2 500 euros à la société Emy 103 au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Faite et rendue à Paris le 19 avril 2022
La GreffièreLe Juge de la mise en état


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Ct0196
Numéro d'arrêt : 21/286
Date de la décision : 19/04/2022

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2022-04-19;21.286 ?
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