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05/04/2022 | FRANCE | N°18/3307

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Ct0196, 05 avril 2022, 18/3307


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE [Localité 10]

3ème chambre
3ème section

No RG 18/03307 -
No Portalis 352J-W-B7C-CMRUR

No MINUTE :

Assignation du :
08 Mars 2018

JUGEMENT
rendu le 05 Avril 2022

DEMANDEURS

S.A.S.U. STAFFMATCH FRANCE 1
[Adresse 2]
[Localité 6]

Monsieur [Y] [G]
[Adresse 3]
[Localité 9]

S.A.S. STAFFMATCH,
intervenante volontaire
[Adresse 2]
[Localité 6]

représentée par Maître Jonathan BELLAICHE de la SELARL GOLDWIN SOCIETE D'AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vesti

aire #K0103

DÉFENDEURS

S.A.S.U. STAFFME
[Adresse 4]
[Localité 7]

Monsieur [Z] [H]
intervenant volontaire
[Adresse 1]
[Localité 5]

représentés par Maîtr...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE [Localité 10]

3ème chambre
3ème section

No RG 18/03307 -
No Portalis 352J-W-B7C-CMRUR

No MINUTE :

Assignation du :
08 Mars 2018

JUGEMENT
rendu le 05 Avril 2022

DEMANDEURS

S.A.S.U. STAFFMATCH FRANCE 1
[Adresse 2]
[Localité 6]

Monsieur [Y] [G]
[Adresse 3]
[Localité 9]

S.A.S. STAFFMATCH,
intervenante volontaire
[Adresse 2]
[Localité 6]

représentée par Maître Jonathan BELLAICHE de la SELARL GOLDWIN SOCIETE D'AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #K0103

DÉFENDEURS

S.A.S.U. STAFFME
[Adresse 4]
[Localité 7]

Monsieur [Z] [H]
intervenant volontaire
[Adresse 1]
[Localité 5]

représentés par Maître Thibault LANCRENON de la SELARL TRIPTYQUE LAW avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C2511

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe
Arthur COURILLON-HAVY, juge
Linda BOUDOUR, juge

assisté de Lorine MILLE, greffière,

DÉBATS

A l'audience du 06 janvier 2022 tenue en audience publique devant Nathalie SABOTIER et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 08 mars 2022, décision prorogée au 05 avril 2022.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

____________________________

EXPOSÉ DU LITIGE :

La société STAFFMATCH se présente comme une start-up proposant un service entièrement digitalisé de mise en relation de salariés intérimaires et d'entreprises utilisatrices. Elle constitue, avec la société STAFFMATCH FRANCE, présidée par M. [Y] [G], le groupe STAFFMATCH et détient des participations dans les sociétés STAFFMATCH FRANCE 1 à STAFFMATCH FRANCE 17.

La société STAFFMATCH FRANCE 1 exploite les signes suivants:

- La marque verbale française « STAFFMATCH » no 4 123 711, enregistrée le 7 octobre 2014 en classes 35, 37 et 42, par M. [G] au profit d'une société alors en cours d'immatriculation;
- Le dessin ou modèle français déposé par la société STAFFMATCH le 26 février 2015 et enregistré le 28 août 2015 sous le no2015 0954-001

- La marque verbale de l'Union européenne « STAFFMATCH » no015055882 enregistrée le 29 janvier 2016 en classes 35, 37 et 42 par M. [G] au profit de la société STAFFMATCH FRANCE 1, alors en cours d'immatriculation et ayant fait l'objet d'une rectification enregistrée le 23 avril 2018 ;
- l'élément graphique suivant comportant une poignée de main qu'elle expose avoir utilisé dans sa communication interne et dans des supports de communication externe, sans les avoir déposés à titre de marque:

La société STAFFME, immatriculée le 21 avril 2016, a pour président et fondateur M. [Z] [H]. Elle se présente comme une plateforme internet de mise en relation de micro-entrepreneurs et d'entreprises pour la réalisation de toutes prestations ponctuelles de services.

Elle exploite les deux marques suivantes, déposées respectivement par M. [Z] [H] et la société STAFFME :
- la marque verbale française « STAFFME » no4269449, déposée en classes 9, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44 et 45, le 2 mai 2016,
- la marque semi-figurative française « STAFFME » no164292648, déposée le 9 août 2016 en classes 35, 37 et 42 :

Par acte en date du 8 mars 2018, la société STAFFMATCH FRANCE 1 a assigné la société STAFFME devant le tribunal de grande instance de Paris en nullité des marques « STAFFME » no164269449 et no164292648, en contrefaçon par imitation de la marque « STAFFMATCH » no144123711, ainsi que de ses dessins et modèles et droits d'auteur portant sur ses visuels, ainsi que, subsidiairement, en concurrence déloyale et parasitaire.

Par acte en date du 1er juin 2018, M. [H] a assigné, devant le tribunal de grande instance de Nanterre, M. [G], en nullité de la marque française « STAFFMATCH » no4 123 711.

Le 8 novembre 2018, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris a sursis à statuer dans l'attente de la décision du tribunal de Nanterre sur la marque opposée « STAFFMATCH » no4 123 711.

Par une ordonnance du 3 octobre 2019, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Nanterre a fait droit à l'exception de connexité soulevée par M. [G] et a prononcé son dessaisissement au profit de la présente juridiction. Cette ordonnance a été confirmée par un arrêt de la Cour d'appel de Versailles du 7 mai 2020.

Par conclusions du 13 octobre 2020, la société STAFFMATCH est intervenue volontairement à l'instance.

Par conclusions du 30 janvier 2021, M. [Z] [H] est intervenu volontairement à l'instance.

Dans leurs dernières conclusions no3 signifiées par la voie électronique le 9 avril 2021, les sociétés STAFFMATCH FRANCE 1, STAFFMATCH et M. [G] demandent au tribunal de :

A titre principal,
- DIRE le dépôt de la marque française « StaffMatch » no14/4123711 régularisé ;
- DEBOUTER la société STAFFME et M. [H] de leur demande de radiation de la marque française « StaffMatch » no4123711 et à titre subsidiaire,
- DECLARER M. [Y] [G] recevable et ayant qualité à agir en ses demandes concernant la marque française « StaffMatch » no14/4123711 ;
- DECLARER la société STAFFMATCH France 1, la société STAFFMATCH et M. [Y] [G] recevables en l'ensemble de leurs demandes ;
- DEBOUTER la société STAFFME de sa demande d'irrecevabilité de la demande en contrefaçon du logo représentant une poignée de main protégé par le droit d'auteur ;
- DEBOUTER la société STAFFME et M. [H] de leur demande de nullité de la marque française « StaffMatch » no14/4123711 ;
- DEBOUTER la société STAFFME et M. [H] de leur demande en nullité de la marque verbale communautaire « STAFFMATCH » no015055882 ;
- DEBOUTER la société STAFFME et M. [H] de leur demande de nullité du dessin et modèle no20150954 ;
- JUGER que le logo de la société STAFFMATCH représentant une poignée de main est original et qu'à ce titre il est protégé par le droit d'auteur ;
- DEBOUTER la société STAFFME et M. [H] de leur demande en déchéance de la marque verbale française « StaffMatch » no14/4123711 ;
- DEBOUTER la société STAFFME et M. [H] de leur demande en déchéance de la marque communautaire « STAFFMATCH » no0150055882 ;
- JUGER que les actes commis par la société STAFFME par le dépôt, l'usage et l'exploitation de la dénomination STAFFME constituent des actes de contrefaçon de la marque « StaffMatch » no14/4123711 ;
- JUGER que les actes commis par la société STAFFME par le dépôt, l'usage et l'exploitation de ses logos constituent des actes de contrefaçon des dessins et modèles déposés par la société STAFFMATCH ;
- JUGER que les actes commis par la société STAFFME par le dépôt, l'usage et l'exploitation du logo représentant une poignée de mains constituent des actes de contrefaçon du droit d'auteur des sociétés STAFFMATCH ;
- DIRE les sociétés STAFFMATCH et STAFFMATCH FRANCE 1 bien fondées et recevables dans leur demande de nullité de la marque verbale « STAFFME » no 4269449 et de la marque française semi-figurative « STAFFME » no4292648 ;
- DIRE qu'en déposant, en usant et en exploitant la marque et le logo STAFFME et en utilisant le site internet www.staffme.fr, la société STAFFME a imité la dénomination sociale ainsi que le nom de domaine des sociétés STAFFMATCH et s'est ainsi rendue coupable d'actes de concurrence déloyale ;

En conséquence,
- PRONONCER la nullité de la marque « STAFFME » no4292648 déposée le 09 août 2016 et ordonner la transcription du jugement à intervenir au Registre National des Marques ;
- PRONONCER la nullité de la marque « STAFFME » no4269449 déposée le 2 mai 2016 et ordonner la transcription du jugement à intervenir au Registre National des Marques ;
- INTERDIRE à la société STAFFME de faire usage de la marque, de la dénomination ainsi que de tout élément d'identité visuelle « STAFFME », sous astreinte de 100 euros par infraction constatée à compter de la décision à intervenir ;
- CONDAMNER la Société STAFFME à payer aux demandeurs la somme de 262.321,00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel résultant de la contrefaçon de la marque, du logo et des droits d'auteur des sociétés STAFFMATCH, ainsi que du préjudice moral subi ;
- ORDONNER la publication de la décision à intervenir dans 3 journaux ou revues au choix des sociétés STAFFMATCH, outre une publication sur le site internet de la société STAFFME, aux frais de cette dernière ;
- CONDAMNER la société STAFFME à payer à la société STAFFMATCH la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour les actes de concurrence déloyale ;
- DECLARER le montant des indemnités allouées comme produisant intérêt de plein droit au taux d'intérêt légal à compter de la décision rendue par le tribunal de céans

A titre subsidiaire,
- PRONONCER la nullité de la marque française « STAFFME » no4269449 déposée le 09 août 2016 et ordonner la transcription du jugement à intervenir au Registre National des Marques ;
- DIRE qu'en déposant, en usant et en exploitant la marque et le logo STAFFME, la société STAFFME s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale ;

En conséquence,
- CONDAMNER la société STAFFME à payer à la société STAFFMATCH la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour les actes de concurrence déloyale ;

En tout état de cause,
- DEBOUTER les défenderesses de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

- DEBOUTER les défenderesses de leur demande de paiement de la somme de 30.000 euros au titre d'un caractère abusif de la présente procédure ;
- CONDAMNER la Société STAFFME et M. [H] au paiement de la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens ;
- ORDONNER l'exécution provisoire de la décision à intervenir, nonobstant appel et sans caution.

Dans leurs dernières conclusions no4 notifiées électroniquement le 22 septembre 2021, la société STAFFME et M. [H] demandent au tribunal de :

A titre principal :
- JUGER que le dépôt le 7 octobre 2014 de la marque française « StaffMatch » enregistrée sous le no4123711 n'est pas valable pour avoir été déposé par M. [Y] [G], en qualité de « gérant » pour le compte d'une société inexistante de [Localité 9] ;
- JUGER que l'irrégularité du dépôt de cette marque n'a pas été valablement régularisée par la demande d'inscription d'une rectification publiée au BOPI le 15 juin 2018 ;
- ORDONNER la radiation de la marque « StaffMatch » enregistrée sous le no4123711 du registre national des marques, avec publication par l'INPI à la demande de la partie la plus diligente ;
- JUGER en conséquence que la demande en contrefaçon de la marque française « StaffMatch » no412371 est irrecevable, en application des articles 31 et 122 du code de procédure civile ;
- JUGER en tant que de besoin que la demande en contrefaçon de la marque de l'Union européenne « STAFFMATCH » no15055882 est irrecevable, en application des articles 31 et 122 du code de procédure civile, faute d'identification précise du titulaire de cette marque ;
- JUGER que la demande en contrefaçon de « dessins et modèles » est irrecevable, en application des articles 31 et 122 du code de procédure civile, faute d'identification précise du titulaire de ces « dessins et modèles » ;
- JUGER que la demande en contrefaçon de droits d'auteur d'un logo de poignée de mains est irrecevable, en application des articles 31 et 122 du code de procédure civile, faute d'identification précise du titulaire de ces « droits d'auteur » ;
- JUGER que la demande à titre principal en nullité des marques « STAFFME » no4269449 et no4292648 des demandeurs est dénuée de tout fondement et, en conséquence, les rejeter intégralement ;
- JUGER que la demande à titre principal en concurrence déloyale des demandeurs est dénuée de tout fondement et, en conséquence, la rejeter intégralement ;
- JUGER que la demande subsidiaire en concurrence déloyale des demandeurs est dénuée de tout fondement et, en conséquence, la rejeter intégralement ;
- DEBOUTER intégralement la société STAFFMATCH France 1, la société STAFFMATCH et M. [G] de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

A titre subsidiaire :
- DECLARER nulle la marque française « StaffMatch » no4123711 en application des articles L.711-2 et L.714-3 du code de la propriété intellectuelle, pour l'ensemble des services qu'elle vise en classe 35, en classe 37 et en classe 42, pour défaut de distinctivité ;
- DECLARER à tout le moins nulle la marque française « StaffMatch » no4123711 en application des articles L.711-2 et L.714-3 du code de la propriété intellectuelle, pour l'ensemble des services qu'elle vise en classe 35, en classe 37 et en classe 42, pour vice de descriptivité ;
- DECLARER nulle la marque de l'Union européenne « STAFFMATCH » no15055882 en application de l'article 7-1-b du Règlement (CE) no07/2009 (ou à tout le moins de l'article 7- 1-b du Règlement (UE) 2017/1001), pour l'ensemble des produits et services qu'elle vise en classes 9, 35, 38, 41 et 42, pour défaut de distinctivité ;
- DECLARER à tout le moins nulle la marque de l'Union européenne « STAFFMATCH » no15055882 en application de l'article 7-1-c du Règlement (CE) no07/2009 (ou à tout le moins de l'article 7-1-c du Règlement (UE) 2017/1001), pour l'ensemble des produits et services qu'elle vise en classes 9, 35, 38, 41 et 42, pour vice de descriptivité ;
- DECLARER nul le dessin et modèle no20150954-001 pour violation des dispositions des articles L.511-1 et L.512-4 du code de la propriété intellectuelle, faute d'identification précise du périmètre de protection de ce dessin et modèle ou, a minima, pour absence de caractère propre au sens des dispositions de l'article L.511-4 du code de la propriété intellectuelle ;
- JUGER que le logo dont se prévalent des demanderesses n'est pas protégé par les droits d'auteur, faute de constituer une oeuvre de l'esprit originale au sens du Livre I du code de la propriété intellectuelle;
- DEBOUTER intégralement la société STAFFMATCH France 1, la société STAFFMATCH et M. [G] de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

A titre très subsidiaire :
- JUGER que M. [G], la société Site Internet et/ou la société STAFFMATCH France 1 est déchu de ses droits sur la marque française « StaffMatch » no4123711 pour défaut d'exploitation sérieuse pour l'ensemble des services qu'elle vise en classe 35, en classe 37 et en classe 42, à compter du 30 janvier 2016, en application des dispositions de l'article L.714- 5 du Code de la propriété intellectuelle ;

A titre infiniment subsidiaire :
- JUGER que la demande en contrefaçon de la marque « StaffMatch » no412371 est dénuée de tout fondement et, en conséquence, la rejeter intégralement ;
- REJETER en conséquence les demandes en nullité de la marque française « STAFFME » no4269449 et de la marque française « STAFFME » no4292648 ;
- JUGER en tant que de besoin que la demande en contrefaçon de la marque de l'Union européenne « STAFFMATCH » no15055882 est dénuée de tout fondement et, en conséquence, la rejeter intégralement;
- REJETER en conséquence les demandes en nullité de la marque française « STAFFME » no4269449 et de la marque française « STAFFME » no4292648 ;
- JUGER que la demande en contrefaçon de « dessins et modèles » ou du dessin et modèle no20150954-001, dont la protection a par ailleurs expiré, est dénuée de tout fondement et, en conséquence, la rejeter intégralement ;
- JUGER que la demande en contrefaçon de droits d'auteurs sur un logo de poignée de mains est dénuée de tout fondement et, en conséquence, la rejeter intégralement ;
- JUGER que la demande à titre subsidiaire en nullité de la marque « STAFFME » no4269449 pour défaut de caractère distinctif et descriptivité est dénuée de tout fondement et, en conséquence, la rejeter intégralement ;
- JUGER que la demande à titre principal en concurrence déloyale des demandeurs, comme la demande subsidiaire en concurrence déloyale, est dénuée de tout fondement et, en conséquence, les rejeter intégralement ;
- DEBOUTER intégralement la société STAFFMATCH France 1, la société STAFFMATCH et M. [G] de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

En tout état de cause :
- DEBOUTER intégralement la société STAFFMATCH France 1, la société STAFFMATCH et M. [G] de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;
- ECARTER toute exécution provisoire de la décision à intervenir dès lors qu'elle accueillerait une demande adverse, en application des dispositions de l'article 514-1 du code de procédure civile ;
- CONDAMNER in solidum la société STAFFMATCH France 1, la société STAFFMATCH et M. [G] au versement de la somme de 50 000 Euros eu égard au caractère abusif de leur action, en application des dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile ;
- CONDAMNER in solidum la société STAFFMATCH France 1, la société STAFFMATCH et M. [G] au versement de la somme de trente-cinq mille (35 000 €) euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- CONDAMNER in solidum la société STAFFMATCH France 1, la société STAFFMATCH et M. [G] aux entiers dépens et dire que ces dépens pourront être recouvrés par Maître Thibault LANCRENON, avocat, par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 septembre 2021 et l'affaire plaidée à l'audience du 6 janvier 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1o) Sur la nullité du dépôt de la marque verbale française no4 123 711

Moyens des parties

La société STAFFME soutient qu'à la date de l'assignation, aucune inscription n'indiquait que la marque appartenait à la société Staffmatch France 1. Le dépôt indiquait au contraire qu'elle avait été déposée par M. [G] en tant que gérant d'une société « site internet » en cours de formation, toute régularisation étant dès lors impossible.

La société STAFFMATCH expose quant à elle avoir régularisé l'enregistrement de la marque no4123711 le 15 juin 2018 et soutient donc en être titulaire. Elle fait valoir à titre subsidiaire que M. [G] est recevable et bien-fondé en tant que personne physique ayant réalisé le dépôt pour le compte d'une société en formation dont l'intitulé résulte à l'évidence d'une erreur matérielle.

Appréciation du tribunal

Il est constamment jugé que seuls sont susceptibles de reprise les actes accomplis "pour le compte" d'une société en formation, tandis que les actes accomplis "par" la société en formation elle-même doivent être déclarés nuls pour avoir été conclus par une société dépourvue de la personnalité morale (Cass. Com., 10 février 2021, pourvoi no 19-10.006 ; Cass. Com., 21 février 2012, pourvoi no 10-27.630, Bull. 2012, IV, no 49).

Force est en l'occurrence de constater que le dépôt de la marque "Staffmatch" no4123711 a bien été effectué pour le compte de la société en cours de formation (et non par cette même société) de sorte que le dépôt était régularisable. Il doit donc être retenu que la société STAFFMATCH a valablement repris et régularisé le dépôt initial, en ce compris la rectification d'erreur matérielle qui affectait indiscutablement ce dépôt. Ce premier moyen de nullité de la marque no4 123 711 doit donc être rejeté.

2o) Sur la nullité du dépôt de la marque de l'Union européenne no15055882

Moyens des parties

La société Staffme soutient de ce chef que le déposant (la société Staffmatch) n'avait pas la personnalité juridique au moment du dépôt, le 16 janvier 2016, son immatriculation datant du 11 mars suivant.

Les sociétés demanderesses répliquent que la société Staffmatch existait déjà et qu'elle a simplement fait l'objet d'un transfert de son siège social au Luxembourg par décision du 22 décembre 2015, de sorte qu'elle avait bien la personnalité juridique au jour du dépôt.

Appréciation du tribunal

Il est établi que la société déposante existait bien au jour du dépôt, ayant simplement changé de forme, en même temps que son siège était transféré de France au Luxembourg. Ce moyen ne peut donc qu'être écarté.

3o) Sur la nullité du dessin no2015-0515

Moyen des parties

Au sujet de ce dessin, la société Staffme soutient qu'aucune action ne peut être engagée sur le fondement des dessins et modèles puisqu'il n'a jamais été enregistré.

Appréciation du tribunal

Aucun dessin sous cette référence n'est opposé à la société STAFFME de sorte que cette demande ne peut qu'être rejetée comme étant dépourvue d'objet.

4o) Sur la titularité des droits d'auteur sur le logo "poignée de mains"

Moyens des parties

La société Staffme soutient que la société Staffmatch ne peut se prévaloir d'aucune présomption de titularité non plus que du contrat de cession rédigé pour les besoins de la cause six jours avant son intervention volontaire pour établir la titularité de droits d'auteur sur le logo qu'elle lui oppose à l'occasion de la présente instance.

La société Staffmatch soutient quant à elle bénéficier d'une cession de ses droits d'auteur par M. [W] auteur du logo.

Appréciation du tribunal

Aux termes de l'article L.113-1 du code de la propriété intellectuelle, "La qualité d'auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l'oeuvre est divulguée."

Il est cependant constant que cette présomption ne peut jouer qu'au bénéfice des personnes physiques (Cass. Civ. 1ère, 19 février 1991, pourvoi no89-14.402, Bull. 1991, I, no69), une personne morale ne pouvant être titulaire ab initio des droits d'auteur (Cass. Civ. 1ère, 15 janvier 2015, pourvoi no13-23.566, Bull 2015, I, no11), à moins que la personne morale justifie d'une exploitation paisible et non équivoque de l'oeuvre sous son nom, encore qu'elle ne pourrait bénéficier que d'une présomption de titularité des droits patrimoniaux à l'égard des tiers (Civ. 1ère, 10 décembre 2014, pourvoi no13-23.076).

Les pièces no9 et 48 des demandeurs ("memorandum" de décembre 2014 de [Y] [G] et [E] [W] et contrat de cession gratuite de ses droits d'auteur par M. [W] du 9 octobre 2020) ne démontrent, ni que M. [W] serait l'auteur du logo, ni que ce logo aurait fait l'objet d'une exploitation publique par quiconque, ni même au demeurant qu'il aurait été divulgué. Les demandes fondées sur la contrefaçon de droit d'auteur sont donc irrecevables et à tout le moins mal fondées, sans qu'il soit besoin d'examiner l'originalité alléguée de ce logo.

5o) Sur la nullité des marques verbales française et de l'Union européenne "Staffmatch" pour défaut de distinctivité

Moyen des parties

La société Staffme demande la nullité des marques pour défaut de caractère distinctif, le signe verbal étant composé de deux termes dont le sens est selon elle compréhensible d'emblée par le public pertinent. Elle soutient que le terme "staff" désigne de manière courante le personnel d'une entreprise tandis que le terme "match" désigne usuellement une rencontre ou une correspondance entre deux éléments, et est largement utilisé par le public français. Ainsi, le signe « StaffMatch » ne présente selon elle pas de distinctivité pour les services désignés.

La société Staffmatch invoque quant à elle la jurisprudence "Baby-Dry" et soutient que le signe "Staffmatch" est distinctif pour désigner les services des classes 35, 37 et 42, et en particulier un service de recrutement et de mise à disposition de travailleurs intérimaires. Elle fait valoir que le terme "match" n'est pas usuellement utilisé pour désigner les rencontres et les correspondances par le public pertinent, tandis que le terme « Staffmatch » est une création inattendue qui n'existe ni dans la langue française, ni dans l'usage courant en français, et ne pas en aucun cas être compris comme une façon normale de désigner les services désignés à l'enregistrement.

Appréciation du tribunal

Selon l'article L.711-2 du code de la propriété intellectuelle, dans sa version applicable à la date du dépôt, "Le caractère distinctif d'un signe de nature à constituer une marque s'apprécie à l'égard des produits ou services désignés.
Sont dépourvus de caractère distinctif :
a) Les signes ou dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service ;
b) Les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l'époque de la production du bien ou de la prestation de service ;"

Selon l'article 4 "Signes susceptibles de constituer une marque communautaire" du Règlement (CE) no 207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire, applicable à la date du dépôt de la marque en litige, "Peuvent constituer des marques communautaires tous les signes susceptibles d'une représentation graphique, notamment les mots, y compris les noms de personnes, les dessins, les lettres, les chiffres, la forme du produit ou de son conditionnement, à condition que de tels signes soient propres à distinguer les produits ou les services d'une entreprise de ceux d'autres entreprises."

Selon l'article 7 "Motifs absolus de refus" de ce même texte, "1. Sont refusés à l'enregistrement:
a) les signes qui ne sont pas conformes à l'article 4 ;
b) les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif ;
c) les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d'indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l'époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d'autres caractéristiques de ceux-ci ;
d) les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d'indications devenus usuels dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et constantes du commerce;"

Les dispositions des articles 4 et 7 du Règlement sont identiques à celles des articles 3 et 4 de la Directive (UE) 2015/2436 du Parlement Européen et du Conseil du 16 décembre 2015 rapprochant les législations des États membres sur les marques, dont les dispositions de l'article L.711-2 du code de la propriété intellectuelle réalisent la transposition en droit interne.
En outre, par un arrêt du 12 février 2004, la Cour de justice (aff. [Adresse 8]) a abandonné la notion d' "écart perceptible" résultant de sa jurisprudence antérieure dite "Baby Dry" (CJCE, 20 septembre 2001, Procter et Gamble C/ OHMI), et a dit pour droit que :

"L'article 3, paragraphe 1, sous c), de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques, doit être interprété en ce sens qu'une marque constituée d'un néologisme composé d'éléments dont chacun est descriptif de caractéristiques des produits ou services pour lesquels l'enregistrement est demandé est elle-même descriptive des caractéristiques de ces produits ou services, au sens de ladite disposition, sauf s'il existe un écart perceptible entre le néologisme et la simple somme des éléments qui le composent, ce qui suppose que, en raison du caractère inhabituel de la combinaison par rapport auxdits produits ou services, le néologisme crée une impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple réunion des indications apportées par les éléments qui le composent, en sorte qu'il prime la somme desdits éléments. (voir également les arrêts Koninklijke KPN Nederland du 12 février 2004, C-363/99 et Lancôme parfums et beauté c/ OHMI du 5 février 2010 C-408/08)
Aux fins d'apprécier si une telle marque relève du motif de refus d'enregistrement énoncé à l'article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive 89/104, il est indifférent qu'il existe ou non des synonymes permettant de désigner les mêmes caractéristiques des produits ou services mentionnés dans la demande d'enregistrement."

Force est en l'occurrence de constater que le néologisme "Staffmatch" ne créé pas une impression suffisamment éloignée des termes "Staff" et "match" envisagés séparément, dont le public pertinent, plutôt jeune s'agissant de services essentiellement voire exclusivement digitaux, et quoique francophone, connaît la signification, à savoir "personnel" et "rencontre" et dont il comprend que le service proposé vise à la "rencontre de personnel" pour des entreprises utilisatrices. Un tel signe n'apparaît pas susceptible de distinguer sans confusion possible les services de la demanderesse de ceux ayant une autre origine.

Il en résulte que le signe "Staffmatch" est dépourvu de caractère distinctif pour les services de la classe 35 de "bureaux de placement ; portage salarial ;" tels que désignés à l'enregistrement de la marque verbale française no 4 123 711.

Le signe est de la même manière dépourvu de caractère distinctif pour les services suivants de la classe 9 "Applications logicielles de recrutement de travailleurs salariés et intérimaires; Application mobile de mise en relation d'employeurs et de travailleurs ou de candidats salariés ou intérimaires; Bases de données informatiques permettant la saisie, le stockage, le traitement et la communication de données concernant l'exploitation d'un service d'intérim; Applications mobiles, logiciels et bases de données informatiques permettant l'évaluation et la formation de travailleurs intérimaires; Applications mobiles et logiciels téléchargeables de gestion des ressources humaines.", de la classe 35 "Services d'intérim et de travail temporaire; placement de personnel permanent et d'intérimaires; recherche de données dans des fichiers informatiques pour des tiers; services de conseils et d'assistance en matière de gestion de personnel; services de recherche et recrutement de personnel permanent et intérimaire; services d'intermédiation commerciale [conciergerie]; portage salarial; rédaction de curriculum vitae pour des tiers; services de bureaux de placement de personnel permanent et intérimaire; services de sélection et d'évaluation de candidats à un poste permanent ou intérimaire; services de gestion et d'administration du personnel; sélection du personnel par procédés psychotechniques; sélection de personnel par tests et entretiens visant à évaluer les compétences professionnelles; établissement de statistiques; services de sous-traitance [assistance commerciale]; services de gestion de carrière, d'assistance en matière d'emploi, de reclassement professionnel; Services de constitution, gestion, mise à jour et mise à disposition sur internet et applications mobiles de bases de données de profils et de curriculum vitae de travailleurs permanents ou intérimaires; Service de diffusion de petites annonces en matière d'emploi et de recrutement; Services de constitution, gestion, mise à jour et mise à disposition sur internet et applications mobiles de bases de données d'opportunités de recrutement; services de mise en relation d'employeurs et de travailleurs permanents ou intérimaires; Services de mise à disposition sur internet et application mobile de bases de données d'offres d'emplois permanents ou intérimaires; Mise à disposition d'un site internet permettant la mise en oeuvre de services d'intérim; Mise à disposition d'un site internet de mise en relation d'employeurs et de travailleurs permanents ou intérimaires; services de diffusion de petites annonces en matière d'intérim, d'emploi et de recrutement; services de mise en relation d'employeurs et de personnel permanent ou intérimaire par le biais de réseaux de communication mobiles, d'internet, et d'applications mobiles; services d'évaluation et de bilan de compétences professionnelles." de la classe 38 " fourniture d'accès à des bases de données dans le domaine de l'emploi et du recrutement; services de communications en matière d'intérim, d'emploi et de recrutement de personnel; transmission d'information en matière d'intérim, d'emploi et de recrutement; mise à disposition de forums, de services de messagerie, ou de transmission de fichiers en vue de la mise en oeuvre de services d'intérim, d'emploi et de recrutement;" de la classe 41 "Services de formation professionnelle; organisation et conduite d'ateliers de formation; conseil en matière de formation; Services de coaching professionnel; information en matière de formations;" et de la classe 42 "Services d'instruction en matière commerciale et de traitement de données; services de formation du personnel.élaboration (conception), hébergement, installation, maintenance, mise à jour ou location d'applications mobiles et de sites internet offrant des services dans le domaine du recrutement et de l'intérim; élaboration (conception), hébergement, installation, maintenance, mise à jour ou location d'applications mobiles et de sites internet permettant le partage de commentaires et de contenus entre utilisateurs; programmation pour ordinateurs; stockage électronique de données; Mise à disposition d'une application mobile permettant la mise en oeuvre de services d'intérim; Mise à disposition d'une application mobile de mise en relation d'employeurs et de travailleurs permanents ou intérimaires; Mise à disposition d'une application mobile permettant l'évaluation de travailleurs par des employeurs; Mise à disposition d'une application mobile permettant l'évaluation d'employeurs par des travailleurs." visés à l'enregistrement de la marque de l'Union européenne no015055882.
6o) Sur la nullité pour défaut de caratère distinctif des marques "Staffme"

Moyen des parties

La société Staffmatch sollicite, à titre subsidiaire et pour le cas où ses marques seraient annulées pour ce motif, la nullité des marques françaises « STAFFME » pour défaut de caractère distinctif, soutenant que le terme « STAFFME » signifie « Donne-moi du personnel » ou « Donne-moi du travail ». À titre subsidiaire elle soutient que la marque est descriptive, la société intervenant dans le recrutement.

La société Staffme et M. [H] répliquent que leur marque est composée d'une suite ininterrompue de 7 lettres qui n'a pas de signification ordinaire et évidente en langue française, que le public français pourra prononcer de plusieurs façons (Staffmeu ou Staffm) et que ces différents modes de prononciation supposent un examen cognitif qui ne résulte pas de la simple lecture du signe en langue française, ce qui écarte l'absence de caractère distinctif. Elle rappelle que le terme « donne » est absent du signe Staffme et soutient que le signe ne décrit pas une caractéristique d'un produit ou d'un service désigné par la marque. Elle demande par conséquent le rejet de la demande.

Appréciation du tribunal

Les mêmes règles que celles rappelées ci-dessus (cf 5o) s'appliquent ici.

Et de la même manière que précédemment, il doit être retenu que le néologisme "Staffme", que le public pertinent, quoique francophone, prononcera "stafmi" (et non "stafmeu" ou "stafm"), s'agissant d'un public plutôt jeune, le service proposé par la société défenderesse étant entièrement digital, ne crée pas une impression suffisamment éloignée des termes "Staff" et "me" envisagés séparément et dont le public pertinent connaît la signification (de manière plus évidente encore que s'agissant du terme "match"), à savoir "personnel" et "moi", qu'il traduira par "donne moi du personnel", voire "donne moi du travail". Le public pertinent comprend ainsi immédiatement que le service proposé vise à la mise en relation de personnel avec des entreprises utilisatrices.

Il en résulte que la marque no4292648 doit être annulée en ce qu'elle est dépourvue de distinctivité pour désigner en classe 35 les "services de bureaux de placement ; portage salarial" et que la marque no4269449 doit l'être en ce qu'elle est de la même manière dépourvue de caractère distinctif pour désigner 35 les "services de bureaux de placement ; portage salarial".

7o) Sur la nullité du dessin et modèle français no2015 0954-001

Moyens des parties

La société Staffme soutient que le dessin est décrit comme déposé en couleur, tandis qu'il figure en noir et blanc au dépôt, ce qui constitue selon elle une contradiction entrainant sa nullité. Elle ajoute que ce dessin est nul pour défaut de caractère propre au regard du dépôt préexistant de la marque « StaffMatch ».

La société Staffmatch réplique que l'erreur matérielle ne peut constituer une contradiction justifiant la nullité du dessin et modèle et soutient que les défenderesses ne produisent aucun dessin ou modèle ou aucune marque antérieure produisant une impression globale similaire à l'impression produite par le dessin.

Appréciation du tribunal

Selon l'article L.511-2 du code de la propriété intellectuelle, "Seul peut être protégé le dessin ou modèle qui est nouveau et présente un caractère propre."

L'article L. 511-4 de ce même code prévoit que "Un dessin ou modèle a un caractère propre lorsque l'impression visuelle d'ensemble qu'il suscite chez l'observateur averti diffère de celle produite par tout dessin ou modèle divulgué avant la date de dépôt de la demande d'enregistrement ou avant la date de priorité revendiquée.
Pour l'appréciation du caractère propre, il est tenu compte de la liberté laissée au créateur dans la réalisation du dessin ou modèle."

Il est relevé que l'erreur sur la couleur du dépôt pourrait tout au plus s'analyser en un défaut de clarté du modèle, lequel ne figure pas au rang des motifs de nullité, ainsi que le relève à juste titre la société demanderesse. Force est en outre de constater que la marque verbale "Staffmatch" produit sur l'utilisateur averti une impression visuelle d'ensemble différente du dessin reproduit ci-dessous :

Le dessin doit donc être considéré comme valable.

8o) Sur la contrefaçon

a - de marques :

Selon l'article L.713-2 du code de la propriété intellectuelle, "Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services : (...)
2o D'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association du signe avec la marque."

L'existence d'un risque de confusion dans l'esprit du public doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce (arrêt SABEL, Aff. C-251/95 du 11 novembre 1997 ; et l'arrêt [T] [N] [K] et Co. GmbH contre Klijsen Handel BV, Aff. C-342/97 du 22 juin 1999). Cette appréciation globale implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte, et notamment la similitude des marques et celle des produits ou services couverts. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou services couverts peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement.

Il est en effet indispensable d'interpréter la notion de similitude en relation avec le risque de confusion dont l'appréciation, quant à elle, dépend notamment de la connaissance de la marque sur le marché et du degré de similitude entre la marque et le signe et entre les produits ou services désignés (arrêt Canon du 29 septembre 1998, Aff. C-39/97).

En l'occurrence, l'annulation des marques dans les classes de services relatifs au portage salarial et à l'intérim, la similitude moyenne des signes, de même que la faible notoriété du signe "Staffmatch", ne peuvent que conduire au rejet des demandes au titre de la contrefaçon de marques faute d'identité et même de similarité des services, de sorte que tout risque de confusion apparaît exclu.

b - de modèle :

Selon l'article L.513-5 du code de la propriété intellectuelle, "La protection conférée par l'enregistrement d'un dessin ou modèle s'étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l'observateur averti une impression visuelle d'ensemble différente."

Par un arrêt du 20 octobre 2011, C-281/10, Pepsi Co, Inc. contre Grupo Promer Mon Graphic SA., la Cour de Justice de l'Union européenne a dit pour droit que la notion d'utilisateur averti doit être comprise comme une notion intermédiaire entre celle de consommateur moyen, applicable en matière de marques, auquel il n'est demandé aucune connaissance spécifique et qui en général n'effectue pas de rapprochement direct entre les marques en conflit, et celle d'homme de l'art, expert doté de compétences techniques approfondies. Ainsi, la notion d'utilisateur averti peut s'entendre comme désignant un utilisateur doté non d'une attention moyenne mais d'une vigilance particulière, que ce soit en raison de son expérience personnelle ou de sa connaissance étendue du secteur considéré.

Il résulte en l'occurrence de la comparaison du dessin avec les signes "Staffme" que ces derniers ne peuvent être considérés comme produisant sur l'observateur averti une même impression visuelle d'ensemble. La contrefaçon apparaît donc exclue.

9o) Sur la concurrence déloyale et parasitaire

Moyens des parties

La société Staffmatch soutient que la société Staffme s'est rendue coupable de concurrence déloyale par l'exploitation du signe "STAFFME" qui constitue une imitation manifeste de sa dénomination sociale "STAFFMATCH" ainsi que de son nom de domaine. Elle ajoute que cette société a également copié sa stratégie de développement, créant un risque évident de confusion. Elle souligne que l'action en concurrence déloyale lui est ouverte même en l'absence de droit de propriété incorporelle sur les signes utilisés pour l'exploitation de son activité.

La société Staffme réplique que leurs fonctionnements, leurs statuts, leurs clientèles et leurs signes distinctifs sont différents et que les demandeurs ne visent qu'à échapper au jeu normal de la concurrence.

Appréciation du tribunal

Aux termes des articles 1240 et 1241 du code civil, "Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer." et "Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence."

Au visa de ces deux textes, il est constamment jugé que la liberté du commerce autorise tout acteur économique à attirer vers lui la clientèle de son concurrent. Aussi, l'imitation d'un concurrent n'est, en tant que telle, pas fautive, à moins que ne soient utilisés des procédés illicites ou contraires aux usages loyaux du commerce.

De même, l'action en concurrence déloyale peut être intentée y compris par celui qui ne peut seprévaloir d'un droit privatif (Cass. Com., 12 juin 2007, pourvoi no 05-17.349 ; Cass. Civ. 1ère, 20 mars 2007, pourvoi no 06-11.657 ; Com., 22 octobre 2002, pourvoi no 00-14.849 ; 6 décembre 1984, pourvoi no 82-16.828).

A cet égard, les procédés consistant, par imitation des signes d'un concurrent, à créer dans l'esprit du public une confusion de nature à tromper la clientèle et la détourner, caractérisent des actes de concurrence déloyale.

L'appréciation de la faute doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits en prenant en compte le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de l'imitation, l'ancienneté du signe imité, l'originalité ou la notoriété du signe copié.

Est de la même manière fautif le fait, pour un agent économique, de s'immiscer dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire particulier (Cass. Com., 26 janvier 1999, pourvoi no 96-22.457 ; Cass. Com., 10 septembre 2013, pourvoi no 12-20.933), ce qui constitue un acte de parasitisme.

Le tribunal ne peut que constater ici que le signe "StaffMatch" jouit d'une notoriété très relative, tandis que ce même signe a été considéré comme non distinctif pour désigner les services de portage salarial et de mise à disposition de salariés intérimaires, qui constituent l'activité du groupe demandeur.

En outre, le signe constitué d'une poignée de mains, en supposant qu'il soit exploité, apparaît totalement dépourvu d'originalité, étant abondamment utilisé par de nombreuses autres entreprises ainsi que le démontrent les défendeurs. Il ne peut davantage être considéré comme déloyal pour un concurrent de développer, comme les demandeurs, une activité totalement digitalisée ou dirigée vers les étudiants. Aucune déloyauté n'est donc caractérisée, non plus qu'aucun investissement individualisable et à ce titre protégeable en application des règles de la responsabilité civile délictuelle de droit commun.

Les demandes au titre de la concurrence déloyale et parasitaire formées par les sociétés Staffmatch ne peuvent donc qu'être rejetées.

10o) Dispositions finales

Les succès et échecs respectifs des parties en leurs prétentions commandent de rejeter leurs demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Il y a lieu en revanche de considérer ici les demandeurs comme partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile et de les condamner in solidum aux dépens, ainsi qu'à payer aux défendeurs, sous la même solidarité imparfaite, la somme de 5.000 euros chacun par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, l'exécution provisoire sera ordonnée sauf en ce qui concerne la transcription au registre des marques.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort,

Le tribunal,

Déclare irrecevables les demandes fondées sur la contrefaçon de droits d'auteur formées par les sociétés STAFFMATCH et STAFFMATCH FRANCE 1 ;

Prononce l'annulation de la marque verbale française "Staffmatch" no 4 123 711 pour défaut de caractère distinctif pour désigner les services suivants de la classe 35 : "bureaux de placement ; portage salarial " ;

Prononce l'annulation de la marque verbale de l'Union européenne "Staffmatch" no015055882 pour défaut de caractère distinctif pour désigner les services suivants de la classe 9 : "Applications logicielles de recrutement de travailleurs salariés et intérimaires; Application mobile de mise en relation d'employeurs et de travailleurs ou de candidats salariés ou intérimaires; Bases de données informatiques permettant la saisie, le stockage, le traitement et la communication de données concernant l'exploitation d'un service d'intérim; Applications mobiles, logiciels et bases de données informatiques permettant l'évaluation et la formation de travailleurs intérimaires; Applications mobiles et logiciels téléchargeables de gestion des ressources humaines.",
de la classe 35 : "Services d'intérim et de travail temporaire; placement de personnel permanent et d'intérimaires; recherche de données dans des fichiers informatiques pour des tiers; services de conseils et d'assistance en matière de gestion de personnel; services de recherche et recrutement de personnel permanent et intérimaire; services d'intermédiation commerciale [conciergerie]; portage salarial; rédaction de curriculum vitae pour des tiers; services de bureaux de placement de personnel permanent et intérimaire; services de sélection et d'évaluation de candidats à un poste permanent ou intérimaire; services de gestion et d'administration du personnel; sélection du personnel par procédés psychotechniques; sélection de personnel par tests et entretiens visant à évaluer les compétences professionnelles; établissement de statistiques; services de sous-traitance [assistance commerciale]; services de gestion de carrière, d'assistance en matière d'emploi, de reclassement professionnel; Services de constitution, gestion, mise à jour et mise à disposition sur internet et applications mobiles de bases de données de profils et de curriculum vitae de travailleurs permanents ou intérimaires; Service de diffusion de petites annonces en matière d'emploi et de recrutement; Services de constitution, gestion, mise à jour et mise à disposition sur internet et applications mobiles de bases de données d'opportunités de recrutement; services de mise en relation d'employeurs et de travailleurs permanents ou intérimaires; Services de mise à disposition sur internet et application mobile de bases de données d'offres d'emplois permanents ou intérimaires; Mise à disposition d'un site internet permettant la mise en oeuvre de services d'intérim; Mise à disposition d'un site internet de mise en relation d'employeurs et de travailleurs permanents ou intérimaires; services de diffusion de petites annonces en matière d'intérim, d'emploi et de recrutement; services de mise en relation d'employeurs et de personnel permanent ou intérimaire par le biais de réseaux de communication mobiles, d'internet, et d'applications mobiles; services d'évaluation et de bilan de compétences professionnelles." de la classe 38 " fourniture d'accès à des bases de données dans le domaine de l'emploi et du recrutement; services de communications en matière d'intérim, d'emploi et de recrutement de personnel; transmission d'information en matière d'intérim, d'emploi et de recrutement; mise à disposition de forums, de services de messagerie, ou de transmission de fichiers en vue de la mise en oeuvre de services d'intérim, d'emploi et de recrutement;"
de la classe 41 : "Services de formation professionnelle; organisation et conduite d'ateliers de formation; conseil en matière de formation; Services de coaching professionnel; information en matière de formations;"
et de la classe 42 : "Services d'instruction en matière commerciale et de traitement de données; services de formation du personnel.élaboration (conception), hébergement, installation, maintenance, mise à jour ou location d'applications mobiles et de sites internet offrant des services dans le domaine du recrutement et de l'intérim; élaboration (conception), hébergement, installation, maintenance, mise à jour ou location d'applications mobiles et de sites internet permettant le partage de commentaires et de contenus entre utilisateurs; programmation pour ordinateurs; stockage électronique de données; Mise à disposition d'une application mobile permettant la mise en oeuvre de services d'intérim; Mise à disposition d'une application mobile de mise en relation d'employeurs et de travailleurs permanents ou intérimaires; Mise à disposition d'une application mobile permettant l'évaluation de travailleurs par des employeurs; Mise à disposition d'une application mobile permettant l'évaluation d'employeurs par des travailleurs" ;

Prononce l'annulation de la marque verbale française "StaffMe" no4292648 pour défaut de caractère distinctif pour désigner en classe 35 les services suivants : "services de bureaux de placement ; portage salarial" ;

Prononce l'annulation de la marque semi-figurative française "StaffMe" no4269449 pour défaut de caractère distinctif pour désigner en classe 35 les "services de bureaux de placement ; portage salarial";

Dit que la présente décision, une fois passée en force de chose jugée, sera transmise à l'INPI aux fins de transcription au Registre des Marques à l'initiative de la partie la plus diligente ;

Rejette les demandes des sociétés STAFFMATCH et STAFFMATCH FRANCE 1 fondées sur la contrefaçon de marques et de dessin français (interdiction, publication de la décision, paiement de dommages-intérêts) ;

Rejette les demandes des sociétés STAFFMATCH et STAFFMATCH FRANCE 1 fondées sur la concurrence déloyale et parasitaire ;

Rejette les demandes formées, tant par les sociétés STAFFMATCH et STAFFMATCH FRANCE1, que par la société STAFFME au titre de l'abus de procédure ;

Condamne les sociétés STAFFMATCH et STAFFMATCH FRANCE 1 et M. [G] in solidum aux dépens et autorise Maître Thibault Lancrenon, avocat, à recouvrer directement ceux dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu provision conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Condamne les sociétés STAFFMATCH et STAFFMATCH FRANCE 1 et M. [G] in solidum à payer à la société STAFFME et à M. [H] la somme de 5.000 euros chacun par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision sauf en ce qui concerne la transcription au registre des marques.

Fait et jugé à Paris le 05 avril 2022.

LA GreffièreLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Ct0196
Numéro d'arrêt : 18/3307
Date de la décision : 05/04/2022

Analyses

x


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2022-04-05;18.3307 ?
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