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01/04/2022 | FRANCE | N°20/9343

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Ct0196, 01 avril 2022, 20/9343


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre 2ème section

No RG 20/09343 - No Portalis 352J-W-B7E-CS3LU

No MINUTE :

Assignation du :
28 Septembre 2020

JUGEMENT
rendu le 01 Avril 2022
DEMANDERESSE

S.A.S. TOKYO EXPLOITATION
[Adresse 1]
[Localité 4]

représentée par Maître Berengère BRISSET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G0384

DÉFENDERESSES

S.A.R.L. 1801 MONSIEUR BLEU91 route d'Annecy
Chavoires
[Localité 9]

S.A.S. GDP VENDOME
[Adresse 2]
[Localité 3]

représentées pa

r Maître Christophe CARON de l'AARPI Cabinet Christophe CARON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0500

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Catherine OSTENGO...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre 2ème section

No RG 20/09343 - No Portalis 352J-W-B7E-CS3LU

No MINUTE :

Assignation du :
28 Septembre 2020

JUGEMENT
rendu le 01 Avril 2022
DEMANDERESSE

S.A.S. TOKYO EXPLOITATION
[Adresse 1]
[Localité 4]

représentée par Maître Berengère BRISSET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G0384

DÉFENDERESSES

S.A.R.L. 1801 MONSIEUR BLEU91 route d'Annecy
Chavoires
[Localité 9]

S.A.S. GDP VENDOME
[Adresse 2]
[Localité 3]

représentées par Maître Christophe CARON de l'AARPI Cabinet Christophe CARON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0500

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Catherine OSTENGO, Vice-présidente
Madame Elise MELLIER, Juge
Madame Linda BOUDOUR, Juge

assisté de Monsieur Quentin CURABET, Greffier

DÉBATS

A l'audience du 11 Février 2022 tenue en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 01 Avril 2022.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

La SAS TOKYO EXPLOITATION exploite depuis avril 2013 un restaurant à l'enseigne « MONSIEUR [K] » dans l'enceinte du Palais de Tokyo sis à PARIS.

Elle est titulaire de la marque semi-figurative française « MONSIEUR [K] » no3986414, déposée le 27 février 2013, pour désigner des services en classes 41 et 43 :

La SARL 1801 MONSIEUR [K], dont Monsieur [C] [I] est le gérant, exploite un restaurant à l'enseigne « I80I MONSIEUR [K] » sis à [Adresse 8]), sur les bords du lac d'[Localité 5] :

La SAS GDP VENDOME, dont Monsieur [C] [I] est le président, est l'associée unique de la SARL 1801 MONSIEUR [K].

Elle est titulaire de la marque verbale française « 1801 MONSIEUR [K] » no4654951, déposée le 9 juin 2020 pour désigner des services en classes 41 et 43.

Ayant appris, en juillet 2020, l'ouverture du restaurant à l'enseigne « I80I MONSIEUR [K] » sis à [Adresse 8] exploité par la SARL 1801 MONSIEUR [K] ainsi que le dépôt de la marque verbale française « 1801 MONSIEUR [K] » no4654951 par la SAS GDP VENDOME, par courrier recommandé de son conseil du 13 juillet 2020, la SAS TOKYO EXPLOITATION les a mis en demeure de modifier l'enseigne dudit restaurant et de cesser l'utilisation du signe « MONSIEUR [K] » pour les services des classes 41 et 43.

La mise en demeure a été réitérée par courrier simple du 31 juillet 2020.

Aucune réponse n'a été donnée à ces deux courriers.

C'est dans ces circonstances que par exploit d'huissier du 28 septembre 2020, la SAS TOKYO EXPLOITATION a fait assigner la SAS GDP VENDOME et la SARL 1801 MONSIEUR [K] devant le tribunal judiciaire de PARIS.

Par procès-verbal des décisions de l'associé unique du 4 janvier 2021, la SARL 1801 MONSIEUR [K] a adopté les termes « [K] 1801 » comme nouvelle dénomination sociale.

Le 19 mars 2021, la SAS GDP VENDOME a déposé la marque verbale française « [K] 1801 » no214745684 pour désigner des services en classes 41 et 43.

Par déclaration de renonciation reçue à l'INPI le 28 mai 2021, la SAS GDP VENDOME a par ailleurs renoncé à la marque verbale française « 1801 MONSIEUR [K] » no4654951 pour l'intégralité des services et classes.

***

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 21 septembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la SAS TOKYO EXPLOITATION demande au tribunal de :

« Vu les articles L. 713-1, L. 713-3-1, L.716-1 et L.714-4-10 et suivants du code de la propriété intellectuelle,
Vu les articles 1240 et 1241 du code civil,

- DÉCLARER la société TOKYO EXPLOITATION recevable et bien fondée en ses demandes,

A titre principal,
- DIRE ET JUGER que les sociétés 1801 MONSIEUR [K] et GDP VENDOME se sont rendues coupables d'actes de contrefaçon par imitation de la marque MONSIEUR [K] numéro 13 3986 414.

En conséquence,
- ORDONNER :
- à la société 1801 MONSIEUR [K] de produire aux débats une attestation d'un expert-comptable relative au chiffre d'affaires et au résultat réalisé depuis l'ouverture de l'établissement d'[Localité 5],
- à la société 1801 MONSIEUR [K] et à la société GDP VENDOME l'éventuel contrat de licence de marque conclu entre les deux entités.
- CONDAMNER solidairement les sociétés 1801 MONSIEUR [K] et GDP VENDOME à verser à la société TOKYO EXPLOITATION la somme provisionnelle de 250.000 euros en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon ;

A titre subsidiaire,
- DIRE ET JUGER que les sociétés 1801 MONSIEUR [K] et GDP VENDOME ont commis des actes de parasitisme au préjudice de la société TOKYO EXPLOITATION ;

En conséquence,
- CONDAMNER :
- la société 1801 MONSIEUR [K], au paiement de la somme provisionnelle de 200.000 euros en réparation du préjudice subi du fait des actes de parasitisme,
- la société GDP VENDOME au paiement de la somme provisionnelle de 50.000 euros en réparation du préjudice subi du fait des actes de parasitisme ;

En tout état de cause,
- PRONONCER la nullité de la marque verbale française1801 MONSIEUR [K] numéro 4654951.
En conséquence,
- DIRE ET JUGER que le jugement à intervenir sera transmis au greffe de l'INPI aux fins d'inscription au registre national des marques et autoriser la société TOKYO EXPLOITATION à accomplir cette formalité au besoin.
- FAIRE INTERDICTION aux sociétés 1801 MONSIEUR [K] et GDP VENDOME d'utiliser de quelque façon que ce soit les termes MONSIEUR [K] et 1801- MONSIEUR [K] pour désigner et/ou commercialiser des produits et services couverts par l'enregistrement de la marque MONSIEUR [K] numéro 13 3986 414 et ce sous astreinte de 5.000 euros par jour et par infraction constatée et ce, à compter du prononcé du jugement, le tribunal de céans se réservant le droit de procéder directement à la liquidation de l'astreinte.

- ORDONNER la publication du dispositif du jugement à intervenir, et ce sous astreinte définitive de 500 euros par jour de retard, le tribunal se réservant le droit de liquider l'astreinte directement :
- dans dix publications (journaux, magazines ou sites internet) au choix de la société TOKYO EXPLOITATION et aux frais solidaires des sociétés défenderesses, sans que le coût de chacune des publications n'excède la somme de 5.000 euros (cinq mille euros).
- sur la page d'accueil du site internet accessible à l'adresse [06], pendant une durée de 6 mois (six mois), à compter de la date de signification de la décision à intervenir, dans un encart qui ne saurait être inférieur à 20 cm2, et dans une police de tailles 12.

- CONDAMNER solidairement les sociétés 1801 MONSIEUR [K] et GDP VENDOME à verser à la société TOKYO EXPLOITATION la somme de 20.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- CONDAMNER solidairement les sociétés 1801 MONSIEUR [K] et GDP VENDOME au remboursement des entiers dépens de la présente instance, qui comprendront les frais de constat et de commande de documents au registre du commerce et des sociétés, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, dont distraction au profit de Maître Bérengère BRISSET ».

*

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 1er décembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la SAS GDP VENDOME et la SARL 1801 MONSIEUR [K], devenue SARL [K] 1801, demandent au tribunal de :

« Vu, à titre principal, l'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle,
Vu, à titre subsidiaire, l'article 1240 du code civil,

A titre principal,
- DIRE ET JUGER que le seul dépôt de la marque litigieuse par la société GDP VENDOME ne constitue pas un acte de contrefaçon de marque ;
- DIRE ET JUGER que les conditions de la contrefaçon de droit des marques par imitation ne sont pas réunies dès lors que les signes litigieux sont différents visuellement, phonétiquement et conceptuellement ;
- DIRE ET JUGER que la société TOKYO EXPLOITATION ne démontre l'existence d'aucun risque de confusion entre les signes en cause, d'autant plus que le sigle « 1801 » est dominant et que les défenderesses font de ce signe un usage très différent ;
- DIRE ET JUGER, en tout état de cause, que la société TOKYO EXPLOITATION n'a subi aucun préjudice durant les 74 jours d'ouverture du restaurant sous cette dénomination ;

En conséquence,
- DEBOUTER la société TOKYO EXPLOITATION de l'ensemble de ses réclamations fondées sur la contrefaçon de marque et, en tout état de cause, la DEBOUTER de toutes ses réclamations indemnitaires et en nature ;

A titre subsidiaire,
- DIRE ET JUGER que la société GDP VENDOME ne réalise aucun acte de parasitisme car elle n'exploite pas le restaurant « [K] 1801 » ;
- DIRE ET JUGER que les conditions du parasitisme ne sont pas réunies dès lors que la société TOKYO EXPLOITATION ne démontre pas l'existence d'une valeur économique individualisée qui résulte de son propre savoir-faire, de son travail intellectuel et de ses investissements; la captation et l'utilisation de cette valeur économique qui procureraient un avantage concurrentiel au profit des défenderesses ; et, enfin, le caractère intentionnel de cette prétendue captation ;
- DIRE ET JUGER, qu'en tout état de cause, la société TOKYO EXPLOITATION n'a subi aucun préjudice ;

En conséquence,
-DEBOUTER la société TOKYO EXPLOITATION de l'intégralité de ses réclamations au titre du parasitisme et la DEBOUTER de toutes ses réclamations indemnitaires et en nature ;

En tout état de cause,
- DEBOUTER la société TOKYO EXPLOITATION de toutes ses réclamations à l'encontre de la société GDP VENDOME sur le fondement de la contrefaçon de marque ainsi que sur le fondement du parasitisme ;
- DEBOUTER la société TOKYO EXPLOITATION de sa demande de communication d'informations portant sur le chiffre d'affaires (et le résultat) de l'établissement, dès lors qu'il a été communiqué spontanément par les défenderesses et la DEBOUTER de sa demande de communication de licence de marque qui n'existe pas ;
- DEBOUTER la société TOKYO EXPLOITATION de sa demande de nullité de marque et de sa demande d'interdiction d'usage du signe « 1801 MONSIEUR [K] » ;
- DEBOUTER la société TOKYO EXPLOITATION de toutes ses réclamations, de ses demandes de publications judiciaires et de toutes ses réclamations indemnitaires et en nature ;
- REJETER l'exécution provisoire ;
- CONDAMNER la demanderesse au versement de la somme de 20 000 euros au titre des frais irrépétibles que les défenderesses ont été contraintes d'engager dans la présente procédure, ainsi que des entiers dépens qui seront recouvrés directement par le Cabinet Christophe CARON, conformément à l'article 699 du code de procédure civile ».

***

L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 décembre 2021.

L'affaire a été fixée à l'audience de plaidoiries du 11 février 2022 et mise en délibéré au 1er avril 2022.

Les parties ayant régulièrement constitué avocat, le présent jugement, rendu en premier ressort, sera contradictoire en application de l'article 467 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

1- Sur la contrefaçon de marque à titre principal

La SAS TOKYO EXPLOITATION soutient que le dépôt de la marque verbale française « 1801 MONSIEUR [K] » no4654951 par la SAS GDP VENDOME et l'usage par la SARL 1801 MONSIEUR [K], devenue SARL [K] 1801, du signe « 1801 MONSIEUR [K] » à titre de dénomination sociale et du signe « I80I MONSIEUR [K] » à titre d'enseigne du restaurant qu'elle exploite et sur son site internet etlt;www.1801-monsieur-bleu.fretgt;, constituent des actes de contrefaçon par imitation de la marque semi-figurative française « MONSIEUR [K] » no3986414 dont elle est titulaire.

En réplique, la SAS GDP VENDOME et la SARL 1801 MONSIEUR [K] font valoir que :
- le seul dépôt de la marque verbale française « 1801 MONSIEUR [K] » no4654951 n'est pas contrefaisant ;
- les signes litigieux « 1801 MONSIEUR [K] » et « I80I MONSIEUR [K] » sont différents visuellement, phonétiquement et conceptuellement, écartant alors tout risque de confusion pour le consommateur d'attention moyenne, de sorte que la contrefaçon par imitation alléguée n'est pas caractérisée.

Sur ce,

L'article L. 713-1 alinéa 1er du code de la propriété intellectuelle dispose que l'enregistrement de la marque confère à son titulaire un droit de propriété sur cette marque pour les produits ou services qu'il a désignés.

Aux termes de l'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle, est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :
1o D'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;
2o D'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association du signe avec la marque.

Selon l'article L. 716-4 du code de la propriété intellectuelle, l'atteinte portée au droit du titulaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits attachés à la marque la violation des interdictions prévues à l'article L. 713-2 du même code.

La marque et le signe litigieux ne constituant pas une reproduction à l'identique de la marque opposée, la demande doit être examinée au regard des dispositions de l'article L. 713-2, 2o du code de la propriété intellectuelle.

La contrefaçon s'apprécie par les ressemblances et non par les différences.

Dès lors, il y a lieu plus particulièrement de rechercher si, au regard d'une appréciation des degrés de similitude entre les signes et entre les produits et/ou services désignés, il existe un risque de confusion dans l'esprit du public concerné.

En l'espèce, le public pertinent pour apprécier l'existence d'une contrefaçon est le consommateur de services de restauration et de bar recherchant des prestations haut de gamme.

1.1- Sur la marque verbale litigieuse « 1801 MONSIEUR [K] » no4654951

Le titulaire d'une marque enregistrée ne peut interdire l'usage par un tiers d'un signe similaire à sa marque que si cet usage a lieu dans la vie des affaires, est fait sans le consentement du titulaire de la marque, est fait pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque a été enregistrée et, en raison de l'existence d'un risque de confusion dans l'esprit du public, porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte à la fonction essentielle de la marque qui est de garantir aux consommateurs la provenance du produit ou du service (CJUE, 3 mars 2016, Daimler, C-179/15, points 26 et 27).

La demande d'enregistrement d'un signe en tant que marque, même lorsqu'elle est accueillie, ne caractérise pas un usage pour des produits ou des services, au sens de la jurisprudence de la CJUE, en l'absence de tout début de commercialisation de produits ou services sous le signe. De même, en pareil cas, aucun risque de confusion dans l'esprit du public et, par conséquent, aucune atteinte à la fonction essentielle d'indication d'origine de la marque, ne sont susceptibles de se produire (Cass. com., 13 octobre 2021, no19-20.959).

En l'espèce, le dépôt de la marque verbale française « 1801 MONSIEUR [K] » no4654951 ne constituant pas à lui seul un acte de contrefaçon, et faute de caractériser et établir un quelconque acte de contrefaçon de la marque qu'elle oppose à la SAS GDP VENDOME dont il n'est fait état d'aucune commercialisation de produits ou fourniture de services sous ce signe à titre personnel, la SAS TOKYO EXPLOITATION sera déboutée de ses demandes formées à son encontre au titre de la contrefaçon de marque.

1.2- Sur les signes litigieux «1801 MONSIEUR [K] » et « I80I MONSIEUR [K] »

1.2.1- Sur la comparaison des services

La marque semi-figurative française « MONSIEUR [K] » no3986414 est enregistrée pour désigner notamment les services suivants en classe 43 : « cafés-restaurants ; services de restaurants et bars ; services de traiteurs [aliments et boissons] ».

Il ressort des extraits K-bis, du procès-verbal de constat d'huissier, des photographies et extraits de sites internet non contestés versés aux débats que la SARL 1801 MONSIEUR [K], devenue SARL [K] 1801, a une activité de « bar, restaurant, pizzeria » à [Localité 9] et a fait usage du signe litigieux « 1801 MONSIEUR [K] » à titre de dénomination sociale et du signe litigieux « I80I MONSIEUR [K] » à titre d'enseigne, sur le menu du restaurant et sur son site internet etlt;www.1801-monsieur-bleu.fretgt;. Ces usages sont étroitement liés à la fourniture de ses services de restaurant, bar et pizzeria.

Au regard des services visés dans l'enregistrement de la marque semi-figurative opposée par la SAS TOKYO EXPLOITATION et des services fournis par la SARL 1801 MONSIEUR [K], les services en cause seront considérés comme identiques.

1.2.2- Sur la comparaison des signes

La marque no3986414 opposée par la SAS TOKYO EXPLOITATION porte sur le signe semi-figuratif « MONSIEUR [K] » dont les lettres sont inscrites en majuscules sur deux lignes, de façon décalée et en couleur par alternance de vert foncé et bleu ciel.

Pour leur part, les signes litigieux portent sur :
- le vocable « 1801 MONSIEUR [K] » utilisé à titre de dénomination sociale ;
- le vocable « I80I MONSIEUR [K] », utilisé à titre d'enseigne et sur le site internet etlt;www.1801-monsieur-bleu.fretgt;, dont les chiffres « I80I » et les termes « MONSIEUR [K] » inscrits en majuscules, sont séparés d'une ligne par un élément figuratif représentant deux petites vagues.

L'imitation nécessite la démonstration d'un risque de confusion entre les signes, lequel doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce. Cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique et conceptuelle des signes en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par ceux-ci en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants.

Sur le plan visuel, si les signes en cause « MONSIEUR [K] », « 1801 MONSIEUR [K] » et « I80I MONSIEUR [K] » ne présentent ni la même structure ni la même longueur, ils ont en commun l'élément verbal « MONSIEUR [K] » inscrit en lettres majuscules. Par ailleurs, dans le signe « I80I MONSIEUR [K] », même placé en position d'attaque l'élément « I80I » apparaît secondaire puisqu'inscrit en de plus petits caractères que l'élément verbal « MONSIEUR [K] », lequel est l'élément dominant retenant l'attention du consommateur et distinctif pour désigner des services de restauration et de bar. Il en est de même pour le signe litigieux « 1801 MONSIEUR [K] ». L'élément figuratif représentant deux petites vagues dans le signe litigieux « I80I MONSIEUR [K] » est quant à lui purement décoratif et ne sera pas aisément mémorisable par le public pertinent conservant une mémoire imparfaite du signe. La similitude visuelle est donc moyenne.

Sur le plan phonétique, les signes « MONSIEUR [K] », « 1801 MONSIEUR [K] » et « I80I MONSIEUR [K] » sont prononcés selon un rythme différent, les signes litigieux présentant une prononciation en neuf syllabes et la marque opposée une prononciation en quatre syllabes. La prononciation de l'élément dominant « MONSIEUR [K] » est toutefois identique. La similitude sonore est donc moyenne.

Sur le plan conceptuel, les signes en cause ont en commun l'élément « MONSIEUR [K] », dominant et distinctif, qui évoque une même personne. Les chiffres « 1801 » et « I80I », secondaires dans les signes litigieux, évoquent quant à eux l'année 1801, telle une année de naissance ou une année de création de l'établissement. Si la défenderesse indique que les chiffres « 1801 » correspondent aux jour et mois de naissance de Monsieur [C] [I], cela ne sera pas aisément perçu comme tel par le public pertinent. Conceptuellement, les signes doivent donc être considérés comme proches.

Il résulte de tout ce qui précède qu'outre une identité de services, la similitude entre les signes en cause pris dans leur ensemble entraîne un risque de confusion pour le consommateur d'attention moyenne, lequel pourrait penser que le restaurant à l'enseigne « I80I MONSIEUR [K] » de la SARL 1801 MONSIEUR [K], devenue SARL [K] 1801 postérieurement à l'assignation, est une déclinaison, à VEYRIER DU LAC aux bords du lac d'Annecy, du restaurant à l'enseigne « MONSIEUR [K] » situé au sein du Palais de Tokyo à PARIS, exploité par la SAS TOKYO EXPLOITATION.

Dès lors, en utilisant le signe litigieux « 1801 MONSIEUR [K] » à titre de dénomination sociale, et le signe litigieux « I80I MONSIEUR [K] » à titre d'enseigne et sur son site internet etlt;www.1801-monsieur-bleu.fretgt;, la SARL 1801 MONSIEUR [K], devenue SARL [K] 1801, a commis des actes de contrefaçon par imitation de la marque semi-figurative française « MONSIEUR [K] » no3986414 dont la SAS TOKYO EXPLOITATION est titulaire.

2- Sur la demande en nullité de la marque « 1801 MONSIEUR [K] »

En l'espèce, la SAS GDP VENDOME justifie avoir renoncé à la marque verbale française « 1801 MONSIEUR [K] » no4654951, pour l'intégralité des services et classes visés dans l'enregistrement, par déclaration de renonciation reçue à l'INPI le 28 mai 2021.

La demande en nullité formée par la SAS TOKYO EXPLOITATION est alors sans objet.

3- Sur le parasitisme à titre subsidiaire

La SAS TOKYO EXPLOITATION soutient qu'en utilisant « 1801 MONSIEUR [K] » à titre de dénomination sociale, d'enseigne du restaurant sis à [Adresse 8] et sur le site internet etlt;www.1801-monsieur-bleu.fretgt;, les défenderesses se sont placées dans son sillage et celui de son restaurant parisien « MONSIEUR [K] » afin de profiter indûment, sans bourse délier de sa valeur économique, fruit de ses investissements.

La SAS GDP VENDOME et la SARL 1801 MONSIEUR [K], devenue SARL [K] 1801, qui contestent tout acte de parasitisme, sollicitent le rejet de cette demande.

Sur ce,

L'article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Aux termes de l'article 1241 du code civil, chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

Selon l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Le parasitisme consiste dans le fait pour une personne physique ou morale de profiter volontairement et sans bourse délier des investissements, d'un savoir-faire ou d'un travail intellectuel d'autrui, produisant une valeur économique individualisée et générant un avantage concurrentiel.

Il incombe à celui qui allègue un acte de parasitisme d'établir le savoir-faire ainsi que les efforts humains et financiers consentis par lui et ayant permis la création d'une valeur économique individualisée.

A titre liminaire, il sera observé que les moyens exposés par la SAS TOKYO EXPLOITATION au soutien de sa demande indemnitaire subsidiaire au titre du parasitisme visent « les défenderesses » sans distinction des faits reprochés à l'une et à l'autre.

La demande principale en contrefaçon de marque ayant été accueillie à l'égard de la SARL 1801 MONSIEUR [K], la demande subsidiaire au titre du parasitisme ne sera examinée qu'à l'égard de la SAS GDP VENDOME.

En l'espèce, si la SAS TOKYO EXPLOITATION justifie de dépenses promotionnelles de 2016 à 2020 à hauteur de la somme totale de 1.199.749,82 euros, il n'est pas établi que la SAS GDP VENDOME en a tiré profit ou a eu la volonté de se placer dans son sillage, cette dernière étant une personne morale distincte de la SARL 1801 MONSIEUR [K] qui exploite seule le restaurant sis à [Adresse 8].

A cela s'ajoute que les actes de contrefaçon de marque reprochés à la SARL 1801 MONSIEUR [K] ne peuvent constituer des actes de parasitisme à l'égard de la SAS GDP VENDOME dès lors qu'il n'est pas démontré que cette dernière exploitait personnellement le signe litigieux « I80I MONSIEUR [K] ».

Il s'ensuit que le parasitisme allégué n'est pas établi à l'égard de la SAS GDP VENDOME.

En conséquence, la SAS TOKYO EXPLOITATION sera déboutée de sa demande subsidiaire formée à ce titre.

4- Sur les mesures réparatrices au titre de la contrefaçon

La SAS TOKYO EXPLOITATION, qui fait valoir son droit d'information, sollicite au titre de la contrefaçon le paiement de la somme de 250.000 euros à titre provisionnel en réparation de son préjudice moral résultant de la dilution et de la banalisation de sa marque. Elle souligne que l'usage du signe litigieux « I80I MONSIEUR [K] » pendant 74 jours n'a cessé qu'en raison des mesures sanitaires de fermeture des restaurants, la mise en demeure adressée par courrier recommandé de son conseil du 13 juillet 2020 ayant été vaine.

La SARL 1801 MONSIEUR [K], qui conteste le préjudice allégué par la SAS TOKYO EXPLOITATION tant dans son principe que dans son quantum, fait valoir que cette dernière n'a pas subi de préjudice dès lors que l'exploitation du signe litigieux « I80I MONSIEUR [K] » n'a duré que 74 jours, le restaurant ayant fermé du 17 septembre 2020 au 27 mai 2021 en raison de la crise sanitaire et rouvert le 27 mai 2021 sous la dénomination « [K] 1801 ».

Sur ce,

L'article L. 716-4-10 du code de la propriété intellectuelle dispose que pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :
1o Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
2o Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3o Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon ;
Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée.

En l'espèce, le préjudice dont fait état la demanderesse au titre de la contrefaçon relève du préjudice moral. L'imitation de la marque semi-figurative « MONSIEUR [K] » cause à la SAS TOKYO EXPLOITATION un préjudice moral, résultant de l'avilissement et de la banalisation de sa marque, qui, au regard de la durée des actes contrefaisants, sera indemnisé à hauteur de la somme de 8.000 euros. Par ailleurs, le tribunal disposant des documents et informations nécessaires au chiffrage du préjudice de la demanderesse, il n'y a pas lieu d'allouer cette somme à titre provisionnel ni de faire droit à sa demande de communication d'informations.

Une mesure d'interdiction sera prononcée, en tant que de besoin, selon les modalités précisées au dispositif de la présente décision.

Le préjudice moral de la SAS TOKYO EXPOITATION étant suffisamment réparé par l'octroi de dommages et intérêts, et les défenderesses ayant pour l'une renoncé à sa marque (pièce no16) et pour l'autre modifié ses dénomination sociale, nom commercial et enseigne selon extrait K-bis du 22 mars 2021 (pièce no2.3), la publication du jugement apparaît disproportionnée et sera par conséquent rejetée.

5- Sur les demandes accessoires

5.1- Sur les dépens

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie.

L'article 699 du code de procédure civile dispose que les avocats peuvent, dans les matières où leur ministère est obligatoire, demander que la condamnation aux dépens soit assortie à leur profit du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision. La partie contre laquelle le recouvrement est poursuivi peut toutefois déduire, par compensation légale, le montant de sa créance de dépens.

La SARL 1801 MONSIEUR [K], devenue la SARL [K] 1801, qui succombe seule à l'instance, sera condamnée aux dépens dont distraction au profit de Maître Bérangère BRISSET, avocat au barreau de PARIS, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Les dépens ne comprennent que les seuls débours relatifs à des actes ou procédures judiciaires.

Dès lors, le procès-verbal de constat d'huissier sur internet de Maître BOUVET, huissier de justice à PARIS, n'ayant pas été dressé sur autorisation judiciaire, les frais exposés ne constituent pas des dépens au sens de l'article 695 du code de procédure civile, mais des frais irrépétibles indemnisés au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

5.2- Sur l'article 700 du code de procédure civile

L'article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation.

En l'espèce, l'équité commande de condamner la SARL 1801 MONSIEUR [K], devenue la SARL [K] 1801, à payer à la SAS TOKYO EXPLOITATION la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en ce compris les frais du procès-verbal de constat d'huissier sur internet dressé par Maître BOUVET, huissier de justice à PARIS.

5.3- Sur l'exécution provisoire

Aux termes de l'article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

En l'espèce, la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire et il n'y a pas lieu d'y déroger.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

DIT qu'en utilisant le signe « 1801 MONSIEUR [K] » à titre de dénomination sociale, et le signe « I80I MONSIEUR [K] » à titre d'enseigne et sur son site internet etlt;www.1801-monsieur-bleu.fretgt;, la SARL 1801 MONSIEUR [K], devenue SARL [K] 1801, a commis des actes de contrefaçon par imitation de la marque semi-figurative française « MONSIEUR [K] » no3986414 dont la SAS TOKYO EXPLOITATION est titulaire ;

CONDAMNE la SARL 1801 MONSIEUR [K], devenue SARL [K] 1801, à payer à la SAS TOKYO EXPLOITATION la somme de 8.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral résultant de la contrefaçon ;

FAIT INTERDICTION, en tant que de besoin, à la SARL 1801 MONSIEUR [K], devenue SARL [K] 1801, d'utiliser dans la vie des affaires, sur le territoire français, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, y compris à titre de dénomination sociale, de nom commercial, d'enseigne, à titre de nom de domaine et sur le site internet etlt;www.1801-monsieur-bleu.fretgt;, les signes « 1801 MONSIEUR [K] » et « I80I MONSIEUR [K] » pour offrir ou fournir des services de restaurant, bar et pizzeria ;

DIT que le seul dépôt de la marque verbale française « 1801 MONSIEUR [K] » no4654951 par la SAS GDP VENDOME ne constitue pas un acte de contrefaçon ;

DEBOUTE en conséquence la SAS TOKYO EXPLOITATION de ses demandes principales en contrefaçon de marque formées à l'encontre de la SAS GDP VENDOME ;

DEBOUTE la SAS TOKYO EXPLOITATION de ses demandes de communication d'informations et de publication ;

DIT sans objet la demande de la SAS TOKYO EXPLOITATION en nullité de la marque verbale française « 1801 MONSIEUR [K] » no4654951 à laquelle la SAS GDP VENDOME a renoncé pour l'intégralité des services et classes visés dans l'enregistrement, par déclaration de renonciation reçue à l'INPI le 28 mai 2021 ;

DEBOUTE la SAS TOKYO EXPLOITATION de sa demande indemnitaire subsidiaire formée à l'encontre de la SAS GDP VENDOME au titre du parasitisme ;

CONDAMNE la SARL 1801 MONSIEUR [K], devenue la SARL [K] 1801, à payer à la SAS TOKYO EXPLOITATION la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SARL 1801 MONSIEUR [K], devenue la SARL [K] 1801, aux dépens dont distraction au profit de Maître Bérangère BRISSET, avocat au barreau de PARIS, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire.

Fait et jugé à [Localité 7] le 01 Avril 2022

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Ct0196
Numéro d'arrêt : 20/9343
Date de la décision : 01/04/2022

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2022-04-01;20.9343 ?
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