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22/03/2022 | FRANCE | N°18/14824

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Ct0196, 22 mars 2022, 18/14824


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
3ème section

No RG 18/14824 -
No Portalis 352J-W-B7C-COQ6X

No MINUTE :

Assignation du :
19 Décembre 2018

JUGEMENT
rendu le 22 mars 2022
DEMANDERESSE

S.A.S. MANULATEX FRANCE
[Adresse 5]
[Localité 1]

représentée par Maître Jean-Mathieu BERTHO de l'AARPI JACOBACCI AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, #B0260

DÉFENDERESSES

S.A.S.U. HONEYWELL SAFETY PRODUCTS FRANCE
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 3]

S.A.S.U. HONEYWELL SAFETY PRODUCTS P

LANCHER BAS
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 3]

S.A.S.U. HONEYWELL SAFETY PRODUCTS FRANCHE COMTE
"[Adresse 4]"
[Localité 2]

représentées par Maître A...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
3ème section

No RG 18/14824 -
No Portalis 352J-W-B7C-COQ6X

No MINUTE :

Assignation du :
19 Décembre 2018

JUGEMENT
rendu le 22 mars 2022
DEMANDERESSE

S.A.S. MANULATEX FRANCE
[Adresse 5]
[Localité 1]

représentée par Maître Jean-Mathieu BERTHO de l'AARPI JACOBACCI AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, #B0260

DÉFENDERESSES

S.A.S.U. HONEYWELL SAFETY PRODUCTS FRANCE
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 3]

S.A.S.U. HONEYWELL SAFETY PRODUCTS PLANCHER BAS
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 3]

S.A.S.U. HONEYWELL SAFETY PRODUCTS FRANCHE COMTE
"[Adresse 4]"
[Localité 2]

représentées par Maître Anne-Charlotte LE BIHAN de l'AARPI BIRD et BIRD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0255

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe
Arthur COURILLON-HAVY, juge
Alix FLEURIET, juge

assisté de Lorine MILLE, greffière,

DÉBATS

A l'audience du 26 janvier 2022 tenue en audience publique devant Nathalie SABOTIER et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 22 mars 2022.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort
____________________________

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Manulatex France se présente comme spécialisée dans le développement et la fabrication d'équipements de protection individuelle, notamment destinés à l'industrie agro-alimentaire.

Dans ce cadre, elle expose avoir développé un savoir-faire spécifique dans le domaine des articles en cotte de mailles et avoir en particulier conçu un système de resserrement pour les tissus en cotte de mailles utilisés pour des équipements de protection tels que des gants.

La société Manulatex France est ainsi la titulaire inscrite d'un brevet européen désignant la France ayant pour titre « Article en cotte de mailles équipé d'un organe élastique de resserrement ou de mise en tension », déposé le 5 avril 2007 et dont la délivrance est intervenue sous le no EP 2 003 999 le 22 avril 2015. Ce brevet est issu de la demande internationale PCT WO2007FR51077 et revendique la priorité de la demande française FR 0 603 158 du 10 avril 2006.

Ce brevet est maintenu en vigueur en France par le paiement régulier de ses annuités.

La société Honeywell Safety Products Plancher Bas (HSP Plancher Bas) est quant à elle spécialisée dans le secteur de la métallurgie et la fabrication d'articles de sécurité, et notamment les gants en tissus métalliques.

Avec les sociétés Honeywell Safety Products Franche Comté et Honeywell Safety Products France, elle appartient au groupe Honeywell International, spécialisé dans les équipements de sécurité pour les travailleurs.

Les sociétés Honeywell commercialisent notamment des gants de protection dénommés « Chainexium » qu'elles présentent comme une évolution de leur gamme « Chainexpert », ces gants étant pourvus d'un ressort bobiné au niveau du poignet, relié à la cotte de maille du gant par des anneaux.

Ayant acquis la conviction que ces gants reproduisaient les revendications de son brevet EP 2 003 999, la société Manulatex France a mis en demeure les sociétés Honeywell de cesser toute fabrication et offre à la vente du gant « Chainexium », par lettres du 14 décembre 2012.

Dès le 17 décembre 2012, la société Honeywell Safety Products Plancher Bas a contesté le caractère contrefaisant de son modèle de gant « Chainexium », lequel ne met selon elle pas en oeuvre un ressort plat au sens du brevet.

Par trois ordonnances du 14 novembre 2018, la société Manulatex France a néanmoins été autorisée à faire pratiquer une saisie-contrefaçon aux sièges des sociétés Honeywell Safety Products France, Honeywell Safety Products Plancher Bas et Honeywell Safety Products Franche Comté.

Par actes d'huissier du 19 décembre 2018, la société Manulatex France a fait assigner les mêmes sociétés devant ce tribunal en contrefaçon de son brevet européen EP'999.

Dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 23 juin 2021, la société Manulatex France demande au tribunal, au visa des articles L. 611-1 et suivants, L. 613-1 suivants, L. 615-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle, 54, 56 et 138 1a) et 1b) de la Convention sur le Brevet européen, L. 153-1 et suivants, R. 153-2 à R. 153-10 du code de commerce, 699 et 700 du code de procédure civile, de :

- Rejeter la demande de mise hors de cause de la société HONEYWELL SAFETY PRODUCTS FRANCE ;

- Rejeter la demande des sociétés HONEYWELL SAFETY PRODUCTS FRANCE, HONEYWELL SAFETY PRODUCTS PLANCHER BAS et HONEYWELL SAFETY PRODUCTS FRANCHE COMTE tendant à voir écarter le bénéfice du droit de priorité du brevet européen EP 2 003 999 ;

- Rejeter les demandes en nullité des sociétés HONEYWELL SAFETY PRODUCTS FRANCE, HONEYWELL SAFETY PRODUCTS PLANCHER BAS et HONEYWELL SAFETY PRODUCTS FRANCHE COMTE ;

- Rejeter la demande pour procédure abusive des sociétés HONEYWELL SAFETY PRODUCTS FRANCE, HONEYWELL SAFETY PRODUCTS PLANCHER BAS et HONEYWELL SAFETY PRODUCTS FRANCHE COMTE ;

- Débouter les sociétés HONEYWELL SAFETY PRODUCTS FRANCE, HONEYWELL SAFETY PRODUCTS PLANCHER BAS et HONEYWELL SAFETY PRODUCTS FRANCHE COMTE de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

- Recevoir la société MANULATEX FRANCE en ses demandes, et l'en déclarer fondée ;

- Dire que les sociétés HONEYWELL SAFETY PRODUCTS FRANCE, HONEYWELL SAFETY PRODUCTS PLANCHER BAS et HONEYWELL SAFETY PRODUCTS FRANCHE COMTE ont commis des actes de contrefaçon des revendications 1, 4, 6, 7, 8 et 11 de la partie française du brevet européen No EP 2 003 999 en important, en fabricant, en faisant fabriquer, en promouvant, en distribuant, en offrant à la vente et en vendant les gants objets du litige, portant notamment les références 253441XA0302, 253431XA0302, 253431XA0M02, 253300XR0302 quelle qu'en soit la taille ;

En conséquence,
- Interdire aux sociétés HONEYWELL SAFETY PRODUCTS FRANCE, HONEYWELL SAFETY PRODUCTS PLANCHER BAS et HONEYWELL SAFETY PRODUCTS FRANCHE COMTE, directement ou indirectement, de fabriquer, faire fabriquer, importer, exporter, détenir, promouvoir, offrir à la vente et vendre ou louer, les gants objets du litige, portant notamment les références 253441XA0302, 253431XA0302, 253431XA0M02, 253300XR0302 et leurs déclinaisons dans lesquelles la lettre X peut être remplacée par un chiffre allant de 0 à 6 (0, 1, 2, 3, 4, 5 ou 6) , et plus généralement tout autre produit « CHAINEXIUM » ou bien encore tout autre produit en cotte de mailles reproduisant les caractéristiques des revendications 1, 4, 6, 7, 8 et 11 de la partie française du brevet européen EP 2 003 999 sous astreinte de 1.000 (mille) euros par infraction constatée et de 10.000 (dix mille) euros par jour de retard passé un délai de 15 (quinze) jours à compter de la signification du jugement à intervenir ;

- Ordonner la confiscation, la destruction par Huissier et le rappel de tous circuits commerciaux des gants objets du litige, portant notamment les références 253441XA0302, 253431XA0302, 253431XA0M02, 253300XR0302 et leurs déclinaisons dans lesquelles la lettre X peut être remplacée par un chiffre allant de 0 à 6 (0, 1, 2, 3, 4, 5 ou 6) , et plus généralement de tout autre produit « CHAINEXIUM » ou bien encore de tout autre produit en cotte de mailles reproduisant les caractéristiques des revendications 1, 4, 6, 7, 8 et 11 de la partie française du brevet européen EP 2 003 999 aux frais des sociétés HONEYWELL SAFETY PRODUCTS FRANCE, HONEYWELL SAFETY PRODUCTS PLANCHER BAS et HONEYWELL SAFETY PRODUCTS FRANCHE COMTE, et ce sous astreinte de 10.000 (dix mille) euros par jour de retard, passé un délai d'un mois à compter de la signification du jugement à intervenir;

- Ordonner la levée de l'ensemble des scellés apposés par les huissiers sur les enveloppes contenant les documents remis au cours des opérations de saisie-contrefaçon diligentées le 22 novembre 2018 au sein des locaux de la société HONEYWELL SAFETY PRODUCTS FRANCHE COMTE ainsi que le 22 novembre 2018 au sein des locaux de la société HONEYWELL SAFETY PRODUCTS PLANCHER BAS;

- Ordonner la communication à la société MANULATEX FRANCE de l'ensemble des éléments remis au cours des opérations de saisie-contrefaçon diligentées le 22 novembre 2018 au sein des locaux de la société HONEYWELL SAFETY PRODUCTS FRANCHE COMTE ainsi que le 22 novembre 2018 au sein des locaux de la société HONEYWELL SAFETY PRODUCTS PLANCHER BAS ;

Subsidiairement,
- Nommer tel expert qu'il plaira au tribunal de désigner, lequel en cas d'empêchement ou de refus sera remplacé par ordonnance rendue sur simple requête, et aura pour mission de :

*Se faire remettre l'ensemble des documents placés sous scellés et remis au cours des opérations de saisie-contrefaçon diligentées le 22 novembre 2018 au sein des locaux de la société HONEYWELL SAFETY PRODUCTS FRANCHE COMTE ainsi que le 22 novembre 2018 au sein des locaux de la société HONEYWELL SAFETY PRODUCTS PLANCHER BAS ;
*Convoquer les avocats désignés des parties par e-mail et de procéder à l'expertise de tri en leur présence et les entendre sur la question de la confidentialité des éléments transmis et de la pertinence de ces derniers pour déterminer le préjudice souffert par la société MANULATEX FRANCE ;
* Si l'expert devait recueillir des observations écrites des avocats des parties, ces derniers disposeraient alors d'un délai de 8 jours au minimum.
* D'identifier tous les éléments qu'il estimera non confidentiels ;
*Puis, parmi les éléments confidentiels, de sélectionner les éléments nécessaires à l'appréciation du préjudice subi par la société MANULATEX FRANCE au titre des faits de contrefaçon ;
* L'expert retiendra notamment les données établissant le nombre :
- des gants objets du litige, portant notamment les références 253441XA0302, 253431XA0302, 253431XA0M02, 253300XR0302 et leurs déclinaisons dans lesquelles la lettre X peut être remplacée par un chiffre allant de 0 à 6 (0, 1, 2, 3, 4, 5 ou 6),
- et plus généralement de tout autre produit « CHAINEXIUM » (toutes références confondues);
- ou bien encore de tout autre produit en cotte de mailles reproduisant les caractéristiques des revendications 1, 4, 6, 7, 8 et 11 de la partie française du brevet européen EP 2 003 999 (toutes références confondues) ;
que les sociétés HONEYWELL SAFETY PRODUCTS FRANCE, HONEYWELL SAFETY PRODUCTS PLANCHER BAS et HONEYWELL SAFETY PRODUCTS FRANCHE COMTE ont fabriqué, acheté, importé, exporté, offert à la vente, vendu, distribué par tous moyens, ou eu en stock, ainsi que leur prix de vente;
* L'expert devra également retenir les données établissant le chiffre d'affaires et la marge brute générés par les ventes :
- des gants objets du litige, portant notamment les références 253441XA0302, 253431XA0302, 253431XA0M02, 253300XR0302 et leurs déclinaisons dans lesquelles la lettre X peut être remplacée par un chiffre allant de 0 à 6 (0, 1, 2, 3, 4, 5 ou 6),
- et plus généralement de tout autre produit « CHAINEXIUM » (toutes références confondues);
- ou bien encore de tout autre produit en cotte de mailles reproduisant les caractéristiques des revendications 1, 4, 6, 7, 8 et 11 de la partie française du brevet européen EP 2 003 999 (toutes références confondues).
*L'expert retiendra encore les données établissant le nombre de ressorts « CHAINEXIUM » quel qu'en soit la taille acquis après du fournisseur des sociétés HONEYWELL SAFETY PRODUCTS FRANCE, HONEYWELL SAFETY PRODUCTS PLANCHER BAS et HONEYWELL SAFETY PRODUCTS FRANCHE COMTE.
* En outre, ces données pourront être résumées dans un document dépourvu de toutes mentions confidentielles ou bien encore les parties des documents confidentielles non nécessaires pourront être caviardées.
* Puis, de remettre son rapport dans un délai maximum de 3 (trois) mois à compter de sa nomination ;
* Les données compilées, les documents et/ou les pièces sélectionnées seront produits en annexe et remis en particulier à la société MANULATEX FRANCE pour lui permettre de les verser aux débats et déterminer le montant global de son préjudice.
* De replacer enfin sous scellés les documents et pièces éventuellement non retenus en vue de leur restitution ultérieure aux sociétés HONEYWELL SAFETY PRODUCTS PLANCHER BAS et HONEYWELL SAFETY PRODUCTS FRANCHE COMTE.

- Dire que les sociétés HONEYWELL SAFETY PRODUCTS FRANCE, HONEYWELL SAFETY PRODUCTS PLANCHER BAS et HONEYWELL SAFETY PRODUCTS FRANCHE COMTE supporteront les frais d'expertise ;

- Ordonner aux sociétés HONEYWELL SAFETY PRODUCTS FRANCE, HONEYWELL SAFETY PRODUCTS PLANCHER BAS et HONEYWELL SAFETY PRODUCTS FRANCHE COMTE de communiquer toutes informations permettant l'évaluation du préjudice subi par la société MANULATEX, en application de l'article L. 615-5-2 du Code de la Propriété Intellectuelle, dans un délai de 30 (trente) jours à compter de la signification du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 (cinq cent) euros par jour de retard, et en particulier :
*Tous documents (bons de commande, bons de livraison, factures, états des ventes et stocks) établissant le nombre des gants objets du litige, portant notamment les références 253441XA0302, 253431XA0302, 253431XA0M02, 253300XR0302 et leurs déclinaisons dans lesquelles la lettre X peut être remplacée par un chiffre allant de 0 à 6 (0, 1, 2, 3, 4, 5 ou 6), et plus généralement de tous produits « CHAINEXIUM » ou bien encore de tous produits en cotte de mailles reproduisant les caractéristiques des revendications 1, 4, 6, 7, 8 et 11 de la partie française du brevet européen EP 2 003 999 (toutes références confondues) que les sociétés HONEYWELL SAFETY PRODUCTS FRANCE, HONEYWELL SAFETY PRODUCTS PLANCHER BAS et HONEYWELL SAFETY PRODUCTS FRANCHE COMTE ont fabriqué, importé, exporté, offert à la vente, vendu, ou distribué par tous moyens, ainsi que le prix de vente, le tout certifié conforme par un commissaire aux comptes ;
* Le chiffre d'affaires et la marge brute générés par les ventes des gants objets du litige, portant notamment les références 253441XA0302, 253431XA0302, 253431XA0M02, 253300XR0302 et leurs déclinaisons dans lesquelles la lettre X peut être remplacée par un chiffre allant de 0 à 6 (0, 1, 2, 3, 4, 5 ou 6), et plus généralement par les ventes des autres produits «CHAINEXIUM» ou bien encore des autres produits en cotte de mailles reproduisant les caractéristiques des revendications 1, 4, 6, 7, 8 et 11 de la partie franc?aise du brevet européen EP 2 003 999 (toutes références confondues) en France, certifiés conformes par un commissaire aux comptes,
* Le tout sur une période débutant cinq ans avant la date de signification de l'assignation;

- Dire que pour la détermination du préjudice total subi, il sera tenu compte des faits commis jusqu'à la date de la décision définitive à intervenir ;

- Condamner solidairement, à titre provisionnel, les sociétés HONEYWELL SAFETY PRODUCTS FRANCE, HONEYWELL SAFETY PRODUCTS PLANCHER BAS et HONEYWELL SAFETY PRODUCTS FRANCHE COMTE à payer à la société MANULATEX FRANCE la somme de 100.000 (cent mille) euros en réparation du préjudice causé par la contrefaçon de brevet, à parfaire après la communication par les sociétés HONEYWELL SAFETY PRODUCTS FRANCE, HONEYWELL SAFETY PRODUCTS PLANCHER BAS et HONEYWELL SAFETY PRODUCTS FRANCHE COMTE des éléments comptables certifiés conformes relatifs à la fabrication et à la commercialisation des gants en cotte de mailles jugés contrefaisants ;

- Ordonner la publication du jugement à intervenir dans 5 journaux ou magazines au choix de la société MANULATEX FRANCE, aux frais des sociétés HONEYWELL SAFETY PRODUCTS FRANCE, HONEYWELL SAFETY PRODUCTS PLANCHER BAS et HONEYWELL SAFETY PRODUCTS FRANCHE COMTE dans la limite de 7.000 (sept mille) euros (HT) par insertion sous la forme suivante : « Les sociétés HONEYWELL SAFETY PRODUCTS FRANCE, HONEYWELL SAFETY PRODUCTS PLANCHER BAS et HONEYWELL SAFETY PRODUCTS FRANCHE COMTE ont été condamnées par décision du tribunal judiciaire de Paris en date du [...] pour avoir importé, fabriqué, fait fabriquer, promu, distribué, offert à la vente et vendu des équipements de protection en cotte de mailles contrefaisant les revendications 1, 4, 6, 7, 8 et 11 de la partie française du brevet européen EP 2 003 999 de la société MANULATEX FRANCE » ;

- Ordonner la publication du dispositif du jugement à intervenir pour une durée d'un mois à compter du septième jour suivant sa signification dans un encart spécifique publié en première page d'accueil du site accessible à l'adresse honeywellsafety.com/FR, ledit encart devant être inséré tout en haut de la page, immédiatement visible lors de la connexion au site et ce, dans la même police de caractères et la même taille que les différents encarts d'ores et déjà présents sur ce site et ce, sous astreinte de 500 (cinq cents) euros par jour de retard ;

- Dire que le tribunal se réservera la liquidation des astreintes ainsi prononcées ;

- Condamner solidairement les sociétés HONEYWELL SAFETY PRODUCTS FRANCE, HONEYWELL SAFETY PRODUCTS PLANCHER BAS et HONEYWELL SAFETY PRODUCTS FRANCHE COMTE à verser à la société MANULATEX FRANCE la somme de 100.000 (cent mille) euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Ordonner l'exécution provisoire de la décision à venir pour faire cesser les atteintes aux droits de la demanderesse et la perpétuation de son préjudice, nonobstant appel et sans constitution de garantie ;

- Condamner les sociétés HONEYWELL SAFETY PRODUCTS FRANCE, HONEYWELL SAFETY PRODUCTS PLANCHER BAS et HONEYWELL SAFETY PRODUCTS FRANCHE COMTE aux entiers dépens, en ce compris les frais de saisie-contrefaçon et de constats d'Huissier, dont distraction au profit de Maître Jean-Mathieu BERTHO, avocat au barreau de Paris, par application de l'article 699 du code de procédure civile.

Par leurs dernières conclusions no6 notifiées électroniquement le 13 septembre 2021, les sociétés défenderesses demandent au tribunal, au visa des articles 32, 32-1 et 232 du code de procédure civile, L. 613-3 et suivants et L. 614-12 du code de la propriété intellectuelle, 138(1) de la Convention sur le Brevet Européen, 1240 du code civil, L. 153-1 et R. 153-2 à R. 153-10 du code de commerce, de :

- Prononcer la mise hors de cause de la société Honeywell Safety Products France ;

- Dire que les produits allégués de contrefaçon par la société Manulatex France ne reproduisent pas l'objet des revendications 1 à 12 du brevet EP 2 003 999 ; qu'en conséquence, les actes se rapportant à ces produits ne sont pas des actes de contrefaçon de la partie française du brevet EP 2 003 999 ;

- Debouter la société Manulatex France de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- Dire les sociétés Honeywell Safety Products Plancher Bas, Honeywell Safety Products Franche Comté et Honeywell Safety Products France recevables dans leur demande de nullité des revendications 1 à 12 de la partie française du brevet EP 2 003 999;

- Prononcer la nullité des revendications 1 à 12 de la partie française du brevet EP 2 003 999, pour défaut d'activité inventive au regard des documents Honeywell FR 2 864 752 et Brunet FR 1 053 579 ;

Subsidiairement,
- Dire que la date de priorité du brevet EP 2 003 999 n'est pas valablement revendiquée, qu'en conséquence, l'état de la technique opposable à la partie française du brevet EP 2 003 999 comprend toute divulgation accessible au public avant le 5 avril 2007;

- Prononcer la nullité des revendications 1, 2, 4, 6, 7, 8 et 11 de la partie française du brevet EP 2 003 999, pour défaut de nouveauté ;

- Prononcer la nullité des revendications 1 à 12 de la partie française du brevet EP 2 003 999, pour défaut d'activité inventive pour non résolution du problème technique dans toute la portée revendiquée et des revendications 1, 4, 6, 7, 8 et 11 pour défaut d'activité inventive au regard du seul Document Honeywell FR 2 864 752 ;

- Ordonner la transcription du jugement au Registre National des Brevets dans le mois suivant la date à laquelle il sera définitif, à la requête de M. le Greffier en chef du tribunal;

A titre très subsidiaire,
- Imposer la mise en place de mesures de protection du secret des affaires à l'ouverture des scellés et la communication d'informations sollicitées par Manulatex France conformément aux articles L.153-1 et R.153-2 à R.153-10 du code de commerce ;

- Rejeter la demande d'expertise sollicitée par Manulatex France ;

Subsidiairement sur ce dernier point,

- Limiter la mission de l'expert à celle prévue à l'article L.153-1 du code de commerce ;

En tout état de cause,
- Dire que le comportement de la société Manulatex France en relation avec la procédure entreprise présente un caractère abusif et que la société Manulatex France a ainsi engagé sa responsabilité ;

- Condamner la société Manulatex France à verser ensemble aux sociétés Honeywell Safety Products Plancher Bas, Honeywell Safety Products Franche Comté et Honeywell Safety Products France la somme de 100 000 € à titre de dommages-intérêts ;

- Condamner la société Manulatex France à payer ensemble aux sociétés Honeywell Safety Products Plancher Bas, Honeywell Safety Products Franche Comté et Honeywell Safety Products France la somme de 160 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la société Manulatex France aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Anne-Charlotte Le Bihan, avocat, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

L'instruction de l'affaire a été clôturée par une ordonnance du 23 septembre 2021 et plaidée à l'audience du 26 janvier 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1o) Présentation du brevet EP 2 003 999

Le brevet EP 2 003 999 concerne le domaine des articles réalisés en cotte de mailles pour lesquels il est utile ou nécessaire de pouvoir établir un resserrement ou une mise en tension de la maille, notamment au niveau du poignet de l'article pour permettre son enfilage et son retrait, ou encore au niveau des articulations pour permettre le pliage, car la cotte de maille, quoique souple, ne présente aucune élasticité. (Paragraphes [0001] [0004] [0010] et [0011] du fascicule de brevet)

La description mentionne également que l'art antérieur connaît déjà des moyens de serrage élastique des tissus en cotte de maille (paragraphe [0005]) de différentes formes et notamment sous la forme de ressorts bobinés (paragraphe [0006]) ou encore de ressorts plats du type à épingle tels que divulgués par le document FR1053579 (paragraphe [0007]).

Le paragraphe [0009] précise que ces ressorts ont l'intérêt de faciliter l'enfilement et l'enlèvement des gants, mais ils présentent souvent une épaisseur importante qui nuit au confort de l'utilisateur et/ou ont des structures complexes, difficiles à monter.

[0014] Pour remédier aux problèmes précités et atteindre les objectifs présentés ci-dessus, l'article conforme à l'invention comporte une partie en tissu de cotte de mailles qui est équipée d'un organe élastique de resserrement et/ou de mise en tension, formé d'un ressort plat, du type à épingle, constitué d'une juxtaposition de bras filaires allongés reliés deux à deux par une articulation élastique, laquelle articulation reliant deux bras juxtaposés du ressort est constituée d'une boucle de matière formée d'une ou de plusieurs spires, et où ledit ressort relie au moins deux anneaux métalliques à distance l'un de l'autre du tissu de cotte de mailles, la liaison entre ledit ressort et ladite cotte de mailles étant réalisée au moyen d'anneaux métalliques rapportés, par l'intermédiaire desdites boucles conformées sur ledit ressort.

[0015] Ce type d'organe ressort, de conception simple, présente une épaisseur réduite qui permet son utilisation au niveau de pratiquement n'importe quelle zone du vêtement, en particulier, sans occasionner de gêne importante.

[0016] Selon une caractéristique particulièrement intéressante, l'articulation élastique reliant deux bras juxtaposés du ressort présente un axe d'articulation qui s'étend perpendiculairement ou sensiblement perpendiculairement au plan dans lequel s'étendent lesdits bras juxtaposés.

La figure 2 ci-dessous est une vue en perspective du ressort plat, isolé, équipant le gant de la figure 1 :

Le paragraphe [0031] décrit le ressort comme constitué de deux bras juxtaposés 5 s'étendant dans un plan qui est perpendiculaire à l'axe d'articulation de la boucle élastique 6 qui les raccorde, le plan correspondant est parallèle ou confondu avec celui du tissu de cotte de mailles que le ressort 4 équipe.

Selon le paragraphe [0036] de la description, ce type de ressort 4 a l'intérêt de présenter une épaisseur très réduite (limitée au diamètre du fil et à l'épaisseur de la ou des boucles 6), ce qui permet de limiter au maximum la gêne occasionnée par sa présence, améliorant par conséquent le confort d'utilisation du gant.

[0055] Tel qu'illustré sur les figures 8, 9 et 10 (voir ci-après), le ressort plat 4' est constitué d'une pluralité de bras filaires allongés 5' reliés deux à deux par une articulation élastique 6', pour former une juxtaposition de U ou de V disposés tête-bêche. Etant donné la fonction et l'agencement de ce ressort 4', les bras 5' s'étendent tous dans le même plan ou sensiblement dans le même plan. Ce paragraphe poursuit en rappelant que le plan correspondant est parallèle ou confondu avec celui du tissu de cotte de mailles que le ressort 4' équipe ; et chaque articulation élastique 6' s'étend perpendiculairement à ce plan.

Aux fins de l'invention, le brevet se compose de 12 revendications dont seules sont opposées les revendications suivantes :

1. Article dont au moins une partie est réalisée en tissu de cotte de mailles, c'est-à-dire constituée d'un entrelacement d'anneaux métalliques, en particulier article vestimentaire ou décoratif, laquelle partie en cotte de mailles est associée à au moins un organe élastique agencé pour resserrer ledit tissu de cotte de mailles sur une partie du corps de l'utilisateur et/ou pour tirer et mettre en tension une partie dudit tissu de cotte de mailles afin d'absorber un surplus local de matière, caractérisé en ce que l'un au moins desdits organes élastiques se présente sous la forme d'un ressort plat (4, 4', 4"'), du type à épingle, constitué d'une juxtaposition de bras filaires allongés (5, 5', 5"') reliés deux à deux par une articulation élastique (6, 6', 6"'), laquelle articulation (6, 6', 6"') reliant deux bras juxtaposés (5, 5', 5"') du ressort (4, 4', 4"') est constituée d'une boucle de matière formée d'une ou de plusieurs spires, et en ce que ledit ressort (4, 4', 4"') relie au moins deux anneaux métalliques à distance l'un de l'autre du tissu de cotte de mailles, la liaison entre ledit ressort et ladite cotte de mailles étant réalisée au moyen d'anneaux métalliques rapportés (7, 20), par l'intermédiaire desdites boucles (6, 6', 6"') conformées sur ledit ressort (4, 4', 4"').

4. Article selon l'une quelconque des revendications 1 ou 2, caractérisé en ce que l'organe élastique se présente sous la forme d'un ressort de traction (4, 4', 4"').

6. Article selon l'une quelconque des revendications 1 à 4, caractérisé en ce que le ressort (4, 4') est constitué d'une juxtaposition d'au moins trois bras (5, 5') reliés deux à deux par une articulation élastique (6, 6', 6"), formant une juxtaposition de structures en U ou en Vé disposées tête-bêche.

7. Article selon l'une quelconque des revendications 1 à 6, caractérisé en ce que les deux extrémités libres (21) du ressort (4', 4"') sont munies d'une boucle (22, 22').

8. Article selon la revendications 7, caractérisé en ce que lesdites boucles (22, 22') des extrémités libres (21) du ressort (4', 4"') sont reliées au tissu de cotte de mailles par l'intermédiaire d'anneaux métalliques rapportés (20).

11. Article selon l'une quelconque des revendications 1 à 9, muni d'une partie circulaire de cotte de mailles destinée à entourer une partie du corps de l'utilisateur, caractérisé en ce qu'il comporte un ressort plat (4) en forme de bande circulaire ou en arc de cercle fixée sur au moins une partie de la périphérie de ladite partie circulaire de cotte de mailles, pour constituer un organe de resserrage du matériau sur ladite partie du corps de l'utilisateur.

2o) Sur la contrefaçon

La société Manulatex France soutient que la contrefaçon est établie et en particulier que les gants chainexium sont bien dotés d'un organe élastique agencé au niveau du poignet afin de resserrer le tissu de cotte de maille. Elle ajoute, qu'ainsi que l'a constaté l'huissier, cet organe élastique est bien constitué d'un ressort plat de type à épingle comportant une succession de bras reliés deux à deux par une articulation élastique sous la forme d'une boucle. La société Manulatex précise que ce ressort est très peu épais et qu'il est relié au tissu au moyen d'anneaux métalliques rapportés de sorte que l'ensemble des caractéristiques de la revendication principale no1 et des revendications dépendantes suivantes du brevet EP'999 se trouvent reproduites.

La société Manulatex France soutient encore que la portée des revendications de son brevet ne saurait être limitée à un certain type de ressort plat et en particulier à un seul mode de réalisation de l'invention, tandis que l'apport de l'invention consiste dans l'utilisation des boucles (bloquant le ressort), et non dans leur orientation, non plus que dans leur positionnement sur le tissu de cotte de maille.

Les sociétés Honeywell Safety concluent pour leur part à l'absence de contrefaçon des revendications opposées par leur ressort bobiné. Elles rappellent que la portée d'un brevet n'est pas exclusivement limitée à ses revendications, mais que celles-ci peuvent être précisées par la description et les dessins. Les sociétés défenderesses indiquent qu'ici, le brevet ne peut protéger qu'un ressort entièrement plat, c'est à dire de l'épaisseur d'un fil, et constitué de bras filaires s'étendant perpendiculairement à la boucle et positionnés dans le même plan ou parallèlement au tissu de cotte de maille.

Les sociétés Honeywell Safety soutiennent qu'il s'agit de la caractéristique essentielle du brevet contrairement à ce qu'affirme aujourd'hui la société Manulatex France, et que tel n'est pas le cas de leur ressort "plat" dont l'épaisseur excède celle d'un fil ou même de deux fils, pour être équivalente à la totalité du diamètre de la boucle.

Sur ce,

En application des dispositions du dernier alinéa de l'article 64 de la Convention de Munich du 5 octobre 1973 sur la délivrance des brevets européens (CBE), la contrefaçon d'un brevet européen est appréciée conformément à la législation nationale.

Aux termes de l'article L. 615-1, alinéas 1 et 2, du code de la propriété intellectuelle, « Toute atteinte portée aux droits du propriétaire du brevet, tels qu'ils sont définis aux articles L.613-3 à L.613-6, constitue une contrefaçon.
La contrefaçon engage la responsabilité civile de son auteur. ».

La contrefaçon est réalisée lorsque les moyens essentiels, constitutifs de l'invention revendiquée, se retrouvent dans le ou les produits incriminés.

Il est rappelé qu'aux termes de l'article 69 de la Convention sur le brevet euroépen « L'étendue de la protection conférée par le brevet européen ou par la demande de brevet européen est déterminée par les revendications. Toutefois, la description et les dessins servent à interpréter les revendications».

Selon l'article 1 de son protocole interprétatif, « l'article 69 ne doit pas être interprété comme signifiant que l'étendue de la protection conférée par le brevet européen est déterminée au sens étroit et littéral du texte des revendications et que la description et les dessins servent uniquement à dissiper les ambiguïtés que pourraient receler les revendications. Il ne doit pas davantage être interprété comme signifiant que les revendications servent uniquement de ligne directrice et que la protection s'étend également à ce que, de l'avis d'un homme du métier ayant examiné la description et les dessins, le titulaire du brevet a entendu protéger. L'article 69 doit, par contre, être interprété comme définissant entre ces extrêmes une position qui assure à la fois une protection équitable au titulaire du brevet et un degré raisonnable de sécurité juridique aux tiers ».

En l'occurrence, si les revendications ne semblent pas limiter l'invention protégée à un ressort entièrement plat dont l'épaisseur est limitée à l'épaisseur du fil, la description (cf. paragraphes [0015], [0016], [0031], [0036] et [0055] reproduits ci-dessus), ainsi que l'ensemble des figures, sont néanmoins dépourvus de la moindre ambiguïté, ainsi qu'il a été vu, en ce sens que le ressort à épingle protégé par le brevet est conçu pour être positionné dans un plan parallèle ou confondu avec celui du tissu de cotte de mailles, tandis que chaque bras s'étend perpendiculairement à la boucle, ce qui précisément permet au ressort d'être "plat" au sens du brevet, c'est à dire d'une épaisseur équivalente au diamètre du fil (ou de deux fils au niveau de la boucle).

Aucun élément du fascicule, en particulier la description des modes de réalisations possibles de l'invention, ne permet de conclure que le brevet pourrait protéger un autre type de ressort et en particulier un ressort à épingle conçu pour être positionné dans un plan perpendiculaire au tissu de cotte de maille.

C'est d'ailleurs en se fondant sur la description et les figures de son fascicule de brevet que la société Manulatex France défendait dans une lettre du 31 mai 2007 auprès de l'examinateur de l'OEB la nouveauté de son ressort plat et, partant, de son brevet :
"Dans le cadre de la présente invention, l'organe élastique se présente sous la forme d'un "ressort plat de type à épingle constitué d'une juxtaposition de bras reliés deux à deux par une articulation élastique".
Or, comme cela ressort de la description et des dessins, une telle configuration est obtenue à partir d'une structure filaire convenablement mise en forme pour définir au moins deux bras plaqués contre le tissu de cotte de mailles ou entrelacés dans ce tissu, (...)"

Ce sont donc bien les deux bras de l'organe élastique qui sont plaqués sur le tissu de cotte de maille et non la structure filaire, tandis que l'effet de la boucle comme bloquant le fil n'est "décrit" qu' a contrario à la ligne 31 de la page 1 (§ [0006] " FR2864752 décrit un gant en cotte de mailles dont la partie de poignet est équipée d'un élément de serrage élastique en forme de ressort bobiné relié au tissu de cotte de mailles par des anneaux qui sont libres de coulisser le long des spires du ressort."). Cet effet "bloquant" des boucles n'est pas autrement explicité, ni même revendiqué (le tribunal n'en comprend au demeurant guère l'intérêt), de sorte qu'à le supposer inventif, il ne saurait être regardé comme un élément essentiel de l'invention.

Or, le tribunal ne peut que constater que, le ressort qui équipe les produits et en particulier les gants « Chainexium » des sociétés Honeywell Safety n'est pas du type plat (au sens du brevet) dont les deux bras sont plaqués sur le tissu de cotte de maille. En effet, dans le ressort Honeywell un seul bras du ressort est plaqué sur le tissu, le ressort de type à épingle « Chainexium » étant conçu pour être positionné dans un plan perpendiculairement au tissu de cotte de maille (ci-dessous reproduction du ressort plat « Chainexium »), et non parallèlement.

De tout ce qui précède il résulte que la contrefaçon de la revendication 1 du brevet EP'999 n'est pas établie, non plus que celle des revendications dépendantes suivantes de ce brevet. Les demandes de la société Manulatex France ne peuvent donc qu'être rejetées, sans qu'il y ait lieu d'examiner les demandes subsidiaires des sociétés Honeywell Safety aux fins d'annulation des revendications opposées de ce brevet qui sont sans objet.

3o) Sur les autres demandes

Les sociétés Honeywell, qui ne caractérisent pas autre chose qu'une mauvaise appréciation de ses droits par la société Manulatex France, non plus qu'aucun préjudice distinct de celui de la nécessité d'exposer des frais pour se défendre, seront déboutées de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la société Manulatex supportera les dépens et sera condamnée à payer aux sociétés Honeywell la somme de 35.000 euros (chacune) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, l'exécution provisoire sera ordonnée.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort,

Le tribunal,

Rejette toutes les demandes de la société Manulatex France ;

Rejette la demande reconventionnelle des sociétés Honeywell Safety Products France, Honeywell Safety Products Plancher Bas et Honeywell Safety Products Franche Comté en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Condamne la société Manualtex France aux dépens et autorise Maître Anne-Charlotte Le Bihan à recouvrer directement ceux dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision ;

Condamne la société Manulatex France à payer à chacune des sociétés Honeywell Safety Products France, Honeywell Safety Products Plancher Bas et Honeywell Safety Products Franche Comté la somme de 35.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision.

Fait et jugé à Paris le 22 Mars 2022.

La GreffièreLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Ct0196
Numéro d'arrêt : 18/14824
Date de la décision : 22/03/2022

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2022-03-22;18.14824 ?
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