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17/03/2022 | FRANCE | N°19/8846

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Ct0196, 17 mars 2022, 19/8846


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
1ère section

No RG 19/08846
No Portalis 352J-W-B7D-CQMP4

No MINUTE :

Assignation du :
04 juillet 2019

JUGEMENT
rendu le 17 mars 2022
DEMANDEUR

Monsieur [B] [T]
[Adresse 2]
[Localité 3]

représenté par Me Richard MILCHIOR de la SCP HERALD anciennement GRANRUT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0014

DÉFENDEURS

S.A.S. OBL
Le Polaris, 4ème étage,
[Adresse 4]
[Localité 5]

Monsieur [L] [V]
c/o Materialise
N.V., Technologiela

an 15
[Adresse 1] (BELGIQUE)

représentés par Me Amandine METIER de la SELARL VERON et ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P512

COMPOSITION DU T...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
1ère section

No RG 19/08846
No Portalis 352J-W-B7D-CQMP4

No MINUTE :

Assignation du :
04 juillet 2019

JUGEMENT
rendu le 17 mars 2022
DEMANDEUR

Monsieur [B] [T]
[Adresse 2]
[Localité 3]

représenté par Me Richard MILCHIOR de la SCP HERALD anciennement GRANRUT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0014

DÉFENDEURS

S.A.S. OBL
Le Polaris, 4ème étage,
[Adresse 4]
[Localité 5]

Monsieur [L] [V]
c/o Materialise
N.V., Technologielaan 15
[Adresse 1] (BELGIQUE)

représentés par Me Amandine METIER de la SELARL VERON et ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P512

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Gilles BUFFET, Vice- président
Laurence BASTERREIX, Vice-Présidente
Alix FLEURIET, Juge

assistés de Caroline REBOUL, Greffière,

DÉBATS

A l'audience du 30 novembre 2021 tenue en audience publique devant Gilles BUFFET et Laurence BASTERREIX, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

La société OBL, immatriculée le 4 décembre 1996 au RCS de Nanterre, a une activité, sous le nom commercial MATERIALISE, de conception, fabrication et commercialisation d'implants chirurgicaux, en particulier pour la chirurgie maxillo-faciale.

M. [P] [F] est le directeur général de cette société et M. [U] [N] dirige le département Recherche et Développement.

La société OBL appartient au groupe MATERIALISE, à la tête duquel se trouve la société de droit belge MATERIALISE.

M. [L] [V], salarié de la société MATERIALISE depuis 2004, est ingénieur. Il a exercé les fonctions de responsable du développement du concept orthopédique de 2008 à 2015 et de responsable de la propriété intellectuelle à partir de 2015.

Depuis 2009, la société OBL a élargi son portefeuille de produits grâce à un système innovant de substitut osseux en titane poreux "PorousiTI". Ce système de substitut concerne des implants personnalisés en titane poreux réalisés en fusion sélective de poudre de titane qui permet de s'adapter à la morphologie osseuse du patient.

La société OBL fait valoir qu'en 2012, elle a développé un projet "FlexiTI", ayant pour objet de poursuivre les études en cours pour retravailler le design de la maille pour qu'elle imite au mieux l'os à combler et garantisse une élasticité optimale, compte tenu des différences de charges imposées à l'implant.

M. [B] [T], en master auprès de l'Ecole Nationale Supérieure des Arts et Métiers (ENSAM), a exercé les fonctions de stagiaire auprès de la société OBL, pour la période du 2 février 2014 au 30 juin 2014, sous la tutelle du professeur [D] [E], directeur de laboratoire, professeur des universités en biomécanique humaine, le stage de M. [T], intitulé "développement d'une méthode d'évaluation morphologique post-chirurgicale sur base d'imagerie", portant sur les activités de développement, validation et application d'une méthode d'évaluation des résultats morphologiques d'interventions chirurgicales en maxillo-facial à partir de la comparaison de l'imagerie post-opératoire à la simulation pré-opératoire.

Un contrat de travail à durée déterminée a été conclu entre la société OBL et M. [B] [T] le 1er octobre 2014 pour une durée s'achevant le 31 janvier 2015, M. [T] ayant été embauché en qualité d'ingénieur Recherche et Développement.

Le motif du recours à ce contrat portait sur un surcroît temporaire d'activité en raison d'un projet de recherche lié au développement de nouveaux implants pour le rachis.

Le 1er janvier 2015, le professeur [D] [E] a adressé à M. [B] [T] une proposition de sujet de thèse CIFRE, dans le cadre d'une collaboration avec la société OBL, portant sur la modélisation par éléments finis et l'évaluation clinique d'un système de fusion personnalisé réalisé en fabrication additive pour les pathologies rachidiennes.

Le travail de thèse avait pour objet, dans le cadre du système PorousiTI, d'envisager ce substitut osseux pour de nouvelles applications rachidiennes.

Les objectifs définis étaient de :

- réaliser une campagne d'expérimentations in vitro pour obtenir une évaluation de l'implant,
- élaborer et valider par expérimentation in vitro un modèle par éléments finis du rachis instrumenté avec le système PorousiTI afin de permettre à la société OBL d'avoir une meilleure connaissance des effets de son dispositif et d'étudier l'influence des différents paramètres (design de l'implant, rigidité de l'implant, voire d'abord, positionnement de la partie flexible lors de son utilisation) sur la biomécanique du rachis,
- mettre en place des évaluations cliniques multicentriques internationales afin de valider les indications thérapeutiques du dispositif,
- proposer des axes d'amélioration du dispositif en se basant sur les résultats des études biomécaniques et des évaluations cliniques.

Le 30 janvier 2015, la société OBL a signé avec M. [B] [T] un avenant de renouvellement de contrat de travail à durée déterminée pour une durée commençant le 1er février 2015 se terminant le 31 mars 2015, en raison d'un surcroît de travail complémentaire lié à la mission qui avait motivé le recours au premier contrat de recherche lié au développement de nouveaux implants pour le rachis.

Le 30 mars 2015, la société OBL et M. [B] [T] ont conclu, dans le cadre de la convention CIFRE entre la société OBL et l'ANRT à effet au 1er avril 2015, un nouveau contrat de travail pour un poste d'ingénieur Recherche et Développement à effet au 1er avril 2015 pour une durée expirant le 31 mars 2018, M. [B] [T] étant chargé du projet de recherche faisant l'objet de la CIFRE sur la modélisation par éléments finis et l'évaluation clinique d'un système de fusion personnalisé réalisé en fabrication additive pour les pathologies rachidiennes.

Il était convenu que ce travail était, dans le cadre de la convention CIFRE, réalisé sous l'autorité de M. [P] [F] qui assurait, pour l'employeur, le suivi constant sur les plans scientifique et technique, soit par lui-même, soit par délégation à l'un de ses collaborateurs.

Le 25 mai 2015, la société OBL concluait une convention avec l'Association Nationale de la Recherche et de la Technologie (ARTS) alors chargée de gérer les activités de recherche de l'ENSAM.

La société OBL fait valoir qu'elle a, à la fin de l'été 2015, demandé à M. [B] [T] de réorienter ses recherches sur la reconstruction mandibulaire en améliorant la maille utilisée dans l'implant PorousiTI commercialisé en 2010 pour qu'elle présente les propriétés mécaniques permettant de stimuler la reconstruction de l'os de la mandibule et plus précisément concevoir des motifs de maille mettant en oeuvre l'invention FlexiTI. La société OBL indique que MM. [P] [F] et [U] [N] étaient déjà auparavant impliqués dans ce projet.

Une nouvelle convention de collaboration de recherche CIFRE a été conclue entre l'ARTS et la société OBL le 5 avril 2016 portant sur la conception, la modélisation et la simulation de substituts osseux personnalisés réalisés en fabrication additive pour la chirurgie-maxillofaciale, qui donnera lieu à un mémoire de thèse, les travaux de l'étude et l'encadrement scientifique du doctorant étant assurés par le professeur [E] et pour le partenaire, le suivi technique était assuré par M. [P] [F], directeur général, et M. [U] [N], ingénieur responsable du pôle Recherche et Développement de la société OBL.

M. [B] [T] fait valoir que, pendant la durée de son contrat CIFRE, il a développé trois inventions : une sur le rachis, et deux autres concernant, pour la première, la maille flexible destinée à la mâchoire (FlexiTI) et, pour l'autre, un système de jonction (dispositif médical) entre un implant et une autre partie du corps avec, en premier lieu, la mâchoire et le reste de la face (FlexiFIX).

M. [B] [T] a présenté sa thèse le 13 décembre 2017 sur le "développement, modélisation et caractérisation d'une maille innovante réalisée en fabrication additive pour les grands défauts osseux", le directeur de thèse étant le professeur [E] et les co-encadrants de la thèse, MM. [P] [F] et [U] [N].

Concernant l'invention objet du projet FlexiTI, l'OBL a déposé plusieurs demandes de brevets, dont :

- une demande de brevet américain no62/216900 déposée le 10 septembre 2015 dont l'inventeur désigné est M. [P] [F]. Cette demande a été abandonnée.

- une seconde demande de brevet déposée le 27 mai 2016 au Royaume-Uni, no1609448.4, désignant comme inventeurs M. [P] [F], [U] [N] et [B] [T]. Cette demande a été également abandonnée.

- une demande internationale de brevet WO 2017/042366, sous priorité des deux autres demandes de brevets antérieures, déposée le 9 septembre 2016 visant les mêmes inventeurs.

Ce brevet est entré en phase nationale dans différentes régions, dont le brevet européen EP20160774462 déposé le 9 septembre 2016 et publié sous le numéro EP3346953 l le 18 juillet 2018 aujourd'hui délivré suivi d'une demande divisionnaire EP 211159587.1, le brevet japonais déposé le 9 septembre 2016 sous le numéro JP20180513015 et publié le 13 septembre 2018 sous le numéro JP2018526152 T2 aujourd'hui délivré sous le numéro no JP6852056 le 31 mars 2021 suivi d'une demande divisionnaire JP2021-38246, le brevet US déposé sous le numéro 15917423 le 9 mars 2018 et publié sous le numéro US2018193530 le 12 juillet 2018 délivré sous le no 10675385 le 9 juin 2020 suivi d'une demande de continuation US 16/860 784, le brevet australien sous le numéro AU2016319288 déposé le 9 septembre 2016 et publié le 26 avril 2016 aujourd'hui délivré suivi d'une demande divisionnaire AU2021200893, le brevet chinois CN2016800647841 déposé le 9 septembre 2016 et publié sous le numéro CN108348338 le 31juillet 2018, le brevet brésilien déposé le 9 septembre 2016 sous le numéro BR1120180048500 et le brevet coréen déposé sous le numéro KR 10 2018 7009992 le 9 septembre 2016.

Ces brevets désignent MM. [P] [F], [U] [N] et [B] [T] comme co-inventeurs.

La société OBL a également déposé, avec la société MATERIALISE, une seconde famille de brevets pour l'invention FlexiFIX, composée du brevet européen EP no 173068479 (« flexible porous implant fixation system ») déposé le 20 décembre 2017, étendu à l'international le 18 décembre 2018 (noWO/2019/126199). MM. [B] [T] et M. [L] [V] sont désignés comme co-inventeurs.

Par lettre du 18 janvier 2018, M. [B] [T] a transmis à la société OBL trois déclarations d'inventions de salariés :

- ses travaux sur le rachis, qualifiés d'invention de mission,
- ses travaux sur le projet FlexiTI, qualifiés d'invention hors mission attribuable,
- ses travaux sur le projet FlexiFIX, qualifiés également d'invention hors mission attribuable.

Le 23 janvier 2018, la société OBL et M. [B] [T] convenaient d'une rupture anticipée de son contrat de travail.

Le 22 mars 2018, la société OBL a écrit à M. [B] [T] que, concernant l'invention no1 sur la cage inter-somatique du rachis, il s'agissait bien d'une invention de mission, lui proposant 1.500 euros à titre de rémunération supplémentaire.

Concernant les autres inventions sur la maille en fabrication additive (FlexiTI) et le système de fixation de dispositifs médicaux réalisés en fabrication additive (FlexiFIX), la société OBL considérait qu'il s'agissait d'inventions de mission, proposant, compte tenu de la participation des autres co-inventeurs, des rémunérations complémentaires de 500 et 750 euros.

Le 12 avril 2018, M. [B] [T] a créé la société BONE 3D dont l'activité est la conception, la production et la commercialisation de dispositifs médicaux implantables ou non implantables pour la médecine humaine et vétérinaire.

Par exploits d'huissier des 4 et 8 juillet 2019, M. [B] [T] a fait assigner la société OBL et M. [L] [V] devant le tribunal de grande instance de Paris, devenu le tribunal judiciaire de Paris le 1er janvier 2020, contestant la qualification des inventions retenue par la société OBL.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 3 mai 2021, M. [B] [T] demande au tribunal de :

Vu les articles L.611-7, R.611-6 et R.611-7 du Code de la propriété intellectuelle,

A TITRE PRINCIPAL,

1) DIRE ET JUGER que les dépôts du brevet PCT WO 2017/043366 du 9 septembre 2016 entré en phase nationale dans différentes régions dont le brevet européen EP20160774462 déposé le 9 septembre 2016 et publié sous le numéro EP3346953 Al le 18 juillet 2018 aujourd'hui délivré suivi d'une demande divisionnaire EP 21.1159587.1, le brevet japonais déposé le 9 septembre 2016 sous le numéro JP20180513015T et publié le 13 septembre 2018 sous le numéro JP2018526152 T2 aujourd'hui délivré sous le numéro no JP6852056 le 31 mars 2021 suivi d'une demande divisionnaire JP2021-38246, le brevet US déposé sous le numéro US 15917423 le 9 mars 2018 et publié sous le numéro US2018193530 AA le 12 juillet 2018 délivré sous le no 10675385 le 9 juin 2020 suivi d'une demande de continuation US 16/860 784, le brevet australien sous le numéro AU2016319288 AA déposé le 9 septembre 2016 et publié le 26 avril 2016 aujourd'hui délivré suivi d'une demande divisionnaire AU2021200893, le brevet chinois CN2016800647841 déposé le 9 septembre 2016 et publié sous le numéro CN108348338 le 31 juillet 2018 aujourd'hui délivré, le brevet brésilien déposé le 9 septembre 2016 sous le numéro BR1120181104850 0 et publié le 2 octobre 2018 sous le numéro BR112018004850 et le brevet coréen déposé sous le numéro KR10 2018 700999 2 le 9 septembre 2016 et publié le 10 juillet 2018 sous le numéro KR20180079297 A et que plus généralement tous les brevets de cette famille qui pourraient en découler doivent être attribués à Monsieur [B] [T],

2) ORDONNER à la société OBL de procéder, à ses frais, aux rectifications nécessaires, dès lors que la présente décision sera devenue définitive, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

3) DIRE ET JUGER qu'en tout état de cause, l'invention qu'il a déclarée, et qui a conduit aux dépôts des brevets aujourdhui composés du brevet PCT WO 2017/04336 6 du 9 septembre 2016 entré en phase nationale dans différentes régions dont le brevet européen EP20160774462 déposé le 9 septembre 2016 et publié sous le numéro EP3346953 le 18 juillet 2018 aujourd'hui délivré suivi d'une demande divisionnaire EP 21.1159587.1, le brevet japonais déposé le 9 septembre 2016 sous le numéro JP20180513015T et publié le 13 septembre 2018 sous le numéro JP2018526152 T2 aujourd'hui délivré sous le numéro no JP6852056 le 31 mars 2021 suivi d'une demande divisionnaire JP2021-38246, le brevet US déposé sous le numéro US 15917423 le 9 mars 2018 et publié sous le numéro US2018193530 le 12 juillet 2018 délivré sous le no10675385 le 9 juin 2020 suivi d'une demande de continuation US 16/860 784, le brevet australien sous le numéro AU2016319288 déposé le 9 septembre 2016 et publié le 26 avril 2016 aujourd'hui délivré suivi d'une demande divisionnaire AU2021200893, le brevet chinois CN2016800647841 déposé le 9 septembre 2016 et publié sous le numéro CN 108348338 le 31juillet 2018 aujourd'hui délivré, le brevet brésilien déposé le 9 septembre 2016 sous le numéro BR11201811048500 et publié le 2 octobre 2018 sous le numéro BR112018004850 et le brevet coréen déposé sous le numéro KR10 2018 700999 2 le 9 septembre 2016 et publié le 10 juillet 2018 sous le numéro KR20180079297 doit être qualifiée d'inventions hors mission, étant précisé que la présente demande deviendrait inopérante si ces brevets lui étaient attribués mais qu'elle s'étendrait à tout nouveau brevet qui serait inclus dans la famille dans le futur ;

A TITRE SUBSIDIAIRE, en ce qui concerne l'invention ayant donné lieu au dépôt des du brevet PCT WO 2017 /043366 du 9 septembre 2016 entrée en phase nationale dans différentes régions dont le brevet européen P20160774462 déposé le 9 septembre 2016 et publié sous le numéro EP3346953 le 18 juillet 2018 aujourd'hui délivré suivi d'une demande divisionnaire EP 21.1159587.1, le brevet japonais déposé le 9 septembre 2016 sous le numéro JP20180513015T et publié le 13 septembre 2018 sous le numéro JP2018526152 T2 aujourd'hui délivré sous le numéro no JP6852056 le 31 mars 2021 suivi d'une demande divisionnaire JP2021-38246, le brevet US déposé sous le numéro US 15917423 le 9 mars 2018 et publié sous le numéro US2018193530 le 12 juillet 2018 délivré sous le no 10675385 le 9 juin 2020 suivi d'une demande de continuation US 16/860 784, le brevet australien sous le numéro AU2016319288 déposé le 9 septembre 2016 et publié le 26 avril 2016 aujourd'hui délivré suivi d'une demande divisionnaire AU2021200893, le brevet chinois CN2016800647841 déposé le 9 septembre 2016 et publié sous le numéro CN108348338 le 31juillet 2018 aujourd'hui délivré, le brevet brésilien déposé le 9 septembre 2016 sous le numéro BR1120181104850 0 et publié le 2 octobre 2018 sous le numéro BR112018004850 et le brevet coréen déposé sous le numéro KR10 2018 700999 2 le 9 septembre 2016 et publié le 10 juillet 2018 sous le numéro KR20180079297 et que plus généralement tous les brevets de cette famille qui pourraient en découler, tirer comme conséquence de la qualification d'invention hors mission de condamner la société OBL à payer la somme de 411,265 euros à Monsieur [B] [T] à titre de juste prix ;

A TITRE PRINCIPAL, en ce qui concerne l'invention ayant donné lieu au dépôt d'un brevet européen no 173068479 aujourd'hui abandonnée mais à l'origine d'une famille de brevet comprenant une nouvelle demande européenne EP18830352.3 issue de la demande internationale WO 2019/126199 (déposée sous la priorité de la demande de brevet européen EP17306847.9 ainsi que le brevet australien AU20180388565, brésilien BR11 2020 012665.9, chinois CN201880089811.X , japonais JP20200-554386, US16/906951, la qualifier d'invention hors mission et condamner la société OBL à payer la somme de 384.501 euros à Monsieur [B] [T] à titre de juste prix ;

SUBSIDIAIREMENT, si l'une ou l'autre des deux inventions en cause dans le présent litige était qualifiée d'invention de mission et non d'invention hors mission, fixer, au vu des informations fournies par les parties ou en tenant compte du refus de fournir des informations, le montant de la prime à verser à Monsieur [B] [T] à un montant qui ne saurait excéder celui demandé par celui-ci au titre du juste prix.

TRES SUBSIDIAIREMENT, fixer le montant dû à M. [T] au titre de chacune des 2 inventions à la somme de 200.000 euros par invention à verser immédiatement à compléter par un pourcentage égal à 0.01% du chiffre d'affaires qui sera effectué par OBL sur la base desdits brevets étant cependant précisé :

- que le chiffre d'affaires en cause sera le chiffre d'affaires dans chacun des pays ou le brevet a été étendu ;
- que si OBL accorde une licence à Materialise ou à toute société du groupe Materialise le chiffre d'affaires à prendre en considération sera celui de la société du groupe qui vendra les produits fabriqués sur la base des brevets concernés ;

- qu'en ce qui concerne le brevet dit Flexifix, si les ventes sont effectuées par Materialise copropriétaire, OBL sera tenue de récupérer les informations auprès de Materialise et de payer sur la base du chiffre d'affaires réalisé par Materialise. La reddition des comptes et le paiement devant se faire chaque année dans les 4 mois suivant la clôture de l'exercice d‘OBL.Toute fausse déclaration entrainant une erreur de plus de 5% donnera droit à une majoration des sommes dues à M. [T] de 25%.

4) CONDAMNER Monsieur [L] [V] à demander via la société Materialise que son nom soit retiré en tant qu'inventeur du brevet européen no 17306847.9 ainsi que dans toutes les procédures pouvant concerner le dépôt ou l'extension de ce brevet, dans quelque lieu que ce soit ou quelle que soit la procédure utilisée, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du jour où la décision sera devenue définitive ;

5) DIRE ET JUGER que les montants à verser à Monsieur [B] [T] au titre de sa rémunération d'inventeur salarié seront majorés des intérêts au taux légal à compter du 24 mars 2018 et que lesdits intérêts seront capitalisés ;

6) DEBOUTER la société OBL et Monsieur [L] [V] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions

7) CONDAMNER solidairement la société OBL et Monsieur [L] [V] en tous les dépens dont distraction au profit de Maître Richard Milchior, avocat associé de la SCP Herald ;

8) CONDAMNER la société OBL à payer à Monsieur [B] [T] la somme de 65.000 euros HT au titre de l'article 700 du CPC.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 9 juin 2021, la société OBL et M. [L] [V] demandent au tribunal de :

Vu les articles L. 611-7 et R. 611-1 à R.611-6 du code de la propriété intellectuelle,
vu l'article 1240 du code civil,

Débouter [B] [T] de l'ensemble de ses demandes ;

Rejeter les demandes formées à l'encontre de [L] [V], en ce qu'elles sont irrecevables et constater en conséquence sa mise hors de cause ;

Condamner [B] [T] à payer la somme de 5 000 euros à [L] [V] au titre du préjudice subi par ce dernier ;

Condamner [B] [T] à verser la somme de 65 000 euros à la société OBL en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner [B] [T] aux entiers dépens et dire qu'ils seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 15 juin 2021.

MOTIFS DU JUGEMENT :

Sur l'invention FlexiTI :

M. [B] [T] fait valoir que l'invention n'a jamais été revendiquée dans les formes et qu'il peut donc en demander à titre principal l'attribution à son profit. Il ajoute qu'au cours de sa thèse initiale, il a fait évoluer son sujet en travaillant sur la création d'une maille flexible imprimée en 3D, utilisable pour réparer les problèmes de mâchoires. Il indique qu'il a présenté ses travaux sur la maille additive le 11 septembre 2015, avant que la modification de son sujet de thèse ait été abordée le même jour, M. [B] [T] ayant décidé de son propre chef, après avoir terminé ses travaux sur le rachis, d'améliorer la maille PorousiTI qui n'était pas adaptée aux applications rachidiennes, le choix de développer une nouvelle maille par la société OBL n'étant pas antérieur aux grandes vacances 2015. M. [B] [T] en déduit que la société OBL n'est pas à l'origine de ce changement de mission. M. [B] [T] fait valoir que la maille PorousiTI (maille antérieure d'OBL), ne pouvait être utilisée sur des parties du corps supportant des contraintes mécaniques, comme la colonne vertébrale ou la mâchoire et qu'il a développé une maille unique comportant deux phases élastiques, laquelle ne s'inscrit pas dans la continuité des travaux antérieurs de la société OBL, étant précisé que la maille flexible envisagée dans les travaux de Mme [G] ne correspondait qu'à l'affaiblissement de la maille PorousiTI, la rendant plus flexible mais ne comportant qu'une phase élastique et une seule phase plastique et non le comportement biphasé qui est l'objet du brevet. M. [B] [T] soutient qu'en l'absence de tout document contractuel ou de toute instruction donnée par écrit avant qu'il ne commence ses travaux sur la maille additive, l'invention ayant donné lieu au dépôt du brevet FlexiTI américain, anglais et du PCT est une invention hors mission, M. [T] n'ayant jamais eu connaissance des "Board meeting" alors qu'il était stagiaire puis salarié de la société OBL, le seul changement du contenu de sa mission ne pouvant permettre de rattacher l'invention FlexiTI à la qualification d'invention de mission. M. [B] [T] fait valoir qu'en juillet 2015, la société OBL n'envisageait toujours pas une maille biphasée, tandis que le 23 septembre 2015, il a créé le projet de cahier des charges de la nouvelle maille dénommée "PorosouTI evo et/ou FlexiTI", celui-ci étant désigné responsable du projet. M. [B] [T] soutient que si les travaux initiaux de MM. [F] et [N] avaient permis de prendre le premier brevet (PorousiTI), il n'y a pas eu de brevets déposés sur la base des travaux ultérieurs ([H], [G]) et qu'il a fallu attendre les travaux de M. [T] pour qu'une rupture permette de déposer un nouveau brevet (FlexiTI).

La société OBL réplique qu'elle a clairement manifesté sa volonté de s'attribuer l'invention FlexiTI en déposant des brevets à son nom dès 2015, ce que M. [B] [T] savait, qu'elle n'avait donc aucune initiative supplémentaire à prendre à cet égard et qu'elle a pris la peine de répondre à la déclaration d'invention reçue en janvier 2018. Elle en conclut que les formalités légales ont été respectées. La société OBL ajoute qu'elle est spécialisée dans la conception et la commercialisation d'implants en titane poreux pour la reconstitution osseuse en chirurgie maxillo-faciale, particulièrement pour la mandibule, qu'elle concentre ses efforts de recherche sur ce sujet et a mis au point une gamme d'implants PorousiTI qu'elle commercialise. Elle fait valoir que le concept inventif de FlexiTI, reposant sur une maille présentant un comportement biphasé, soit une rigidité différente selon le changement de l'implant afin de stimuler la colonisation osseuse, a été défini par elle, et plus précisément par M. [P] [F], dès le tout début de l'année 2012. La société OBL fait valoir qu'indépendamment des recherches de M. [B] [T] sur un implant osseux en maille additive pour le rachis, la société OBL a examiné l'opportunité de poursuivre le développement du projet FlexiTI au regard de ses intérêts stratégiques et commerciaux et que, compte tenu de la similitude des problématiques entre les travaux de M. [B] [T] en cours et le développement de FlexiTI, la société OBL a proposé au demandeur de modifier son sujet de thèse en le réorientant vers le domaine maxillo-facial, ce qu'il a accepté et qui a été formalisé auprès de l'ANRT. La société OBL soutient que M. [B] [T] s'est consacré à cette mission dès septembre 2015 sous sa direction et sa supervision et que c'est dans ce cadre qu'il a contribué à la conception d'un motif de maille mettant en oeuvre l'invention FlexiTI correspondant à un mode de l'invention telle que brevetée. Soutenant que M. [B] [T] n'était pas à l'origine de la décision du changement de son sujet de thèse, ni du concept inventif de FlexiTI, la société OBL fait valoir que cette invention est une invention de mission.

Sur ce :

Aux termes de l'article L.611-7 du code de la propriété intellectuelle, si l'inventeur est un salarié, le droit au titre de propriété industrielle, à défaut de stipulation contractuelle plus favorable au salarié, est défini selon les dispositions ci-après :
1. Les inventions faites par le salarié dans l'exécution soit d'un contrat de travail comportant une mission inventive qui correspond à ses fonctions effectives, soit d'études et de recherches qui lui sont explicitement confiées, appartiennent à l'employeur. L'employeur informe le salarié auteur d'une telle invention lorsque cette dernière fait l'objet du dépôt d'une demande de titre de propriété industrielle et lors de la délivrance, le cas échéant, de ce titre. Les conditions dans lesquelles le salarié, auteur d'une invention appartenant à l'employeur, bénéficie d'une rémunération supplémentaire sont déterminées par les conventions collectives, les accords d'entreprise et les contrats individuels de travail.

Si l'employeur n'est pas soumis à une convention collective de branche, tout litige relatif à la rémunération supplémentaire est soumis à la commission de conciliation instituée par l'article L. 615-21 ou au tribunal judiciaire.

2. Toutes les autres inventions appartiennent au salarié. Toutefois, lorsqu'une invention est faite par un salarié soit dans le cours de l'exécution de ses fonctions, soit dans le domaine des activités de l'entreprise, soit par la connaissance ou l'utilisation des techniques ou de moyens spécifiques à l'entreprise, ou de données procurées par elle, l'employeur a le droit, dans des conditions et délais fixés par décret en Conseil d'Etat, de se faire attribuer la propriété ou la jouissance de tout ou partie des droits attachés au brevet protégeant l'invention de son salarié.

Le salarié doit en obtenir un juste prix qui, à défaut d'accord entre les parties, est fixé par la commission de conciliation instituée par l'article L. 615-21 ou par le tribunal judiciaire : ceux-ci prendront en considération tous éléments qui pourront leur être fournis notamment par l'employeur et par le salarié, pour calculer le juste prix tant en fonction des apports initiaux de l'un et de l'autre que de l'utilité industrielle et commerciale de l'invention.

3. Le salarié auteur d'une invention en informe son employeur qui en accuse réception selon des modalités et des délais fixés par voie réglementaire.

Le salarié et l'employeur doivent se communiquer tous renseignements utiles sur l'invention en cause. Ils doivent s'abstenir de toute divulgation de nature à compromettre en tout ou en partie l'exercice des droits conférés par le présent livre.

Tout accord entre le salarié et son employeur ayant pour objet une invention de salarié doit, à peine de nullité, être constaté par écrit.

Selon l'article R.611-1 du code de la propriété intellectuelle, le salarié auteur d'une invention en fait immédiatement la déclaration à l'employeur.

L'article R.611-6 dispose que, dans un délai de deux mois, l'employeur donne son accord au classement de l'invention résultant de la déclaration du salarié ou, en cas de défaut d'indication du classement, fait part au salarié, par une communication motivée, du classement qu'il retient.
Le délai de deux mois court à compter de la date de réception par l'employeur de la déclaration du salarié contenant les informations prévues à l'article R. 611-2 ou, en cas de demande de renseignements complémentaires reconnue justifiée, de la date à laquelle la déclaration a été complétée.
L'employeur qui ne prend pas parti dans le délai prescrit est présumé avoir accepté le classement résultant de la déclaration du salarié.

Selon l'article R.611-7, le délai ouvert à l'employeur pour revendiquer le droit d'attribution est de quatre mois, sauf accord contraire entre les parties qui ne peut être que postérieur à la déclaration de l'invention.
Ce délai court à compter de la date de réception par l'employeur de la déclaration de l'invention contenant les indications prévues aux articles R. 611-2 (1o et 2o) et R. 611-3 ou, en cas de demande de renseignements complémentaires reconnue justifiée, de la date à laquelle la déclaration a été complétée.
La revendication du droit d'attribution s'effectue par l'envoi au salarié d'une communication précisant la nature et l'étendue des droits que l'employeur entend se réserver.

Il résulte des dispositions de l'article L.611-7-2 du code de la propriété intellectuelle que la créance de juste prix de l'inventeur salarié naît au moment où l'employeur exerce son droit d'attribution, c'est à dire le jour où il dépose à son nom une demande de brevet dont l'objet est l'invention.

Si la société a déposé un brevet à son propre nom en mentionnant celui de l'inventeur, elle est réputée avoir exercé son droit d'attribution.

Il est observé, par ailleurs, que M. [B] [T], alors qu'il devait faire immédiatement ses déclarations d'invention à la société OBL en application de l'article R.611-1 susvisé, n'a procédé à de telles déclarations que par courrier du 18 janvier 2018, alors que les brevets GB no1609448.4 et WO 2017/042366 ont été déposés les 27 mai et 9 septembre 2016.

M. [B] [T] ne justifie d'aucun motif légitime l'ayant empêché de faire ces déclarations antérieurement.

Il était, au contraire, informé que des demandes de brevets allaient être formalisées dès lors que, dans sa présentation du 25 mai 2016, il indique que la société OBL, forte de son expérience en impression 3D d'implants spécialisés dans le milieu maxillo-facial, a financé la thèse CIFRE dans le but de développer une maille en titane imprimée en 3D permettant la combinaison de grands manques osseux et que ce projet, démarré en septembre 2015, était aujourd'hui sur le point d'être breveté. Il est relevé également que, dans son "2nd year PhD Report" pour la période du 1er avril 2016 au 1er avril 2017, M. [B] [T] écrit "qu'en mai 2016, nous avons décidé de déposer une demande de brevet international pour toutes les innovations et les revendications contenues dans FlexiTI".

M. [B] [T] a d'ailleurs été associé à la rédaction des revendications du brevet WO 2017/042366 dès lors qu'il lui a été demandé de faire part de ses observations sur le projet des revendications préparé, et qu'il a adressé un courriel sur ce sujet à MM. [L] [V], [P] [F] et [U] [N] le 25 août 2016. Il lui a été demandé d'ailleurs de préciser l'adresse de son domicile pour qu'il puisse être désigné comme co-inventeur avec MM. [U] [N] et [P] [F] (pièce défendeurs 8.5.1).

Il était donc informé des demandes de brevets dès l'origine.

Enfin, par courrier recommandé avec accusé de réception du 22 mars 2018, la société OBL a répondu que les invention sur la cage inter-somatique, sur la maille en fabrication additive "FlexiTI" et sur le système de fixation des dispositifs médicaux réalisés en fabrication additive "FlexiFIX" s'inscrivant dans le prolongement de la seconde invention, étaient des inventions de mission, proposant une rémunération globale pour 2.750 euros pour l'ensemble des inventions.

Il y a donc lieu de retenir que la société OBL s'est conformée aux dispositions des articles R.611-6 et R.611-7 du code de la propriété intellectuelle, et que le dépôt en son nom du brevet WO 2017/042366 et de ses extensions est régulier, la société OBL étant en droit de s'attribuer la propriété de ces brevets.

Sur la question de savoir si l'invention "FlexiTI" revendiquée par M. [B] [T] est une invention de mission ou une invention hors mission attribuable, la société OBL justifie qu'à partir de 2005, elle a cherché à concevoir un système d'implant en titane poreux, facilitant la colonisation osseuse, s'adaptant à la morphologie osseuse du patient dénommé PorousiTI, et pouvant servir dans des applications de chirurgie maxillo-faciale, afin notamment de proposer une solution alternative à la reconstruction de la mandibule par prélèvement de tissus osseux.

A cet égard, il est établi que M. [U] [N], alors étudiant en 5ème année ENIM, a établi un rapport de projet de fin d'études intitulé : "Définition d'un implant en titane poreux pour la mandibule", cette étude répondant à une demande de la société OBL. M. [P] [F] a également rédigé une thèse soutenue le 18 novembre 2008 portant sur une "étude biomécanique de la distraction ostéogénique et de sa mise en oeuvre en chirurgie maxillo-faciale", le travail présenté dans le mémoire de thèse ayant été financé par la société OBL dans le cadre d'une convention CIFRE, l'objet de la thèse étant de permettre à cette société d'améliorer les connaissances de ses dispositifs médicaux. M. [U] [N] a également rédigé une thèse présentée le 15 novembre 2011 intitulée "Etude biomécanique de substituts osseux en titane poreux destinés à la chirurgie maxillo-faciale".

Mme [C] [G], dans le cadre de son master 2, en collaboration avec M. [P] [F], directeur de recherche de la société OBL, a fait des investigations, en 2011-2012, pour développer un nouveau design d'implant permettant une rigidité réduite, quatre fois moins rigide que la portion de l'os mandibulaire à laquelle il était rattaché.

La société OBL établit qu'elle a cherché à définir au mieux le design d'une maille constituant l'implant pour imiter le plus possible l'os à combler, tout en préservant une élasticité optimale en raison des différences de charges.

Il est justifié, à cet égard, au regard d'échanges de courriels en janvier et février 2012 entre M. [P] [F] et le professeur [D] [E], que ce dernier a proposé un maillage pour la partie souple ayant comme cahier des charges, la même porosité, la même maille de base et la conservation de l'isotropie de la maille initiale. La solution proposée était d'amener à diminuer par deux la raideur et revenir à la raideur initiale si le niveau de compression dépassait une certaine valeur dépendante du jeu initial des hexagones, la diminution de la raideur correspondant à une première phase élastique et la raideur initiale à une seconde phase élastique. Leurs travaux ont notamment porté sur le calcul de la contrainte maximale de la mastication.

Aussi, à cette époque, l'idée d'un comportement en deux phases de l'implant maxillo-facial a été retenue.

Le professeur [D] [E], qui a participé à la supervision des travaux de M. [B] [T] en qualité de directeur de thèse, dans son attestation du 31 mars 2020 dont le demandeur n'établit pas qu'elle serait dénuée d'objectivité, indique, à cet égard, que le projet "FlexiTI" portait sur la mise au point du concept inventif d'une maille destinée à des implants mandibulaires dont le comportement mécanique présentait deux phases élastiques avec deux modules de Young différents selon les variations de changement, grâce à un design de maille comportant des connexions permanentes et disjointes ou entrelacées, ces dernières entrant progressivement en contact lors de la mise en charge provoquant un phénomène de reprise de charge.

Le professeur [D] [E] déclare que les principes fonctionnels ont été définis dès le début de l'année 2012, ce qui est corroboré par les pièces versées aux débats par la société OBL.

Il est justifié qu'en mars 2012, le projet était déjà dénommé "FlexiTI" et un diagramme de Gantt spécifiant une proposition de calendrier comprenant des phases de pré-étude avec détermination d'une géométrie de maille adaptée à la mandibule, la validation de sa faisabilité industrielle, la conception des implants, la chirurgie, les analyses et la communication, était établi.

La société OBL était entourée de doctorants qui ont poursuivi leurs recherches sur les implants mandibulaires, comme notamment Mme [C] [G] "Analyses expérimentales et modélisation numérique de l'ostéogenèse au sein d'un implant poreux en titane" en juin 2015 et M. [I] [H] en décembre 2016.

Il est, à cet égard, relevé qu'à l'issue de son stage initial auprès de la société OBL, M. [B] [T] a établi un rapport intitulé "mise au point d'une méthode de comparaison pour une nouvelle technique de chirurgie maxillo-faciale", M. [T] ayant étudié les implants maxillaires.

Il est rappelé que les contrats de travail de M. [B] [T] portaient exclusivement sur les implants rachidiens, son premier sujet de thèse arrêté le 1er janvier 2015 étant relatif à la modélisation par éléments finis et l'évaluation clinique d'un système de fusion personnalisé réalisé en fabrication additive pour les pathologies rachidiennes.

M. [B] [T] ne démontre pas qu'il aurait travaillé sur un autre sujet que le rachis avant la fin de l'été 2015, son premier projet de thèse portant sur l'amélioration de la maille PorousiTI pour les implants rachidiens.

La société OBL a, lors de son Board Meeting du 2 juillet 2015, décidé de réorienter l'activité de M. [B] [T] vers l'amélioration de PorousiTI (FlexiTI), ce qui a été confirmé par une autre réunion du Board Meeting du 9 octobre 2015.

M. [B] [T] n'établit pas qu'il avait débuté ses recherches sur FlexiTI, de sa propre initiative, avant le 11 septembre 2015, date de présentation de son travail sur PorousiTI sur le rachis, ni qu'il avait incité la société OBL à procéder à un changement de son activité.

Il reconnaît au contraire, dans un Podcast "Bien dans ma thèse" portant sur son interview, publié le 10 février 2021, accessible notamment sur Youtube, qu'il n'a pas décidé de sa phase de réorientation qui était une opportunité que la société OBL a saisie, ce qui l'a déçu, travailler sur la mandibule lui ayant apparu moins intéressant dans un premier temps.

Le professeur [D] [E], aux termes de son attestation, fait valoir qu'il existe des problématiques communes entre la réalisation de substituts osseux pour les pathologies rachidiennes et pour la chirurgie maxillo-faciale et que la réorientation du sujet de thèse de M. [B] [T] a été dictée par des choix stratégiques d'OBL dont M. [B] [T] n'est pas à l'origine.

A cet égard, par courrier du 2 mai 2016 à l'ANRT, le professeur [D] [E] expose que le substitut osseux par fabrication additive (cette thèse relevant d'un financement CIFRE avec la société OBL Paris), avait pour vocation une utilisation pour le rachis lombaire et que, compte tenu des évolutions du marché, la société OBL a souhaité le prioriser pour une utilisation dans le cadre de la chirurgie maxillo-faciale, ce qui ne modifie qu'à la marge la démarche de recherche proposée autour de ce thème, le professeur [E] approuvant donc la réorientation de M. [B] [T], qui n'aura que peu d'impact sur ses recherches de doctorant, la démarche générale restant identique au cadre initial.

M. [B] [T] a été informé du changement d'orientation de sa thèse en septembre 2015 tandis que, par courriel du 23 septembre 2015 (pièce demandeur 57), il a adressé au professeur [D] [E] et à MM. [P] [F] et [U] [N], le cahier des charges préparé pour la nouvelle maille qui lui a été confiée, sollicitant d'éventuelles corrections, suppressions et ajouts de ses destinataires, les relevés de temps de travail établissant qu'il avait commencé à travailler sur les implants maxillo-faciaux dès le 21 septembre 2015.

Il est rappelé que le changement de cadre des activités de M. [B] [T] a d'ailleurs fait l'objet d'une nouvelle convention de collaboration de recherche CIFRE formalisée entre l'ARTS et la société OBL le 5 avril 2016 portant sur la conception, la modélisation et la simulation de substituts osseux personnalisés réalisés en fabrication additive pour la chirurgie maxillo-faciale.

M. [B] [T] a, dans le cadre des nouvelles recherches qui lui ont confiées, rédigé deux PhD Reports couvrant les périodes des 1er avril 2015 au 1er avril 2016 et 1er avril 2016 au 1er avril 2017 retraçant l'évolution de ses travaux sur les implants maxillo-faciaux dans le cadre du projet FixiTI.

Il résulte des rapports d'activité établis dans le cadre de la convention CIFRE dont M. [B] [T] était destinataire, que la première année de thèse a été consacrée à l'analyse de la bibliographie internationale et au développement d'une nouvelle maille en titane poreux pour l'utilisation en chirurgie maxillo-faciale, la deuxième année étant consacrée à la réalisation d'essais mécaniques de certification ainsi qu'à une étude animale, que l'avancement des travaux de thèse était en parfaite adéquation avec le planning initial, ces travaux s'étant concrétisés par deux brevets internationaux, les premiers prototypes ayant fait l'objet d'une batterie de tests biomécaniques ayant démontré tout le potentiel de l'approche proposée dans ce travail.

Enfin, il est constant que M. [B] [T] a travaillé sous l'autorité et la supervision de MM. [U] [N] et [P] [F], qui avaient déjà mené des recherches sur le dispositif "FlexiTI", conformément à son contrat de travail conclu avec la société OBL le 30 mars 2015 : "il exercera ses fonctions dans le cadre des instructions données par le directeur général de la société, M. [P] [F], et du contrôle du directeur du département RetD de la société, délégué par le directeur général à cet effet".

La nouvelle convention CIFRE du 5 avril 2016 stipulait, par ailleurs, que le suivi technique était assuré par M. [P] [F], directeur général, et M. [U] [N], ingénieur responsable du pôle Recherche et Développement de la société OBL.

Il est enfin amplement justifié que MM. [P] [F] et [U] [N] ont, eu égard à leurs connaissances techniques dans le domaine FlexiTI, encadré les recherches menées par M. [B] [T], les rapports de thèse à destination de l'ANRT portant leurs appréciations, MM. [F] et [N] ayant, par ailleurs, relu le projet de mémoire de M. [B] [T], lequel a suivi le cahier des charges défini.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, il est établi que l'invention "FlexiTI" revendiquée, qui a donné lieu au dépôt des brevets litigieux, est une invention de mission, l'invention ayant été faite en exécution des études et des recherches qui avaient été explicitement confiées par la société OBL à M. [B] [T].

Sur l'invention FlexiFIX :

M. [B] [T] fait valoir que cette invention n'est pas visée par le contrat d'origine, ni par la modification du sujet de thèse ni par les déclarations rectificatives de la société OBL à l'ANRT, l'invention portant sur la création d'un système (dispositif médical) permettant la continuité des propriétés mécaniques entre une structure poreuse constituant un implant et l'os du patient, notamment la mâchoire. M. [B] [T] expose qu'il n'a reçu aucune instruction ou apport pour la réalisation de cette invention. Il soutient que cette invention a d'abord été mentionnée par lui le 11 janvier 2017, puis montrée le 12 janvier 2017 au responsable de l'impression 3D métal à MATERIALISE. Elle a ensuite été montrée en dessin dans un mail envoyé au professeur [E] le 16 janvier 2017. Elle a été mentionnée dans le projet de thèse envoyé uniquement au professeur [E] le 24 avril 2017, ce projet comportant des dessins et notamment celui de la vis hélicoïdale qui sera utilisée, les travaux ayant entre temps été envoyés à MM. [F] et [N] le 29 mars 2017 afin qu'il soit présenté au Board de la société avec un document ne comportant que son nom et montrant la vis hélicoïdale. Il indique que le projet et l'idée de déposer un brevet étaient aussi mentionnés dans son rapport PhD de seconde année couvrant la période avril 2016-avril 2017 expressément visé par la société OBL. M. [B] [T] ajoute que ce n'est que le 11 mai 2017 qu'il prendra rendez-vous avec M. [V], qui était "IP Officer" de MATERALISE pour lui présenter l'invention et discuter de sa brevetabilité.

La société OBL réplique que le projet FlexiFIX vient compléter le dispositif FlexiTI et ne se comprend qu'en présence de l'implant FlexiTI auquel il offre une solution de fixation. Elle fait valoir que l'invention FlexiFIX s'inscrit dans le prolongement des travaux de recherche concernant l'implant en titane poreux FlexiTI et que les travaux de M. [B] [T] sur le projet FlexiFIX découlaient de la mission de recherche sur l'implant FlexiTI qui lui avait été confiée, le système FlexiFIX, qui a pour but d'améliorer la fixation de l'implant en titane dans l'os et ainsi le confort du patient après la chirurgie ayant été imaginé pour l'implant mandibulaire FlexiTI afin de créer des fixations dont les propriétés mécaniques seraient identiques au comportement biphasé de FlexiTI. La société OBL soutient que le projet FlexiFIX a été porté et supervisé par elle, l'invention FlexiFIX constituant, comme l'invention FlexiTI, un développement réalisé dans le cadre d'études et de recherches explicitement confiées à M. [B] [T], et appartenant dès lors à la société OBL. La société OBL conclut que l'invention FlexiFIX est une invention de mission.

Sur ce :

Il est établi, en premier lieu, que M. [B] [T] a été informé du dépôt du brevet EP 173068479 dès l'origine, M. [L] [V], par courriel du 14 novembre 2017, lui indiquant qu'il travaillait sur un brevet pour FlexiFIX et lui demandant de lui envoyer des documents pour la création des figures. Le 18 janvier 2018, M. [L] [V] indiquait à M. [B] [T] que le brevet avait été déposé en décembre 2017.

Ensuite, la société OBL justifie que, dès 2015, la question de la fixation des implants mandibulaires en maille additive destinés à remplacer un espace osseux manquant était un sujet de recherche pour la société OBL, ainsi qu'il résultait notamment de la thèse de Mme [C] [G] "Analyses expérimentales et modélisation numérique de l'ostéogenèse au sein d'un implant poreux en titane" soutenue le 16 juin 2015.

Dans son attestation du 31 mars 2020, le professeur [D] [E], rappelant qu'il a été impliqué dans le projet FlexiFIX d'OBL en continuité directe avec les travaux antérieurs, déclare que "FlexiFIX concerne un nouveau système de fixation pour implant. Suite aux observations de l'étude animale réalisée par le docteur [H] lors de sa thèse et en particulier les problématiques de rupture de pâtes de fixation, nous avions proposé dès 2012 le principe de la reprise de charge par le fût médullaire".

A cet égard, dans sa thèse soutenue le 15 décembre 2016, " Modélisation biomécanique et étude de la fonctionnalisation d'un implant personnalisé de reconstruction mandibulaire en titane poreux", M. [I] [H] mentionne : "L'objectif global de ce travail est d'étudier les conditions d'utilisation d'implants en titane poreux pour la reconstruction de pertes de substances osseuses interruptives impliquant une reprise de charge, et plus particulièrement de pertes de substances mandibulaires. Pour y parvenir, il nous faudra répondre aux questions suivantes: (...) Comment gérer l'interface os-implant au moment de la pose pour permettre une stabilité suffisante et une reprise de charge à même de garantir la fonctionnalisation de l'implant et sa recolonisation osseuse ?"(...) La deuxième partie (de ce travail) s'attache à l'étude de la fixation osseuse des implants et à l'optimisation de la transmission des contraintes entre l'os et l'implant".

Il est observé que, dans le cahier des charges soumis au professeur [D] [E] et à la société OBL et dont la version initiale avait été rédigée par M. [B] [T] et présentée pour correction et ajouts le 23 septembre 2015, l'analyse fonctionnelle-maille 3D confiée à M. [B] [T] avait notamment pour fonction, afin d'assurer une résistance mécanique suffisante de l'implant dès la chirurgie, que l'implant devait présenter une tenue mécanique suffisante dès l'implantation et que, pour l'application à la mandibule, il s'agissait de présenter une résistance au moins suffisante à la mastication fonctionnelle. Il en allait de même pour la fixation qui devait permettre de supporter les charges imposées lors de la mastication.

Le cahier des charges élaboré prévoyait, à cet égard, que les tâches confiées à M. [B] [T] portaient notamment, pour permettre l'implantation, sur la fixation de l'implant, le système de fixation devant permettre une continuité mécanique entre l'os et l'implant.

Aussi, la société OBL avait clairement prévu que M. [B] [T] devait, dans le cadre du projet, définir un dispositif de fixation de l'implant répondant aux exigences fixées, M. [B] [T] précisant, dans son rapport de thèse pour la période du 1er avril 2016 au 1er avril 2017 que l'implant devrait être fourni avec le dispositif nécessaire à sa mise en place.

Dans un courriel adressé au professeur [D] [E] le 16 janvier 2017, M. [B] [T], reconnaissant qu'il avait travaillé sur la base d'un dispositif envisagé par le professeur [E] dans le cadre de sa collaboration avec la société OBL, lui notifiait que "nos prototypes sont enfin pris en charge par le service développement impression de MATERIALISE. Du coup, nous devrions voir arriver FlexiTI en grand et petit modèle incessamment sous peu. De même, à cette impression devrait être joint le nouveau système de fixation (FlexiFIX) qui se base sur une de tes idées (...) une vis imprimée qui est connectée à FlexiTI".

Le rapport d'activité de la 2ème année de thèse de M. [B] [T], dans le cadre de sa collaboration avec la société OBL au titre de la convention CIFRE, signé par MM. [B] [T], [U] [N] et [D] [E], indique que la maille innovante imprimée en 3D qui fait l'objet de cette thèse a été mise au point(...) Et qu'en parallèle, un système de fixation innovant a été mis au point pour assurer la continuité des contraintes mécaniques entre la fixation et l'implant.

Enfin, M. [B] [T] a rendu compte à MM. [P] [F] et [U] [N] de l'avancement de ses travaux sur le système de fixation FlexiFIX, ainsi qu'il résulte notamment de la nouvelle présentation qu'il a préparée pour le Board de la société OBL envoyée le 29 mars 2017, reconnaissant l'implication de cette société dans son rapport de thèse de deuxième année : "afin d'améliorer le confort chirurgical et la fixation générale de l'implant, nous avons décidé de concevoir un nouveau type de fixation qui peut être implanté directement dans la partie corticale de l'os mandibulaire sectionné s'il y en a un".

Par conséquent, il y a lieu de retenir que l'invention FlexiFIX est, comme l'invention FlexiTI, une invention de mission, l'invention ayant été faite en exécution des d'études et des recherches qui avaient été explicitement confiées à M. [B] [T] par la société OBL.

Sur la rémunération supplémentaire de M. [B] [T] :

M. [B] [T] fait valoir qu'un barème interne sur la rémunération des inventions de salariés non accepté par contrat ou accord collectif ne peut être opposé à un salarié, étant précisé que le barème et les conditions d'attribution de primes ne lui ont pas été communiqués et ne sont pas produits aux débats. Il ajoute que les nombreux brevets déposés dans le cadre de ses inventions présentent un grand intérêt pour la société OBL. Il soutient que la somme qui lui a été allouée au titre de la rémunération supplémentaire est dérisoire. M. [B] [T] indique que les brevets en cause sont des innovations, qu'il a conçues en partant quasiment de rien et qu'il n'est pas démontré que la technologie développée n'était pas exploitable.

M. [B] [T] fait valoir que MM. [P] [F], [U] [N] et [L] [V] n'ont pas participé réellement aux inventions FlexiTi et FlexiFIX ou que leurs contributions sont insignifiantes.

La société OBL réplique que le barème de rémunération pratiqué par MATERIALISE est applicable au demandeur, que les inventions FlexiTI et FlexiFIX ne sont pas exploitables, n'ayant été développées qu'en partie par M. [B] [T] et que des recherches sont toujours en cours. Elle soutient que les sommes demandées sont excessives et dénuées de tout fondement, la contribution de M. [B] [T] se limitant à un mode de maille mettant en oeuvre le concept inventif défini en 2012 par la société OBL et plus précisément M. [P] [F], qui a encadré les travaux du demandeur aux côtés de M. [U] [N], tandis que l'invention FlexiFIX résulte des apports respectifs de MM. [L] [V] et [B] [T].

Sur ce :

Il est justifié qu'au titre de sa rémunération complémentaire, M. [B] [T] a reçu le 13 décembre 2018 un règlement de 500 euros pour l'invention FlexiTI en maille additive, la rémunération globale retenue pour l'invention de 1.500 euros étant partagée entre les trois inventeurs, MM. [B] [T], [U] [N] et [P] [F].

Le demandeur a également reçu paiement de 750 euros pour l'invention FlexiFIX, la rémunération globale de 1.500 euros étant partagée entre les inventeurs, MM. [B] [T] et [L] [V].

Il est rappelé qu'aux termes de l'article L.611-7 du code de la propriété intellectuelle, les conditions dans lesquelles le salarié, auteur d'une invention appartenant à l'employeur, bénéficie d'une rémunération supplémentaire sont déterminées par les conventions collectives, les accords d'entreprise et les contrats individuels de travail.

Il n'est pas contesté que les salariés de la société OBL sont soumis à la convention collective des Ingénieurs et Cadres de la métallurgie, laquelle prévoit, en son article 26, que "la rétribution de l'ingénieur ou cadre (auquel est confié une mission inventive) tient compte de cette mission, de ces études ou recherches et rémunère forfaitairement les résultats de son travail. Toutefois, si une invention dont le salarié serait l'auteur dans le cadre de cette tâche, présentait pour l'entreprise un intérêt exceptionnel dont l'importance serait sans commune mesure avec le salaire de l'inventeur, celui-ci se verrait attribuer, après la délivrance du brevet, une rémunération supplémentaire pouvant prendre la forme d'une prime globale versée en une ou plusieurs fois".

L'article 26 de cette convention collective, qui exclut la rémunération supplémentaire pour les inventions ne présentant pas pour l'entreprise un intérêt exceptionnel dont l'importance serait sans commune mesure avec le salaire de l'inventeur, est réputé non écrit car contraire à l'article L.611-7 du code de la propriété intellectuelle, d'ordre public, les clauses d'une convention collective ne pouvant restreindre les droits que le salarié tient de la loi (Cassation, chambre commerciale, 22 février 2005, no de pourvoi 03-11027).

La rémunération supplémentaire, qui ne peut donc reposer sur l'intérêt exceptionnel que représenterait l'invention pour l'entreprise, n'est pas fixée par le contrat de travail de M. [B] [T] et n'est pas prévue par un accord d'entreprise négocié entre l'employeur et les représentants des salariés.

Cependant, le barème interne MATERIALISE opposé par la société OBL peut être pris en compte, même s'il n'a pas fait l'objet d'une négociation entre les partenaires sociaux et qu'il n'a pas été accepté par le salarié lors de son embauche, dès lors qu'il n'est pas contraire à la loi ni à la jurisprudence en la matière.

Il convient d'examiner la rémunération supplémentaire à laquelle M. [B] [T] peut prétendre en tenant compte de l'intérêt économique de l'invention, de la contribution personnelle de l'inventeur, des difficultés de mises au point, ces critères comportant entre autres la distinction entre invention et amélioration.

Concernant l'intérêt économique des inventions FlexiTI et FlexiFIX pour la société OBL, il y a lieu de prendre en considération leur valeur qui ne peut être déterminée qu'au regard du chiffre d'affaires et de la marge réalisés au moyen des applications industrielles issues des brevets qui portent sur ces inventions.

Le seul fait que la société OBL investisse des fonds en matière de recherche et développement ne peut garantir le succès commercial de l'invention et des bénéfices pour la société.

Or, ainsi que le rappelle M. [U] [N] lors de sa relecture sur le texte de la thèse de M. [B] [T], sur l'invention FlexiTI : "le cahier des charges n'est pas respecté et la validation mécanique effectuée jusqu'à présent n'est qu'une petite partie de la validation nécessaire", ce qu'a indiqué le professeur [D] [E] le 3 novembre 2016 en précisant que la maille dessinée initialement n'était pas conforme au cahier des charges. Il est ajouté que, dans son courrier du 20 mai 2018, la société OBL a écrit à M. [B] [T] que cette invention n'était pas exploitée, le dispositif n'ayant pas été validé sur le plan réglementaire.

La société OBL a utilisé les recherches de M. [B] [T] sur FlexiTI pour continuer à améliorer la maille additive, Mme [A], dans son rapport de master de juillet 2010, indiquant que les tests sur le motif FlexiTI élaboré par M. [T] montraient une plastification précoce du modèle, ce qui signifiait que ce modèle tel qu'il était ne répondait pas aux exigences.

Il est donc établi que la maille élaborée par le demandeur n'était pas exploitable, de sorte que la société OBL ne l'a pas commercialisée, le fait de déposer des brevets n'impliquant pas nécessairement une commercialisation subséquente, mais pouvant exprimer la volonté de protéger les résultats des recherches déjà effectuées, dans l'espoir de pouvoir à terme commercialiser un dispositif répondant à l'ensemble des contraintes techniques.

Enfin, le dispositif de fixation FlexiFIX, qui porte sur l'application de la maille FlexiTI, n'est pas plus exploité par la société OBL.

Pour l'invention FlexiTI, il est incontestable que M. [B] [T] a été encadré dans son travail de recherches par MM. [U] [N] et [P] [F] qui connaissaient parfaitement le domaine technique en cause et le projet FlexiTI concernant la maille au comportement biphasé avant l'arrivée de M. [B] [T], lequel a été aidé dans son travail par MM. [N] et [F] qui ont fait part de leurs avis sur les recherches effectuées, au fur et à mesure de leur développement, l'orientant dans ses recherches, ainsi qu'il résulte des pièces communiquées.

M. [B] [T] reconnaît d'ailleurs que MM. [N] et [F] ont participé à l'élaboration de l'invention FlexiTI, dans son courrier adressé à la société OBL le 10 avril 2018, faisant seulement valoir que sa participation serait supérieure à un tiers.

M. [B] [T] ne produit aucun élément permettant de retenir que sa contribution serait prépondérante par rapport à celle de MM. [P] [F] et [U] [N], qui étaient notamment associés au processus de rédaction des revendications des brevets.

Enfin, il a été établi que la mission confiée à M. [B] [T] portait sur la conception d'une maille additive dans le prolongement des recherches déjà accomplies au sein de la société OBL, et à partir des résultats déjà trouvés, et ce, en coopération avec le professeur [D] [E], dans le cadre du projet FlexiTI élaboré dès 2012 portant sur un implant comportant deux phases mécaniques élastiques, dont les principes fonctionnels avaient déjà été définis à cette époque.

Il n'est donc aucunement justifié qu'il convient de remettre en cause la répartition des contributions des inventeurs de l'invention FlexiTI à parts égales retenue par la société OBL, tandis qu'au regard des éléments susvisés et en l'état d'une invention non exploitée, la rémunération supplémentaire proposée de 1.500 euros pour l'invention apparaît satisfactoire.

Enfin, il est établi qu'à partir du mois de mai 2017, M. [L] [V] était impliqué dans la conception de l'invention FlexiFIX et la rédaction du brevet européen EP no 173068479 correspondant. M. [B] [T] ne démontre pas plus que la part de M. [V] dans l'invention serait inexistante ou faible, de sorte qu'il apparaît que c'est également à juste titre que la société OBL a partagé par moitié la rémunération supplémentaire correspondant à l'invention, dont le montant apparaît adapté.

Par conséquent, il convient de débouter M. [B] [T] de ses demandes.

Enfin, la demande formée contre M. [L] [V] tendant à ce que son nom soit retiré des brevets qui le désignent comme inventeur est recevable, M. [B] [T] ayant intérêt à agir lorsque cette demande était formulée, tandis qu'il peut être enjoint judiciairement à un inventeur désigné à tort de modifier la désignation initialement faite dans les brevets.

Cette demande sera cependant rejetée, au regard de ce qui précède, tandis qu'il n'est justifié d'aucune faute de nature à occasionner un préjudice de M. [B] [T] dans le fait d'avoir à tort attrait en la cause M. [L] [V].

Sur les demandes accessoires :

Partie succombante, M. [B] [T] sera condamné aux dépens et à payer à la société OBL 20.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, l'exécution provisoire sera ordonnée.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, mis à la disposition par le greffe le jour du délibéré,

Déboute M. [B] [T] de ses demandes formées contre la société OBL,

Déclare M. [B] [T] recevable en ses demandes contre M. [L] [V],

Déboute M. [B] [T] de ses demandes formées contre M. [L] [V],

Déboute M. [L] [V] de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts,

Condamne M. [B] [T] aux dépens, lesquels pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne M. [B] [T] à payer à la société OBL 20.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Ordonne l'exécution provisoire du jugement.

Fait et jugé à [Localité 6] le 17 mars 2022

LA GREFFIERE LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Ct0196
Numéro d'arrêt : 19/8846
Date de la décision : 17/03/2022

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2022-03-17;19.8846 ?
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