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25/01/2022 | FRANCE | N°19/10156

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Ct0196, 25 janvier 2022, 19/10156


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
3ème section

No RG 19/10156 -
No Portalis 352J-W-B7D-CQS7T

No MINUTE :

Assignation du :
23 Août 2019

JUGEMENT
rendu le 25 Janvier 2022
DEMANDERESSE

Société ORIENTAL RECREATIONAL PRODUCTS (SHANGHAI) CO. LTD
[Adresse 2]
[Adresse 4]
SHANGHAI (CHINE)

représentée par Maître Maëliss VINCENT-MOREAU de la SELEURL MVM AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #C0155 et par Maître Myriam ANGELIER de la SELARL BBLM AVOCATS, avocat au barreau de

MARSEILLE, avocat plaidant

DÉFENDERESSE

Société NOOTICA
[Adresse 3]
[Localité 1]

représentée par Maître Jean-Charles FOUSSAT ...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
3ème section

No RG 19/10156 -
No Portalis 352J-W-B7D-CQS7T

No MINUTE :

Assignation du :
23 Août 2019

JUGEMENT
rendu le 25 Janvier 2022
DEMANDERESSE

Société ORIENTAL RECREATIONAL PRODUCTS (SHANGHAI) CO. LTD
[Adresse 2]
[Adresse 4]
SHANGHAI (CHINE)

représentée par Maître Maëliss VINCENT-MOREAU de la SELEURL MVM AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #C0155 et par Maître Myriam ANGELIER de la SELARL BBLM AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant

DÉFENDERESSE

Société NOOTICA
[Adresse 3]
[Localité 1]

représentée par Maître Jean-Charles FOUSSAT de la SELEURL Cabinet FOUSSAT, Société d'Avocat, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #D0454

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe
Arthur COURILLON-HAVY, juge
[H] [Z], juge

assisté de Lorine MILLE, greffière,

DÉBATS

A l'audience du 09 septembre 2021 tenue en audience publique devant Nathalie SABOTIER et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. L'affaire a fait l'objet de plusieurs prorogations et avis a été donné aux avocats que la décision serai rendue par mise à disposition le 25janvier 2022.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

_________________________

EXPOSÉ DU LITIGE :

La société de droit chinois ORIENTAL RECREATIONAL PRODUCTS (SHANGHAI) CO. LTD (ci-après « ORPC ») se présente comme l'un des leaders du marché mondial des "stand up paddles" qu'elle fabrique et commercialise, notamment, sous le signe « AQUA MARINA ».

La société ORPC est ainsi titulaire de plusieurs marques semi-figuratives « AQUA MARINA » :

- la marque internationale désignant l'Union européenne no1268362, déposée le 16 mai 2015 pour désigner différents produits nautiques en classes 12 et 28 :

- la marque de l'Union européenne no15059272, déposée le 31 janvier 2016, pour désigner, notamment, en classes 12, 25 et 28, les pagaies et les planches à pagayer debout :

- la marque internationale visant l'Union européenne no1456204 déposée le 15 janvier 2019, pour désigner différents produits nautiques en classes 12, 25 et 28 :

La société de droit français NOOTICA se présente quant à elle comme spécialisée dans le commerce électronique de produits nautiques, notamment des kayaks et stand up paddles, son site internet étant accessible à l'adresse etlt;www.nootica.fretgt;.

Les sociétés ORPC et NOOTICA étaient liées par un accord de distribution à effet du 29 août 2016, et pour une durée d'un an, renouvelable à défaut de dénonciation par l'une des parties pendant le mois précédent la date anniversaire du contrat (article L.110-3 du code de commerce).

Par un courriel du 16 novembre 2018, M. [U] [D], déclarant agir pour le compte du "groupe ORPC", a informé la société NOOTICA de ce que plus aucun article "AQUA MARINA" ne lui serait proposé directement à la vente, le groupe préférant notamment la commercialisation de ses produits par des distributeurs exclusifs.

Suspectant que la société NOOTICA se livrait à des faits de contrefaçon par "marque d'appel", la société ORPC a sollicité et obtenu, par une ordonnance du 11 juillet 2019 l'autorisation de faire pratiquer une saisie-contrefaçon au siège de la société NOOTICA. Les opérations se sont déroulées le 25 juillet 2019.

C'est dans ce contexte que, par acte d'huissier délivré le 23 août 2019, la société ORIENTAL RECREATIONAL PRODUCTS CO LTD a fait assigner la société NOOTICA devant le tribunal judiciaire de Paris afin d'obtenir sa condamnation à lui payer diverses sommes.

Dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 7 juin 2021, la société ORIENTAL RECREATIONAL PRODUCTS CO LTD demande au tribunal de :

Vu les articles L.713-2 et L.713-3 du code de la propriété intellectuelle, L.121-1, L.121-2 et L.121-4 du code de la consommation, 1240 du code civil, et L.112-1 et L.335-3 du code de la propriété intellectuelle,

A titre liminaire,
- CONSTATER que la saisie-contrefaçon réalisée le 25 juillet 2019 n'est affectée d'aucune irrégularité ;

- DIRE en conséquence que les éléments et informations obtenus à l'occasion de cette saisie sont parfaitement recevables ;

- JUGER mal fondées les demandes de la société NOOTICA ;
A titre principal,
- CONSTATER que la société NOOTICA a réalisé une campagne promotionnelle importante et continue de produits « AQUA MARINA », tout en indiquant ne pas disposer d'un stock suffisant de produits correspondants pour répondre à la demande du public et qu'elle a fréquemment proposé des produits de substitution de marques différentes aux fins d'inciter la clientèle à se détourner de la marque « AQUA MARINA » ;

- DIRE que cette pratique consistant à tirer profit de la marque « AQUA MARINA » pour réaliser des ventes relatives à des produits de marques différentes constitue un délit de marque d'appel et est constitutive de contrefaçon de la marque internationale semi-figurative visant l'Union Européenne no 1268362 , de la marque de l'Union Européenne n15059272 déposée le 31 janvier 2016, et de la marque internationale semi-figurative visant l'Union Européenne no 1456204 déposée le 15 janvier 2019 appartenant à la société ORIENTAL RECREATIONAL PRODUCTS (SHANGHAI) CO. LTD (ORPC) ;

- DIRE que cette pratique est à tout le moins constitutive de pratiques déloyales et trompeuses, ce qui engage la responsabilité civile de NOOTICA envers la société ORIENTAL RECREATIONAL PRODUCTS (SHANGHAI) CO. LTD (ORPC), sur le fondement de la concurrence déloyale ;

En tout état de cause,
- CONSTATER que la société NOOTICA a enregistré en fraude des droits de la société ORIENTAL RECREATIONAL PRODUCTS (SHANGHAI) CO. LTD (ORPC), le nom de domaine www.aquamarina-france.com qu'elle redirige de manière illicite vers le site www.nootica.fr ;

- DIRE que l'enregistrement d'un nom de domaine identique ou à tout le moins similaire aux marques « AQUA MARINA » est constitutif de contrefaçon de la marque internationale semi-figurative visant l'Union Européenne no 1268362 , de la marque de l'Union Européenne n 15059272 déposée le 31 janvier 2016, et de la marque internationale semi-figurative visant l'Union Européenne no 1456204 déposée le 15 janvier 2019 appartenant à la société ORIENTAL RECREATIONAL PRODUCTS (SHANGHAI) CO. LTD (ORPC) ;

- CONSTATER que la proposition de substitution aux commandes de référence « AQUA MARINA » de produits revêtus de marques différentes s'est régulièrement, et de manière répétée en 2018 et 2019, accompagnée de commentaires de NOOTICA visant à dévaloriser les produits « AQUA MARINA » par rapport aux produits de substitution proposés, ou à mettre en valeur les produits de substitution présentés comme meilleurs ;

- DIRE que ces agissements sont constitutifs de dénigrement fautif engageant la responsabilité civile de NOOTICA envers la société ORIENTAL RECREATIONAL PRODUCTS (SHANGHAI) CO. LTD (ORPC), sur le fondement de l'article 1240 du code civil ;

- CONSTATER que la société NOOTICA exploite les photographies promotionnelles de la société ORIENTAL RECREATIONAL PRODUCTS (SHANGHAI) CO. LTD (ORPC), en fraude de ses droits d'auteur sur ces visuels originaux sur lesquels elle dispose de droits exclusifs;

- DIRE que cette exploitation est constitutive de contrefaçon des droits d'auteur de la société ORIENTAL RECREATIONAL PRODUCTS (SHANGHAI) CO. LTD (ORPC) ;

- DIRE que cette exploitation est à tout le moins constitutive de concurrence déloyale à l'encontre de la société ORIENTAL RECREATIONAL PRODUCTS (SHANGHAI) CO. LTD (ORPC) ;

En conséquence,
- CONDAMNER la société NOOTICA à verser à la société ORIENTAL RECREATIONAL PRODUCTS (SHANGHAI) CO. LTD (ORPC), la somme de 655.500 euros au titre de la contrefaçon des marques « AQUA MARINA » tant du fait des pratiques de marque d'appel que du fait de la redirection du nom de domaine www.aquamarina-france.com vers le site de NOOTICA ;

- CONDAMNER à titre subsidiaire la société NOOTICA à verser à la société ORIENTAL RECREATIONAL PRODUCTS (SHANGHAI) CO. LTD (ORPC) la somme de 250.000 euros au titre des actes de concurrence déloyale commis à l'encontre de la société ORIENTAL RECREATIONAL PRODUCTS (SHANGHAI) CO. LTD (ORPC) par la pratique illicite d'appel;

- CONDAMNER la société NOOTICA à verser à la société ORIENTAL RECREATIONAL PRODUCTS (SHANGHAI) CO. LTD (ORPC), la somme de 250.000 euros au titre du deŽnigrement fautif ;

- CONDAMNER la société NOOTICA à verser à la société ORIENTAL RECREATIONAL PRODUCTS (SHANGHAI) CO. LTD (ORPC) la somme de 100.000 euros au titre de la contrefaçon des droits d'auteur de la société ORIENTAL RECREATIONAL PRODUCTS (SHANGHAI) CO. LTD (ORPC) ;

- CONDAMNER à titre subsidiaire la société NOOTICA à verser à la société ORIENTAL RECREATIONAL PRODUCTS (SHANGHAI) CO. LTD (ORPC) la somme de 100.000 euros au titre des actes de concurrence déloyale commis à l'encontre de la société ORIENTAL RECREATIONAL PRODUCTS (SHANGHAI) CO. LTD (ORPC) du fait de la reprise de ses visuels marketing ;

- FAIRE INJONCTION à la société NOOTICA de cesser toute usage, à quelque titre que ce soit, et sur quel que support que ce soit, des signes « AQUA MARINA » ainsi que des visuels de communication associés, dans des conditions de nature à profiter de la réputation des marques « AQUA MARINA » et ce, aux seules fins de proposer des produits de marques différentes, de tromper les consommateurs ou de jeter le discrédit sur l'image de marque de la société ORIENTAL RECREATIONAL PRODUCTS (SHANGHAI) CO. LTD (ORPC) et ses produits, et ce, sous astreinte de 1.500 € par jour de retard a` compter de la signification du jugement a` intervenir ;

- AUTORISER la société ORIENTAL RECREATIONAL PRODUCTS (SHANGHAI) CO. LTD (ORPC) à faire publier le jugement à intervenir, dans son intégralité ou par extraits, dans 3 journaux ou publications professionnels au choix de la société ORIENTAL RECREATIONAL PRODUCTS (SHANGHAI) CO. LTD (ORPC), et aux frais avancés de la société NOOTICA, sans que le coût de chaque insertion ne puisse excéder la somme de 2.500 euros HT ;

- CONDAMNER la société NOOTICA à verser à la société ORIENTAL RECREATIONAL PRODUCTS (SHANGHAI) CO. LTD (ORPC) la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du Code de ProceŽdure Civile ;

- CONDAMNER la société NOOTICA aux entiers dépens de l'instance en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, dont distraction au profit de Maître Vincent-Moreau.

Dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 4 mai 2021, la société NOOTICA demande au tribunal de :

Vu les articles L.713-4 et L.716-5 du code de la propriété intellectuelle, 1240 du code civil, et 32, 699 et 700 du code de procédure civile,

A titre principal :
- PRONONCER la nullité de la saisie-contrefaçon du 25 juillet 2019 et de la communication du 26 juillet 2019 ;
- PRONONCER l'irrecevabilité de la société ORPC à agir en contrefaçon de marque et
- la DEBOUTER de toutes ses demandes en contrefaçon de marque :
Subsidiairement :
- DEBOUTER la société ORPC de ses griefs et toutes ses demandes au titre de la contrefaçon de marque ;
- DEBOUTER la société ORPC de ses griefs et toutes ses demandes au titre de la concurrence déloyale ;
- DEBOUTER la société ORPC de ses griefs et toutes ses demandes au titre de la contrefaçon de droit d'auteur ;
En tout état de cause :
- DEBOUTER la société ORPC de toutes ses demandes ;
- CONDAMNER la société ORPC à payer à la société NOOTICA la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance ;
- PRONONCER l'exécution provisoire sur cette condamnation.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 juin 2021 et l'affaire plaidée le 9 septembre 2021.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1o) Sur la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon

La défenderesse sollicite à titre liminaire l'annulation du procès-verbal de saisie aux motifs que :
- la requête n'était pas valable, les certificats de marque n'ayant pas été produits lors de la présentation de la requête ;
- les faits ont été présentés de manière déloyale et la procédure détournée pour obtenir la liste des revendeurs de la société NOOTICA ;
- la saisie a eu une portée générale de « perquisition civile » en ce qu'elle n'indiquait aucune limite de période, ni limite sur les produits et modèles en cause, alors même que la requête ne visait que des faits relatifs à un modèle (FUSION) ;
- la saisie est entachée d'irrégularités notamment l'absence de délai entre la signification de l'ordonnance et le début des opérations, l'absence de port par l'huissier de l'original de la minute, le dépassement par l'huissier de sa mission par introduction de programmations dans la base informatique du saisi, ainsi que l'absence de dépôt des pièces saisies au greffe du tribunal de grande instance de Paris.

La demanderesse réplique que la société NOOTICA est irrecevable à formuler des critiques contre la requête et l'ordonnance devant les juges du fond, lesquels ne sont pas compétents pour se prononcer sur les conditions d'obtention de l'ordonnance portant saisie-contrefaçon. Elle conteste quoi qu'il en soit toute présentation déloyale des faits.

La demanderesse fait également valoir que les extraits de la base de données INPI constituent bien des certificats d'enregistrement des marques. Enfin, s'agissant des irrégularités alléguées, la société ORPC soutient que l'huissier était bien porteur de la minute de l'ordonnance, qu'il a signifié cette ordonnance avant ses opérations, ce qui constitue sa seule obligation, et qu'il n'a fait qu'user d'une programmation présente au sein du système NOOTICA pour rechercher les informations qu'il avait été autorisé à saisir, tandis qu'aucun grief n'est caractérisé par l'absence de dépôt des pièces saisies au tribunal de grande instance de Paris ce qui exclut toute nullité.

Sur ce,

a - Il est constamment jugé que les dispositions des articles 496 et 497 du code de procédure civile, qui confèrent au juge qui a rendu l'ordonnance sur requête une compétence exclusive pour connaître du recours en rétractation de l'ordonnance qu'il a rendue, ne font pas obstacle à ce que le juge du fond, appréciant la régularité des éléments de preuve qui lui sont soumis, puisse annuler un procès-verbal de constat pour des motifs tirés des conditions de délivrance de l'ordonnance sur requête (Cass. Soc., 2 octobre 2001, pourvoi no 99-42.171 ; Cass. Civ. 1ère, 14 novembre 2012, pourvoi no11-18.045, cet arrêt ayant été rendu après avis de la 2ème chambre civile).

Ces décisions, transposables à la saisie-contrefaçon, opèrent une distinction entre, d'une part, l'ordonnance sur requête, qui ne peut être rétractée que par le juge même qui l'a prononcée, même si le juge du fond est saisi de l'affaire, de sorte que ce dernier est incompétent pour annuler ladite ordonnance, et, d'autre part, le procès-verbal de la mesure exécutée en application de cette ordonnance, que le juge du fond peut annuler, y compris pour des motifs tirés des conditions de délivrance de l'ordonnance sur requête.

Ainsi, "La compétence exclusive du juge qui a rendu l'ordonnance sur requête pour connaître du recours en rétractation, même si le juge du fond est saisi de l'affaire, ne fait pas obstacle à ce que celui-ci, appréciant la régularité des éléments de preuve qui lui sont soumis, puisse annuler un procès-verbal de saisie-contrefaçon pour des motifs tirés des conditions de délivrance de l'ordonnance ayant autorisé la saisie-contrefaçon." (Cass. Com., 17 mars 2015, pourvoi no 13-15.862)

Il n'est en l'occurrence justifié d'aucune circonstance tirée des conditions de délivrance de l'ordonnance susceptible de conduire à l'annulation du procès-verbal de saisie contrefaçon et en particulier qu'un élément tu par la société requérante aurait conduit le délégataire du président à modifier son appréciation.
En effet, les relations contractuelles entre les parties avaient pris fin depuis plusieurs mois lorsque la saisie a été sollicitée. En outre, au moyen des éléments de preuve qui lui étaient raisonnablement accessibles, la société ORPC a été autorisée à rechercher les preuves de l'étendue des agissements qu'elle soupçonnait de la part de la société NOOTICA.

La société ORPC rapporte en outre amplement la preuve de la titularité de ses droits sur les marques sur le fondement desquelles la mesure a été autorisée.

La mesure ne peut en outre s'analyser en une "perquisition civile", le juge des requêtes ayant limité les recherches autorisées à la preuve des atteintes "par marque d'appel" et en particulier à la recherche (pertinente ici) du nombre de produits marqués en stock, de l'origine de ce stock, du nombre de produits marqués commandés sur le site, de produits marqués pour lesquels une susbtitution a été proposée, et ceux pour lesquels elle a été acceptée, le tout, au moyen de mots-clefs directement en lien avec les faits reprochés et insusceptibles d'amener la preuve de faits sans lien avec l'atteinte alléguée.

b - En outre, en matière d'ordonnance sur requête, le respect du principe de la contradiction qui fonde l'exigence posée à l'alinéa 3 de l'article 495 du code de procédure civile, requiert qu'une copie de la requête et de l'ordonnance soit remise à la personne à laquelle elle est opposée antérieurement à l'exécution des mesures d'instruction qu'elle ordonne, et impose que l'ordonnance ne puisse être exécutée contre cette personne qu'après lui avoir été notifiée. (Cass. Civ. 2ème, 10 février 2011, pourvoi no 10-13.894, Bull. 2011, II, no 36)

En revanche, "Viole l'article L. 332-1 du code de la propriété intellectuelle dans sa version applicable au litige et l'article 495 du code de procédure civile, l'arrêt qui, pour annuler des opérations de saisie-contrefaçon, retient que l'absence de mention sur le procès-verbal de saisie-contrefaçon et sur l'acte de signification de l'ordonnance, de l'heure à laquelle ce dernier est intervenu, ne permet pas de vérifier si la notification a été effectuée préalablement aux opérations de saisie et si un délai suffisant a été laissé au saisi pour prendre connaissance de l'ordonnance, alors que l'acte de signification de l'ordonnance précisait que cette formalité avait eu lieu préalablement aux opérations de saisie-contrefaçon." (Cass. Civ. 1ère, 19 mars 2015, pourvoi no 13-25.311, Bull. 2015, I, no 65)

Il se déduit de cette décision que l'huissier n'est pas tenu de laisser un temps minimal au saisi avant de débuter ses opérations dès lors qu'il lui a notifié l'ordonnance avant de débuter ses opérations.

En l'occurrence, le procès-verbal de saisie-contrefaçon mentionne bien que l'ordonnance a été signifiée à Mme [K] [W], Directrice administrative de la société NOOTICA, et qu'une copie de cette ordonnance lui a été remise, avant le début des opérations.

Il n'est par ailleurs nullement allégué que Mme [W] n'était pas à même de percevoir la portée de l'ordonnance, ni qu'elle aurait été empêchée de prendre le temps de lire cette ordonnance.

Il n'y aura donc pas lieu à annulation du procès-verbal de saisie-contrefaçon pour le motif tiré de ce que le procès-verbal de saisie-contrefaçon ne mentionne pas le délai laissé au saisi pour prendre connaissance de l'ordonnance ayant autorisé la mesure.

Aucun élément ne permet par ailleurs de considérer que l'huissier n'était pas porteur de la minute lors des opérations, tandis que ce dernier n'a pas outrepassé ses pouvoirs en demandant à l'expert informatique dont il était autorisé à se faire assister, de mettre en oeuvre un "ordre SQL". Il s'agit en effet, non pas d'un "bidouillage" illicite comme l'affirme la société défenderesse, mais d'une commande de base attendue de l'expert informatique, consistant, au moyen du langage adapté au logiciel mis en oeuvre par le saisi, à permettre d'effectuer des recherches dans la base de données de ce dernier.

Il n'est enfin fait état d'aucun grief résultant de la remise des pièces saisies au tribunal de Grasse et non au tribunal de Paris.

Il y a donc lieu de rejeter la demande d'annulation du procès-verbal de saisie-contrefaçon.

2o) Sur la recevabilité de la société ORPC à agir en contrefaçon

La défenderesse conclut à l'irrecevabilité des demandes au motif que la société ORPC ne produit aucun certificat d'enregistrement des marques sur lesquelles elle fonde ses demandes en contrefaçon.

La demanderesse oppose que les pièces qu'elle verse aux débats sont amplement suffisantes pour établir la preuve de la titularité des marques.

Sur ce,

La société ORPC verse aux débats en pièce no3 les certificats d'enregistrement de ses trois marques, ainsi qu'une notice actualisée à la date de l'assignation. Elle justifie donc à suffisance de la titularité de ses droits sur les marques servant de fondement aux présentes demandes. La fin de non-recevoir soulevée par la société NOOTICA sera donc écartée.

3o) Sur les actes de contrefaçon des marques « AQUA MARINA »

a - Sur la contrefaçon "par marque d'appel"

La demanderesse expose que la diffusion en Europe par la société NOOTICA de campagnes promotionnelles relatives à des produits « AQUA MARINA » en l'absence de stocks suffisants pour faire face à la demande, et l'envoi de messages génériques proposant des produits de substitution appartenant à une marque tierce caractérisent un usage illicite de la marque litigieuse ayant conduit au minimum à la substitution de 1.975 produits AQUA MARINA par d'autres produits de marques tierces en 2018 et 2019. Par ailleurs, la demanderesse expose que le nombre de 25.633 commandes comportant des produits AQUA MARINA honorées n'établissent aucunement qu'il s'agit de paddles.

La défenderesse oppose l'absence de pratiques de marque d'appel. Elle conclut à la nullité des constats d'huissier des 19 mars et 26 avril 2019 rappelant les termes de l'ordonnance de référé rendue par le délégataire du président du tribunal de commerce de Marseille, ayant relevé que l'huissier n'avait pas respecté les règles de loyauté qui prévalent pour l'établissement de constats. Elle expose également que le grief de pratique de "marque d'appel" n'est pas constitué au vu des stocks de paddles AQUA MARINA détenus par elle, rappelant qu'elle disposait toujours en juillet 2019 d'un important stock, mettant en avant que 25.633 commandes avec au moins un produit AQUA MARINA avaient été honorées. La défenderesse conteste en outre le nombre de ventes substituées en faisant valoir que la manoeuvre opérée par l'huissier n'est aucunement probante et rappelle les quantités de produits acquis auprès de la société ORPC. Enfin et surtout, elle fait valoir que les ruptures de stocks sont le fait de la société ORPC qui a cessé de l'approvisionner directement avant d'interdire à d'autres fournisseurs européens de la fournir également.

Sur ce,

Toute offre publicitaire portant sur des produits de marque dont le distributeur ne dispose pas en quantité suffisante pour satisfaire la demande de la clientèle est illicite. La disponibilité de ces produits peut n'être pas immédiate lorsque l'offreur détient ces produits dans des lieux et conditions lui permettant de les remettre à l'acheteur dans des délais adéquats eu égard à leur nature. Dès lors, ne justifie pas légalement sa décision la cour d'appel qui rejette l'action en concurrence déloyale fondée sur la pratique dite de marque d'appel sans rechercher si l'état des stocks de la société à l'origine de la pratique contestée dans l'ensemble de ses locaux était suffisant pour assurer une disponibilité à bref délai de tous les produits faisant l'objet de la publicité litigieuse dans chacun de ses magasins. (Cass. Com., 30 janvier 2001, pourvoi no 98-21.359, Bull. 2001, IV, no 28)

En l'occurrence, les opération de saisie-contrefaçon ont mis en évidence l'existence de 2077 commandes "remplacées" de produits AQUA MARINA réparties comme suit :
- 1 en 2015,
- 91 en 2016,
- 10 en 2017,
- 904 en 2018,
- 1071 en 2019,
sur un total de plus de 25.000 ventes de produits de cette marque au cours de la même période.

Une forte hausse des remplacements de commandes "AQUA MARINA" est constatée sur la période 2018 / 2019.

Toutefois, la société demanderesse échoue à établir un lien entre ces remplacements et des offres promotionnelles ou des publicités qu'auraient réalisées à dessein la société NOOTICA, ne versant aux débats qu'une capture d'écran non datée évoquant des remises sur de nombreux produits (dont des produits AQUA MARINA) les "17 et 18 mars".

En outre, comme le relève la défenderesse, la hausse des remplacements de commandes de produits marqués peut tout aussi bien s'expliquer par la désorganisation de son réseau résultant de la rupture de l'approvisionnement en provenance directe du groupe ORPC, survenue dès le mois d'août 2018 (pièce NOOTICA no9.1), dont la société NOOTICA a été informée dans des conditions qui lui permettaient raisonnablement de penser que cette décision n'était ni immédiate ni définitive (cf pièces NOOTICA no5 et 8.12), ce qui apparaît comme étant de nature à expliquer qu'elle ait fait le choix de continuer à offrir à la vente des produits "AQUA MARINA", entre août 2018 et mars 2019, en dépit des incertitudes existant sur ses possibilités d'approvisionnement et quoi qu'il en soit, indépendamment de toute offre promotionnelle ou publicité démontrées.

Il en résulte que les faits de contrefaçon "par marque d'appel" ne sont aucunement établis par les pièces produites aux débats. La société ORPC sera donc déboutée de sa demande à ce titre.

b - Sur la redirection du nom de domaine etlt;www.aquamarina-france.cometgt; vers le site etlt;www.nootica.fretgt;

La demanderesse expose que la société NOOTICA procède à la redirection du site à l'adresse etlt;www.aquamarina-france.cometgt; enregistré en fraude de ses droits de marque vers son site internet à l'adresse etlt;www.nootica.fretgt;, sur une page dédiée à la marque « AQUA MARINA », dont la société NOOTICA se présente comme distributeur officiel d'ORPC en France.

La demanderesse soutient que la société NOOTICA ne peut valablement prétendre ne pas être titulaire du nom de domaine litigieux, ni ignorer qu'il redirige vers son site, sans faire preuve de mauvaise foi.
Elle fait également valoir que l'absence d'enregistrement des marques « AQUA MARINA » pour les classes 35, 38 et 42 est sans incidence sur son droit d'action contre des revendeurs faisant la promotion de produits « AQUA MARINA » sur internet.

Enfin, elle soutient que les dispositions relatives à l'épuisement des droits ne donnent en aucun cas le droit de déposer ou d'exploiter les signes distinctifs qui appartiennent à des tiers.

La défenderesse conclut au rejet de cette demande, faisant à titre principal valoir qu'il n'est pas démontré qu'elle soit le titulaire du nom de domaine litigieux, et encore moins qu'elle serait le responsable de la redirection. Elle relève que les marques AQUA MARINA n'ont pas été déposées en classes 35, 38 et 42 en vue de permettre aux revendeurs de faire librement la promotion des produits sur internet. A titre subsidiaire, elle rappelle que les produits qu'elle commercialise sont authentiques de sorte qu'elle dispose du droit d'usage de la marque aux fins de commercialisation de ses produits, ce qui explique la présence de la marque sur son site.

Sur ce,

Il résulte en l'occurrence des copies d'écran produites aux débats que le nom de domaine etlt;www.aquamarina-france.cometgt; dirige l'internaute vers une page du site à l'adresse etlt;www.nootica.fretgt; où est reproduite la marque.

Toutefois, la pièce no7 (constat d'huissier), pas plus que les pièces ORPC no25 et 36, ne contredisent l'affirmation de la société NOOTICA selon laquelle aucun lien commercial n'est actif sur cette page internet. Le constat ne précise pas en effet ce que voit l'internaute en cliquant sur un produit.

Surtout, la société demanderesse n'établit pas que le nom de domaine litigieux a été réservé par la société NOOTICA ou éventuellement l'un de ses dirigeants, et n'en sollicite d'ailleurs pas le transfert à son profit, tandis qu'une redirection n'est en principe possible que par le titulaire du nom de domaine ou son administrateur légitime.

Il en résulte qu'aucun élément ne démontre que la société défenderesse est à l'origine de cette redirection, de même qu'il n'est justifié d'aucun acte positif de la part de la société NOOTICA, en lien avec cette redirection, qui permettrait de supposer qu'elle en est à l'origine, ainsi que le suggère la demanderesse.

La société ORPC ne peut donc qu'être déboutée de sa demande fondée sur la redirection fautive du nom de domaine etlt;www.aquamarina-france.cometgt; qu'elle impute à la société NOOTICA.

4o) Sur les actes de contrefaçon de droits d'auteur par la reprise des visuels marketing d'ORPC

La demanderesse invoque une violation de ses droits d'auteur par la reprise à l'identique de ses visuels marketing, en l'occurrence des photographies promotionnelles de ses produits. Elle revendique l'originalité des photographies en exposant qu'elles font apparaitre les produits de face, de dos et que chaque élément est présenté de façon individuelle comme s'il s'agissait d'un kit, comprenant le paddle lui-même, les rames, une pompe, une dérive etc ; et que le cadrage met l'accent sur la texture des faces du paddle, sur lequel figure la mention de la marque ainsi que la catégorie, avec un certain angle de vue présentant le produit à la verticale, démontrant un parti-pris minimaliste.

La défenderesse réplique que les images figurant sur le site de la société NOOTICA ne reprennent aucunement les photographies en cause. Elle conteste en outre toute protection par le droit d'auteur des photographies invoquées, les qualifiant de banales.

Sur ce,

Conformément à l'article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle, l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous comportant des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial.

En application de l'article L.112-1 du même code, ce droit appartient à l'auteur de toute oeuvre de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination.

Il en résulte que la protection d'une oeuvre de l'esprit est acquise à son auteur sans formalité et du seul fait de la création d'une forme originale en ce sens qu'elle porte l'empreinte de la personnalité de son auteur et n'est pas la banale reprise d'un fonds commun non appropriable.

Dans ce cadre toutefois, il appartient à celui qui se prévaut d'un droit d'auteur dont l'existence est contestée de définir et d'expliciter les contours de l'originalité qu'il allègue. En effet, seul l'auteur, dont le juge ne peut suppléer la carence, est en mesure d'identifier les éléments traduisant sa personnalité et qui justifient son monopole.

En outre, selon l'article 6 « Protection des photographies » de la directive 93/98 du 29 octobre 1993, relative à l'harmonisation de la durée de protection du droit d'auteur et de certains droits voisins, « Les photographies sont originales en ce sens qu'elles sont une création intellectuelle propre à leur auteur sont protégées conformément à l'article 1er. Aucun autre critère ne s'applique pour déterminer si elles peuvent bénéficier de la protection. Les États membres peuvent prévoir la protection d'autres photographies ».

Interprétant cette disposition, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, 1er décembre 2011, aff. C-145/10, [G] [B] contre Standard VerlagsGmbH et autres) a dit pour droit :
« 88 Ainsi qu'il résulte du dix-septième considérant de la directive 93/98, une création intellectuelle est propre à son auteur lorsqu'elle reflète la personnalité de celui-ci.
89 Or, tel est le cas si l'auteur a pu exprimer ses capacités créatives lors de la réalisation de l'oeuvre en effectuant des choix libres et créatifs (voir, a contrario, arrêt du 4 octobre 2011, Football Association Premier League e.a, C-403/08 et C-429/08, non encore publié au Recueil, point 98).
90 S'agissant d'une photographie de portrait, il y a lieu de relever que l'auteur pourra effectuer ses choix libres et créatifs de plusieurs manières et à différents moments lors de sa réalisation.
91 Au stade de la phase préparatoire, l'auteur pourra choisir la mise en scène, la pose de la personne à photographier ou l'éclairage. Lors de la prise de la photographie de portrait, il pourra choisir le cadrage, l'angle de prise de vue ou encore l'atmosphère créée. Enfin, lors du tirage du cliché, l'auteur pourra choisir parmi diverses techniques de développement qui existent celle qu'il souhaite adopter, ou encore procéder, le cas échéant, à l'emploi de logiciels. »

Au cas particulier, outre que les visuels produits apparaissent relever d'un fonds commun non appropriable, s'agissant de planches photographiées sur leurs deux faces, le tribunal ne peut que relever que les visuels utilisés par la société NOOTICA ne reproduisent pas la présentation sur laquelle la société ORPC revendique des droits d'auteur : (cf ci-dessous un extrait des conclusions de la société ORPC elle-même)

visuels dont la protection Visuels argüés de contrefaçon par le droit d'auteur est sollicitée

Les demandes fondées sur la contrefaçon de droits d'auteur seront donc rejetées.

5o) A titre subsidiaire, sur les actes de concurrence déloyale

a - Les pratiques commerciales trompeuses

La demanderesse expose que la société NOOTICA s'est rendue coupable de pratiques commerciales trompeuses en proposant des produits de la marque "AQUA MARINA" aux termes de campagnes promotionnelles multiples et continues et ce, sans disposer du stock suffisant, ou en prétendant ne pas en disposer, afin de proposer des produits de substitution et d'inciter les consommateurs à se détourner des produits « AQUA MARINA », tout en captant le consommateur grâce à la notoriété de la marque. Elle fait valoir que le fait que des conditions générales de vente prévoient une faculté de substitution ou de remplacement au profit du consommateur n'a pas d'incidence sur la qualification de pratique déloyale vis-à-vis du concurrent.

La défenderesse oppose que la société ORPC ne démontre d'aucune manière que le comportement du consommateur serait altéré de manière substantielle par une proposition alternative en cas de rupture de stock provisoire. Surtout, elle fait valoir, si la saisie devait être confirmée, qu'elle a démontré qu'elle avait honoré 25.633 commandes de sorte qu'il est mensonger de prétendre qu'elle aurait procédé à un remplacement systématique des produits « AQUA MARINA ».

Sur ce,

Selon l'article L. 121-2 du code de la consommation, "Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l'une des circonstances suivantes :
1o Lorsqu'elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial ou un autre signe distinctif d'un concurrent ;
2o Lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l'un ou plusieurs des éléments suivants :
a) L'existence, la disponibilité ou la nature du bien ou du service ;"

L'article L. 121-4 de ce même code prévoit en outre que "Sont réputées trompeuses, au sens des articles L. 121-2 et L. 121-3, les pratiques commerciales qui ont pour objet :
5o De proposer l'achat de produits ou la fourniture de services à un prix indiqué sans révéler les raisons plausibles que pourrait avoir le professionnel de penser qu'il ne pourra fournir lui-même ou faire fournir par un autre professionnel, les produits ou services en question ou des produits ou services équivalents au prix indiqué, pendant une période et dans des quantités qui soient raisonnables compte tenu du produit ou du service, de l'ampleur de la publicité faite pour le produit ou le service et du prix proposé ;
6o De proposer l'achat de produits ou la fourniture de services à un prix indiqué, et ensuite :
a) De refuser de présenter aux consommateurs l'article ayant fait l'objet de la publicité ;
b) Ou de refuser de prendre des commandes concernant ces produits ou ces services ou de les livrer ou de les fournir dans un délai raisonnable ;"

Il est admis que le non-respect par un concurrent des règles du droit de la consommation créé une distorsion dans le jeu de la concurrence constitutive, en soi, d'un acte de concurrence déloyale par désorganisation du marché de nature à ouvrir un droit à réparation sur le fondement de la responsabilité délictuelle, ce dont il résulte qu'un opérateur économique est fondé à se prévaloir de pratiques commerciales réalisées en méconnaissance de la réglementation prescrite par le code de la consommation, dès lors qu'elles lui ont causé un préjudice.

La pièce no6, s'agissant du "constat" d'un achat réalisé par l'huissier lui-même au moyen d'identifiants créés pour les besoins du constat et ce, en violation des dispositions de l'article 1er de l'Ordonnance no 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers, est dépourvue de toute force probante.

Aucun autre élément n'établit de lien entre une publicité et un produit finalement remplacé, non plus qu'un usage déloyal de la marque eu égard aux circonstances de l'interruption d'approvionnement décrite plus haut et qui résulte de la décision de la société ORPC elle-même.

La demande fondée sur un préjudice découlant de pratiques commerciales trompeuses sera par conséquent rejetée.

b - Le dénigrement des produits

La demanderesse expose que le contenu des messages de substitution adressés aux consommateurs révèlent une politique de dénigrement menée par la société NOOTICA en présentant des motifs d'indisponibilité du produit erronés tel qu'un défaut de stock, un retard du fournisseur etc, et que la proposition de substitution s'accompagne d'une dévalorisation du produit ou d'une mise en valeur des produits de substitution proposés, lesquels seraient plus récents, de meilleure qualité, plus efficaces et plus fiables.

La défenderesse soutient quant à elle que la société ORPC n'établit pas le caractère mensonger des messages proposant des choix de substitution de produits, et que les messages sont cohérents au regard de la qualité des planches en question.

Sur ce,

Le dénigrement est l'une des déclinaisons de la concurrence déloyale laquelle est considérée comme fautive et engage la responsabilité de son auteur sur le fondement de l'article 1240 du code civil.

Le dénigrement est un comportement contraire aux usages loyaux du commerce consistant à jeter publiquement le discrédit sur une personne, une entreprise ou un produit, dans le but de l'évincer.

Il est à cet égard constamment jugé que la divulgation d'une information de nature à jeter le discrédit sur un concurrent constitue un dénigrement peu important que l'information divulguée soit matériellement exacte ( Cass. Com., 24 septembre 2013, no12-19.790, Bull. 2013, IV, no139) à moins que l'information repose sur une base factuelle suffisante, et sous réserve qu'elle soit exprimée avec une certaine mesure (Cass. Com., 9 janvier 2019, pourvoi no 17-18.350).

En l'occurrence, les agissements dénigrants invoqués ne sont pas établis par les éléments recueillis dans le cadre de la saisie-contrefaçon (pièce ORPC no12) contrairement à ce qui est mentionné dans les conclusions prises au nom de cette société, mais sont annexés à la pièce no6 évoquée précédemment et dépourvue de force probante compte tenu des maneouvres réalisées par l'huissier de justice, ou résultent d'une pièce dont l'origine n'est pas certaine s'agissant d'une copie d'écran (pièce no8).

Il en résulte que la preuve de l'existence même des agissements qualifiés de dénigrants n'est pas établie par les pièces produites aux débats.

c - La reprise des visuels

La demanderesse soutient que la société NOOTICA a repris purement et simplement les visuels de sa propre communication, ce qui induit un risque évident de confusion évident et constitue un détournement de ses efforts marketing, qu'elle n'a jamais autorisé.

La défenderesse fait quant à elle valoir qu'en vertu du principe de liberté du commerce elle peut librement diffuser sur son site marchand un visuel des produits qu'elle commercialise.

Sur ce,

Au visa des articles 1240 et 1241 du code civil, il est constamment jugé que la liberté du commerce autorise tout acteur économique à attirer vers lui la clientèle de son concurrent. Aussi, l'imitation d'un concurrent n'est, en tant que telle, pas fautive, à moins que ne soient utilisés des procédés illicites ou contraires aux usages loyaux du commerce.

Il est en outre constant que celui qui ne dispose pas de droit privatif sur l'élément qu'il exploite dans le commerce ne peut trouver dans l'action en concurrence déloyale ou en parasitisme une protection de repli lui permettant de faire sanctionner la simple exploitation non autorisée de cet élément.

Ainsi, le simple fait de copier un produit qui n'est pas protégé par des droits de propriété intellectuelle ne constitue pas en soi un acte de concurrence déloyale ou de parasitisme.

Est en revanche fautif le fait, pour un professionnel, de s'immiscer dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire particulier (Cass. Com. 26 janvier 1999, pourvoi no96-22.457 ; Cass. Com. 10 septembre 2013, pourvoi no12-20.933), ce qui constitue un acte de parasitisme.

De même, les procédés consistant, par imitation des signes d'un concurrent, à créer dans l'esprit du public une confusion de nature à tromper la clientèle et la détourner, caractérisent des actes de concurrence déloyale.

En l'occurrence, ainsi qu'il a été vu précédemment, non seulement les visuels sur lesquels est fondée la présente demande ne témoigne d'aucune originalité, non plus que d'un savoir faire particulier de la société ORPC, mais encore, à les supposer servilement reproduits (ce qui n'est pas le cas), ils ne l'ont pas été dans le but de détourner la clientèle de la demanderesse mais afin de vendre les produits qu'elle-même fabrique mais pour lesquels elle a choisi de cesser tout approvisionnement.

En définitive, il y a lieu de rejeter les demandes fondées sur la concurrence déloyale et parasitaire quel que soit leur fondement.

6o) Sur l'article 700 et les dépens

Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la société ORPC sera condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer à la société NOOTICA la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, l'exécution provisoire de la présente décision sera ordonnée.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement rendu contradictoirement et en premier ressort,

Le tribunal,

REJETTE la demande d'annulation du procès-verbal de saisie-contrefaçon établi le 25 juillet 2019 par Maître [L] [C] à la requête de la société ORIENTAL RECREATIONAL PRODUCTS (SHANGHAI) CO. LTD;

REJETTE toutes les demandes de la société ORIENTAL RECREATIONAL PRODUCTS (SHANGHAI) CO. LTD qu'elles soient fondées sur la pratique de "marque d'appel", la redirection fautive d'un nom de domaine, la contrefaçon de droit d'auteur, la concurrence déloyale, notamment pas dénigrement, ou parasitaire ;

CONDAMNE la société ORIENTAL RECREATIONAL PRODUCTS (SHANGHAI) CO. LTD aux dépens ;

CONDAMNE la société ORIENTAL RECREATIONAL PRODUCTS (SHANGHAI) CO. LTD à payer à la société NOOTICA la somme de 10.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision.

Fait et jugé à Paris le 25 Janvier 2022.

La GreffièreLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Ct0196
Numéro d'arrêt : 19/10156
Date de la décision : 25/01/2022

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2022-01-25;19.10156 ?
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