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21/01/2022 | FRANCE | N°19/4666

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Ct0196, 21 janvier 2022, 19/4666


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre 2ème section

No RG 19/04666 - No Portalis 352J-W-B7D-CPU37

No MINUTE :

Assignation du :
02 Avril 2019

JUGEMENT
rendu le 21 Janvier 2022
DEMANDEURS

S.A.S. AZUR DRONES venant aux droits de la société SKEYETECH, suivant fusion-absorption du 25 juillet 2018
[Adresse 3]
[Localité 7]

Monsieur [V] [I]
[Adresse 8]
Appt 1B
[Localité 4]

Monsieur [Z] [D]
[Adresse 2]
Appt 21
[Localité 5]

représentés par Maître Albane EGLINGER de la SELAS KPMG AVOCA

TS, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire #1703

DÉFENDERESSE

Société DRONE PROTECT SYSTEM
[Adresse 1]
[Localité 6]

représentée par Maître ...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre 2ème section

No RG 19/04666 - No Portalis 352J-W-B7D-CPU37

No MINUTE :

Assignation du :
02 Avril 2019

JUGEMENT
rendu le 21 Janvier 2022
DEMANDEURS

S.A.S. AZUR DRONES venant aux droits de la société SKEYETECH, suivant fusion-absorption du 25 juillet 2018
[Adresse 3]
[Localité 7]

Monsieur [V] [I]
[Adresse 8]
Appt 1B
[Localité 4]

Monsieur [Z] [D]
[Adresse 2]
Appt 21
[Localité 5]

représentés par Maître Albane EGLINGER de la SELAS KPMG AVOCATS, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire #1703

DÉFENDERESSE

Société DRONE PROTECT SYSTEM
[Adresse 1]
[Localité 6]

représentée par Maître Ron SOFFER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C2110

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Catherine OSTENGO, Vice-présidente
Elise MELLIER, Juge
Alix FLEURIET, Juge

assisté de Quentin CURABET, Greffier

DÉBATS

A l'audience du 26 Novembre 2021 tenue en audience publique devant Catherine OSTENGO et Elise MELLIER, juges rapporteurs, qui sans opposition des avocats ont tenu seules l'audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile.

Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 21 Janvier 2021

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

[V] [I], [Z] [N] et [L] [E], ingénieurs de formation, ont constitué, au mois de novembre 2014, la société SKEYETECH dont l'activité est l'étude, la conception et la réalisation de systèmes mécatroniques et qui commercialise des drones à usage professionnel. Celle-ci a fait l'objet d'une fusion absorption par la société AZUR DRONES, le 25 juillet 2018.

La société DRONE PROTECT SYSTEM (ci-après DPS), créée en 2015, propose et promeut des solutions de sécurité autonomes utilisant notamment des drones et a pour activité principale l'aérosurveillance et la surveillance à distance de systèmes de sécurité.

Courant 2016, les parties se sont rapprochées à l'initiative de la société DPS pour envisager la conclusion d'un contrat de distribution, qui sera signé le 23 septembre 2016, portant sur « une solution permettant la surveillance de site par drone et son interfaçage dans une solution de vidéo protection ainsi qu'une station d'accueil permettant le rechargement de celui-ci ».

Dans ce cadre, elles avaient précédemment signé un accord de confidentialité le 15 mars 2016.

Le 11 juillet 2017, la société DPS a adressé à la société SKEYETECH une mise en demeure d'avoir à livrer sous trois semaines les matériels commandés.

Par courrier du 30 octobre 2017, la société SKEYETECH, arguant de violations répétées des stipulations contractuelles, a adressé à la société DPS un courrier de résiliation immédiate du contrat de distribution.

En réponse, la société DPS lui a fait adresser le 3 novembre 2017 une nouvelle mise en demeure de cesser tout acte de parasitisme en matière de développement de drone autonome de surveillance et sécurité, de livrer le prototype et de fournir un planning de livraison des 23 drones contractuels, avant de contester la rupture du contrat de distribution devant le tribunal de commerce de Bordeaux qui, par jugement du 1er juillet 2019, a ordonné un sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la présente procédure.

Parallèlement, le 9 juin 2017, la société DPS avait déposé une demande de brevet français FR 1 755 160 intitulé « procédé de vidéosurveillance utilisant au moins un drone autonome et dispositif pour sa mise en oeuvre » délivré le 28 juin 2019 ainsi qu'une demande internationale PCT WO 2018/224573 le 7 juin 2018, dont est issue la demande de brevet européen EP3635696.

Considérant que ces demandes de brevets ont été déposées par la société DPS en violation de ses droits et des accords conclus entre les parties, la société AZUR DRONES lui a fait délivrer une assignation en date du 2 avril 2019 aux fins de revendication de leur propriété.

Dans ce contexte, la société DPS, précédemment autorisée par ordonnance du 26 février 2021 a fait procéder à une saisie contrefaçon dont les opérations se sont déroulées le 1er avril 2021 au siège social de la société AZUR DRONES, puis lui a fait délivrer une assignation en contrefaçon de son brevet le 7 avril 2021, l'affaire étant pendante devant la 3e section de la 3e chambre civile du tribunal judiciaire de Paris.

***
Dans leurs dernières conclusions signifiées par voie électronique le 29 juin 2021, la société AZUR DRONES, [V] [I] et [Z] [N] demandent au tribunal de :

Vu les articles L. 611-1, L. 611-6, L. 611-7, L. 611-8, L. 611-9 du code de la propriété intellectuelle,
Vu les articles 549, 1103, 1104, 1231-1 du code civil,
Vu les articles 514 et 514-1 du code de procédure civile,
Vu les pièces visées,

DIRE ET JUGER la société AZUR DRONES, Messieurs [V] [I] et [Z] [N] recevables et bien fondés en leurs demandes ;

En conséquence,
- DEBOUTER la société DPS de toutes ses demandes fins et prétentions, en ce compris de sa demande subsidiaire d'attribution des deux tiers de la propriété du brevet ;
- ORDONNER la subrogation de la société AZUR DRONES dans les droits de la société DPS au titre du brevet français FR 1755160 et de la demande PCT WO 2018/224578, ainsi que des brevets nationaux issus de cette demande internationale, en particulier de la demande de brevet européen EP3635696, à compter de leurs dates de dépôt respectives, à savoir les 9 juin 2017 et 7 juin 2018 ;
- CONDAMNER la société DRONE PROTECT SYSTEM à restituer à la société AZUR DRONES les fruits qu'elle aura pu tirer de l'exploitation du brevet français FR 1755160 et des brevets nationaux issus de la demande PCT WO 2018/224578, en particulier de la demande de brevet européen EP3635696 ;

Pour ce faire,
- ORDONNER à la société DRONE PROTECT SYSTEM de communiquer tous les bons de commandes, factures et justificatifs des recettes d'ores et déjà perçues par elle à la date de la présente assignation, ainsi que de celles à percevoir jusqu'au prononcé du jugement à intervenir ;
- ORDONNER également à la société DRONE PROTECT SYSTEM la communication de tous les contrats de licences concédés par elle à des tiers, ainsi que les justificatifs des redevances d'ores et déjà perçues par elle à la date de la présente assignation, ainsi que de celles à percevoir jusqu'au prononcé du jugement à intervenir ;

A défaut, pour la société DRONE PROTECT SYSTEM de déférer aux demandes de communication ci-avant,
- CONDAMNER cette dernière au paiement d'une indemnité d'un montant à parfaire de 200.000 euros ;
- ORDONNER à la société DRONE PROTECT SYSTEM de cesser toute exploitation de l'invention objet des demandes de brevet litigieuses, à quelque titre que ce soit, sous astreinte définitive de 5.000 euros par jour de retard et/ou par infraction constatée à compter de la signification du jugement à intervenir.
- CONDAMNER la société DRONE PROTECT SYSTEM à verser à la société AZUR DRONES la somme de 50.000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice subi en raison de la divulgation d'informations confidentielles ;
- CONDAMNER la société DRONE PROTECT SYSTEM à verser à la société AZUR DRONES la somme de 250.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'elle a subi, en raison notamment de l'atteinte portée à son image auprès de ses partenaires commerciaux ;
- ORDONNER que la mention du nom de Messieurs [V] [I] et [Z] [N] en qualité d'inventeurs soit portée sur le brevet français FR 1755160 et sur les brevets nationaux issus de la demande PCT WO 2018/224578, en particulier sur la demande de brevet européen EP3635696 ;
- CONDAMNER la société DRONE PROTECT SYSTEM à verser à Messieurs [V] [I] et [Z] [N] la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts chacun, en réparation du préjudice subi en raison de la désignation inexacte de Messieurs [Y] [F] et [U] [T] en qualité d'inventeurs ;
- ORDONNER l'inscription du jugement à intervenir au Registre National des Brevets et ainsi qu'auprès de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle, à la requête de la plus diligente des parties et aux seuls frais de la société DPS ;
- ORDONNER la publication du jugement à intervenir, in extenso ou par extraits, dans trois journaux ou magazines au choix de la société AZUR DRONES, durant trois publications successives, et aux frais de la société DRONE PROTECT SYSTEM, dans la limite de 5.000 euros Hors Taxes par parution et support ;
- ORDONNER la publication du jugement à intervenir en intégralité en page d'accueil du site internet de la société DRONE PROTECT SYSTEM hébergé à l'adresse http://www.droneprotectsystem.fr/, ou sur tout autre site internet qui lui serait substitué, ainsi que sur tout autre site Internet exploité par la société DRONE PROTECT SYSTEM ;
- ORDONNER à la société DPS de restituer à la société SKEYETECH le prototype de station installée par cette dernière sur le site de la société TOM D'AQUI, sis Route Pontenx, à PARENTIS dans les Landes (40).
- CONDAMNER la société DRONE PROTECT SYSTEM la somme de 85 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- CONDAMNER la société DRONE PROTECT SYSTEM aux entiers dépens ;
- DIRE n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

*
Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 1er juillet 2021, la société DPS demande au tribunal de :

Vu l'article L. 611 1 du code de la propriété intellectuelle,
Vu l'article L. 611 8 du code de la propriété intellectuelle,
Vu l'article L. 611 6 du code de la propriété intellectuelle,
Vu l'article L. 611 10 du code de la propriété intellectuelle,
Vu l 'article L. 613 25 du code de la propriété intellectuelle,
Vu la jurisprudence,
Vu les directives de l'OEB,
Vu les pièces communiquées,

A titre principal :
- CONSTATER que DPS est le titulaire en droit du brevet FRl755l60 et de la demande d'extension internationale PCT WO 2018/224578 dont est issue la demande de brevet européen EP3635696 ;

En conséquence,
-DEBOUTER la société AZUR DRONES, Messieurs [V] [I] et [Z] [D] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
-ORDONNER la publication du jugement à intervenir par extraits, au choix de la société DPS, dans trois journaux ou magazines au choix de DPS, aux frais de la société AZUR DRONES dans la limite de 5.000,00 euros HT (cinq mille euros) par parution ;
-ORDONNER la publication du jugement à intervenir en intégralité en page d'accueil du site Intemet de la société AZUR DRONES ou sur tout autre site qui lui serait substitué ainsi que sur tous sites Intemet exploités par la société AZUR DRONES ;
-ORDONNER l'exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant appel et sans caution ;
- CONDAMNER in solidum la société AZUR DRONES, Messieurs [V] [I] et [Z] [D] à verser à la société DSP la somme de 85.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

A titre subsidiaire
- CONSTATER que DPS est l'inventeur des caractéristiques du brevet FRl755l60 et de la demande d'extension internationale PCT WO 2018/224578 dont est issue la demande de brevet européen EP3 635696 déclarées nouvelles et inventives par l'OEB et l'INPI, à savoir :
-l'élaboration du plan de vol depuis la station doaccueil et l'utilisation (Etape 2 des revendications 1 et 8) ; et l'utilisation de plusieurs stations d'accueil avec la faculté pour la centrale de déterminer la station la plus apte à exécuter la mission de levée de doute (revendications 5 et 9) ;

En conséquence,
-DEBOUTER les demandeurs de leur demande tendant à être reconnus comme les inventeurs de l'étape 2 des revendications l et 8 et des revendications 5 et 9 ;
-DEBOUTER les demandeurs de toutes leurs demandes indemnitaires et accessoires, en ce compris celles visant à obtenir les fruits que DPS a tiré de l'exploitation de ses demandes de brevets et les documents pour calculer le montant de ces fruits ;
-CONDAMNER in solidum la société AZUR DRONES, Messieurs [V] [I] et [Z] [D] à verser à la société DSP la somme de 85.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

A titre infiniment subsidiaire
- CONSTATER que DPS est l'inventeur des revendications 5 et 9 du brevet FRl755l60 et de la demande d'extension internationale PCT WO 2018/224578 dont est issue la demande de brevet européen EP3 635696 ;

En conséquence,
-DEBOUTER les demandeurs de leur demande tendant à être reconnus comme les inventeurs des revendications 5 et 9 ;
-DEBOUTER les demandeurs de toutes leurs demandes indemnitaires et accessoires, en ce compris celles visant à obtenir les fruits que DPS a tiré de l'exploitation de ses demandes de brevets et les documents pour calculer le montant de ces fruits ;
- CONDAMNER in solidum la société AZUR DRONES, Messieurs [V] [I] et [Z] [D] à verser à la société DSP la somme de 85.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

***
La procédure a été clôturée par ordonnance du 1er juillet 2021 et l'affaire plaidée le 26 novembre 2021.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait référence aux écritures précitées des parties, pour l'exposé de leurs prétentions respectives et les moyens qui y ont été développés.

MOTIFS

1- Description de l'invention litigieuse

Le brevet français FR 1755160 porte sur une solution permettant la surveillance de site par drone et son interfaçage dans une solution de vidéo protection ainsi qu'une station d'accueil permettant son rechargement.

Il est rappelé dans la partie descriptive, que dans le domaine de la vidéosurveillance, il est possible d'utiliser un drone équipé d'une caméra pour filmer une zone et que selon un mode opératoire, un opérateur doit le piloter afin de le positionner au-dessus de la zone à surveiller pour pouvoir visualiser celle-ci, ce qui implique que l'opérateur qui pilote le drone soit nécessairement positionné à proximité de celui-ci.

L'invention se propose de remédier à cet inconvénient par un procédé de vidéosurveillance d'un site à l'aide d'un dispositif de vidéosurveillance ou d'alarme comprenant une pluralité de capteurs et une centrale, chaque capteur comportant un identifiant capteur et étant configuré pour détecter un phénomène et transmettre un signal d'alarme à la centrale.

La solution permet donc à un opérateur positionné dans un poste de surveillance distant et ne disposant pas de compétence pour piloter un drone, de pouvoir lever un doute concernant notamment le déclenchement d'une alarme et ce, sans intervention humaine sur le site.

Le brevet se compose à cette fin des 13 revendications suivantes :

1. Procédé de vidéosurveillance ou d'alarme d'un site (10) à l'aide d'un dispositif de vidéosurveillance comprenant une pluralité de capteurs (20) comportant chacun un identifiant capteur (IDC1 à lDC.8) ainsi qu'une centrale (22), chaque capteur (20) étant configuré pour détecter un phénomène et transmettre un signal d'alarme à la centrale (22), caractérisé en ce que le procédé comprend :
-à réception par la centrale (22) d'un signal d'alarme, une étape de génération, de manière automatique et autonome, d'une requête d'inspection par la centrale (22) destinée à une station d'accueil (28) au niveau de laquelle est stationné un drone (24) équipé d'une caméra (26), la requête d'inspection comprenant l'identifiant capteur (IDC1 à IDC8) du capteur ayant émis le signal d'alarme et/ou une position géographique cible (34.1 à 34.8) associée au capteur ayant émis le signal d'alarme,
-à réception par la station d'accueil (28) de la requête d'inspection, une étape de détermination, de manière automatique et autonome, d'un plan de vol (45),
-à réception par le drone (24) du plan de vol (45), une étape de décollage et de parcours, de manière automatique et autonome, du plan de vol (45) par le drone (24), le plan de vol (45) allant de la station d'accueil (28) jusqu'à une position géographique cible (34.1 à 34.8) à atteindre, lors du parcours du drone (24),
-une étape de transmission, en temps réel, des images filmées par la caméra (26) à un poste de surveillance (62) distant.

2. Procédé selon la revendication 1, caractérisé en ce que le plan de vol (45) est établi de sorte qu'en approche, la caméra (26) filme la position géographique cible (34.1 à 34.8) à atteindre.

3. Procédé selon la revendication 1 ou 2, caractérisé en ce que le plan de vol (45) est établi de sorte que le drone (24) vole à une hauteur supérieure ou égale à 20 m en approche et au-dessus de la position géographique cible (34.1 à 34.8).

4. Procédé selon l'une des revendications précédentes, caractérisé en ce que le plan de vol (45) est établi en prenant en compte au moins une caractéristique météorologique.

5. Procédé selon l'une des revendications précédentes, caractérisé en ce qu'il comprend, à réception du signal d'alarme, une étape de détermination par la centrale (22) de la station d'accueil (28) associée au capteur (20) ayant émis le signal d'alarme à laquelle doit être transmise la requête d'inspection.

6. Procédé selon l'une des revendications précédentes, caractérisé en ce qu'il comprend une étape de test du bon fonctionnement d'une communication entre au moins deux éléments du dispositif de vidéosurveillance et, en cas de détection d'un dysfonctionnement, une étape de génération d'une instruction d'atterrissage exécutée par le drone (24).

7. Procédé selon l'une des revendications précédentes, caractérisé en ce qu'il comprend, à réception d'un nouveau signal d'alarme durant le vol du drone (24), une étape de modification du plan de vol (45).

8. Dispositif de vidéosurveillance d'un site (10) permettant la mise en oeuvre d'un procédé de vidéosurveillance selon l'une des revendications précédentes, ledit dispositif de vidéosurveillance comprenant une pluralité de capteurs (20) comportant chacun un identifiant capteur (IDC1 à lDC.8) ainsi qu'une centrale (22), chaque capteur (20) étant con guré pour détecter un phénomène et transmettre un signal d'alarme à la centrale (22), caractérisé en ce qu'il comprend :
-au moins un drone (24) qui comporte au moins une caméra (26), une électronique embarquée, un système de communication configuré pour échanger des informations avec au moins une station d'accueil (28) et au moins un logiciel permettant au drone de suivre un plan de vol (45),
-au moins une station d'accueil (28) sur laquelle peut stationner un drone (24) comprenant un premier système de communication (42) configuré pour échanger des données avec la centrale (22) et pour recevoir une requête d'inspection, un système électronique (44) configuré pour déterminer un plan de vol (45) à partir d'une requête d'inspection reçue, un deuxième système de communication (46) configuré pour échanger des données avec un drone (24),
-une base de données (33) qui associe, pour chaque capteur (20), un identifiant capteur (IDC1 à IDC8) et une position géographique cible (34.1 à 34.8),
-un système de communication (60) con guré pour échanger des données avec un poste de surveillance (62) distant,
-la centrale (22) comprenant un système électronique (38) configuré pour générer une requête d'inspection.

9. Dispositif selon la revendication 8, caractérisé en ce qu'il comprend une base de données qui associe une station d'accueil (28) à chaque capteur (20) ou à chaque position géographique cible (34.1 à 34.8) et en ce que le système électronique (38) de la centrale (22) est configuré pour identifier la station d'accueil (28) à laquelle il doit transmettre une requête d'inspection.

10. Dispositif selon l'une des revendications 8 à 9, caractérisé en ce que chaque station d'accueil (28) comprend une cartographie du site (10) qui répertorie le périmètre (14) du site (10) ainsi que les éventuels obstacles, constructions (16) ou zones d'exclusion (18) et en ce que le système électronique (44) de chaque station d'accueil (28) est con guré pour calculer le plan de vol (45) à partir de la cartographie du site (10).

11. Dispositif selon l'une des revendications 8 à 10, caractérisé en ce qu'il comprend au moins une station météorologique (48) configurée pour déterminer au moins une condition météorologique et en ce que le système électronique (44) de chaque station d'accueil (28) est configuré pour calculer le plan de vol (45) en tenant compte d'au moins une condition météorologique.

12. Dispositif selon l'une des revendications 8 à 11, caractérisé en ce qu'il comprend des moyens pour tester, de manière périodique, le bon fonctionnement d'une communication entre au moins deux éléments du dispositif de vidéosurveillance.

13. Dispositif selon l'une des revendications 8 à 12, caractérisé en ce que la centrale (22) comprend une interface (36) en entrée qui est con gurée pour interpréter tous les signaux d'alarme provenant des différents capteurs (20) et pour déterminer au moins l'identifiant capteur (IDC1 à IDC8) du capteur (20) qui a émis le signal d'alarme.

2- Sur l'action en revendication

La société AZUR DRONES fait valoir que la société DPS a soustrait la solution décrite dans le brevet litigieux à la société SKEYETECH, en violation de ses obligations contractuelles et que, n'ayant pas payé la somme prévue au devis du 12 août 2016, elle ne peut prétendre en être propriétaire.

Elle soutient que ce procédé nécessitait de déterminer, à l'issue d'une analyse fonctionnelle du système, de quelle manière le drone allait être rendu autonome et allait réagir à une alarme, cette analyse ayant été réalisée par la société SKEYETECH puis été restituée, à l'aide de diagrammes d'interaction notamment, au sein du cahier des charges du 30 mars 2016. Elle précise que la mise en oeuvre des moyens techniques nécessaires faisait appel à des compétences mécaniques, électroniques, informatiques, mais également à une expertise en matière de liaison de données, d'intégration de capteurs et de systèmes embarqués, qualités que la société défenderesse ne possédait pas, raison pour laquelle elle avait décidé de faire appel aux services de la société SKEYETECH.

Elle fait encore valoir que l'étude comparative qu'elle a établie entre d'une part, la revendication de procédé no1 et les caractéristiques de la revendication de dispositif no8 du brevet litigieux et d'autre part, la documentation qu'elle a rédigée, démontre leur identité et ajoute que la même conclusion s'impose s'agissant des revendications 2 à 7 et 9 à 13 qui sont toutes dans la dépendance des revendications 1 et 8.

Elle rappelle qu'à la date du dépôt du brevet français FR3067473 – effectué en violation de l'accord de confidentialité signé entre les parties – la société DPS était toujours en relation d'affaires avec la société SKEYETECH et qu'elle n'a pas été informée de cette démarche, ce qui permet d'établir l'existence de manoeuvres frauduleuses et une volonté de dissimulation qui, en application du principe « fraus omnia corrumptit », permet de nier à la société DPS, sa qualité de propriétaire de l'invention.

Elle fait en outre valoir que la société SKYETECH a supporté l'intégralité du coût de la recherche et du développement afférent à l'invention – soit 902.379,75 euros – alors que de son côté, la société DPS ne justifie d'aucun apport financier ou intellectuel et enfin, avoir toujours conservé la propriété des droits de propriété intellectuelle et industrielle sur ses développements étant précisé qu'au cas d'espèce, elle bénéficie en tout état de cause d'une clause de réserve de propriété du fait de la carence de la société défenderesse qui ne s'est pas acquittée de l'intégralité du prix convenu.

La société DPS réplique qu'il ressort du cahier des charges qu'elle a rédigé avec la société AUEV TECHNOLOGY fin 2015 et du document qu'elle a communiqué au Cluster Thales en janvier 2016 qu'elle a inventé le procédé objet des brevets litigieux ce, avant de rencontrer la société SKEYETECH.

Elle ajoute que ce n'est qu'au regard des revendications 1 et 8 - déclarées nouvelles par l'INPI et l'OEB – et 5 et 9 déclarées inventives par ces mêmes organismes, que doit être examinée l'action en revendication de la société SKEYETECH, les autres revendications étant connues de l'art antérieur.

Elle soutient que le brevet ne porte pas sur l'aspect robotique, mécanique ou électronique des « moyens techniques » du procédé mais sur le procédé lui-même de vidéosurveillance, utilisant au moins un drone autonome et fonctionnant essentiellement selon 4 étapes décrites à la revendication 1. Elle revendique en conséquence la qualité d'inventeur de ce procédé, et plus particulièrement des deux caractéristiques considérées comme nouvelles et inventives par l'INPI et l'OEB, à savoir, le choix de générer le plan de vol au niveau de la station d'accueil et la possibilité de configurer un système de surveillance comportant plusieurs stations d'accueil. Elle fait valoir que ces caractéristiques ont été communiquées à la société SKEYETECH, raison pour laquelle elles se retrouvent dans les documents contractuels, ce qui exclut donc, toute soustraction frauduleuse. Elle ajoute qu'étant l'inventeur du procédé, elle pouvait valablement le communiquer dans ses demandes de brevet sans enfreindre l'accord de confidentialité qui la liait à la société SKEYETECH et enfin, que les clauses de propriété intellectuelle visées par la défenderesse ne concernent que des droits qui seraient propres à cette dernière à l'exclusion de l'invention litigieuse. Elle termine en exposant que le produit visé au contrat de distribution n'ayant pas été livré, la défenderesse ne peut en revendiquer la « propriété intellectuelle ».

Sur ce,

L'article L. 611-6 du code de la propriété intellectuelle dispose que « Le droit au titre de propriété industrielle mentionné à l'article L. 611-1 appartient à l'inventeur ou à son ayant cause.
Si plusieurs personnes ont réalisé l'invention indépendamment l'une de l'autre, le droit au titre de propriété industrielle appartient à celle qui justifie de la date de dépôt la plus ancienne.
Dans la procédure devant le directeur de l'Institut national de la propriété industrielle, le demandeur est réputé avoir droit au titre de propriété industrielle. »

L'article L. 611-8 du même code ajoute que « Si un titre de propriété industrielle a été demandé soit pour une invention soustraite à l'inventeur ou à ses ayants cause, soit en violation d'une obligation légale ou conventionnelle, la personne lésée peut revendiquer la propriété de la demande ou du titre délivré ».

Le demandeur du brevet d'invention étant présumé être le titulaire légitime, il appartient donc à celui qui revendique la propriété d'un brevet de prouver d'une part qu'il est l'auteur des informations mêmes sur la base desquelles le brevet revendiqué a été déposé, et d'autre part que celui-ci a été déposé en violation d'obligations contractuelles ou lui a été dérobé.

En l'espèce, l'appréciation du bien-fondé de l'action en revendication suppose que soit préalablement tranchée la question de la nature de l'invention, la société AZUR DRONES, en effet, considérant que la demande de brevet déposée par la société DPS porte sur la solution conçue et fabriquée par la société SKEYETECH et la société défenderesse, pour sa part, estimant que le brevet se rapporte à une invention de procédé qu'elle décrit comme « consistant dans un ensemble de démarches reliées entre elles et destinées à produire un résultat industriel » par référence à la doctrine, rappelant que l'inventeur d'un procédé est celui qui a inventé de manière suffisamment concrète un concept permettant à l'homme du métier de l'exécuter à la lumière des caractéristiques contenues dans le brevet.

L'article L 611-10 du code de la propriété industrielle dispose par ailleurs que « Sont brevetables, dans tous les domaines technologiques, les inventions nouvelles impliquant une activité inventive et susceptibles d'application industrielle (...) » et selon l'article L. 612-5 du même code, « l'invention doit être exposée dans la demande de brevet de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter ».

Et, pour déterminer si une demande de brevet porte sur une invention relevant du champ des brevets, il convient d'examiner la nature du problème que la demande de brevet se propose de résoudre et la solution qu'elle entend y apporter, la brevetabilité ne pouvant porter que sur des solutions présentant un caractère technique, tandis qu'un résultat technique immédiat dans l'ordre industriel est nécessaire.

Enfin, le brevet doit contenir les éléments permettant à l'homme du métier d'exécuter l'invention sans effort excessif grâce aux informations fournies par l'ensemble du brevet, complétées par ses propres connaissances techniques.

En l'espèce, le brevet FR 1 755 160 qui indique que dans le domaine de la vidéosurveillance, l'utilisation d'un drone équipé d'une caméra pour filmer une zone implique, dans l'art antérieur, que l'opérateur qui le pilote soit nécessairement positionné à proximité de celui-ci expose dans sa partie descriptive que « l'invention a pour objet un procédé de vidéosurveillance d'un site à l'aide d'un dispositif de vidéosurveillance ou d'alarme comprenant une pluralité de capteurs et une centrale, chaque capteur comportant un identifiant capteur et étant configuré pour détecter un phénomène et transmettre un signal d'alarme à la centrale, caractérisé en ce que le procédé comprend :
- à réception par la centrale d'un signal d'alarme, une étape de génération de manière automatique et autonome, d'une requête d'inspection par la centrale destinée à une station d'accueil au niveau de laquelle est stationné un drone équipé d'une caméra, la requête d'inspection comprenant l'identifiant capteur du capteur ayant émis le signal d'alarme et/ou une position géographique cible associée au capteur ayant émis le signal d'alarme,
- à réception par la station d'accueil de la requête d'inspection, une étape de détermination, de manière automatique et autonome, d'un plan de vol,
- à réception par le drone du plan de vol, une étape de décollage et de parcours, de manière automatique et autonome, du plan de vol par le drone, le plan de vol allant de la station d'accueil jusqu'à une position géographique cible à atteindre,
- lors du parcours du drone, une étape de transmission, en temps réel, des images filmées par la caméra à un poste de surveillance distant ».

Cette description et les revendications 1 et 8 précitées permettent de juger que l'invention porte sur un procédé permettant la vidéosurveillance d'un site au moyen d'un drone et d'une station d'accueil conçus pour fonctionner de manière automatique et quasi autonome que l'homme du métier – ici défini comme un ingénieur spécialisé en aéronautique – pouvait, à la lecture du brevet, mettre en oeuvre.

En conséquence, l'argumentation de la société AZUR DRONES tenant au fait que la société DPS ne disposait pas des compétences mécaniques, électroniques, informatiques mais également de l'expertise en matière de liaison de données, d'intégration de capteurs et de systèmes embarqués nécessaires à la réalisation matérielle du système de vidéosurveillance est inopérante.

Pour que l'action en revendication prospère en effet, la société AZUR DRONES doit démontrer que c'est elle qui a communiqué, dans la cadre du contrat de distribution signé avec la société DPS, les informations nécessaires à la détermination des revendications et à la rédaction du brevet litigieux et non pas celles qui permettaient de fabriquer le drone et sa station d'accueil.

Pour ce faire, la société AZUR DRONES s'appuie sur le cahier des charges du 30 mars 2016 et le contrat de distribution qui s'en est suivi le 23 septembre 2016, conclu entre la société DPS et la société SKEYETECH et qui a pour objet la définition « (d)es conditions dans lesquelles le Fournisseur confie au Distributeur la distribution « d'une solution logicielle et matérielle de levée de doute par drone de surveillance » tel que décrit en annexe 1 » laquelle indique que « La solution, objet de ce contrat est composée d'un drone, d'une base d'accueil et de rechargement et d'un logiciel. Cette solution est un dispositif de sécurité et a pour but exclusif la surveillance et la protection des sites privées et publics ainsi que celle de chantiers en construction ».

La société DPS relève toutefois et à juste titre que ce contrat et le cahier des charges ne faisaient que mettre en forme les directives que la société DPS avait précédemment communiquées à la société SKEYETECH.

Le 23 mars 2016 en effet, [Y] [F], dirigeant de la société DPS, a adressé un mail à [V] [I] (pièce DEF no3) listant les caractéristiques du système de vidéosurveillance dont il envisageait de confier la mise en oeuvre à la société SKEYETECH en ces termes :
« Le drone s'interface dans une solution complète de surveillance mis en place par nous ou déjà existante
L'alerte est déclenchée par un réseau de caméras numériques, ces caméras sont raccordées à un serveur vidéo qui enregistre et peut créer des alertes par mail, POPUP, envoi messages TCP, mode FTP ou HTTP.
Les coordonnées GPS sont envoyées au drone pour levée de doute.
Le drone démonstrateur devra faire évoluer la réglementation auprès de la DGAC de la manière suivante :
-Le drone évoluera sur un site privé en extérieur de jour au départ puis de nuit d'un périmètre approximatif de 600x800 m
- il devra être capable de démontrer le non franchissement du périmètre du site client sur déclenchement d'alerte, l'opérateur visualise son plan et clic sur le point en alerte. Le drone décolle pour effectuer une levée de doute sur ce point
- la transmission des images se fait idéalement sur enregistreur numérique sinon sur l'écran de contrôle lui-même.
il faut prévoir la faisabilité du décollage en tout automatique de jour comme de nuit
la vision du drone sur levée de doute pourra se faire à une vingtaine de mètres du point en alerte, la qualité du capteur devra permettre de distinguer de jour comme de nuit un individu
le drone de l'appel d'offre pour une échéance en mai/juin
capteur jour uniquement
capacité de durcir les fréquences radio si besoin
parachute limitant la force à l'impact à 69 joules (même si drone de moins de 2 kg)
autonomie de 20 25 minutes
coupure de la propulsion à l'impact au sol en cas d'accident
facilement transportable (type sac à dos), mise en oeuvre par 1 a 2 personnels pas de limitation de poids (drone sup à 2 kg peut être présenté, mais attention au point précédent ci-dessus ...)
en termes de prix, il faudrait cibler un budget approximatif de 10000 €
le drone final
en plus des caractéristiques énoncées ci-dessus, il devra:
-pouvoir intégrer des capteurs différents y compris le capteur LIRYX
- le capteur minimum sera jour/nuit avec télémètre laser
- autonomie de 30 mins
-possibilité de vol longue distance de l'ordre de 15 ou 20 Kms (pour rejoindre un
point annexe ou surveillance frontière) base d'accueil et de rechargement
fonction FOLLOWME
bonne résistance au vent et aux intempéries
possibilité de suivre la vidéo du drone mais aussi de le faire décoller a longue distance (dans un second temps) ».

Ces caractéristiques avaient déjà été communiquées à la société AUEV TECHNOLOGY par la société DPS afin qu'elle lui fournisse un drone et une station d'accueil pouvant s'intégrer dans sa solution de vidéosurveillance de site par drone, dans un cahier des charges daté de novembre 2015 (pièce DEF no1) dont l'objectif était ainsi énoncé : « Avoir un drone autonome installable n'importe où sur la planète. Ce drone serait associé à une base d'accueil lui permettant de se protéger, de se cacher et même de se recharger seul. Il serait intégré sur des sites sensibles pour y assurer la surveillance et potentiellement des taches de logistique ».

Dans son paragraphe relatif à la télécommunication et la connexion au serveur, ce cahier des charges précisait :
« -Relié au réseau
- Connecter au drone via un modem
- Connecter à USB EasyCap RX vidéo
- Connecter à l'électronique qui contrôle les mécanismes de la station
- Renvoie les commandes à un poste de télésurveillance via un partage d'écran
- Dispose d'un écran tactile dans l'armoire électrique
-Module bluetooth avec clavier sans fil
-Relier à la webcam d'une tourelle ».
Ce système prévoyait par ailleurs l'utilisation du logiciel « Mission planner » (cf. SOFTWARE ET DRIVER).

La société AUEV TECHNOLOGY n'ayant pas donné suite, la société DPS justifie avoir ensuite contacté la société Aquitaine développement Innovation THALES à laquelle elle a adressé le 23 janvier 2016 le descriptif de son projet de « drone de surveillance automatisé » comprenant une « base automatisée permettant une autonomie complète de (notre) drone de surveillance ainsi que son rechargement en énergie » (pièce DEF no38).

Or, le principe de fonctionnement décrit dans ce document, communiqué à la société THALES correspond à la description du système objet du brevet litigieux comprenant :
- une base d'accueil et de rechargement (BAR)
- une commande logicielle à distance du dispositif
- le décollage du drone au déclenchement d'alerte d'une balise de surveillance permettant de capter et de transmettre les images permettant de lever le doute sur l'alerte
- la possibilité pour le télé-surveillant, de prendre les commandes de la caméra et de suivre un potentiel intrus et le cas échéant de donner l'ordre au drone de revenir à sa BAR
- le rechargement automatique du drone grâce à un système dans un espace protégé et sécurisé.

Contrairement à ce que soutient la société AZUR DRONES, le cahier des charges dont il est précisé qu'il a été conçu par la société AUEV TECHNOLOGY mais pour la société DPS, ne concerne pas seulement la fonctionnalité d'atterrissage de précision permettant au drone de se poser sur sa station d'accueil et de rechargement puisqu'il prévoit le renvoi des commandes à un poste de télésurveillance via un partage d'écran et l'utilisation du logiciel « Mission Planner » qui justement permet de planifier, d'enregistrer et de charger des missions autonomes comme il est indiqué sur le site internet de la société le commercialisant (pièce DEF no55).

Quant au projet soumis à la société THALES, l'argument de la société AZUR DRONES consistant à relever que le système en cause n'est pas encore « mis au point et n'existe qu'à l'état de concept » est inopérant dans la mesure où s'agissant d'une invention de procédé, il n'était pas nécessaire qu'il soit abouti, l'inventeur ayant justement la possibilité de confier sa mise en oeuvre à un tiers ce que la société DPS a d'ailleurs fait en sollicitant la société SKEYETECH.

Dans ce document, le décollage du drone s'effectue bien automatiquement au déclenchement d'alerte d'une balise de surveillance, ce qui correspond à l'étape no1 décrite dans le brevet. Une commande logicielle à distance est ensuite mise en oeuvre, ce qui correspond à l'étape no2 décrivant la détermination automatique du plan de vol, avant son exécution par le drone tel que décrit à l'étape no3. Enfin, selon ce système, la dernière étape est celle de la captation et de la transmission des images à un télé-surveillant.

La société DPS démontre ainsi suffisamment qu'elle avait conçu et dévoilé le procédé de télésurveillance objet des revendications 1 et 8 du brevet FR 1755160 avant de solliciter les services de la société SKEYETECH étant précisé que les revendications dépendantes étaient connues de l'art antérieur, ce qui n'est pas contesté.

La société AZUR DRONES pour sa part, ne produit aucun élément relatif au procédé litigieux qui serait antérieur à sa collaboration avec la société SKEYETECH.

Notamment, la présentation du projet SKEYETECH par [V] [I] et [L] [E] le 16 avril 2014 à [Localité 9] se limite à présenter « une station de changement de batterie automatisée » que le drone rejoindrait automatiquement (pièce DEM no4).

De même, lors de la présentation au Conseil Régional d'Aquitaine le 29 mai 2015 de leur société, [V] [I], [L] [E] et [Z] [N] ont dévoilé « le système SYEYE Assist », mais celui-ci n'a pour but que d'automatiser « le suivi d'objet et de personne à partir d'informations visuelles » et le « système SKEYE Assist + » qui est décrit comme un micro-ordinateur embarqué permettant « par exemple d'effectuer des vols de suivi de pipeline de façon autonome » (pièce DEM No5).

Il ne s'agit donc pas de la solution complète de vidéosurveillance décrite dans le brevet litigieux.

Dans ces conditions, la société AZUR DRONES doit être déboutée de son action en revendication et par voie de conséquence, des demandes formées à ce titre par l'ensemble des requérants.

3- Sur les autres demandes

La société AZUR DRONES, à laquelle l'intégralité du patrimoine de la société SKEYETECH a été transférée en raison de l'opération de fusion-absorption du 25 juillet 2018 soutient avoir subi un préjudice moral du fait de l'atteinte portée à son image auprès de ses partenaires commerciaux et de la volonté de la société DPS de lui nuire alors qu'elle est en train d'essayer de lever des fonds. Elle sollicite en outre des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des opérations de saisie contrefaçon réalisées dans ses locaux, de la violation par la société DPS de son obligation de confidentialité et des clauses de réserve de propriété intellectuelle, outre la restitution du prototype de station d'accueil installé, aux fins de démonstration, sur le site du client de la société DPS, la société TOM d'AQUI.

La société défenderesse réplique que les droits de propriété intellectuelle sur le procédé litigieux lui appartiennent et fait par ailleurs valoir que la demande de restitution du prototype de station d'accueil est soumise à l'appréciation du tribunal de commerce de Bordeaux, saisi d'une action en responsabilité contractuelle. Elle ajoute qu'en toute hypothèse, c'est à bon droit qu'elle l'a conservé puisqu'elle en a payé l'intégralité du prix et qu'il n'est démontré aucune divulgation d'information confidentielle. Elle rappelle enfin que si elle a fait procéder à une saisie-contrefaçon et introduit une action en contrefaçon contre AZUR DRONES, c'est uniquement pour préserver les droits que son brevet lui octroie.

Sur ce,

Il sera en premier lieu jugé que compte tenu de la solution du litige, la société AZUR DRONES ne peut utilement arguer d'une atteinte à ses droits de propriété intellectuelle sur le système de vidéosurveillance litigieux ou de la violation de l'accord de confidentialité au seul motif que la société DPS a déposé sa demande de brevet FR 160 et l'a contrainte à intenter une action en revendication. Ensuite, il n'appartient pas au tribunal dans le cadre de la présente action en revendication de se prononcer sur le caractère éventuellement abusif de l'action en contrefaçon dans le cadre de laquelle ont été effectuées les opérations de saisie-contrefaçon litigieuses. Au regard de l'ensemble de ces éléments, les demandes indemnitaires y afférant seront rejetées.

S'agissant de la demande en restitution du prototype, si le tribunal de commerce de Bordeaux est saisi de demandes relatives à l'exécution du contrat de distribution, il n'est pas démontré qu'a été sollicitée devant cette juridiction la restitution du prototype et en tout état de cause, la demande de la société DPS aux fins de voir déclarer le tribunal judiciaire de Paris incompétent apparaît irrecevable pour ne pas avoir été formulée à titre liminaire, devant le juge de la mise en état.

La défenderesse ne conteste pas avoir conservé la station d'accueil toujours installée dans les locaux de sa cliente, mais soutient en avoir payé l'intégralité du prix, ce que conteste la société AZUR DRONES.

Le cahier des charges établi dans le cadre des relations commerciales entre les parties prévoyait dans une première phase, la conception/livraison d'un « drone démonstrateur ». Un devis a ensuite été établi par la société SKEYETECH le 12 août 2016 prévoyant la livraison dans le courant du 3e trimestre 2016, d'une station d'accueil et d'un drone prototype. Selon ce devis, le prix de ce dernier et de sa station d'accueil était de 38 000 euros hors taxes. Cependant, la société SKEYETECH a émis une facture le 23 décembre 2016 (pièce DEM no41) d'un montant de 19 000 euros HT correspondant à un acompte représentant 50 % du prix de la station (15 000 euros) et 50 % du prix du drone (4000 euros). Il ressort par ailleurs du tableau comptable récapitulatif produit par la demanderesse, que la société DPS s'est acquittée d'un montant global de 37 618,44 euros pour un montant total facturé de 41 218, 44 euros (pièce DEM no42). Enfin, il résulte des termes de la lettre recommandée adressée à la défenderesse le 27 octobre 2017 que seule la station d'accueil était à cette date en possession de celle-ci (pièce DEM no26). Compte tenu des paiements intervenus, il convient de considérer que la société DPS s'est effectivement acquittée de son prix (15 000 euros HT) et qu'en tout état de cause, la société AZUR DRONES ne peut utilement s'appuyer sur la clause de réserve de propriété jusqu'au paiement intégral du prix des matériels livrés (article 8 du contrat de distribution) qui ne concerne en réalité pas le prototype mais seulement les produits finis destinés à être commercialisés par la société DPS.

La demande de restitution du prototype sera en conséquence rejetée.

4- Sur la demande reconventionnelle de publication de la décision

La société DPS sollicite la publication du jugement à intervenir en intégralité en page d'accueil du site internet de la société AZUR DRONES ou sur tout autre site qui lui serait substitué ainsi que sur tous sites internet exploités par la société AZUR DRONES.

Cette demande que la société DPS ne motive pas spécialement n'apparaît pas justifiée et sera en conséquence rejetée.

5- Demandes relatives aux frais du litige et aux conditions d'exécution de la décision

La société SKEYETECH, partie perdante, supportera la charge des dépens.

Elle doit en outre être condamnée à verser à la société DPS, qui a dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits, une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 30 000 euros.

L'exécution provisoire étant justifiée au cas d'espèce et compatible avec la nature du litige, elle sera ordonnée.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,

DEBOUTE la société AZUR DRONES de sa demande de revendication du brevet français FR 1755160, de la demande PCT WO 2018/224578, ainsi que de la demande de brevet européen EP3635696 ;

REJETTE les demandes de la société AZUR DRONES et d'[V] [I] et [Z] [D] fondées sur la revendication de ces brevets ;

REJETTE la demande de restitution du prototype ;

REJETTE la demande de publication de la présente décision ;

CONDAMNE la société AZUR DRONES à payer à la société DRONE PROTECT SYSTEM une somme de 30 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société AZUR DRONES, [V] [I] et [Z] [D] aux dépens ;

ORDONNE l'exécution provisoire.

Fait et jugé à Paris le 21 Janvier 2022

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Ct0196
Numéro d'arrêt : 19/4666
Date de la décision : 21/01/2022

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2022-01-21;19.4666 ?
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