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14/12/2021 | FRANCE | N°19/8773

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Ct0196, 14 décembre 2021, 19/8773


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
3ème section

No RG 19/08773 -
No Portalis 352J-W-B7D-CQMA4

No MINUTE :

Assignation du :
16 Juillet 2019

JUGEMENT
rendu le 14 Décembre 2021
DEMANDERESSE

S.A.R.L. GAIATREND
[Adresse 3]
[Localité 9]

représentée par Maître Pierre GREFFE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0617

DÉFENDERESSES

S.A.S. [C] SOLUBAROME
[Adresse 6]
[Adresse 12]
[Localité 1]

représentée par Maître Nicolas MONNOT de la SELARL GASTAUD LELLOUCHE HANOUNE MO

NNOT, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #G0430

S.A.S. IPRA FRANCE INDUSTRIE DE PARFUMERIE ET RECHERCHES AROMATIQUES
[Adresse 4]
[Adresse 11]
[Localit...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
3ème section

No RG 19/08773 -
No Portalis 352J-W-B7D-CQMA4

No MINUTE :

Assignation du :
16 Juillet 2019

JUGEMENT
rendu le 14 Décembre 2021
DEMANDERESSE

S.A.R.L. GAIATREND
[Adresse 3]
[Localité 9]

représentée par Maître Pierre GREFFE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0617

DÉFENDERESSES

S.A.S. [C] SOLUBAROME
[Adresse 6]
[Adresse 12]
[Localité 1]

représentée par Maître Nicolas MONNOT de la SELARL GASTAUD LELLOUCHE HANOUNE MONNOT, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #G0430

S.A.S. IPRA FRANCE INDUSTRIE DE PARFUMERIE ET RECHERCHES AROMATIQUES
[Adresse 4]
[Adresse 11]
[Localité 2]

représentée par Maître Mathilde JOUANNEAU, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #A0954 et par Maître Virginie PLENT, avocat au barreau de NICE, avocat plaidant

S.A.S. LOR'N PACK
[Adresse 5]
[Localité 8]

représentée par Maître Vanessa BOUCHARA de la SARL CABINET BOUCHARA - Avocats, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0594

S.A.S. LABO SAVEURS
[Adresse 10]
[Localité 7]

défaillant

____________________________

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe
Laurence BASTERREIX, vice-présidente
Arthur COURILLON-HAVY, juge

assisté de Lorine MILLE, greffière,

DÉBATS

A l'audience du 29 Septembre 2021 tenue en audience publique devant Nathalie SABOTIER et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendue le 30 Novembre 2021, à cette date la décision a été prorogée au 14 Décembre 2021.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Réputé contradictoire
En premier ressort

____________________________

Exposé du litige :

La société Gaïatrend, qui commercialise des liquides aromatisés pour cigarettes électroniques, sous la marque « Alfaliquid » à laquelle s'ajoute, pour certains de ses produits, la marque « FR4 », reproche aux sociétés défenderesses une contrefaçon de cette seconde marque (qualifiée subsidiairement de concurrence déloyale et parasitaire).

Elle est ainsi titulaire d'une licence exclusive, concédée par acte du 23 décembre 2015 avec effet rétroactif au 1er janvier 2015, et inscrite à l'EUIPO le 1er octobre 2018, sur la marque verbale de l'Union européenne « FR4 », no013515581, déposée le 1er décembre 2014 (et enregistrée le 4 juin suivant) pour désigner des produits en classes 3, 10 et 34, dont des :
- « parfums, huiles essentielles et extraits aromatiques » (classe 3),
- « arômes ou additifs pour des recharges de cigarettes électroniques, cigares électroniques [etc] », « cartouches aromatiques destinées à un dispositif électronique de substitut de cigarettes (...) contenant des succédanés du tabac non à usage médical », « E-liquide pour cigarettes électroniques et dispositifs électroniques d'inhalation », « Fluides et liquides aromatiques pour cigarettes électroniques et dispositifs électroniques d'inhalation » (classe 34).

Et dit avoir constaté d'abord, en juin 2019, que la société [C] Solubarome (ci-après [C]) proposait à la vente sur son site internet et son magasin un « arôme tabac concentré e-liquide » pour cigarettes électroniques sous la marque FR4, et découvert, grâce à une saisie-contrefaçon, que cette société se fournissait auprès de la société Ipra France Industrie de Parfumerie et de Recherches Aromatiques (ci-après Ipra), laquelle fabrique des arômes alimentaires.

Puis avoir constaté, en février 2020, que la société Labo-saveur, qui commercialise des liquides destinés aux cigarettes électroniques, proposait à la vente sur son site internet des « concentrés d'arômes pour e-liquides » et des « e-liquides pour cigarettes électroniques » reproduisant la même marque FR4, et qui a indiqué, lors d'une saisie-contrefaçon, qu'elle se fournissait exclusivement auprès de la société Lor'n pack, qui a, en cours d'instance, affirmé se fournir elle-même auprès de la société Ipra.

La société Gaïatrend a ainsi assigné en contrefaçon les sociétés [C] et Ipra le 16 juillet 2019 d'une part, Labo-saveur et Lor'n Pack le 1er juillet 2020 d'autre part, les deux instances étant jointes le 8 avril 2021.

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 16 juin 2021, la société Gaïatrend résiste aux prétentions adverses et demande, invoquant une contrefaçon de la marque européenne « FR4 », subsidiairement une concurrence déloyale et parasitaire, de :?interdire aux sociétés Ipra, [C], Lor'n pack et Labo saveurs, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée, de faire fabriquer, fabriquer, commercialiser sur le territoire de l'Union européenne des arômes, concentrés d'arômes et e-liquides marqués « FR4 »,
?ordonner le rappel des produits contrefaisants et leur destruction aux frais de ces sociétés, sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard ;
?enjoindre aux mêmes sociétés de communiquer toutes les factures de vente concernant les produits contrefaisants ainsi que toutes les factures d'achat de [C], Lor'n pack et Labo saveurs concernant les produits contrefaisants, sous astreinte de 500 euros par jour, en vertu du droit d'information ;
?condamner solidairement les sociétés Ipra, [C], Lor'n pack et Labo saveurs à lui verser la somme provisionnelle de 3 304 608,81 euros de dommages et intérêts (dans la limite de 365 444 euros pour [C], de 200 000 euros pour Lor'n pack et de 100 000 euros pour Labo saveurs), sauf à parfaire en fonction des éléments comptables qui seront fournis par les défenderesses
?ordonner la publication du jugement dans cinq journaux ou revues à son choix et aux frais solidaires des 4 défenderesses ;
?enfin les condamner solidairement à lui payer 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ce compris les frais d'huissiers relatifs aux procès-verbaux de constat et de saisie-contrefaçon, outre les dépens « conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile », et l'exécution provisoire.

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 14 juin 2021, la société Ipra france industrie de parfumerie et recherches aromatiques demande au tribunal de :
?prononcer la déchéance partielle des droits de Gaïatrend sur la marque européenne no 013515581 « FR 4 » enregistrée le 4 juin 2015 pour la classe 3 et pour certains produits de la classe 34 (les additifs pour les recharges de cigarettes électroniques, cigares électroniques, cigarillos électroniques, pipes électroniques, chichas électroniques) à compter du 3 juin 2020 ;
?rejeter les demandes de la société Gaïatrend, ou à tout le moins limiter sa condamnation à 3 327 euros ou sa condamnation solidaire avec la société [C] à 8 715 euros ;
?écarter l'exécution provisoire
?condamner la société Gaïatrend à lui payer 50 000 euros pour procédure abusive,
?et 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens

Elle fonde sa défense sur la distinction entre les arômes (qu'elle fabrique), destinés à des intermédiaires professionnels, et les liquides aromatisés pour cigarettes électroniques (qu'elle ne fabrique pas), destinés au grand public, pour en déduire d'abord que le titulaire de la marque FR4, qui n'est exploitée que pour les seconds, doit être déchu de ses droits pour les premiers, ensuite que la contrefaçon n'est pas caractérisée par la vente de ceux-ci, faute de similarité entre les produits ou de risque de confusion. Elle considère en outre, comme les autres défendeurs, que le signe FR4 désigne une saveur et qu'à ce titre, son usage ne sert pas à désigner l'origine du produit, ce dont elle déduit que cet usage par des tiers ne porte pas atteinte à la fonction essentielle de la marque, et ne saurait ainsi caractériser une contrefaçon. Et conteste le préjudice allégué.

Dans ses dernières conclusions signifiées par la voie électronique le 14 juin 2021, la société [C] solubarome demande au tribunal de :
?déclarer irrecevable les demandes pour la période antérieure au 1er octobre 2018 pour défaut de qualité et d'intérêt à agir,
?annuler la marque « FR4 » enregistrée le 4 juin 2015 dans les classes, 3, 10 et 34 pour désigner des « arômes ou additifs pour les recharges de cigarettes électronique ; E liquide pour cigarette électroniques ; Fluides et liquides aromatiques pour cigarettes électroniques » ; pour défaut de caractère distinctif et fraude ;
?condamner la société Gaïatrend à lui payer 50 000 euros de dommages et intérêts (en raison du dépôt frauduleux)
?subsidiairement, rejeter les demandes adverses
?condamner la société Gaïatrend à lui payer 50 000 euros à titre de dommages intérêts pour procédure abusive,
?outre 10 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens « distraits » par son avocat « sous sa due affirmation ».

Elle soutient en substance que la marque est composée d'éléments usuels dans le domaine, et est descriptive, car elle renvoie à une appellation préexistante pour un arôme similaire (RY4) qu'elle a simplement francisée avec les lettres « FR » ; elle se prévaut elle aussi de la distinction entre arômes et « e-liquides », et de ce que l'usage qu'elle a fait du signe ne serait pas un usage « à titre de marque » et ne constituerait donc pas une contrefaçon ; et conteste enfin le préjudice allégué.

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 8 juin 2021, la société Lor'n pack soulève l'irrecevabilité des demandes de la société Gaïatrend, y résiste au fond, et demande elle-même de :
?prononcer la déchéance partielle des droits de la société Gaïatrend sur la marque FR4 pour la classe 3 et les « arômes ou additifs pour les recharges de cigarettes électroniques, cigares électroniques, cigarillos électroniques, pipes électroniques, chichas électroniques » en classe 34 ;
?annuler la marque FR4,
?et la condamner à lui payer 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens avec recouvrement par son avocat.

Elle critique la marque, l'estimant trompeuse et descriptive, pour n'être composée que d'une indication géographique suivie d'un chiffre ; estime elle aussi que l'usage qu'elle en a fait ne porte pas atteinte à la fonction essentielle de la marque et ne peut donc caractériser une contrefaçon, et conteste le préjudice réclamé.

La société Labo-saveur, bien que régulièrement citée à personne, le 1er juillet 2020 (à l'adresse de son siège par la remise de la copie de l'acte à une personne s'étant déclarée habilitée à la recevoir), n'a pas comparu.

L'instruction est close depuis le 17 juin 2021, l'affaire a été plaidée le 29 septembre et le jugement mis en délibéré.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1o) Recevabilité des demandes de la société Gaïatrend

Moyens des parties

La société [C] estime que la demanderesse est irrecevable à agir en contrefaçon pour des faits antérieurs à l'inscription de la licence à l'EUIPO, faute d'opposabilité de celle-ci aux tiers, l'arrêt de la Cour de justice invoqué par la société Gaïatrend étant selon elle contestable et non transposable aux marques nationales.

La société Lor'n pack conteste à la demanderesse la qualité à agir, aux motifs que le titulaire de la marque est aussi l'un des gérants de celle-ci, qu'il était donc informé et approuvait l'action, de sorte qu'il aurait dû l'initier lui-même ; et que la mise en demeure préalable envoyée à celui-ci, condition du droit d'agir de la licenciée, n'aurait pas date certaine.

La société Gaïatrend expose être recevable même pour les actes antérieurs à l'inscription de licence conformément à la jurisprudence européenne et notamment de l'arrêt C-163/15 ; et avoir qualité à agir en tant que licenciée exclusive de la marque suite à une première mise en demeure infructueuse adressée au titulaire.

Réponse du tribunal

Qualité du licencié à agir en contrefaçon

Le règlement (UE) 2017/1001 du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne, applicable au présent litige (ci-après « le règlement ») prévoit, à son article 25, paragraphe 3, que « sans préjudice des stipulations du contrat de licence, le licencié ne peut engager une procédure relative à la contrefaçon d'une marque de l'Union européenne qu'avec le consentement du titulaire de celle-ci » ; mais que « toutefois, le titulaire d'une licence exclusive peut engager une telle procédure si, après mise en demeure, le titulaire de la marque n'agit pas lui-même en contrefaçon dans un délai approprié. »

Cette faculté d'agir après mise en demeure du titulaire est également prévue à l'article 9.2, 5e alinéa, du contrat de licence du 23 décembre 2015, tel qu'il résulte d'un avenant du 24 septembre 2018 (pièce Gaïatrend no3.1).

En l'espèce, il importe peu que la mise en demeure adressée au titulaire n'ait pas date certaine, dès lors qu'elle a bien été envoyée, ce que les défenderesses ne contestent pas, et antérieurement à l'introduction de l'instance, ce qui résulte de sa communication aux défenderesses dès l'assignation (pièce 3.4 de la liste de pièces de chacune des deux assignations), étant précisé que le délai laissé dans la mise en demeure au titulaire n'est pas critiqué. Dès lors, en l'absence de toute action intentée par le titulaire, la licenciée a acquis le droit d'agir.

Opposabilité de la licence

Interprétant l'article 23, paragraphe 1 du règlement 207/2009, recodifié à l'article 27, paragraphe 1 du règlement 2017/1001 sur la marque de l'Union européenne, applicable au présent litige, et qui régit l'opposabilité aux tiers des actes concernant une marque, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que le licencié peut agir en contrefaçon de la marque communautaire faisant l'objet d'une licence bien que cette dernière n'ait pas été inscrite au registre des marques communautaires (CJUE, 4 février 2016, Breiding, C-163/15).

L'existence d'une inscription de la licence de la marque de l'Union européenne FR4 consentie à la société Gaïatrend est donc indifférente.

2o) Demandes reconventionnelles en nullité de la marque FR4 et dommages et intérêts pour dépôt frauduleux

Moyens des parties

La société [C] fait valoir que la marque FR4 fait référence au gout de tabac blond de la marque Dunhill tel qu'il avait d'abord été imité pour les cigarettes électroniques par une société chinoise sous le nom RY4, ainsi qu'à l'origine géographique du produit avec le remplacement de RY par FR ; et affirme que ce signe était déjà la façon usuelle de désigner ce gout, avant le dépôt de la marque (citant à cet égard « FS-4 » et « français_quattro »). Elle en conclut que le signe peut pas être utilisé en tant que marque, ainsi que l'aurait déjà jugé le présent tribunal pour une marque similaire (FRM), est descriptive et usuelle dans le domaine des arômes pour cigarettes électroniques, et que pour cette raison son dépôt est frauduleux (elle réclame alors elle-même 50 000 euros de dommages et intérêts à ce titre).

La société Lor'n pack soutient d'abord que la marque « FR4 » est trompeuse car elle laisserait croire au public que les produits correspondraient à une norme officielle indiquée par les lettres « FR » et dont le chiffre 4 ne serait qu'une version, de la même manière, selon elle, que le terme « France » renvoie à des services officiels ou habilités, que le signe « D4 » n'est perçu que comme un numéro de série, et « USB4 » comme la 4e version du système USB (décisions de l'EUIPO). Elle estime ensuite que la marque est descriptive pour désigner l'origine géographique du produit, ainsi que l'aurait déjà jugé l'EUIPO à l'égard de plusieurs signes comme « BG e-factura » à l'égard de la Bulgarie, ou « CZ-initiative » à l'égard de la République tchèque.

La société Gaïatrend conteste le caractère descriptif, affirmant qu'il n'existe aucun rapport suffisamment direct et concret entre la marque « FR4 » et les produits en cause pour permettre au consommateur de percevoir une description de ce produit. Sur le caractère usuel, elle soutient que le signe est au contraire arbitraire et qu'il n'existe aucun point de contact direct entre ce signe et les produits qu'il désigne de nature à permettre au consommateur de percevoir une caractéristique desdits produits. Elle expose au contraire que le signe aurait un caractère distinctif accru du fait de la renommée dont bénéficie la marque FR4. Sur le caractère trompeur, elle conteste tout lien avec une norme et estime que le signe est fantaisiste.

Réponse du tribunal

En vertu de l'article 59, paragraphe 1 du règlement, la nullité d'une marque de l'Union est déclarée sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon,
a) lorsqu'elle a été enregistrée contrairement aux dispositions de l'article 7
b) lorsque le demandeur était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande de marque.

L'article 7 dispose ainsi que

« 1. Sont refusés à l'enregistrement :
( ...)
b) les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif ;

c) les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d'indications pouvant servir, dans le commerce, à désigner l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l'époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d'autres caractéristiques de ceux-ci ;

d) les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d'indications devenus usuels dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et constantes du commerce ;
(...)
g) les marques qui sont de nature à tromper le public, par exemple sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service ;
(...)

2. Le paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n'existent que dans une partie de l'Union. »

Caractère descriptif de la marque (article 7 paragraphe 1 sous c)

Il n'est pas sérieusement contestable que les lettres « FR », employées seules, peuvent servir à désigner la France. Le signe « FR4 », qui débute par ces lettres, est trop court pour qu'elles y prennent un autre sens. Utilisées pour désigner des liquides à vaporiser dans des cigarettes électroniques, destinés au grand public et pouvant être fabriqués partout dans le monde, elles peuvent donc désigner, pour les acheteurs potentiels, une provenance géographique du produit (que ce soit par sa conception ou sa fabrication).

Si, comme le rapporte la société Lor'n pack, la chambre des recours de l'OHMI (28 février 2014, R 1433/2013-2) a approuvé le refus d'enregistrement d'une marque « BG e-faktura » pour des services bancaires, ce n'est pas au seul motif que les lettres « BG » désignaient la Bulgarie, mais également que « e-faktura » pouvait être compris comme voulant dire « facture électronique » en langue bulgare (nota. point 22 de la décision) ; et si, comme elle le rapporte encore, l'Office européen a refusé l'enregistrement d'une marque « CZ initiative » (EUIPO, 28 février 2017, no1329716), c'est au motif que ces mots dont le premier désignait la République thèque et le second un terme laudatif décrivant les caractéristiques du produit, ne pouvaient pas être mémorisés facilement comme un signe distinctif. Il en va de même des autres exemples qu'elle donne, qui concernent des signes jugés entièrement descriptifs ou dénués de caractère distinctif, ou bien composés uniquement d'indicateurs géographiques (comme « GB »).

Or, la marque FR4 n'est pas constituée exclusivement des lettres FR ; le chiffre 4, qui s'y ajoute, n'a aucun lien avec une provenance géographique, ne contribue pas à préciser ou modifier la désignation géographique exprimée par les lettres FR, de sorte que pris dans son ensemble, FR4 n'est pas composé exclusivement d'indications pouvant désigner la provenance géographique.

Et le chiffre 4 ne porte, en lui-même, apposé sur un flacon de liquide aromatisé (ou des arômes ou parfums), aucune signification. En effet, il n'est pas allégué que le chiffre 4 ait un sens ou une connotation qui puisse servir dans le commerce, même associé à l'indicateur géographique FR, à désigner une caractéristique d'un liquide aromatisé de cigarette électronique. Les parties évoquent longuement la saveur des liquides à « vapoter », il peut également être supposé qu'ils ont une odeur, peut-être une couleur, outre les caractéristiques générales énumérées au paragraphe 1 sous c) ; mais aucune de ces caractéristiques ne s'exprime, à la connaissance du tribunal, en termes numériques : les parties ne démontrent pas qu'il existe en Français (ou du reste dans une autre langue de l'Union européenne) une « saveur 4 », pas plus qu'une « qualité 8 » ou « odeur 2 ».

Ainsi, la marque en cause n'est pas exclusivement composée de signes ou d'indication pouvant servir dans le commerce à désigner une caractéristique des produits concernés.

Signes ou indications usuels (paragraphe 1 sous d)

L'argumentation des défenderesses suppose alors que le chiffre 4 soit devenu usuel, dans les habitudes loyales et constantes du commerce en matière de cigarettes électroniques (car il désignerait le gout du tabac blond des cigarettes à fumer de marque Dunhill).

Mais elles n'apportent, en ce sens, outre les usages faits par les défenderesses et objet du présent litige en contrefaçon, que la preuve de 3 usages du signe 4 indépendants de la société Gaïatrend : le signe RY4 (devenu DY4), une marque FS-4 et une appellation « français_quattro ». Or le signe RY4, même à le supposer très largement utilisé, n'est pas de nature à donner une signification spéciale au seul chiffre 4 qui le rendrait, indépendamment de « RY », usuel pour désigner des contenus de cigarettes électroniques. Les usages faits par les défenderesses portent sur le signe « FR4 » en entier, et ne donnent donc pas davantage de signification au chiffre 4 pris isolément ; en toute hypothèse il n'est pas démontré qu'ils soient antérieurs au dépôt de la marque (1er décembre 2014). Le signe « français_quattro » n'est attesté que par un document dont la nature est incertaine et qui est daté du 8 janvier 2018 (pièce [C] no7), et si la marque FS-4 semble bien procéder à la même référence que la marque FR4 en utilisant le chiffre 4 pour un produit au gout similaire, sa date de dépôt (ou celle du début de son usage) n'est pas davantage démontrée. Ainsi, ces quelques éléments, isolés, presque tous postérieurs au dépôt de la marque FR4, et dont un seul (FS-4) illustre un usage signifiant du chiffre 4, sont très insuffisants à démontrer que celui-ci fût usuel au sens du paragraphe 1 sous d) à la date du dépôt de la marque FR4.

Marque trompeuse (paragraphe 1 sous g)) et dépôt frauduleux

Contrairement à l'affirmation des défenderesses, l'indicateur géographique FR suivi d'un chiffre ne renvoie pas à une norme ni à une certification, car comme le souligne la demanderesse, aucune norme ni aucune certification ne s'exprime seulement par « FR » suivi de chiffres. Il en va de même de la référence à des services officiels, les défenderesses ne démontrant pas que le signe « FR » employé seul puisse être compris par le grand public comme renvoyant nécessairement à un organe officiel ou habilité.

Enfin il n'est pas allégué que les produits vendus sous la marque n'aient pas, au moins pour partie, une origine française.

La marque n'est donc pas trompeuse. Et, à défaut de preuve d'un emploi usuel que le dépôt de marque aurait voulu empêcher, celui-ci ne peut être qualifié de frauduleux. La demande en dommages et intérêts à ce titre est par conséquent rejetée.

Caractère distinctif en général (paragraphe 1 sous b)

Enfin, au-delà des cas d'interdictions énumérés à l'article 7 et dont il vient d'être démontré qu'aucun ne s'applique en l'espèce, rien n'indique que plus généralement une suite de deux lettres et un chiffre dénuée de signification, comme celle de la marque en cause, ne soit pas apte à distinguer de ceux d'autres entreprises les arômes, huiles essentielles, arômes ou liquides pour cigarettes électroniques provenant d'une entreprise.

Par conséquent, les demandes en nullité sont rejetées.

3o) Demandes reconventionnelles en déchéance partielle des droits sur la marque FR4

Moyens des parties

Les sociétés Ipra et Lor'n pack sollicitent la déchéance de la marque « FR4 » en ce que son exploitation fait défaut pour « les parfums, huiles essentielles et extraits aromatiques » en classe 3, et les « arômes ou additifs pour les recharges de cigarettes électroniques, cigarettes électroniques, cigarillos électroniques, pipes électroniques, chichas électroniques » en classe 34.

La société Gaïatrend expose que la déchéance peut être prononcée à compter du 3 juin 2020 seulement (C-622/18) et que des actes de contrefaçon ont eu lieu avant cette date ; que l'action est également fondée sur la marque en ce qu'elle désigne des « e-liquides », dont l'usage sérieux n'est pas contesté.

Réponse du tribunal

L'article 58 du règlement, paragraphe 1, sous a) prévoit que le titulaire de la marque de l'Union européenne est déclaré déchu de ses droits, sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n'a pas fait l'objet d'un usage sérieux dans l'Union pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, et qu'il n'existe pas de justes motifs pour le non-usage. En vertu du paragraphe 2 du même article, si la cause de déchéance n'existe que pour une partie des produits ou des services pour lesquels la marque est enregistrée, le titulaire n'est déclaré déchu de ses droits que pour les produits ou les services concernés.

En l'espèce, la recevabilité de la demande en déchéance formée non contre le titulaire mais contre le licencié exclusif ayant qualité à agir en contrefaçon n'a pas été contestée. Néanmoins, cette demande ne saurait affecter les droits du titulaire, qui n'est pas partie à l'instance, et elle s'analyse en réalité, dans le cadre relatif du litige entre les parties, en une défense au fond, contre le licencié, tendant à rejeter ses prétentions fondées sur la marque en tant que celle-ci désigne certains produits pour lesquels l'usage sérieux n'est pas prouvé.

Et la société Gaïatrend ne conteste pas qu'aucun usage n'est fait de la marque pour les parfums, huiles essentielles, extraits aromatiques, arômes ou additifs pour recharges de cigarettes électroniques (et autres objets à fumer électroniques). Les parties s'accordent en effet à distinguer ces arômes ou additifs pour recharges de cigarettes électroniques des recharges elles-mêmes, à savoir les « cartouches aromatiques », « e-liquides » et « fluides et liquides aromatiques pour cigarettes électroniques ». Elle ne conteste pas davantage que la déchéance peut être prononcée à compter du 3 juin 2020.

La société Gaïatrend doit par conséquent être déboutée de ses demandes dans la mesure où elles se fondent sur une atteinte à la marque pour les produits évoqués, et seulement à compter du 3 juin 2020.

4o) Sur la contrefaçon

Moyens des parties

La société Gaïatrend soutient que la marque FR4 est reproduite de manière apparente sur les bidons d'Ipra et de Lor'n pack et sur les flacons et les sites internet de [C] et de Labo-Saveurs, qui, constatant que leurs fournisseurs utilisaient ce signe à titre de marque, en ont fait de même sur leurs propres produits. Elle expose que l'utilisation d'une marque ombrelle ne retire rien au signe et que l'utilisation par Ipra et Lor'n pack du signe « FR4 » a bien été interprétée par leurs clients, qui l'ont apposée sur leurs produits à destination des consommateurs, comme une indication d'origine du produit et non comme une simple référence interne entre professionnels. Elle fait valoir l'identité des produits, ou à tout le moins leur similarité par complémentarité obligatoire, et conclut au risque de confusion.

La société Ipra soutient que les signes ne sont pas similaires, en ce qu'elle fait usage du signe « FR4 » mis entre guillemets, précédé des termes « Arôme tabac type », et suivi de « SA », le tout sur un conditionnement différent ; et que la similarité de produits entre des arômes et des liquides pour cigarettes électroniques n'est pas démontrée. Sur le risque de confusion, elle estime, dans l'hypothèse où le public pertinent serait constitué des consommateurs de « e-liquides », que son appellation « arôme type tabac « FR4 » SA » est une nomenclature technique de nature à disparaitre dans le produit fini et qui n'est donc jamais apparue au consommateur final de liquide aromatisé ; que ses arômes alimentaires sont des produits intermédiaires intégrés aux produits finaux, lesquels ne sont pas exclusivement des recharges pour cigarettes électroniques, de sorte qu'ils auraient une fonction différente ; qu'ils ont également un prix différent, sont distribués par des canaux différents. Elle ajoute, dans l'hypothèse où le public pertinent serait constitué de ses clients professionnels, avertis, que la société Gaïatrend, n'exploitant pas la marque pour désigner des arômes, ne peut se prévaloir d'une atteinte à la fonction de cette marque lorsque des arômes sont commercialisés sous ce signe ; qu'en outre la marque est peu distinctive, notamment en ce qu'elle désigne uniquement une saveur en référence à une origine géographique et à la saveur chinoise préexistante, RY4. Enfin, elle affirme ne pas exploiter le signe dans la fonction d'une marque (au sens, notamment, d'un arrêt C-2/00) en ce qu'il n'est utilisé que dans des transactions commerciales avec des professionnels qui ne peuvent être abusés sur l'origine du produit, à la seule fin de référencer le produit à l'usage d'un client et à sa demande, et uniquement en référence à une saveur, aux fins d'identification de l'arôme pour le client, ce qui en soi suffirait à écarter toute contrefaçon ainsi que l'aurait déjà jugé le présent tribunal.

La société [C] affirme également produire un arôme et non un « e-liquide », qui appartiennent selon elle à des catégories de produits différentes, et utiliser le signe FR4 pour indiquer la saveur de l'arôme, et non pour désigner l'origine du produit, le tout sous sa propre marque, et avec un emballage ne ressemblant pas à celui de la demanderesse.

La société Lor'n pack fait également valoir que l'usage critiqué de la marque ne viserait qu'à désigner une saveur et non l'origine du produit, ce qui écarterait toute contrefaçon ; que le signe qu'elle utilise n'est pas FR4 mais « Tabac type « FR4 » », ce qui serait très différent, d'autant plus que cet usage se ferait sous ses propres marques (« Laboratoires mathé ») ; qu'elle vise exclusivement une clientèle professionnelle qui ne pourrait se méprendre sur l'origine du produit ; qu'à tout le moins les consommateurs en l'espèce sont les fumeurs, dont l'attention serait plus élevée ; et qu'ainsi tout risque de confusion serait écarté.

Réponse du tribunal

Cadre juridique

Aux termes de l'article 9 du règlement :

« 1. L'enregistrement d'une marque de l'Union européenne confère à son titulaire un droit exclusif.

« 2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque:

a) ce signe est identique à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée;

b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque;

(...)

« 3. Il peut notamment être interdit, en vertu du paragraphe 2:

a) d'apposer le signe sur les produits ou sur leur conditionnement;

b) d'offrir les produits, de les mettre sur le marché ou de les détenir à ces fins sous le signe, ou d'offrir ou de fournir des services sous le signe;
(...)
e) d'utiliser le signe dans les papiers d'affaires et la publicité »

L'article 17 du règlement dispose que les atteintes à une marque de l'Union européenne sont régies par le droit national applicable aux atteintes à une marque nationale conformément aux dispositions du chapitre X, lequel prévoit notamment (article 129) que le droit applicable est le droit national pour toutes les questions qui n'entrent pas dans le champ d'application du règlement, et que les règles de procédures sont celles applicables au même type d'actions relatives à une marque nationale.

Et en vertu de l'article L. 717-1 du code de la propriété intellectuelle, constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur la violation des interdictions prévues aux articles 9, 10, 13 et 15 du règlement.

Faits en cause

Il est constant que la société Ipra a commercialisé, exclusivement auprès de professionnels fabriquant des arômes ou des liquides pour cigarettes électroniques, des arômes sous le nom « Arôme tabac type « FR4 » SA ». Ce nom figure notamment sur l'étiquette d'un bidon contenant le produit (conclusions Ipra p. 9), ainsi que sur ses factures comme la référence du produit vendu (une facture adressée à la société [C] découverte lors de la saisie-contrefaçon au siège de cette dernière, pièce Gaïatrend no9.1 ; une autre adressée à une société Sapores, découverte lors de la saisie-contrefaçon au siège de celle-ci, pièce Gaïatrend no17.2, pv de saisie p. 25). Cet usage envers plusieurs clients permet au demeurant d'écarter l'allégation selon laquelle l'usage du signe FR4 lui aurait été réclamé par un client, et qu'aucune pièce ne vient soutenir.

La société Lor'n pack a vendu des arômes concentrés, comme la société Ipra, dans des bidons dont l'étiquette mentionne « Tabac type « FR 4 » » (conclusions de Lor'n pack p.25).

La société [C] a vendu, à des particuliers et des professionnels, des flacons de liquides aromatisés destinés aux cigarettes électroniques, tels que ci-dessous à gauche, et portant, sous la marque « solub arome », le signe FR4 (saisie-contrefaçon, pièce Gaïatrend no9.1). Elle affirme sans être contredite qu'il ne s'agit pas de « e-liquide » mais d'un arôme devant encore être dilué, ce qui est corroboré par la mention, en petits caractères « arôme pour le diy » surligné en orange sous la marque Solubarôme, ainsi que par le prospectus découvert lors de la saisie-contrefaçon, expliquant un mélange à faire avant d'utiliser le produit.

La société Labo-saveur a vendu des flacons de liquides aromatisés pour cigarettes électroniques, tels que ci-dessous à droite, portant, sous la marque « Lor liquide », la mention « Tabac FR 4 » (saisie-contrefaçon, pièce Gaïatrend no9.2, pv de saisie p. 4).

Identité ou similarité des produits

La société Gaïatrend ne conteste pas que les arômes destinés à être dilués dans les liquides aromatisés pour cigarettes électroniques ne sont pas des produits identiques à ces liquides aromatisés. Il faut donc examiner de manière distincte, d'une part les usages de la marque pour des liquides aromatisés, produits identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, et d'autre part son usage pour les arômes, produits pour lesquels la société Gaïatrend ne peut invoquer la protection de la marque (après la « déchéance » partielle à son égard).

À cette fin, il faut apprécier le degré de similitude entre ces produits. Il est constant que les arômes concentrés vendus par les sociétés Ipra et Lor'n pack entrent dans la composition des liquides aromatisés, et qu'ils en sont l'ingrédient qui donne audit liquide sa saveur. Si la société Ipra affirme que son arôme peut également entrer dans la composition de produits alimentaires ou cosmétiques, il serait surprenant qu'un arôme concentré dénommé « arôme tabac » entre dans la composition d'un produit alimentaire ou cosmétique, et en toute hypothèse elle n'apporte aucune preuve de cette allégation. C'est donc bien seulement pour la fabrication de liquides aromatisés pour cigarettes électroniques que la société Ipra a vendu son arôme « tabac type « FR4 » SA ». De même pour la société Lor'n pack, qui ne conteste pas ce fait. Or un produit dont le seul objet est d'être l'ingrédient déterminant d'un autre, et en est ainsi le complément nécessaire, a évidemment avec celui-ci un très grand degré de similarité. Au demeurant la société [C] parle elle-même de « variants de produits : l'arôme, l'arôme concentré, le e-liquide prêt à vapoter » (ses conclusions, p. 34, 7e §).

S'agissant enfin des « arômes » de la société [C], ils sont vendus au même public que les liquides aromatisés de la société Gaïatrend, pour exactement le même usage, à la seule différence qu'au lieu d'être versés purs dans la cigarette électronique ils sont d'abord dilués par l'utilisateur. Ils portent au demeurant la mention, en gros caractères, « tabac e-liquide ». Dès lors, les produits de la société [C], même s'il peut être admis qu'ils constituent plutôt des « arômes ou additifs pour des recharges de cigarettes électroniques » (produit non protégé du fait de la déchéance) que des « Fluides et liquides aromatiques pour cigarettes électroniques », sont encore plus similaires à ceux-ci que les arômes concentrés commercialisés par les sociétés Ipra et Lor'n pack.

Identité ou similarité des signes

Le fait que le signe FR4 ait été utilisé par les défenderesses précédé des mentions « arôme tabac type » ou « tabac type » ne crée pas un signe différent dont « FR4 » ne serait plus qu'une partie. Les mots « arôme », « tabac », « type », sont en effet purement descriptifs, et ne constituent donc pas un signe distinct dont FR4 ne serait qu'une partie. Les lettres « SA » après « FR4 » ne créent pas davantage un autre signe, dès lors qu'elles en sont séparées, et que le signe est lui-même isolé par des guillements (« arôme tabac type « FR4 » SA »). Toutes les défenderesses ont donc utilisé un signe identique à la marque : FR4.

Les conditions d'utilisation de ce signe sont toutefois susceptibles d'être prises en compte pour déterminer si cet usage a porté atteinte aux fonctions de la marque.

Nécessité d'une atteinte à la fonction de la marque

La Cour de justice a en effet précisé que le droit exclusif du titulaire de la marque, qui n'est pas absolu, ne l'autorise à s'opposer à l'usage d'un signe par un tiers en vertu de l'article 9, dans les conditions énumérées au paragraphe 2, sous a) et b), que si cet usage porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque et notamment à sa fonction essentielle qui est de garantir aux consommateurs la provenance du produit ou du service (CJCE, 12 novembre 2002, Arsenal football club, C-206/01, point 51).

Plus précisément, dans le cas où l'article 9, paragraphe 2, sous a) est applicable (double identité de signe et de produits ou services), il peut s'agir d'une atteinte à l'une quelconque des fonctions de la marque : non seulement la fonction essentielle (garantie de provenance), mais aussi celle qui consiste « à garantir la qualité de ce produit ou de ce service, ou celles de communication, d'investissement ou de publicité » (CJCE, 18 juin 2009, L'Oréal, C-487/07, point 58).

Dans le cas prévu au paragraphe 2, sous b) (similitude de signe et de produits ou services), la condition spécifique de la protection est « le risque de confusion et donc une possibilité d'atteinte à la fonction essentielle de la marque » (L'Oréal précité, point 59). Ainsi, alors que dans le cas d'une double identité prévu au paragraphe 2, sous a), le risque d'atteinte à une fonction de la marque est une condition supplémentaire de la protection, dans le cas prévu au paragraphe 2, sous b) le risque d'atteinte à la fonction essentielle de la marque est associé au risque de confusion, le premier découlant du second : le signe doit en effet porter atteinte à la fonction d'indication d'origine « en raison d'un risque de confusion dans l'esprit du public » (CJCE, 12 juin 2008, O2 holdings, C-533/06, point 57 ; CJUE, 3 mars 2016, Daimler, C-179/15, point 27).

Ce critère doit, en l'espèce, être appliqué au cas où la marque est employée pour une sous-catégorie de produits ayant une saveur déterminée, et en association avec une marque principale.

Incidence de l'emploi d'une marque sous une marque ombrelle pour des produits ayant une saveur déterminée

La société Gaïatrend ne conteste pas employer sa marque FR4 exclusivement pour des produits qui ont en commun une saveur déterminée, que les parties décrivent comme évoquant le tabac blond avec une note de caramel des cigarettes à fumer « Dunhill ». La provenance des produits de la société Gaïatrend étant déjà indiquée par la marque Alfaliquid figurant en grand format sur les flacons, la marque FR4 n'aurait, selon les défenderesses, aucun autre rôle que d'indiquer leur saveur, la gamme Alfaliquid contenant par ailleurs des liquides aux arômes nombreux et variés, tous indiqués exactement de la même manière que FR4.

Cependant, il n'est pas interdit d'indiquer la provenance d'un produit ou d'un service par plusieurs indications, de sorte que la coexistence de plusieurs marques sur un même produit n'implique pas que l'une ou l'autre marque n'est pas exploitée en tant que marque (ainsi, une marque exploitée en tant que partie d'une autre marque ou en combinaison avec elle peut même devenir distinctive par l'usage, CJCE, 7 juillet 2005, Société des produits Nestlé, C-353/03, dispositif et nota. points 26-27).

Il n'est pas davantage interdit d'exploiter une marque pour une sous-catégorie de produits ; par rapport à l'ensemble de la gamme, cette sous-catégorie a par définition une particularité, dont rien n'empêche qu'elle corresponde à une caractéristique essentielle du produit, et rien n'empêche que cette caractéristique soit la saveur de celui-ci. Le titulaire de la marque peut ainsi l'utiliser pour identifier, au sein de l'ensemble de ses produits, ceux qui partagent une même saveur, de la même manière qu'il pourrait rassembler ses produits sous des marques secondaires selon leur qualité, leur couleur, leur taille, leur période de fabrication, dès lors que le signe lui-même n'est pas descriptif de la caractéristique qu'il sert à identifier (ce qui relève du débat sur la validité).

Autrement formulé, le droit des marques ne prévoit aucun empêchement à ce qu'un signe arbitraire serve à la fois à indiquer une caractéristique du produit (comme sa saveur) et sa provenance.

En choisissant de désigner une saveur par un signe arbitraire qu'elle a fait enregistrer en tant que marque, une entreprise indique que cette saveur n'est pas une saveur générique (telle que « fraise », selon l'exemple donné par les défenderesses, ou « tabac blond caramélisé »), mais la sienne, qui lui est propre (sa version du gout fraise ou du tabac blond caramélisé). Il s'agit bien, à l'évidence, d'une indication d'origine, c'est-à-dire la fonction essentielle de la marque.

Il en résulte que l'emploi de la marque, par son titulaire, même sous une marque ombrelle, comme indication de la saveur des produits qu'elle revêt, est bien un usage en tant que marque de la part de son titulaire (et serait ainsi insusceptible de justifier une déchéance) et n'a pas d'incidence sur la protection accordée par l'article 9 contre les usages faits par des tiers.

Application aux faits d'usage du signe FR4 par la société Labo-saveur

La société Labo-saveur, qui a apposé le signe FR4, identique à la marque, sur des flacons qu'elle a offerts à la vente pour indiquer la saveur du produit, en a fait un usage dans la vie des affaires, pour des produits identiques à ceux pour lesquelles la marque est enregistrée, sans l'accord du titulaire de la marque.

Qu'elle ait cherché à désigner une saveur, plutôt que l'origine du produit déjà indiquée par sa propre marque, est indifférent, dès lors, d'une part, que l'intention de celui qui fait usage d'une marque n'est pas un critère pertinent pour apprécier l'atteinte à la fonction de la marque, et d'autre part, ainsi qu'il vient d'être démontré, que la marque employée pour désigner une saveur renvoie à la fois à une indication d'origine et à une caractéristique du produit, ces deux fonctions étant cumulativement présentes lorsqu'un signe arbitraire désigne la saveur du produit. La reproduction de la marque sur le flacon d'un produit identique porte donc manifestement atteinte à la fonction essentielle de la marque.

Enfin, l'usage en cause relevant de l'article 9, paragraphe 2, sous a) du règlement (identité de signes et de produits), la démonstration d'un risque de confusion n'est pas nécessaire, de sorte que la différence entre les emballages et la présence d'une autre marque sont indifférents.

Par conséquent, l'usage que la société Labo-saveur a fait du signe FR4 porte atteinte au droit exclusif que la société Gaïatrend tire de l'article 9 du règlement, et la contrefaçon est caractérisée.

Application aux faits d'usage du signe FR4 par la société [C]

La société [C] a apposé un signe identique à la marque, sans l'autorisation du titulaire, sur l'emballage de produits qu'elle a vendus, donc dans la vie des affaires, pour un produit très similaire à celui pour lequel la marque est enregistrée, vendu au même public (les consommateurs de cigarettes électroniques), pour un mode de consommation quasi-identique. Ce signe est en outre particulièrement visible sur le conditionnement du produit. Dans ces conditions, la différence d'apparence de l'emballage, alléguée par la défenderesse, est très loin de suffire à écarter le risque de confusion, qui est manifeste.

Par conséquent, l'usage que cette société a fait du signe FR4 porte atteinte au droit exclusif que la société Gaïatrend tire de l'article 9, paragraphe 2, sous b) du règlement, et la contrefaçon est caractérisée.

Application aux faits d'usage du signe FR4 par les sociétés Ipra et Lor'n pack

Les sociétés Ipra et Lor'n pack, qui ont apposé le signe FR4, identique à la marque, sur l'emballage de produits très similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, et qu'elles ont vendus, en ont fait usage dans la vie des affaires, et ce sans l'accord du titulaire de la marque.

Il est constant que ces sociétés ont vendu ces produits exclusivement à des professionnels fabricants de liquides aromatisés pour cigarettes électroniques.

Le public pertinent n'est donc pas le même que le public des produits pour lequel la marque est enregistrée, qui est composé des consommateurs de cigarettes électronique (et de leur contenu). Les professionnels ont, en règle générale, une attention supérieure à celle des consommateurs. Il ne peut toutefois pas être présumé, comme le fait la société Ipra, que ces professionnels sont insusceptibles de confondre l'origine des produits qui leur sont vendus ; de même, le fait que les 3 professionnels ayant utilisé ses produits en l'espèce n'aient pas cru acquérir un produit FR4 authentique ne permet pas de présumer qu'il n'y a aucun risque de confusion à l'égard de l'ensemble des professionnels du secteur. À cet égard, le fait que la société Gaïatrend ne vend aucun arôme pur n'est certes pas contesté, mais il n'est pas pour autant démontré que ce fait soit notoire dans le domaine des cigarettes électroniques, ni que la marque FR4 soit si renommée que les professionnels l'associent tous à la société Gaïatrend ; il est ainsi possible pour un professionnel du secteur de croire que la marque FR4 apposée sur un bidon vendu par son fournisseur appartient bien à celui-ci, ou que l'arôme qui lui est fourni émane d'une collaboration entre le fournisseur et la société détentrice de la marque FR4, quelle qu'elle soit.

De même, la présence de plusieurs marques sur un même produit ne permet pas d'écarter le risque de confusion, cette pratique pouvant même aggraver la contrefaçon en faisant croire au public pertinent que la marque secondaire contrefaite est détenue par le titulaire de la marque principale. Il en résulte que la présence des marques des défenderesses sur leurs produits n'a pas d'effet en l'espèce sur le risque de confusion.

La société Ipra invoque certes une jurisprudence (CJUE, 14 mai 2002, [R], C-2/00) dont l'apport est que « le titulaire d'une marque ne peut pas invoquer son droit exclusif lorsqu'un tiers, dans le cadre de tractations commerciales, révèle que le produit provient de sa propre fabrication et n'utilise la marque en cause qu'à la seule fin de décrire les propriétés spécifiques du produit qu'il propose, si bien qu'il est exclu que la marque utilisée soit interprétée comme se référant à l'entreprise de provenance dudit produit. » Toutefois, en l'espèce, l'usage du signe FR4 a eu lieu non pas dans des tractations commerciales mais sur le produit vendu, ainsi que sur les factures de la société Ipra, ce qui n'était pas le cas dans l'espèce ayant donné lieu à cet arrêt ; et il n'est pas démontré que la société Ipra ni la société Lor'n pack ait révélé que le produit provenait de sa propre fabrication, la seule mention « type » devant FR4 étant insuffisante à révéler ce fait avec certitude, pouvant au contraire mettre l'accent sur l'origine particulière de ce produit issu d'une autre entreprise que celle qui y appose sa marque principale ; dès lors il n'est pas davantage établi que c'est uniquement pour décrire les propriétés spécifiques du produit que les défenderesses ont apposé le signe sur le produit vendu. Enfin, l'article 9, paragraphe 3, sous a) prévoit expressément l'apposition du signe sur les produits ou leur conditionnement comme un cas d'usage interdit, tandis que dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt [R], le signe n'avait été utilisé que dans les tractations commerciales.

Il s'ensuit qu'en l'espèce, au regard de la très grande similitude entre les produits en cause et s'agissant de signes strictement identiques, sur un conditionnement où la présence d'une autre marque peut signifier que les deux marques ont le même titulaire ou que leurs titulaires respectifs ont collaboré, sans que rien ne révèle avec certitude que le produit n'émane pas du titulaire de la 2e marque, et alors que le lien entre la marque et une saveur déterminée est sans incidence, le risque de confusion est très élevé, et l'usage litigieux est susceptible de porter atteinte à la fonction essentielle de la marque.

Par conséquent, l'usage que ces deux sociétés ont fait du signe FR4 porte atteinte au droit exclusif que la société Gaïatrend tire de l'article 9, paragraphe 2, sous b) du règlement, et la contrefaçon est caractérisée.

5o) Demandes en dommages et intérêts

Moyens des parties

La demanderesse expose qu'au regard des quantités d'arôme que la société Ipra reconnait avoir vendues, et d'un taux de 5% d'arôme dans le produit final, le nombre de flacons contrefaisants est de 2 116 667 ; qu'elle-même aurait vendu un nombre identique en absence de contrefaçon ; que son prix est de 1,67 euros l'unité, ce qui, en y appliquant son taux de marge brute qui serait de 85%, correspondrait à un manque à gagner de 3 004 608,81 euros. Elle allègue en outre un préjudice moral tenant à l'atteinte à la notoriété de sa marque alors que ses produits bénéficieraient de certifications prouvant leur qualité ; préjudice correspondant selon elle à environ 1/10 du préjudice matériel, avec l'hypothèse que « un consommateur sur dix non satisfait se détourn[er]ait à jamais du produit FR4 » en raison de la mauvaise qualité des produits contrefaisants.

La société Ipra estime d'abord que ses agissements n'ont causé aucun préjudice ; qu'en effet son produit a un gout différent, que le gout est ce qui importe au consommateur, et qu'ainsi l'usage du signe FR4 n'a rien changé quant au volume des ventes de la demanderesse ; qu'au demeurant celle-ci ne produit pas son compte de résultat ; que la baisse alléguée du chiffre d'affaires a d'autres causes dont la baisse des investissements publicitaires ; et que ses propres ventes de l'arôme en cause sont restées « très similaires » depuis qu'elle l'a renommé sans faire référence à FR4. Sur le montant réclamé, elle avance que ses ventes totales de l'arôme litigieux s'élèvent à 40 233,60 euros et son bénéfice à seulement 8,27%, soit 3 327 euros ; qu'elle n'est qu'un maillon de la chaîne de production et ne peut donc pas être condamnée aux bénéfices qu'aurait pu obtenir le vendeur final ; qu'en toute hypothèse, sur la totalité des ventes au détail faites à partir de son arôme pur, seules peuvent être prises en compte celles faites sous le signes FR4 et par des parties à la présente procédure, c'est-à-dire [C], à qui elle n'a vendu ledit arôme que pour un total de 3 444 euros. Elle conteste encore le dosage de 5% ; et la marge alléguée, au regard des frais à prendre en compte et du taux de marge s'élevant à 17,8% seulement dans les derniers comptes connus de la demanderesse, publiés en 2011 et 2012 (pièce 5), et en déduit un manque à gagner de 8 715 euros seulement. Elle invoque une règle de proportionnalité entre la gravité de l'atteinte et les mesures ordonnées et les intérêts des tiers en cas d'atteinte non intentionnelle (article 10 et 12 de la directive de 2004) ; conteste enfin tout préjudice moral au motif que son usage du signe FR4 n'était pas public et n'a donc pas nui à la notoriété de la marque, et que la différence de qualité alléguée n'est pas démontrée.

La société [C] critique l'absence de documents comptables, et estime que la simple baisse du chiffre d'affaires ne prouve pas un lien de causalité avec les actes des défenderesses, la baisse pouvant s'expliquer selon elle par l'évolution du marché, devenu plus concurrentiel et dont l'offre s'est élargie au-delà des seules « notes de tabac » comme le FR4, ainsi que par les choix de la demanderesse, qui aurait écarté certains de ses clients. Contre le taux de dilution allégué, elle fait valoir qu'il n'existe pas de standard, le dosage de l'arôme dépendant de plusieurs facteurs, dont la concentration de l'arôme de base ou la présence de nicotine, et que la demanderesse elle-même varierait son dosage entre 3% et 15%. Elle précise n'avoir vendu que 35 067 flacons, dont 901 à des particuliers, pour un chiffre d'affaire de 59 322 euros envers les professionnels et 10 870,55 euros envers les particuliers ; estime que les ventes aux professionnels sont impropres à caractériser le préjudice car elles n'utilisent pas la marque à l'égard du consommateur ; que les chiffres avancés par les parties concernent « toutes [les] périodes confondues » alors que la marque n'a été enregistrée que le 4 juin 2015. Contre le préjudice moral, enfin, elle estime que seule la marque Alfaliquid est renommée et bénéficie de certifications, et critique la méthode de calcul de la demanderesse.

La société Lor'n pack fait valoir qu'il ressort de la saisie-contrefaçon dans les locaux de la société Labo-saveur que celle-ci n'a commercialisé, depuis juillet 2017, que 4 707 produits portant le signe FR4 (dont 4 578 à des professionnels pour un chiffre d'affaires de 5 551,06 euros, et 129 à des particuliers pour 526,74 euros) ; précise qu'elle-même n'a acheté que 15 kg (pour 528 euros HT) à son fournisseur la société Ipra ; en a revendu 5 kg à la société Labo-saveur pour un prix de 352 euros, avec une marge brute de 176 euros ; que celle-ci n'a vendu des produits litigieux, au total, que pour 6 077,80 euros.

Réponse du tribunal

En vertu de l'article L. 717-2 du code de la propriété intellectuelle, les dispositions des articles L. 716-4-10, L. 716-4-11 et L. 716-8 à L. 716-13 sont applicables aux atteintes portées au droit du titulaire d'une marque de l'Union européenne.

Ainsi, en application du premier de ces textes, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :

1o Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;

2o Le préjudice moral causé à cette dernière ;

3o Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.

Toutefois (2nd alinéa de l'article L. 716-4-10), la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée.

Par ailleurs, les règles régissant de façon générales la réparation d'un préjudice impliquent que lorsque plusieurs personnes ont concouru à la réalisation d'un même préjudice, chacune en est responsable en totalité. Il faut donc examiner en premier lieu si plusieurs défenderesses ont concouru à un préjudice unique.

Existence de 4 préjudices distincts

En l'espèce, la société Ipra a vendu des arômes contrefaisants à plusieurs sociétés dont deux seulement sont parties à la présente procédure ([C] et Lor'n pack, cf pièce no5 de cette dernière). La société Lor'n pack a elle-même reconditionné et revendu ces arômes à la société Labo-saveur (ses conclusions p. 12). Ces deux sociétés destinataires des arômes ([C] et Labo-saveur) ont fabriqué des produits différents, en utilisant les produits de la société Ipra ou Lor'n pack ainsi que d'autres composants pour y diluer l'arôme, et les ont conditionnés (ou fait conditionner) dans des petits flacons, en y apposant à nouveau la marque FR4.

Aucun de ces trois destinataires directs ou indirects des arômes fabriqués par la société Ipra n'allègue s'être mépris sur l'origine des produits ; en particulier aucun n'allègue avoir cru que les arômes qu'il avait acquis provenaient du titulaire de la marque FR4. Ils affirment tous au contraire avoir cru que le signe n'était pas protégé car il désignait une saveur (ce qui est erroné en droit ainsi qu'il a été démontré plus haut). Chacun a donc décidé lui-même d'apposer la marque sur ses produits, indépendamment des autres, sans que la présence de la marque sur la matière première ne soit une condition nécessaire à sa propre action, donc sans que la contrefaçon commise séparément par la société Ipra ou Lor'n pack n'ait une quelconque influence sur la contrefaçon commise par la société [C] ou Labo-saveur.

Ainsi, sans que cela n'invalide le raisonnement tenu plus haut sur le risque de confusion dès lors que ces trois sociétés ne représentent pas la totalité des professionnels du secteur, chacune a commis une contrefaçon aux conséquences distinctes, indépendantes de celles des autres : les sociétés Ipra et Lor'n pack ont causé chacune un préjudice tenant à l'usage de la marque à l'égard des fabricants de liquides aromatisés pour cigarettes électroniques ; et les sociétés [C] et Labo-saveur ont causé chacune un préjudice distinct tenant à l'usage de la marque à l'égard des consommateurs finaux de ces liquides aromatisés (le cas échéant à travers des détaillants professionnels, ce qui est indifférent dès lors que ceux-ci ne modifient pas le produit ni son conditionnement).

Il faut donc examiner séparément les préjudices distincts causé par les actes de chacune des 4 défenderesses.

Préjudice causé par la société Ipra

Il est constant que la société Gaïatrend ne vend pas d'arômes aux fabricants de liquides aromatisés. Ainsi, les ventes effectuées par la société Ipra, qui n'ont pas en elles-mêmes affecté les propres ventes de la demanderesse, ne lui ont causé aucune perte commerciale.

En revanche, la société Ipra a réalisé un bénéfice du fait de la contrefaçon. Elle communique une attestation de son expert comptable selon laquelle son chiffre d'affaires réalisé « toutes périodes confondues » sur le produit litigieux s'élève à 40 233,60 euros HT, et sur laquelle la demanderesse fonde elle-même le calcul de son préjudice. Elle communique également son compte de résultat de l'année 2018 (sa pièce no4) pour conclure à une marge sur son chiffre d'affaires de 8,27%. Ce montant n'est toutefois pas expliqué. Or le compte de résultat qui est communiqué permet seulement de déterminer une marge moyenne d'exploitation, qui s'élève à 12% (division du résultat d'exploitation par le total des produits d'exploitation).

Il faut donc conclure que la société Ipra a réalisé, en vendant 40 233,60 euros de ces produits, un bénéfice de 12/100 * 40 233,60 = 4 828 euros.

Ce bénéfice permet, conformément à l'article L. 716-4-10, de déterminer un préjudice pour la société Gaïatrend, car si ses droits avaient été respectés, elle aurait pu demander une rémunération pour l'usage de sa marque.

Par ailleurs, l'usage illicite de la marque a contribué à l'affaiblissement de la valeur distinctive de celle-ci, d'autant plus important que le nombre de clients de la société Ipra était élevé. Ce préjudice moral peut dès lors être estimé, s'agissant toutefois d'une marque secondaire, à 10 000 euros.

La société Ipra doit par conséquent être condamnée à payer 14 828 euros à la société Gaïatrend en réparation de son préjudice causé par l'intégralité des faits de contrefaçon commis par elle.

Préjudice causé par la société Lor'n pack

De la même manière, la société Lor'n pack, en vendant exclusivement des arômes à des fabricants de liquides aromatisés qui n'ont pas eu besoin qu'elle commette elle-même une contrefaçon pour décider indépendamment d'apposer la marque FR4 sur leurs propres flacons, n'a pas causé de préjudice commercial à la société Gaïatrend qui ne vend pas d'arômes. Elle lui a cependant causé un préjudice moral et un manque à gagner lié au bénéfice qu'elle-même a réalisé.

À cet égard, elle affirme avoir acheté 15 kg d'arômes à la société Ipra. Elle ne donne pas d'autre information sur l'étendue de la contrefaçon, notamment aucune information comptable vérifiable ou certifiée, ce qui ne permet pas d'en estimer valablement les conséquences. Il faut donc estimer ce préjudice, provisionnellement, en tenant compte de son rôle d'intermédiaire entre les fabricants de liquides et la société Ipra, sur une partie de la production de celle-ci seulement, à 1 000 euros.

Et le préjudice moral, pour les mêmes motifs, à 5 000 euros.

Soit la somme de 6 000 euros au total que la société Lor'n pack est par conséquent condamnée à payer provisionnellement.

Préjudice causé par la société [C]

La société [C] produit des tableaux accompagnés du tampon de son expert comptable (sa pièce no24) selon lesquels elle a vendu, entre octobre 2018 et juillet 2019, 36 067 flacons marqués FR4. La société Gaïatrend ne conteste pas cette pièce, fondant au contraire son calcul sur ce chiffre. Selon la même pièce, ces flacons ont été vendus pour un prix total de 70 193 euros.

Ces flacons sont vendus aux particuliers au prix unitaire moyen de 12,06 euros, et aux professionnels au prix unitaire moyen de 1,69 euros (même pièce), ce qui correspond à quelques centimes près à ce que M. [C] a affirmé lors de la saisie-contrefaçon (pièce Gaïatrend no9.1) à savoir 1,95 euros TTC par flacon (donc 1,63 euros HT).

Cette concurrence directe faite à la société Gaïatrend grâce à la contrefaçon de sa marque lui cause un préjudice économique certain.

Elle ne peut toutefois pas être suivie dans son calcul basé sur les taux de dilution, car elle ne prouve pas que le taux de concentration en arôme de 5% qu'elle retient soit standard (au demeurant elle affirme dans sa propre communication publique que la concentration finale en arôme peut aller jusqu'à 15%, cf pièce [C] no23), et car elle se fonde sur l'hypothèse dénuée de sérieux selon laquelle un flacon acheté à son concurrent aurait nécessairement été acheté chez elle en l'absence de contrefaçon : la marque n'est pas le seul élément déterminant de l'acte d'achat, de sorte qu'une proportion inconnue de clients de [C] choisissent son produit pour d'autres raisons que la présence de la marque FR4, et ce d'autant plus que la différence de prix entre les 2 produits est considérable : les flacons des deux entreprises sont en effet vendus au même prix (1,67 euros pour un flacon de 10 mL de Gaïatrend vendus aux détaillants, selon ses conclusions) alors que le flacon de [C] est plus concentré en arôme et donne donc lieu à un nombre d'usage bien plus élevé. C'est au demeurant ce qu'affirme la société Gaïatrend elle-même dans ses conclusions pour en déduire une quantité de « e-liquide » contrefaite si élevée. En outre, cette différence de prix indique également que la valeur économique du liquide prêt à l'emploi dépend dans une proportion inconnue mais significative d'autres composants que le seul arôme, ce dont le calcul de la demanderesse ne tient aucun compte.

Ainsi, en retenant un report modéré des consommateurs sur le produit concurrent et un taux de marge raisonnable intégrant tous les couts variables (contrairement à la « marge brute » de 85% alléguée par la demanderesse), ce qui permet de tenir compte, simultanément, du bénéfice qu'a pu réaliser la société [C] sur ces mêmes ventes, le chiffre d'affaires de 70 193 euros du contrefacteur a causé un préjudice économique de 7 000 euros à la société Gaïatrend. Ce chiffre d'affaires ne correspond toutefois qu'à la période allant d'octobre 2018 à juillet 2019 (pièce [C] no24). La société [C] ne communique aucun élément antérieur alors qu'il ressort de la saisie-contrefaçon que des ventes de FR4 sont réalisées depuis 2015. Un tableau des ventes réalisées sur internet a été remis lors de cette saisie-contrefaçon, mais la société Gaïatrend n'en dit rien. En l'état des preuves que les deux parties ont donc laissé de côté ou refusé de communiquer, le tribunal doit reconstituer le préjudice sur les années antérieures à partir des ventes de la période connue, de sorte que, le préjudice s'élevant à 7 000 euros pendant 10 mois, et la marque étant enregistrée depuis juin 2015 avec des ventes dès cette date, la contrefaçon commise entre juin 2015 et septembre 2018 (40 mois) a causé un préjudice de 40/10 * 7 000 = 28 000 euros. Soit, au total jusqu'en juillet 2019 (aucun acte postérieur n'est démontré) 28 000 + 7 000 = 35 000 euros.

S'y ajoute un préjudice moral de 30 000 euros, au regard de l'atteinte portée à la marque en lien direct avec le public pour lequel celle-ci est exploitée par la société Gaïatrend.

La société [C] doit par conséquent être condamnée à payer 65 000 euros en réparation.

Préjudice causé par la société Labo-saveur

Comme le souligne la société Lor'n pack, la saisie-contrefaçon dans les locaux de la société Labo-saveur a permis de découvrir, via l'analyse de son site internet, que cette société a vendu des produits contrefaisants pour un total de 6 077,80 euros ; la demanderesse ne conteste pas des montants.

En appliquant les mêmes motifs que pour la société [C], considérant que le public, et donc le marché, est le même pour les arômes à diluer et les liquides prêts à l'emploi, il en résulte un préjudice économique total de 600 euros causé à la demanderesse. Ce montant tient également compte du bénéfice que la défenderesse a pu réaliser sur ce chiffre d'affaires.

Enfin, le préjudice moral causé par la société Labo-saveur, compte tenu du faible volume de ses ventes, mais du fait qu'elle s'adresse elle aussi directement au public visé par la marque, est de 1 000 euros.

Elle doit par conséquent être condamnée à payer 1 600 euros à la société Gaïatrend.

6o) Droit d'information et caractère définitif (et non provisionnel) de certaines condamnations

L'article L. 716-4-9 du code de la propriété intellectuelle, appliquant en droit national l'article 8 de la directive 2004/48 relative au respect des droits de propriété intellectuelle, prévoit au bénéfice du demandeur à l'action en contrefaçon un droit d'information en vertu duquel, s'il n'existe pas d'empêchement légitime, la juridiction peut ordonner, au besoin sous astreinte, afin de déterminer l'origine et les réseaux de distribution des produits argüés de contrefaçon qui portent atteinte aux droits du demandeur, la production de tous documents ou informations détenus par le défendeur ou par toute personne qui a été trouvée en possession de produits argués de contrefaçon ou qui fournit des services utilisés dans de prétendues activités de contrefaçon ou encore qui a été signalée comme intervenant dans la production, la fabrication ou la distribution de ces produits ou la fourniture de ces services.

La directive précitée, à son article 8, paragraphe 2, sous b) prévoit que les informations visées peuvent comprendre des renseignements sur les quantités ainsi que sur le prix obtenu pour les marchandises ou services en question.

Il s'ensuit que les renseignements sur « l'origine et les réseaux de distribution » incluent ceux portant sur l'étendue du préjudice.

L'objection de la société Lor'n pack qui estime que cet article vise à déterminer l'origine et les réseaux de distributions, mais pas à évaluer le préjudice causé par la contrefaçon, est donc infondée.

À l'égard des sociétés Ipra, [C] et Labo-saveur, le préjudice a pu être déterminé dans toute son étendue grâce aux informations déjà débattues par les parties. Les condamnations prononcées contre elles le sont donc à titre définitif, au fond, et non à titre provisionnel.

En revanche, l'étendue de la contrefaçon commise par la société Lor'n pack n'est pas pleinement démontrée, cette société s'étant même abstenue d'apporter les éléments en sa possession, se contentant d'évoquer l'unique facture découverte lors de la saisie-contrefaçon pratiquée chez un tiers. Elle doit, par conséquent, être condamnée à remettre les factures d'achat et de vente demandées, sous une astreinte dont le montant doit s'élever, pour être suffisamment comminatoire, à 500 euros par jour.

7o) Autres demandes fondées sur la contrefaçon

Publication

Le préjudice étant déjà intégralement réparé par les dommages et intérêts, au regard des circonstances des actes commis par les défenderesses, la demande de publication, qui est une modalité de la réparation, doit être rejetée.

Interdiction et rappel

L'article L. 716-4-11 du code de la propriété intellectuelle dispose qu'en cas de condamnation civile pour contrefaçon, la juridiction peut ordonner, à la demande de la partie lésée, que les produits contrefaisants et les matériaux et instruments ayant principalement servi à leur création ou fabrication soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement de ces circuits, détruits ou confisqués au profit de la partie lésée.

Les demandes en interdiction et rappel formées par la société Gaïatrend doivent être accueillie, sous une astreinte de 100 euros par unité commercialisée malgré l'interdiction, et de 500 euros par jour de retard s'agissant du rappel.

8o) Demandes reconventionnelles pour procédure abusive

Malgré le montant exagéré des demandes en dommages et intérêts, les demandes principales de la société Gaïatrend sont bien fondées. Les demandes reconventionnelles pour abus doivent par conséquent être rejetées.

9o) Demandes accessoires

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

L'article 700 du même code permet au juge de condamner en outre la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre, pour les frais exposés mais non compris dans les dépens, une somme qu'il détermine, en tenant compte de l'équité et de la situation économique de cette partie.

Les société défenderesses perdent le procès en ce qu'elles sont condamnées malgré leur résistance. Elles sont donc tenues aux dépens (conjointement chacune pour un quart).

La société Gaïatrend perd également en partie le procès en ce que ses demandes indemnitaires ne sont accueillies que pour une fraction infime du montant réclamé ; les défenderesses ont néanmoins inutilement complexifié le litige par la multiplication de moyens de défense infondés sur la validité de la marque et le principe de la contrefaçon. L'équité impose donc qu'elles indemnisent la demanderesse d'une partie de ses frais, à hauteur de 8 000 euros pour la société Ipra, 8 000 euros pour la société [C], 4 000 euros pour la société Lor'n pack.

Vu l'article 515 du code de procédure civile dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2020, l'exécution provisoire, nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, est ordonnée.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, statuant publiquement en premier ressort par jugement réputé contradictoire mis à disposition au greffe,

Rejette les demandes en nullité de la marque de l'Union européenne FR4, no013515581,

Rejette la demande en dommages et intérêts formée par la société [C] au titre d'un dépôt frauduleux ;

Rejette les demandes de la société Gaïatrend fondées sur des atteintes à la marque FR4 no013515581 postérieures au 3 juin 2020, mais uniquement en tant qu'elles se fondent sur son enregistrement pour les produits suivants :
- les produits de la classe 3
- les additifs pour les recharges de cigarettes électroniques, cigares électroniques, cigarillos électroniques, pipes électroniques, chichas électroniques, en classe 34 ;

Condamne la société Ipra france à payer 14 828 euros à la société Gaïatrend en réparation de la contrefaçon de la marque FR4 ;

Condamne la société [C] solubarôme à payer 65 000 euros à la société Gaïatrend en réparation de la contrefaçon de la marque FR4 ;

Condamne la société Labo-saveur à payer 1 600 euros à la société Gaïatrend en réparation de la contrefaçon de la marque FR4 ;

Condamne la société Lor'n pack à payer une provision de 6 000 euros à la société Gaïatrend, à valoir sur la réparation du préjudice causé par la contrefaçon de la marque FR4 ;

La condamne à remettre à la société Gaïatrend, au titre du droit d'information, l'intégralité des factures qu'elle a reçues et qu'elle a émises pour l'achat ou la vente de produits dont le nom, la description ou tout autre élément contient « FR4 » ; dans un délai de 15 jours à compter de la signification du jugement puis sous astreinte de 500 euros par jour de retard, qui courra au maximum pendant 180 jours ;

Rejette la demande de droit d'information pour le surplus ;

Interdit aux sociétés Ipra, [C], Lor'n pack et Labo saveurs, sous astreinte de 100 euros par infraction constatée passés 15 jours suivant la signification du présent jugement, de faire fabriquer, fabriquer, commercialiser sur le territoire de l'Union européenne des arômes, concentrés d'arômes et liquides aromatisés pour cigarettes électroniques marqués « FR4 », chaque unité de produit fabriquée ou offerte à la vente étant une infraction distincte ;

Ordonne, en tant que de besoin, le rappel des produits contrefaisants des circuits commerciaux, et leur destruction, par les sociétés Ipra, [C], Lor'n pack et Labo-saveur, chacune en ce qui concerne les produits qu'elle a vendus, aux frais de ces sociétés, le tout dans un délai de 30 jours puis sous astreinte de 500 euros par jour de retard (à l'égard de chacune des débitrices de l'obligation) qui courra au maximum pendant 180 jours ;

Se réserve la liquidation des trois astreintes ;

Rejette la demande de la société Gaïatrend en publication du jugement ;

Rejette la demande des sociétés Ipra et [C] pour procédure abusive ;

Condamne conjointement les quatre défenderesses aux dépens (avec faculté de recouvrement par l'avocat de la société Gaïatrend dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile), chacune pour un quart, ainsi qu'à payer à la société Gaïatrend, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- 8 000 euros par la société Ipra
- 8 000 euros par la société [C]
- 4 000 euros par la société Lor'n pack ;

Ordonne l'exécution provisoire.

Fait et jugé à Paris le 14 Décembre 2021.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Ct0196
Numéro d'arrêt : 19/8773
Date de la décision : 14/12/2021

Analyses

x


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2021-12-14;19.8773 ?
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