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10/12/2021 | FRANCE | N°20/6535

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Ct0196, 10 décembre 2021, 20/6535


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre 2ème section

No RG 20/06535 - No Portalis 352J-W-B7E-CSNC4

No MINUTE :

Assignation du :
22 Juillet 2020

JUGEMENT
rendu le 10 Décembre 2021
DEMANDERESSE

La S.A. GRTGAZ
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Maître Xavier PICAN de la SELAS OSBORNE CLARKE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0117

DÉFENDEUR

Monsieur [K] [C]
[Adresse 1]
[Localité 3]

représenté par Maître Jean-françois GUILLOT de la SELAS AMAR GOUSSU STAUB, avocat au barr

eau de PARIS, vestiaire #P0515

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Catherine OSTENGO, Vice-présidente
Elise MELLIER, Juge
[P] [F]

assisté de Quentin CURABET...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre 2ème section

No RG 20/06535 - No Portalis 352J-W-B7E-CSNC4

No MINUTE :

Assignation du :
22 Juillet 2020

JUGEMENT
rendu le 10 Décembre 2021
DEMANDERESSE

La S.A. GRTGAZ
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Maître Xavier PICAN de la SELAS OSBORNE CLARKE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0117

DÉFENDEUR

Monsieur [K] [C]
[Adresse 1]
[Localité 3]

représenté par Maître Jean-françois GUILLOT de la SELAS AMAR GOUSSU STAUB, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0515

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Catherine OSTENGO, Vice-présidente
Elise MELLIER, Juge
[P] [F]

assisté de Quentin CURABET, Greffier

DÉBATS

A l'audience du 29 Octobre 2021 tenue en audience publique devant Catherine OSTENGO et Elise MELLIER, juges rapporteurs, qui sans opposition des avocats ont tenu seules l'audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile.

Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2021.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

La société GRTgaz est le gestionnaire, propriétaire et exploitant du réseau de transport de gaz naturel, couvrant l'ensemble du territoire français à l'exception du Sud-Ouest.

Initialement salarié de la société Gaz de France, M. [K] [C] a été repris à sa création par la société GRTgaz le 1er janvier 2005, en tant que technicien d'abord, puis en tant qu'ingénieur d'exploitation réseau à compter de novembre 2015.

Dans le cadre de l'exécution de cette relation de travail, trois déclarations d'inventions de salarié hors mission attribuables ont été déposées auprès de l'INPI le 8 décembre 2015 par M. [C] relativement aux dispositifs « Butterfly », « Yoyo » et « Clip'n'go », destinés à la sécurisation des opérations de maintenance des réseaux, et sur lesquels la société GRTgaz a manifesté le souhait d'exercer son droit d'attribution le 12 avril 2016 ; considérant les dispositifs Yoyo et Clip'n'go comme deux déclinaisons d'une même invention, cette dernière a déposé deux demandes de brevet français, qui ont été délivrés le 28 juin 2019.

Soutenant que ces inventions ont « représenté des centaines d'heures, non rémunérées qui ont empiété sur ses heures et jour de repos, ses congés et impacté sa vie familiale » que le « juste prix » proposé par son employeur ne rémunérait pas à leur juste hauteur, M. [C] a décliné les offres de celui-ci. La Commission nationale des inventions de salariés (ci-après la « CNIS »), saisie par la société GRTgaz d'une demande de conciliation, a notifié aux parties une proposition de conciliation le 27 avril 2020 pour un montant de 40 000 euros. Considérant que le montant proposé ne pouvait être qualifié de « juste prix » raisonnable et adapté à la situation, la société GRTgaz a fait assigner M. [C] devant ce tribunal, par acte du 23 juillet 2020, afin de voir fixer la rémunération due à ce dernier au titre des trois inventions précitées.

*
Aux termes de ses conclusions no 1 signifiées par voie électronique le 17 mars 2021, la société GRTgaz demande au tribunal de :

Vu les articles L. 611-7, L. 615.17, L. 615-21 du code de la propriété intellectuelle,
Vu les pièces énumérées au bordereau annexé aux conclusions,

À titre principal :
- RECEVOIR l'intégralité des moyens et prétentions de la société GRTgaz ;
- CONSTATER le désaccord de la société GRTgaz et de Monsieur [C] sur la proposition de conciliation de la CNIS ;

En conséquence :
- ORDONNER le paiement à Monsieur [C] d'une part de la prime forfaitaire de 3 750 euros et d'autre part, dans l'hypothèse où ces inventions seraient exploitées indirectement par des tiers, le versement de 20 % des redevances perçues par GRTgaz à titre de juste prix des inventions ;

En tout état de cause :
- CONDAMNER Monsieur [C] à verser à GRTgaz la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- CONDAMNER Monsieur [C] aux entiers dépens.
*

Aux termes de leurs conclusions en réponse no 2 signifiées par voie électronique le 11 juin 2021, M. [K] [C] demande au tribunal de :

Par application des textes susvisés, et au vu des pièces énumérées dans le bordereau ci-annexé,

- Recevoir Monsieur [K] [C] en ses demandes et les déclarer bien fondées,
- Constater l'absence d'accord entre les parties sur la proposition de conciliation de la Commission des Inventions de salariés,
- Débouter la société GRTgaz de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,
- Condamner la société GRTgaz à payer à Monsieur [K] [C] la somme nette globale HT de 424 480 (quatre cent quatre-vingt-quatre mille quatre cent quatre-vingts) euros, sauf à parfaire, au titre du juste prix dû pour les trois inventions dites Yoyo, Clip'n'Go et Butterfly, que la société GRTgaz a décidé de se faire attribuer, ladite somme se répartissant équitablement entre lesdites trois inventions,
- Condamner la société GRTgaz aux entiers dépens et à payer à Monsieur [K] [C] la somme de 30 000 euros, par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

*

La clôture a été prononcée le 17 juin 2021 et l'affaire a été plaidée le 29 octobre 2021.

Pour un exposé complet de l'argumentation des parties, il est, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoyé à leurs dernières conclusions précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1- Présentation des inventions

1.1- Butterfly

L'invention « Butterfly » a pour objectif de remédier aux inconvénients des écarteurs de brides traditionnels et risques induits par leur manipulation par les opérateurs (notamment chutes d'objets, pincement des doigts ou encore détérioration des joints) :

Cette invention a fait l'objet d'une demande de brevet le 16 septembre 2016 au nom de la société GRTgaz, désignant M. [C] comme unique inventeur ; le brevet, de produit et de procédé, a été délivré le 28 juin 2019 sous le no 16 58301 B1, après modification des revendications.

1.2- Yoyo et Clip'n'go

L'invention « Yoyo » vise à offrir une alternative aux systèmes existants de levage d'objets lourds lors des travaux de maintenance courante, réparation ou rénovation d'équipements entre brides sur des installations gazières, pétrolières ou autres fluides, qui s'avèrent encombrants et parfois inadaptés aux structures environnantes d'intervention ou aux surfaces au sol disponibles. Elle remédie à ces inconvénients en proposant l'utilisation d'une potence amovible et adaptable sur brides de différents Diamètres Nominaux (DN), légère et facilement transportable par l'opérateur :

L'invention « Clip'n'go » a quant à elle pour principal objectif, face aux mêmes opérations de levage exposées précédemment et nécessitant de la précision, de lutter efficacement contre les troubles musculo-squelettiques, écrasements de membres ou douleurs lombaires, mais également contre les dommages aux parties internes des appareils dépannés ou en maintenance, par l'utilisation d'un système de support, à accroche douce et non intrusive sur tuyauterie amont/aval pour l'utilisation d'une potence amovible :

Ces deux inventions ont fait l'objet d'une unique demande de brevet par la société GRTgaz, Clip'n'go étant présentée comme une variante de Yoyo, déposée le 16 septembre 2016 et désignant M. [C] comme unique inventeur ; le brevet, de produit et de procédé, a été délivré le 28 juin 2019 sous le no 16 58302 B1, après modification des revendications.

2- Sur le « juste prix »

M. [C] soutient tout d'abord avoir réalisé les inventions seul, de sa propre initiative, en totale autonomie et sans aucun appui technique de la part des équipes de recherche de la société GRTgaz, laquelle s'est contentée de valider a posteriori l'intérêt des inventions lorsqu'elles étaient déjà réalisées, et a seulement financé les opérations de mise au point que le demandeur a dirigées seul, et qui n'ont pas fait apparaître de difficultés particulières.
Selon lui, il convient, afin de déterminer le juste prix qui lui est dû, s'agissant d'inventions hors mission attribuables, de procéder en deux temps : il est ainsi nécessaire en premier lieu de déterminer la valeur économique théorique de l'invention en tenant compte des économies qu'elle permet de réaliser et des profits qui peuvent être retirés de son exploitation directe ou indirecte, pour la durée de protection du brevet qui la couvre ; il faudra ensuite appliquer à cette valeur économique théorique un coefficient global d'appréciation fixé en prenant notamment en compte la part inventive respective du salarié et de l'employeur. Selon lui, le fait que l'exploitant répercute ces gains à ses usagers, ou les conserve pour lui-même, est inopérant, et le soutien financier de GRTgaz pour la phase de développement, postérieur à la réalisation des inventions elles-mêmes, est par ailleurs exclusif de toute implication inventive de la défenderesse.
Considérant comme certaine l'utilité industrielle et commerciale des inventions en cause notamment au regard des économies réalisées qu'il évalue au minimum à 42 500 000 euros sur 20 ans, mais également de l'amélioration déterminante de la sécurité des installations et des prestataires, M. [C] propose de fixer à 1 % des économies réalisées le taux de licence d'utilisation, soit 425 000 euros, outre 50 % du montant que la société GRTgaz aurait pu percevoir si elle avait consenti une licence d'utilisation à des tiers (évaluée à 85 000 + 2 125 000 euros), soit une assiette du calcul du juste prix pour les trois inventions établie à 1 105 425 euros ; compte tenu du cadre général des recherches dans lequel ont été réalisées les inventions puis de leur mise au point et prototypage, mais également des difficultés de mise au point desdites inventions et des alternatives techniques n'offrant pas les mêmes avantages, un coefficient global de 0,384 doit être retenu à son bénéfice.
Le juste prix ainsi calculé est de 424 480 euros, sauf à parfaire.

La société GRTgaz soutient que le juste prix dû à M. [C] doit être fonction des gains prospectifs espérés au jour de l'exercice du droit d'attribution de l'employeur, en l'espèce le 12 avril 2016.
Compte tenu de son modèle économique particulier (mission de service public dans un cadre régulé), il ne doit pas être tenu compte des économies réalisées dans le calcul du juste prix dès lors qu'elles ne se traduisent pas par une augmentation de sa marge ni de son bénéfice. Selon elle, les projections de rentabilité retenues par le demandeur sont hypothétiques et ne tiennent pas compte de son modèle économique. Elle soutient ne pas être en mesure d'attribuer une valeur économique aux inventions au jour de l'exercice de son droit d'attribution, seule devant être prise en compte l'amélioration de la sécurité de ses infrastructures afin d'éviter les dommages corporels et réduire les accidents du travail ; elle ajoute que n'est pas son métier la fabrication de ses propres outils de maintenance, qu'elle n'aurait jamais cherché à obtenir une quelconque licence sur les inventions auprès d'un tiers si elle n'avait pas exercé son droit d'attribution sur celles-ci et qu'en aucun cas ne peut être retenue une redevance proportionnelle en fonction des usages réalisés.
En considération des difficultés d'évaluation d'une invention dont l'exploitation ne générera pas nécessairement de chiffre d'affaires, mais également compte tenu de l'expérience capitalisée par M. [C] dans l'entreprise, du coût des dépenses liées à la réalisation des prototypes des inventions et des frais liés aux dépôts des brevets (60 000 et 24 000 euros) ou encore de l'existence d'un produit alternatif moins coûteux « Valve-Out Valve Removal Tool et Flange Spreader » de la société américaine SMP, elle propose l'attribution au demandeur d'une prime forfaitaire de respectivement 1 500 et 2 250 euros, à laquelle s'ajoute une redevance de 20 % sur les redevances perçues en cas de concession éventuelle de licences à des tiers, aucune exploitation indirecte n'étant toutefois enregistrée à ce jour.

Sur ce,

Il est à titre liminaire observé que, même si elle souligne son implication financière dans l'encouragement à la création de ses salariés et dans la mise au point des trois inventions précitées, la qualité d'inventions hors mission attribuables de celles-ci n'est pas remise en cause par la société GRTgaz, seule la détermination de la rémunération due à M. [C] en contrepartie de leur attribution à l'employeur étant discutée au présent litige.

Aux termes de l'article L. 611-7 alinéa 2 du code de la propriété industrielle, « lorsqu'une invention est faite par un salarié soit dans le cours de l'exécution de ses fonctions, soit dans le domaine des activités de l'entreprise, soit par la connaissance ou l'utilisation des techniques ou de moyens spécifiques à l'entreprise, ou de données procurées par elle, l'employeur a le droit, dans des conditions et délais fixés par décret en Conseil d'Etat, de se faire attribuer la propriété ou la jouissance de tout ou partie des droits attachés au brevet protégeant l'invention de son salarié.
Le salarié doit en obtenir un juste prix qui, à défaut d'accord entre les parties, est fixé par la commission de conciliation instituée par l'article L. 615-21 ou par le tribunal judiciaire : ceux-ci prendront en considération tous éléments qui pourront leur être fournis notamment par l'employeur et par le salarié, pour calculer le juste prix tant en fonction des apports initiaux de l'un et de l'autre que de l'utilité industrielle et commerciale de l'invention.(...) ».

En application de ces dispositions, le salarié a droit à un juste prix, qui est la contrepartie du droit d'attribution à l'employeur, et ce juste prix ne peut être fixé que par rapport aux perspectives d'exploitation normalement espérées à la date à laquelle se produit l'attribution de celle-ci, au regard de l'apport inventif du salarié, l'employeur étant cependant fondé à faire valoir ses compétences et ses efforts techniques et financiers dans la mise au point de l'invention. Si le juste prix doit être évalué au jour où l'employeur exerce son droit d'attribution et non au vu d'un pourcentage du chiffre d'affaires et de marges brutes actuels, des éléments postérieurs à cette date et notamment connus au moment où le juge statue peuvent toutefois être pris en compte pour confirmer ou infirmer l'appréciation initiale des perspectives de développement de l'invention.

En l'espèce, la qualité d'unique inventeur d'[K] [C] pour les trois inventions en cause n'est pas contestée, et il est d'ailleurs mentionné comme tel dans les deux brevets déposés, qu'il a seul rédigé grâce à ses connaissances des inventions conçues par lui. L'apport inventif du salarié est donc ici de 100 %, quand bien même la conception des inventions provient d'une connaissance des risques et difficultés rencontrés sur le terrain acquise par le défendeur dans son activité salariée, et quand bien même plusieurs autres intervenants, salariés de GRTgaz ou de la société USINA 28, ont ensuite travaillé au prototypage et à la mise au point définitive des inventions, au demeurant sous la direction du défendeur.

En ce qui concerne l'utilité industrielle et commerciale des inventions, il doit en premier lieu être observé que lorsque la société GRTgaz a levé l'option d'attribution, puis déposé les brevets en cause, elle a reconnu l'utilité pratique indéniable et l'amélioration considérable en termes de sécurité apportée par les trois inventions considérées, à tout le moins dans le cadre de sa propre activité, comme en atteste en particulier les déclarations à leur propos de M. [B], supérieur hiérarchique de M. [C], relevant que ces inventions répondaient à un besoin et avaient un potentiel (pièces 7 et 8 [C]).

C'est toutefois le potentiel d'exploitation d'un point de vue industriel et commercial, lequel s'entend essentiellement des perspectives économiques espérées de la commercialisation, qui doit être évalué à la date de l'attribution, le tribunal pouvant néanmoins prendre en considération des éléments postérieurs s'ils permettent cette appréciation.

Le fait que les trois inventions en cause aient donné lieu au dépôt de deux brevets français est un indice de l'intérêt qu'a perçu la société GRTgaz à protéger lesdites inventions par le biais d'un monopole temporaire lui en réservant les droits d'utilisation et d'exploitation. Ces brevets n'ont toutefois fait l'objet d'aucune extension à l'international.
Il doit ensuite être relevé que si M. [C] conclut à la véritable utilité industrielle de ses inventions, il ne l'établit pour autant pas, ses calculs, aussi détaillés et explicités soient-ils, ne reposant que sur des extrapolations quant aux économies, en termes de personnel mobilisé lors des interventions, supposément induites par l'utilisation des procédés et outils mis au point. Or, la société GRTgaz, soutenant pertinemment ne pas être libre, en tant qu'entreprise régulée chargée d'une mission de service public, de fixer ses prix, relève à juste titre que les tarifs arrêtés par la Commission de Régulation de l'Energie (CRE) après déploiement des inventions sur le terrain, n'ont aucunement répercuté les économies censées avoir été réalisées, alors même que cette commission doit tenir compte de la baisse du coût de production et d'acheminement de l'énergie pour en faire bénéficier le consommateur final, de sorte que si le défendeur souligne avec justesse qu'il n'importe en théorie pas que les économies soient répercutées sur ses prix ou conservées par l'employeur, cette assertion n'est pas pertinente s'agissant de l'exploitant d'un service public dont les tarifs sont fixés par un tiers tenu de répercuter une baisse de charges. Au-delà, M. [C] ne peut être suivi lorsqu'il soutient que le juste prix devrait être fonction du chiffre d'affaires réalisé, l'acquisition des inventions, nécessairement envisagée de manière pérenne, ne pouvant raisonnablement donner lieu à redevance d'utilisation proportionnelle.

Les perspectives éventuelles de développement économique apparaissaient par ailleurs nécessairement difficiles à évaluer au jour de l'attribution, dans la mesure où la demanderesse n'a pas vocation à fabriquer ni à exploiter commercialement les inventions, étant seulement susceptible d'en confier la commercialisation à un tiers, comme elle l'a fait à la société USINA 28. Or, si les inventions en cause pouvaient théoriquement représenter un intérêt potentiel pour d'autres entreprises, force est de constater qu'elles n'ont pas fait la preuve d'un engouement réel, aucun chiffre d'affaires n'ayant été réalisé depuis 2016, leur relative obsolescence face à d'autres outils disponibles pouvant être une source d'explications, et l'affirmation par M. [C] que son employeur aurait volontairement refusé de promouvoir les outils n'étant pas étayée.

Au final, il apparaît que les potentialités d'exploitation des inventions étaient relativement limitées, leur intérêt premier, comme évoqué supra, résidant avant tout dans l'amélioration de la sécurité des techniciens et des installations elles-mêmes. Si cette dernière est difficilement quantifiable économiquement, même si elle a pour conséquence prévisible de moindres arrêts de travail, il n'en demeure pas moins qu'elle a nécessairement permis à la société GRTgaz d'améliorer concomitamment le confort et les conditions de travail de ses salariés et prestataires et son image auprès d'eux, participant de leur fidélisation, ce que la faible valorisation retenue par la demanderesse ne reflète pas.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, mais en prenant également en compte les dépenses réalisées par la société GRTgaz pour la mise au point des inventions et leur protection par brevet à hauteur de 84 000 euros, le juste prix dû par cette dernière à [K] [C] sera fixé :
- pour l'invention Butterfly, à la somme forfaitaire de 18 000 euros,
- pour l'invention Yoyo, à la somme forfaitaire de 13 000 euros,
- pour l'invention Clip'n'go, à la somme forfaitaire de 11 000 euros,
soit un total de 42 000 euros pour les trois inventions.

*

Aucune des parties ne pouvant être déclarée gagnante, chacune supportera la charge des dépens dont elle a fait l'avance, ainsi que ses propres frais.

L'exécution provisoire est de droit, et il n'y a pas lieu de l'écarter.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,

DIT que le juste prix que la société GRTgaz devra percevoir à [K] [C] en contrepartie de l'attribution des inventions Butterfly, Yoyo et Clip'n'go est de 42 000 (quarante deux mille) euros pour ces trois inventions et CONDAMNE la société GRTgaz à payer ce juste prix à [K] [C] ;

DIT n'y avoir lieu à article 700 du code de procédure civile ;

DIT que chacune des parties conservera la charge des dépens dont elle a fait l'avance ;

RAPPELLE que l'exécution provisoire est de droit.

Fait et jugé à Paris, le 10 décembre 2021.

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Ct0196
Numéro d'arrêt : 20/6535
Date de la décision : 10/12/2021

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2021-12-10;20.6535 ?
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