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12/11/2021 | FRANCE | N°19/12425

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Ct0196, 12 novembre 2021, 19/12425


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
2ème section

No RG 19/12425
No Portalis 352J-W-B7D-CQ647

No MINUTE :

Assignation du :
10 Octobre 2019

JUGEMENT
rendu le 12 Novembre 2021
DEMANDEURS

S.A.R.L. GAIATREND
[Adresse 1]
[Localité 4]

Monsieur [Z] [X]
[Adresse 3]
[Localité 4]

représentés par Maître Guillaume DAUCHEL de la SELARL CABINET SEVELLEC DAUCHEL, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #W0009

et par Maître Myriam JEAN de la SELARL JEAN -LOUVEL - SAOUDI, avocat au

barreau de METZ, avocat plaidant

DÉFENDERESSE

S.A.S. VAPOTARD
[Adresse 2]
[Localité 5]

représentée par Maître Olivier LEDRU, avocat au barr...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
2ème section

No RG 19/12425
No Portalis 352J-W-B7D-CQ647

No MINUTE :

Assignation du :
10 Octobre 2019

JUGEMENT
rendu le 12 Novembre 2021
DEMANDEURS

S.A.R.L. GAIATREND
[Adresse 1]
[Localité 4]

Monsieur [Z] [X]
[Adresse 3]
[Localité 4]

représentés par Maître Guillaume DAUCHEL de la SELARL CABINET SEVELLEC DAUCHEL, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #W0009

et par Maître Myriam JEAN de la SELARL JEAN -LOUVEL - SAOUDI, avocat au barreau de METZ, avocat plaidant

DÉFENDERESSE

S.A.S. VAPOTARD
[Adresse 2]
[Localité 5]

représentée par Maître Olivier LEDRU, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #B0609

et par Maître Thierry YHOUF de la SELARL YGOUF, WEST AVOCATS, avocat u barreau de CAEN, avocat plaidant

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Catherine OSTENGO, Vice-présidente
Elise MELLIER, Juge
Alix FLEURIET, Juge

assisté de Quentin CURABET, Greffier

DÉBATS

A l'audience du 23 Septembre 2021 tenue en audience publique devant Catherine OSTENGO et Elise MELLIER, juges rapporteurs, qui sans opposition des avocats ont tenu seules l'audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile.

Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 12 Novembre 2021

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition
Contradictoire
en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

La société GAIATREND, fondée en 2008 par [Z] [X], est spécialisée dans l'étude, la conception, la fabrication et la commercialisation de liquides aromatisés pour cigarettes électroniques et de cigarettes électroniques, vendus sous le nom commercial ALFALIQUID.

Elle se présente comme le premier fabricant français d'e-liquides pour vaporisateurs personnels, lesquels bénéficient de la certification e-liquide délivrée par l'AFNOR. Ses produits ont également obtenu la conformité HACCP – qui a pour objectif la prévention, l'élimination ou la réduction à un niveau acceptable de tout danger physique, chimique et biologique – ainsi que le label ORIGINE FRANCE GARANTIE.

Elle est titulaire de :
- la marque verbale de l'Union européenne « ALFALIQUID » no 014504261, enregistrée le 30 décembre 2015 en classes 34 et 35 pour désigner notamment des « Liquides et e-liquides, tous à usage médical ou non à usage médical, tous contenant ou non des succédanés du tabac, tous pour cartouches, recharges et ampoules aromatiques toutes destinées à des cigarettes électroniques » et des services de vente en gros et au détail, par correspondance ou sur internet ;
- la marque verbale de l'Union européenne « FR-M » no 013134689, enregistrée le 4 décembre 2014 en classes 3 et 34 pour désigner notamment des « Arômes ou additifs pour les cartouches de cigarettes électroniques, cigares électroniques, cigarillos électroniques, pipes électroniques ; (?) cartouches aromatiques destinées à un dispositif électronique de substitut de cigarettes, de cigares, de cigarillos ou de pipes contenant des succédanés du tabac non à usage médical » ;
- la marque verbale de l'Union européenne « FR-M » no 013691738, enregistrée le 12 août 2015 en classes 3 et 34 pour désigner notamment des liquides et e-liquides pour cigarettes électronique.

Les marques « FR-M » sont apposées, depuis janvier 2012, sur un produit de la gamme « ALFALIQUID », fabriqué et commercialisé par la société GAIATREND.

[Z] [X] est, lui, titulaire de la marque verbale de l'Union européenne « FR4 » no 013515581, enregistrée le 4 juin 2015 en classes 3, 10 et 34 pour désigner des « Arômes ou additifs pour les recharges de cigarettes électroniques, cigares électroniques, cigarillos électroniques, pipes électroniques, chichas électroniques ; Cartouches aromatiques destinées à un dispositif électronique de substitut de cigarettes, de cigares, de cigarillos, de chichas électroniques ou de pipes contenant des succédanés du tabac non à usage médical ; E-liquide pour cigarettes électroniques et dispositifs électroniques d'inhalation ; Fluides et liquides aromatiques pour cigarettes électroniques et dispositifs électroniques d'inhalation ».

Par contrat du 23 décembre 2015, modifié par un avenant du 24 décembre 2018 et inscrit sur les registres de l'EUIPO le 1er octobre 2018, M. [X] a concédé une licence exclusive d'exploitation à la société GAIATREND sur la marque « FR4 », laquelle est apposée sur un produit de la gamme « ALFALIQUID », commercialisé depuis mars 2011.

La société VAPOTARD, immatriculée le 13 juin 2013, a pour objet la vente de cigarettes électroniques et leurs accessoires ainsi que de tous objets électroniques, aux professionnels et particuliers. Elle exerce son activité dans six boutiques situées en Normandie et sur ses deux sites Internet www.vapotard.fr et www.vapeurprivee.fr.

Elle commercialise les produits ALFALIQUID de la société GAIATREND dans ses magasins et sur Internet aux termes, notamment, d'un contrat de distribution sélective du 4 février 2018.

Suivant procès-verbal d'huissier du 21 juin 2019, la société GAIATREND a fait constater la commercialisation, sur les sites Internet de la société VAPOTARD, de produits « FS-M », « FS-4 » et « FS4 » de la société AKIVA aux côtés de ses produits, ces derniers étant utilisés pour faire la promotion des produits concurrents.

Par ordonnance présidentielle du 6 septembre 2019, la société GAIATREND et M. [X] ont été autorisés à faire procéder à des opérations de saisie-contrefaçon au siège de la société VAPOTARD, lesquelles ont eu lieu le 13 septembre 2019 et ont établi la présence de stocks de produits dénommés « FS-4 » et « FS-M ».

La société GAIATREND et M. [X] ont alors fait assigner la société VAPOTARD devant ce tribunal, par acte du 10 octobre 2019, en contrefaçon de marques et concurrence déloyale et parasitaire.

Parallèlement, la société GAIATREND avait fait assigner la société AKIVA, fabricant des produits litigieux, en contrefaçon de marques, ce qui a donné lieu à un jugement du tribunal judiciaire de Paris du 27 février 2020 (RG no 18/13609), et à un arrêt de la cour d'appel de Paris du 15 octobre 2021 (RG no 20/08665), lequel a notamment rejeté la demande de nullité des marques « FR-M » et « FR4 », ainsi que la demande de déchéance des mêmes marques aux motifs que « les signes FR-M et FR4 sont bien exploités à titre de marque de s lors qu'ils ont pour fonction, au même titre que la marque ombrelle au côté de laquelle ils sont apposés, de permettre au public d'identifier l'origine commerciale du produit et de distinguer ce produit de ceux d'une autre entreprise » et que « l'arôme ou la saveur d'un e-liquide pour cigarette électronique ne constitue pas un composant du produit mais une caractéristique du produit, qui participe de l'identité même du produit et de ce qui le distingue d'un autre produit de la même catégorie ».

***

Dans le dernier état de leurs prétentions, suivant conclusions signifiées par voie électronique le 9 mars 2021, la société GAIATREND et [Z] [X] demandent au tribunal de :

Vu les articles 9§1 et suivants du règlement (CE) 2017/1001 du 14 juin 2017,
Vu les articles L. 717-1 et suivant du code de la propriété intellectuelle,
Vu l'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle,
Vu l'article L. 716-7-1 du code de la propriété intellectuelle,
Vu les articles 1240 et suivants du code civil,
Vu l'article L. 121-8 du code de la consommation,
Vu les marques de l'Union européenne « FR-M » enregistrées le 04/12/2014 et 12/08/2015 sous les no 013134689 et 013691738,
Vu la marque de l'Union européenne « FR4 » enregistrée le 4 juin 2015 sous le no 013515581,
Vu la marque de l'Union européenne « ALFALIQUID » enregistrée le 30/12/2015 sous le no 014504261,
Vu le procès-verbal de constat dressé par Maître [W] le 21 juin 2019,
Vu le procès-verbal de saisie-contrefaçon rédigé le 13 septembre 2019 sur ordonnance du tribunal de grande instance de Paris en date du 6 septembre 2019,
Vu les faits et moyens soulevés dans l'assignation et les pièces versées aux débats,

- DIRE ET JUGER que les demandes de la société GAIATREND et de M. [Z] [X] à l'encontre de la société VAPOTARD sont recevables et bien fondées ;
- DIRE ET JUGER que l'offre en vente et la vente par la défenderesse de liquides aromatisés pour cigarettes électroniques sous les dénominations « FS-M », « FS4 » et « FS-4 » constituent des actes de contrefaçon des marques « FR-M » et « FR4 » ;
- DIRE ET JUGER que l'usage des marques « ALFALIQUID » et « FR4 » à des fins publicitaires pour promouvoir des produits concurrents, constitue un acte de contrefaçon de ces marques ;
- DIRE ET JUGER que la vente de produits concurrents imitant les caractéristiques de présentations et d'arômes des produits correspondant et mettant en avant l'identité totale de ces produits de la collection de GAIATREND et la présentation dévalorisante de ces produits sont constitutifs de concurrence déloyale et parasitaire ;

En conséquence,

- INTERDIRE à la société VAPOTARD la poursuite des actes de contrefaçon de marques sous astreinte de 5 000 euros par infraction constatée et par jour de retard à compter de la signification du jugement à venir ;
- INTERDIRE à la société VAPOTARD la poursuite des actes de concurrence déloyale parasitaire sous astreinte de 5 000 euros par infraction constatée et par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir ;
- ORDONNER la confiscation des produits contrefaisants et de tous supports comportant la reproduction de ces produits aux fins de leur destruction par la société GAIATREND et aux frais de la société défenderesse ;
- ORDONNER la communication par la société VAPOTARD du chiffre d'affaires réalisé dans le cadre des ventes réalisées par celle-ci au travers de ses deux sites internet et dans ses boutiques physiques à partir du 21 juin 2014 en spécifiant le chiffre d'affaires éventuellement réalisé avec les produits authentiques de GAIATREND, certifié par son expert-comptable, avec les factures correspondantes, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ;
- ORDONNER la communication par la société VAPOTARD des achats de produits « FS4 », « FS-4 » et « FS-M » effectués à partir du 20 juin 2014 certifié par son expert-comptable, avec les factures correspondantes, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ;
- RÉSERVER à la demanderesse le droit de parfaire ses demandes de dommages intérêts à réception de ces informations certifiées ;
- AUTORISER la publication de la décision à intervenir sur le site internet de GAIATREND pendant une période d'un an à compter de la signification du jugement à intervenir ;
- ORDONNER la publication du jugement à intervenir sur les deux sites de la société VAPOTARD pendant une période minimale de 6 mois à compter de la signification de la décision à intervenir, sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard ;
- ORDONNER la publication du jugement à intervenir dans deux revues spécialisées au choix de la demanderesse et aux frais de la société VAPOTARD ;
- CONDAMNER la société VAPOTARD à verser à la société GAIATREND une somme de 418 000 euros à titre de provision à valoir sur les dommages et intérêts en réparation du préjudice économique consécutif aux agissements de contrefaçon de marques ;
- CONDAMNER la société VAPOTARD à verser à M. [Z] [X] une somme de 68 000 euros à titre de provision à valoir sur les dommages-intérêts consécutifs en réparation du préjudice économique consécutif aux agissements de contrefaçon par imitation de la marque « FR4 » et de contrefaçon par usage publicitaire de la marque « FR4 » ;
- CONDAMNER la société VAPOTARD à verser à la société GAIATREND la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice consécutif aux agissements de concurrence déloyale et parasitaire ;
- DIRE ET JUGER que les demandes reconventionnelles de la société VAPOTARD sont irrecevables et en tous les cas non fondées ;
- DÉBOUTER la société VAPOTARD de toutes ses demandes reconventionnelles ;
- CONDAMNER la société VAPOTARD à verser à la société GAIATREND la somme de 30 000 euros et à M. [X] la somme de 5 000 euros en remboursement des peines et soins du procès sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ORDONNER en raison de la nature de l'affaire, l'exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant appel et sans caution ;
- CONDAMNER la société VAPOTARD aux entiers frais et dépens de la procédure en ce y compris les frais de constat d'huissier et de saisie-contrefaçon qui ont été assumés par la société GAIATREND.

*

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 12 mai 2021, la société VAPOTARD sollicite du tribunal de :

Vu l'article L. 121-8 du code de la consommation,
Vu l'article L. 442-6 du code de commerce,
Vu les articles L. 711-2, L. 711-3, L. 714-5 et L. 714-6 du code de la propriété intellectuelle,
Vu les dispositions du règlement CE no 2007/2009 et du règlement UE 2017/1001 du parlement européen et du conseil du 14 juin 2017,
Vu les pièces produites,
Vu la jurisprudence en vigueur,

In limine litis,
- ORDONNER le sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt de la cour d'appel de Paris si le tribunal considère que ce litige a une incidence sur la présente procédure.

A titre principal,
- ANNULER pour défaut de distinctivité et caractère trompeur les marques verbales suivantes :
- FR-M enregistrée le 4 décembre 2014 sous le numéro 013134689
- FR-M enregistrée le 12 août 2015 sous le numéro 013691738
- FR-4 enregistrée le 4 juin 2015 sous le numéro 013515581
- ORDONNER la communication de la décision à l'EUIPO.

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où les marques ne seraient pas annulées,
- PRONONCER la déchéance de la société GAIATREND et M. [X] de leurs droits sur leurs marques FR-M et FR-4 pour défaut d'exploitation à titre de marque ;
- PRONONCER la déchéance de la société GAIATREND et M. [X] de leurs droits sur leurs marques FR-M et FR-4 pour dégénérescence ;
- ORDONNER la communication de la décision à l'EUIPO ;
- DIRE qu'il n'existe aucune atteinte à la marque ni aucune confusion permettant de caractériser une quelconque contrefaçon.

En tout état de cause,
- DIRE ET JUGER que la société VAPOTARD n'a commis aucun acte de contrefaçon ni de concurrence parasitaire à l'encontre de la société GAIATREND et M. [X] ;
- DIRE ET JUGER que la société GAIATREND et M. [X] ne justifient d'aucun préjudice lié aux agissements de la société VAPOTARD ;
- DÉBOUTER la société GAIATREND et M. [X] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
- DIRE que la société VAPOTARD et la société GAIATREND sont en relations commerciales établies depuis 2013 ;
- DIRE ET JUGER comme fautive la rupture totale par la société GAIATREND de leurs relations commerciales établies avec la société VAPOTARD ;
- FIXER la durée de préavis raisonnable à 6 mois ;
- CONDAMNER la société GAIATREND et M. [X] au paiement de la somme de 113 415,36 euros au titre du préavis qu'ils auraient dû accorder à la société VAPOTARD dans le cadre de la rupture brutale de leur relation commerciale établie ;
- CONDAMNER la société GAIATREND et M. [X] au paiement de la somme de 226 830,56 euros au titre de la perte de marge que devra supporter la SAS VAPOTARD du fait de la rupture brutale de leur relation commerciale établie ;
- CONDAMNER la société GAIATREND et M. [X] au paiement de la somme de 53 875 euros au titre de la perte de marge qu'a dû supporter la SAS VAPOTARD sur les produits AFLALIQUID qu'elle avait en stock et qu'elle n'a pu écouler du fait de l'interdiction de commercialiser les produits GAIATREND ;
- CONDAMNER la société GAIATREND et M. [X] en réparation du préjudice moral subi par la société VAPOTARD à la somme de 100 000 euros ;
- CONDAMNER la société GAIATREND et Monsieur [X] solidairement à verser à la société VAPOTARD la somme de 20 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;

***

La procédure a été clôturée par ordonnance du 20 mai 2021 et l'affaire plaidée le 23 septembre 2021.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait référence aux écritures précitées des parties, pour l'exposé de leurs prétentions respectives et les moyens qui y ont été développés.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1- Sur le sursis à statuer

La société VAPOTARD sollicite qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de la décision de l'arrêt de la cour d'appel dans le cadre du litige opposant la société GAIATREND à la société AKIVA, dans le cas où le tribunal considérerait que cet arrêt aurait une incidence sur le présent litige.

La société GAIATREND ne répond pas sur ce point.

Sur ce,

Conformément à l'article 789 du code de procédure civile, le juge de la mise en état est seul compétent, postérieurement à sa désignation, pour statuer sur les exceptions de procédure, auxquelles sont assimilées les demandes de sursis à statuer. Il appartenait donc à la société VAPOTARD de saisir ce dernier si elle entendait voir prononcer le sursis à statuer, le jugement rendu dans le cadre du litige opposant la société GAIATREND à la société AKIVA, et a fortiori la déclaration d'appel, l'ayant été plus d'un an avant la clôture de la présente procédure. En l'absence d'une telle saisine du juge de la mise en état, ce moyen est irrecevable.

2- Sur la validité des marques « FR-M » et « FR4 »

2.1- Sur l'absence de caractère distinctif

Selon la société VAPOTARD, les signes « FR-M » et « FR4 » sont des désignations administratives couramment utilisées dans le secteur des e-liquides. Ces signes font en effet, selon elle, référence à des saveurs, et en l'occurrence au goût de tabac blond. La défenderesse expose que le terme « FR » désigne le mot « France », soit un lieu géographique, tandis que le chiffre 4 désigne le 4e produit le plus vendu, et que la lettre « M » fait référence à la marque « MARLBORO » – le produit « FR-M » ayant été auparavant dénommé « TABAC MARLBORO 16 MG NICOTINE » – ce qui fait référence à une saveur connue de la profession et populaire sur le marché. Ainsi, selon la société VAPOTARD, ces marques sont descriptives.

En réplique, la société GAIATREND et [Z] [X] font valoir que les conditions de validité doivent s'apprécier à la date du dépôt des marques. Or, selon eux, la société VAPOTARD ne démontre pas que les signes en cause auraient été descriptifs de certains arômes auprès des consommateurs, les références au « TABAC MARLBORO » figurant uniquement sur une facture adressée à la société VAPOTARD. Ils considèrent au contraire que ces marques sont arbitraires pour désigner des liquides pour cigarettes électroniques en ce qu'elles ne sont ni nécessaires, ni usuelles, ni génériques de ces produits.

Sur ce,

En application des articles 7 et 59 du règlement (UE) no 2017-1001 du 14 juin 2017, relatif à la marque de l'Union européenne, constitue un motif de nullité absolue l'absence de caractère distinctif d'une marque sauf si, par l'usage qui en a été fait, elle a acquis après son enregistrement un caractère distinctif pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée.

Un signe est descriptif si, au moins dans une de ses significations potentielles, il désigne une caractéristique des produits ou services concernés (CJCE, 23 octobre 2003, C-191/01, Wm Wrigley Jr Company / OHMI, point 32).

En l'espèce, il appartient à la défenderesse d'établir que les signes « FR-M » et « FR4 » étaient, au jour de leur dépôt, la désignation nécessaire, générique ou usuelle des produits visés à l'enregistrement.

S'agissant du signe « FR-M » :

La société VAPOTARD produit aux débats :
- des extraits de sites internet, non datés, présentant à la vente des e-liquides sous les signes « BE LIQUID », « LOR LIQUIDE », « BIO FRANCE », AROMEA », « NICOVIP », « SUBLIQUID, « MA VAP BIO » ou « ROYKIN », pour lesquels la saveur, correspondant à un goût de tabac blond, souvent sucré, est désignée « M TABACCO », « TABAC M », « BLOND M », « CLASSIC M » ou encore « LE M » (pièce VAPOTARD no 24) ;
- des extraits de sites, non datés, présentant à la vente des e-liquides des marques « CIRCUS » et « BIOCONCEPT » pour lesquels la saveur est désignée par les signes « FR », « FR MONTANA » ou « FRT » (pièce VAPOTARD no 25) ;
- un extrait du site Internet « www.vapoteuse.fr », non daté, présentant le e-liquide « FR-M » de la marque « ALFALIQUID » comme ayant « un goût de [tabac] blond avec un (sic) très légère note de fruits rouges » et comme ayant été développé par ALFALIQUID avec un fond rouge et « un volcan en éruption pour évoquer la marque Marlboro » (pièce VAPOTARD no 30) ;
- un extrait d'une page de résultats d'une recherche sur le moteur de recherche GOOGLE, non daté et dont les termes de la recherche ne sont pas indiqués, présentant le e-liquide « FR-M » comme ayant un « goût de saveur Classic Marlboro », comme étant « le nouveau nom du Tabac MB » ou encore comme ayant le « goût d'une célèbre marque de cigarette personnalisée par un non moins célèbre Cow-Boy » (pièce VAPOTARD no 34) ;
- des factures de la société GAIATREND du 26 septembre 2011 et du 3 juin 2013 présentant, sous la même référence M804110, les « TABAC FR-M » et les « TABAC MALBORO (sic) » (pièces VAPOTARD no 5 et 6).

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que ces pièces, qui ne sont pour la plupart pas datées, n'établissent pas qu'au jour de l'enregistrement des marques de l'Union européenne « FR-M », soit les 4 décembre 2012 et 12 août 2015, la lettre « M » était nécessairement associée au goût des cigarettes MARLBORO par l'ensemble des professionnels du secteur et du public concerné, ni que les lettres « FR » correspondaient strictement à l'origine française des produits, une telle provenance étant également indiquée au moyen d'un drapeau français ou du terme « FRANCE ».

En revanche, les éléments précités permettent de considérer que les marques « FR-M » no 013134689 et no 013691738 sont faiblement distinctives, puisque fortement évocatrices des produits désignés, ce qui a une incidence sur leur degré de protection, mais non sur leur validité.

S'agissant du signe « FR4 » :

La demanderesse produit au soutien de son argumentation :
- l'extrait d'un article publié sur le site « cigarette-electronique-recherche.fr » le 11 décembre 2012, mentionnant le e-liquide « RY4 » mais ne faisant aucune référence au signe « FR4 » (pièce VAPOTARD no 7) ;
- un extrait du site Internet « www.forum-ecigarette.com » portant sur les déclinaisons du e-liquide RY4, peu lisible et qui ne paraît pas mentionner le signe « FR4 » (pièce VAPOTARD no 8) ;
- des extraits de sites Internet, non datés, présentant à la vente des e-liquides sous les signes « VAPOLIQUE », « CIGATRONIQUE » et « DEEVAPE », pour lesquels la saveur, correspondant à un goût de tabac blond, est désignée par les signes « FR4 » ou « BLOND FR4 » (pièce VAPOTARD no 9) ;
- des extraits de sites Internet, non datés, présentant à la vente des e-liquides sous les signes « BIOCONCEPT », « SOLUBARÔME » et « T-JUICE », pour lesquels la saveur, correspondant à un goût de tabac blond sucré, est désignée par les signes « RYAN 4 », « LE 4 », ou encore « TY4 » (pièce VAPOTARD no 23) ;
- un extrait du site « eliquid and co », également non daté, présentant des déclinaisons du e-liquide RY4 parmi lesquels un e-liquide de la marque « ALFALIQUID » (pièce VAPOTARD no 23) ;
- un extrait du site Internet « www.forum-ecigarette.com », dont les commentaires, datés du 9 novembre 2020, mentionnent, parmi les déclinaisons du e-liquide RY4, le e-liquide « fr4 de alfa » (pièce VAPOTARD no 27) ;
- un extrait du site « www.vapoteuse.fr », non daté, présentant le e-liquide « FR4 » de la marque « ALFALIQUID » comme étant une déclinaison du e-liquide RY4 (pièce VAPOTARD no 28) ;
- un extrait du site « eliquid and co », non daté, présentant le e-liquide « FR4 » de la marque « ALFALIQUID », comme étant « un RY4 à la French Touch » (pièce VAPOTARD no 29) ;
- des extraits de sites, non datés, présentant à la vente des e-liquides des marques « CIRCUS » et « BIOCONCEPT » pour lesquels la saveur est désignée par les signes « FR », « FR MONTANA » ou « FRT » (pièce VAPOTARD no 25).

Ces pièces, si elles établissent que le chiffre 4 est régulièrement utilisé pour désigner une saveur de tabac blond sucré ou caramélisé, ne permettent pas d'affirmer avec certitude que tel était le cas pour l'ensemble des professionnels du secteur et le public concerné le 4 juin 2015 – date de dépôt de la marque de l'Union européenne invoquée « FR4 » – ni que les lettres « FR » correspondent à l'origine française des produits, une telle provenance étant également indiquée au moyen d'un drapeau français, ou de la mention « FRANCE », les pièces en cause étant pour la plupart non datées ou datées postérieurement à la date d'enregistrement.

Il en résulte que les éléments précités permettent seulement de considérer que la marque « FR4 » no 013515581 est faiblement distinctive car fortement évocatrice des produits désignés, ce qui, ici encore, a une incidence sur leur degré de protection mais pas sur leur validité.

La demande tendant à la nullité des marques de l'Union européenne « FR-M » et « FR4 » invoquées pour défaut de caractère distinctif sera donc rejetée.

2.2 - Sur le caractère déceptif

La société VAPOTARD fait valoir que les lettres « FR » laissent penser que la société GAIATREND bénéficie d'un label spécial, ce qui n'est pas le cas, de sorte que les marques en cause sont trompeuses.

La société GAIATREND et [Z] [X] répondent qu'à supposer que les lettres « FR » suggèrent une origine française des produits, elles ne font pas forcément référence à un label, et qu'en tout état de cause, leurs produits sont conçus et fabriqués en France, ce qui est attesté par le label ORIGINE FRANCE GARANTIE dont bénéficient les produits de la société GAIATREND.

Sur ce,

Selon l'article 59 du règlement (UE) no 2017/1001 précité, « 1. La nullité de la marque de l'Union européenne est déclarée (?) : a) lorsque la marque de l'Union européenne a été enregistrée contrairement aux dispositions de l'article 7 », lequel dispose que « sont refusées à l'enregistrement : (?) g) les marques qui sont de nature à tromper le public, par exemple sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service ».

En l'espèce, les marques invoquées sont toutes composées des lettres « FR », sans toutefois qu'il ne soit démontré par la société VAPOTARD que ces lettres sont perçues par le public concerné comme faisant référence à une origine française. En tout état de cause, si tel était le cas, la société GAIATREND démontre bénéficier du certificat « origine France garantie », ainsi que d'une certification de l'AFNOR qui certifie, entre autres, l'identification du pays de fabrication et du pays de conditionnement (pièces GAIATREND no 2, 4 et 5). Ainsi, quand bien même les lettres « FR » des marques « FR-M » et « FR4 » devraient se lire comme le diminutif de « FRANCE », elles ne sauraient être considérées comme de nature à tromper le public sur la provenance géographique des produits, ceux-ci étant justement fabriqués en France. La demande de nullité pour déceptivité formulée par la société VAPOTARD sera en conséquence rejetée.

3 - Sur la déchéance des marques « FR-M » et « FR4 » à titre subsidiaire

La société VAPOTARD expose que les dénominations « FR-M » et « FR4 » sont mentionnées, sur les factures de la société GAIATREND, dans la partie « désignation des produits », de sorte qu'elles n'indiquent que la saveur des produits et non une origine commerciale, contrairement aux marques « GAIATREND » et « ALFALIQUID ». Il en va, selon elle, de même des emballages des produits, sur lesquels les termes « FR-M » et « FR4 » sont écrits en petits par rapport à la marque « ALFALIQUID », servant là encore à désigner une caractéristique du produit (leur saveur) et non l'origine commerciale de ceux-ci, de sorte qu'il n'est pas fait usage de ces signes à titre de marque par la société GAIATREND et [Z] [X].

La société GAIATREND et M. [X] font valoir, en réplique, qu'au jour de l'assignation, aucune des marques invoquées n'était enregistrée depuis 5 ans de sorte que leur déchéance ne peut être soutenue. En tout état de cause, ils estiment que leurs marques ont été utilisées à titre de marque de manière intense depuis leur dépôt, les signes « FR-M » et « FR4 » désignant des e-liquides spécifiques de la société GAIATREND. Ils ajoutent que des noms de saveur peuvent être protégés en tant que marque si ces noms ne sont pas descriptifs, comme en l'espèce. Il est par ailleurs, selon eux, usuel de procéder à un double marquage des e-liquides, en apposant une marque ombrelle correspondant au nom commercial du producteur ou au nom d'une gamme (en l'occurrence « ALFALIQUID »), et une marque spécifique du produit (en l'occurrence « FR-M » et « FR4 »).

Sur ce,

L'article 18 du règlement sur la marque de l'Union européenne du 14 juin 2017, prévoit que : « 1. Si, dans un délai de cinq ans à compter de l'enregistrement, la marque de l'Union européenne n'a pas fait l'objet par le titulaire d'un usage sérieux dans l'Union pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, ou si un tel usage a été suspendu pendant un délai ininterrompu de cinq ans, la marque de l'Union européenne est soumise aux sanctions prévues au présent règlement, sauf juste motif pour le non-usage ».

Et en application de l'article 58 du même règlement, « 1. Le titulaire de la marque de l'Union européenne est déclaré déchu de ses droits, sur demande présentée auprès de l'Office ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon :
a) si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n'a pas fait l'objet d'un usage sérieux dans l'Union pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, et qu'il n'existe pas de justes motifs pour le non-usage ; toutefois, nul ne peut faire valoir que le titulaire est déchu de ses droits si, entre l'expiration de cette période et la présentation de la demande ou de la demande reconventionnelle, la marque a fait l'objet d'un commencement ou d'une reprise d'usage sérieux ; cependant, le commencement ou la reprise d'usage fait dans un délai de trois mois avant la présentation de la demande ou de la demande reconventionnelle, ce délai commençant à courir au plus tôt à l'expiration de la période ininterrompue de cinq ans de non-usage, n'est pas pris en considération lorsque des préparatifs pour le commencement ou la reprise de l'usage interviennent seulement après que le titulaire a appris que la demande ou la demande reconventionnelle pourrait être présentée ».

Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, une marque fait l'objet d'un usage sérieux lorsqu'elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l'identité d'origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l'exclusion d'usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque (CJCE, 11 mars 2003, C-40/01, Ansul, point 43).

La société VAPOTARD a formé la présente demande en déchéance par conclusions no 3 du 12 mai 2021, de sorte qu'il convient de prendre comme période de référence les cinq années précédant cette date, soit la période allant du 12 mai 2016 au 12 mai 2021. A ce titre, il importe peu qu'au jour de l'assignation – le 10 octobre 2019 – les marques « FR-M » et « FR4 » invoquées étaient enregistrées depuis moins de 5 ans, dès lors qu'au jour des conclusions de la société VAPOTARD formulant pour la première fois la demande en déchéance, ce délai de cinq ans était acquis, ce qui est le cas en l'espèce.

Il appartient en conséquence à la société GAIATREND et à M. [X], titulaires des marques sur cette période, de démontrer en avoir fait un usage sérieux entre ces dates, sur une partie substantielle du territoire de l'Union européenne, par eux-mêmes ou avec leur consentement, pour les produits et services pour lesquels ces marques sont enregistrées.

En l'espèce, la société GAIATREND et M. [X] versent aux débats un article de presse du magazine VapingPost du 17 janvier 2018, portant sur « Les 5 meilleurs e-liquides au goût tabac » (pièce GAIATREND no 10), un document publicitaire daté de manière manuscrite de novembre-décembre 2016 et mars-avril 2017 (pièce GAIATREND no 11), une publicité figurant dans le magazine E-cig Magazine daté de manière manuscrite de mars-avril-mai 2018 (pièce GAIATREND no 12) et des extraits du site Internet « www.alfaliquid.com », non datés (pièce GAIATREND no 38). Si les termes « FR-M » et « FR4 » apparaissent dans chacune de ces pièces, force est de constater qu'ils sont utilisés pour désigner une saveur parmi les e-liquides de la marque « ALFALIQUID », et ne sont d'ailleurs jamais dissociés de cette marque. Ainsi, en effet, l'article « Les 5 meilleurs e-liquides au goût tabac » décrit le e-liquide FR-M d'ALFALIQUID comme « un liquide peu sucré, relativement sec, et se rapprochant très bien de la saveur d'une "vraie cigarette" » et le e-liquide FR4 comme « présentant une saveur de classic blond accompagnée d'une très légère touche caramélisée » (pièce GAIATREND no 10). De même, le document publicitaire versé aux débats porte de manière générale sur les e-liquides « ALFALIQUID », le produit revêtant le signe « FR-M » n'étant utilisé qu'à titre d'exemple, aux côtés d'un autre flacon de saveur différente (pièce GAIATREND no 11). Plus encore, la publicité figurant au sein du magazine E-cig Magazine, présente « [Y] » qui a « craqué sur la saveur FR-M » (pièce GAIATREND no 12). Enfin, il ressort des extraits du site Internet « www.alfaliquid.com » que les termes « FR-M » et « FR4 » sont écrits en petits caractères, au sein d'un bandeau figurant au bas des flacons de e-liquide, au même titre que d'autres saveurs comme, par exemple, « pomme verte », « thé vert » ou encore « chlorophylle », le site parlant d'ailleurs de la « saveur FR4 d'Alfaliquid » ou, à propos du e-liquide « FR-M » d'une « saveur disponible dans la collection Siempre » (pièces GAIATREND no 4, 7 et 38).

Il est au demeurant à noter que les consommateurs eux-mêmes ne dissocient pas les termes « FR-M » et « FR4 » de la marque « ALFALIQUID », et s'y réfèrent pour désigner des saveurs de tabac blond, fruité ou caramélisé. Ainsi, sur le « forum e-cigarette », il est fait mention des « liquides RY4 » parmi lesquels « le FR4 de alfa » (pièce VAPOTARD no 27), de même que le site « e-liquid and co » parle du « e-liquid FR4 par Alfaliquid » (pièce VAPOTARD no 29). Des concurrents utilisent en outre eux-mêmes les signes « FR4 », « FR » ou « M » pour désigner des saveurs de tabac blond (pièces VAPOTARD no 9, 24 et 25).

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les termes « FR-M » et « FR4 » sont utilisés pour désigner des saveurs, mais non à titre de marque, seule la marque « ALFALIQUID » permettant de garantir l'origine des produits concernés, à savoir notamment des e-liquides.

Par conséquent, la société GAIATREND et M. [X] seront déchus de leurs droits sur les marques « FR-M » no 013134689 et no 013691738 et « FR4 » no 013515581. Leurs demandes formées au titre de la contrefaçon de ces marques ne seront donc pas examinées. Par ailleurs, la demande de déchéance pour dégénérescence formulée par la société VAPOTARD est devenue sans objet et ne sera pas non plus examinée.

4 - Sur la contrefaçon par reproduction de la marque « ALFALIQUID » no 014504261

La société GAIATREND expose que la société VAPOTARD utilise sur ses sites Internet sa marque « ALFALIQUID » pour assurer la promotion de produits concurrents. Selon elle, les conditions requises au titre de la publicité comparative ne sont pas remplies, le message émis par la défenderesse n'étant ni objectif ni transparent. En effet, la société VAPOTARD présente les produits LIQUIDEO de la société AKIVA comme étant de même qualité que les produits ALFALIQUID alors que ces derniers bénéficient de la certification AFNOR et de la certification HACCP, ce qui n'est pas le cas des premiers.

La société VAPOTARD répond n'avoir jamais procédé à une confusion entre les produits, mais avoir simplement comparé deux e-liquides de deux sociétés concurrentes en précisant que leur saveur était identique et que les produits LIQUIDEO bénéficiaient d'une promotion. En revanche, elle n'a pas présenté un produit comme étant l'imitation d'un autre, ni tenté de faire passer des produits LIQUIDEO pour des produits ALFALIQUID.

Sur ce,

En application de l'article 9 du règlement (UE) no 2017/1001 du 14 juin 2017, « 1. L'enregistrement d'une marque de l'Union européenne confère à son titulaire un droit exclusif.
2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque :
a) ce signe est identique à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée ».

Cet article ajoute que « 3. Il peut notamment être interdit, en vertu du paragraphe 2 : (?)
f) de faire usage du signe dans des publicités comparatives d'une manière contraire à la directive 2006/114/CE », laquelle dispose, en son article 4, que « la publicité comparative est licite dès lors que les conditions suivantes sont remplies : (?)
g) elle ne présente pas un bien ou un service comme une imitation ou une reproduction d'un bien ou d'un service portant une marque ou un nom commercial protégés ».

En l'espèce, la marque de l'Union européenne « ALFALIQUID » a été enregistrée, le 30 décembre 2015, en classes 34 et 35 pour désigner notamment des « liquides et e-liquides, tous à usage médical ou non à usage médical, tous contenant ou non des succédanés de tabac, tous pour cartouches, recharges et ampoule aromatiques toutes destinées à des cigarettes électroniques », ainsi que des services de vente en gros et au détail, par correspondance ou sur internet. Or, la société GAIATREND démontre que la société VAPOTARD a, sur son site Internet « www.vapotard.fr », reproduit la marque « ALFALIQUID » pour promouvoir des e-liquides (produits identiques à ceux visés à l'enregistrement) de la marque « LIQUIDEO », présentés comme de « même goût, même prix, même qualité française » (pièce GAIATREND no 20). L'annonce est en effet ainsi rédigée : « les flacons Alfaliquid FR4 pas cher (sic) sont remplacés par le FS4 de la marque française LIQUIDEO », laquelle ne peut s'analyser en une publicité comparative au sens de la directive précitée, mais bien plus comme l'annonce d'une substitution de produits référencés par la société VAPOTARD.

La société VAPOTARD s'est donc rendue coupable de contrefaçon par reproduction de la marque « ALFALIQUID » no 014504261 dont est titulaire la société GAIATREND.

5 - Sur la concurrence déloyale et parasitaire

La société GAIATREND fait valoir que les produits litigieux présentent la même couleur dominante bleue que ses produits, visible sur l'emballage, le capuchon et l'étiquette, ainsi que les mêmes saveurs et arômes. Elle estime que si la société VAPOTARD n'est pas responsable du choix du packaging et des saveurs des produits de son fournisseur, la société AKIVA, elle aurait dû s'en apercevoir et en avertir la société GAIATREND, conformément à ses obligations contractuelles. Selon la demanderesse, la société VAPOTARD met tout en oeuvre pour détourner la clientèle et la notoriété de leurs produits au profit des produits concurrents, constituant des actes de parasitisme.
La société GAIATREND soutient également que la société VAPOTARD dévalorise ses produits et la discrédite en soutenant, de manière mensongère, qu'ils sont identiques aux produits LIQUIDEO mais en plus cher, ce qui est constitutif de dénigrement à son égard.

La société VAPOTARD réplique qu'il ne peut lui être reproché des manquements de la société AKIVA. Elle ajoute que les couleurs des produits et des emballages, ainsi que leur design sont différents, et que les noms « ALFALIQUID » et « LIQUIDEO » sont mentionnés de manière proéminente, excluant tout risque de confusion. Enfin, elle considère qu'il ne peut lui être reproché la commercialisation de produits de saveurs et d'arômes similaires puisque ces derniers sont très classiques.

Sur ce,

Sont sanctionnés au titre de la concurrence déloyale, sur le fondement de l'article 1240 du code civil, les comportements distincts de ceux invoqués au titre de la contrefaçon, fautifs car contraires aux usages dans la vie des affaires, tels que ceux visant à créer un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit, ou ceux, parasitaires, qui tirent profit sans bourse délier d'une valeur économique d'autrui procurant à leur auteur, un avantage concurrentiel injustifié, fruit d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel et d'investissements.
En l'espèce, les flacons de e-liquide de la marque « ALFALIQUID » sont composés d'un bouchon de couleur variant selon la saveur du e-liquide – en l'occurrence bleu s'agissant des e-liquides de saveur FR-M et FR4 – et d'une étiquette blanche sur le corps du flacon, sur laquelle est apposée la marque « ALFALIQUID », soulignée d'un trait fin bleu, blanc et rouge, sous lequel est écrit le terme « ORIGINAL ». Au bas de l'étiquette, figure un bandeau de même couleur que le bouchon sur lequel est inscrit le nom de la saveur (pièce GAIATREND no 38). Les flacons de e-liquide de la marque « LIQUIDEO », quant à eux, sont composés d'un bouchon de couleur bleue turquoise s'agissant des saveurs FS-4 et FS-M, et d'une étiquette sur le corps du flacon qui est bicolore : le haut de l'étiquette est de la même couleur que le bouchon et comprend la marque « LIQUIDEO », soulignée d'un trait fin bleu, blanc et rouge, sous lequel figurent les termes « FRENCH STANDARD » ; le bas est blanc et comporte le nom de la saveur écrit dans la même couleur que le bouchon. La séparation entre les deux couleurs de l'étiquette est ondulée, comme une vague (pièce GAIATREND no 27).
Si la présentation de l'étiquette des deux flacons comporte des différences et si les marques « ALFALIQUID » et « LIQUIDEO » sont inscrites de manière visible sur chacun des flacons, force est de constater que ces flacons ont la même forme et les mêmes couleurs agencées de manière relativement similaire, qu'il s'agisse du flacon lui-même ou du bouchon, que le drapeau français est reproduit de la même façon, par un trait fin soulignant la marque du produit, et que les différents éléments composant l'étiquette du flacon figurent à la même place. Or, il ressort des pièces versées par la société VAPOTARD, et présentant différents flacons de e-liquides d'autres marques, que ces flacons présentent d'importantes différences. Ainsi, la forme du bouchon varie et est la plupart du temps de couleur noire ou blanche ; les couleurs utilisées pour désigner des saveurs « M » ou « 4 » se distinguent d'une marque à l'autre, tantôt jaune, tantôt rouge, tantôt marron ou beige ; l'indication de l'origine française se manifeste de différentes manières, au moyen d'un rond comportant le drapeau français, d'un signe plus complexe comprenant les couleurs du drapeau français, ou encore au moyen d'une indication qui ne figure pas sur le flacon lui-même (pièces VAPOTARD no 23 à 26).

Il ressort ainsi de l'ensemble de ces éléments que le flacon de la marque « LIQUIDEO » reprend, sans nécessité, les codes de la présentation des flacons de la marque « ALFALIQUID », qui crée un risque de confusion entre les produits. Si la société VAPOTARD ne produit pas elle-même les flacons « LIQUIDEO » de la société AKIVA, le fait de les commercialiser aux côtés ou à la place des produits « ALFALIQUID », alors qu'elle commercialisait ces derniers depuis au moins 2013 (pièce VAPOTARD no 6), est constitutif de concurrence déloyale.

Par ailleurs, la société GAIATREND démontre avoir fait de nombreux investissements publicitaires de 2014 à 2018 (pièce GAIATREND no 28), et avoir travaillé sur son image et la qualité de ses produits, notamment en vue d'obtenir un certificat de l'AFNOR (pièce GAIATREND no 2) et une attestation d'évaluation de la HACCP garantissant les standards de qualité et de sécurité de ses e-liquides (pièces GAIATREND no 3, 3 bis et 3 ter). Son e-liquide « FR-M » est par ailleurs présenté comme « le meilleur liquide français », le « eliquide pour cigarette électronique le plus vendu en France » et « le deuxième meilleur eliquide classique du monde » (pièce VAPOTARD no 30), et a été classé parmi les cinq meilleurs e-liquides au goût tabac par le magazine VapingPost (pièce GAIATREND no 10). Il est en outre démontré que la société VAPOTARD vend les produits de la société GAIATREND depuis au moins 2013, voire 2011 (pièces VAPOTARD no 5, 6 et 19).

Dès lors, les inscriptions, sur les sites Internet « www.vapotard.fr » et « www.vapeurprivee.fr » telles que « e liquide 3,50 euros FS4 tabac FR4 pas cher » (pièce GAIATREND no 20, page 17), ou encore « les flacons Alfaliquid FR4 pas cher (sic) sont remplacés par le FS4 de la marque française LIQUIDEO : même goût, même prix, même qualité française » afin que la société « VAPOTARD reste toujours moins cher à [Localité 10], à [Localité 8], à [Localité 9], [Localité 7], [Localité 6] » (pièce GAIATREND no 20, page 18) – la société VAPOTARD offrant d'ailleurs des flacons LIQUIDEO en cadeau aux consommateurs ayant commandé des flacons du e-liquide FR4 de la marque « ALFALIQUID » (pièce GAIATREND no 20, page 21) – ainsi que « tout comme le tabac Alfaliquid FR4, le FS4 est un mix parfait de caramel et de classic blond, simple et efficace » (pièce GAIATREND no 20, page 69), démontrent que la société VAPOTARD utilise la notoriété et la qualité attachée aux e-liquides de la marque « ALFALIQUID » pour vendre des produits concurrents moins chers, afin de maintenir sa position parmi les vendeurs les moins chers de e-liquides. Elle profite en conséquence des investissements de la société GAIATREND pour obtenir un avantage commercial, qui est constitutif de parasitisme.

Enfin, le dénigrement se définit comme le fait de jeter le discrédit sur une entreprise concurrente en répandant des informations malveillantes sur les produits, l'entreprise ou la personnalité d'un concurrent pour en tirer profit.

Si la société VAPOTARD mentionne les produits de la marque « ALFALIQUID » sur ses sites Internet pour promouvoir les produits de la marque « LIQUIDEO », au motif que « la marque Alfaliquid ne souhaite pas qu'on commercialise le fr4 à ce prix » (à savoir 3,50 euros) (pièce GAIATREND no20, page 18), la société GAIATREND admet, dans ses écritures, avoir critiqué les prix d'appel pratiqués par la société VAPOTARD en ce qu'ils contrevenaient au contrat de distribution sélective conclu entre les parties. Il en résulte que ces mentions, présentes sur les sites Internet de la société VAPOTARD ne peuvent être considérées comme répandant des informations malveillantes sur les produits – leur qualité étant d'ailleurs soulignée – et ne peuvent pas non plus être considérées comme jetant le discrédit sur la société GAIATREND, l'information sur l'augmentation des prix pratiqués, telle que sollicitée par la demanderesse, ne pouvant s'analyser comme étant malveillante. Les demandes formées sur le dénigrement seront donc rejetées.

6 - Sur les mesures réparatrices

Au titre de la contrefaçon par reproduction de la marque « ALFALIQUID », la société GAIATREND sollicite la somme provisionnelle de 300 000 euros au titre de la perte subie et formule une demande au titre du droit à l'information.
S'agissant de la concurrence déloyale et parasitaire, la société GAIATREND sollicite la somme forfaitaire de 100 000 euros, au motif notamment qu'elle a effectué d'importants investissements pour faire connaître ses produits auprès du public.
Elle formule en outre des demandes d'interdiction, de rappel des produits et de publication.

La société VAPOTARD répond que la demanderesse ne justifie pas de la réalité de ses préjudices, ni d'un lien de causalité avec les manquements qu'elle lui reproche. Elle soutient que la société GAIATREND est une société de taille importante, présente sur le marché mondial des e-liquides, tandis qu'elle est elle-même une société de taille modeste détenant six points de vente physique en Normandie et deux sites Internet, de sorte qu'elle ne représente qu'une infime partie du chiffre d'affaires de la demanderesse. Elle ajoute que les produits de la société GAIATREND étaient déjà en diminution au mois de janvier 2019 par rapport à janvier 2018, alors qu'elle n'a commencé à acheter les produits de la société AKIVA qu'en février 2019. Enfin, elle expose n'avoir jamais porté atteinte à l'image de la société GAIATREND, la société VAPOTARD n'ayant fait que bénéficier de la concurrence présente sur le marché des e-liquides.

Sur ce,

S'agissant des mesures au titre de la contrefaçon de marque, en application de l'article L. 716-4-10 du code de la propriété intellectuelle, « Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :
1o Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
2o Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3o Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.
Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée ».

En l'espèce, si la société GAIATREND affirme, à l'appui d'un tableau attesté par son expert-comptable, que la vente de ses produits « FR-M » et « FR4 » a diminué au cours de l'année 2019, elle ne démontre pas que de telles diminutions sont dues à la reproduction de la marque « ALFALIQUID » par la société VAPOTARD. La demande de communication formulée par la demanderesse n'apparaît à ce titre pas nécessaire.
En revanche, une telle reproduction cause à la société GAIATREND un préjudice moral, résultant de l'atteinte à son image et de l'atteinte à la réputation de qualité de ses produits vendus sous la marque « ALFALIQUID » qui bénéficient de la double certification AFNOR et HACCP, lequel préjudice sera évalué à la somme de 7 000 euros.

Il sera par ailleurs fait droit à la mesure d'interdiction selon les modalités fixées au dispositif. Il ne sera en revanche pas fait droit à la demande de publication – le préjudice de la société GAIATREND se trouvant déjà suffisamment réparé par l'octroi de dommages et intérêts et la mesure d'interdiction –, ni à la demande de rappel des produits qui est sans objet, la contrefaçon ayant été constatée sur des mentions figurant sur des sites Internet et non sur des produits.

S'agissant des mesures sollicitées au titre de la concurrence déloyale et parasitaire, quand bien même la société VAPOTARD n'est pas le seul revendeur des produits de la marque « ALFALIQUID », et qu'il n'est pas démontré que la baisse des ventes des e-liquides « FR-M » et « FR4 » au cours de l'année 2019 résultent des agissements de la société VAPOTARD, la société GAIATREND a nécessairement subi un manque à gagner du fait du détournement de clientèle résultant desdits agissements (comme en témoignent d'ailleurs certains commentaires des consommateurs sur les sites Internet de la défenderesse – pièce GAIATREND no 20). Il y a lieu de fixer à la somme de 10 000 euros le montant des dommages et intérêts que la société VAPOTARD devra verser à la société GAIATREND en réparation de son préjudice.
Par ailleurs, la société GAIATREND démontre avoir réalisé d'importants investissements publicitaires pour promouvoir les produits de sa marque « ALFALIQUID » (pièce GAIATREND no 28), lesquels sont assortis d'une garantie de qualité (pièces GAIATREND no 2 et 3), de sorte que la société VAPOTARD sera condamnée à verser à la société GAIATREND la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice résultant des faits de parasitisme.

7 - Sur la rupture abusive des relations commerciales établies à titre reconventionnel

La société VAPOTARD fait valoir qu'elle bénéficiait de relations commerciales avec la société GAIATREND depuis 2013, lesquelles ont porté sur un important volume d'affaires, de sorte qu'elle pouvait légitimement croire dans la poursuite de la relation commerciale. Or, la société GAIATREND a rompu ces relations par courrier du 25 septembre 2019, sans justifier de faute d'une particulière gravité et sans l'avoir préalablement mise en demeure. Elle expose que les produits de la société GAIATREND représentaient entre 22 et 66 % du chiffre d'affaires de ses boutiques sur la seule année 2018, et que le préavis de trois mois ne lui a pas permis de s'adapter.
La société VAPOTARD considère ainsi que la rupture des relations commerciales est fautive et lui cause un préjudice grave. Elle sollicite en conséquence tout d'abord la prolongation de six mois du délai contractuel, ainsi que la somme de 113 415,36 euros HT, correspondant aux six mois de préavis que les demandeurs auraient dû respecter. Elle demande ensuite le paiement de la somme de 226 830,56 euros au titre de la perte de marge du fait de la rupture brutale des relations commerciales et 58 875 euros au titre de la perte de marge du fait des stocks restants qu'elle n'a pu écouler. Elle sollicite enfin la somme de 100 000 euros en réparation de son préjudice moral.

La société GAIATREND répond que la société VAPOTARD se décrit comme faisant du « bas coût » alors qu'elle a conclu, en février 2018, un contrat de distribution sélective avec elle, s'engageant à mettre en avant ses produits haut de gamme, de sorte qu'elle était déjà dans l'impossibilité de respecter ses obligations. Elle conteste avoir imposé une hausse des prix à la société VAPOTARD. Par ailleurs, selon la société GAIATREND, il est établi que la société VAPOTARD propose, sur son site Internet, des e-liquides « FS-M » et « FS-4 » sous l'onglet « ALFALIQUID » en les présentant comme étant les mêmes que ses propres produits mais en moins cher, de sorte qu'elle n'a pas respecté ses obligations issues du contrat. Or, si cette faute justifiait une résiliation unilatérale sans préavis du contrat, la société GAIATREND a accordé un délai à la société VAPOTARD pour écouler ses produits, et lui a proposé de reprendre les stocks, mais la défenderesse a attendu neuf mois pour lui communiquer son état des stocks. La société GAIATREND conteste dès lors toute rupture brutale des relations commerciales établies.

Sur ce,

L'article L. 442-1, II du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance no 2019/359 du 24 avril 2019, applicable en l'espèce, dispose que : « Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l'absence d'un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels.
En cas de litige entre les parties sur la durée du préavis, la responsabilité de l'auteur de la rupture ne peut être engagée du chef d'une durée insuffisante dès lors qu'il a respecté un préavis de dix-huit mois.
Les dispositions du présent II ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ».

En l'espèce, il est établi, et non contesté, que les relations commerciales entre les sociétés GAIATREND et VAPOTARD durent depuis, au moins, 2013 (pièce VAPOTARD no 6). Les relations entre ces sociétés ont par ailleurs fait l'objet d'un contrat de distribution sélective du 4 février 2018, lequel stipule, en son article 2, que la vente des produits de la société GAIATREND est soumise à un contrat d'agrément (pièce VAPOTARD no 1). Ce dernier prévoit :
- en son article 2.2, que « le Revendeur Agréé assure la promotion des Marques et des Produits en présentant, de façon permanente et attractive, un large assortiment des Produits »,
- en son article 2.3, que « le site internet doit répondre aux mêmes exigences qualitatives de présentation, d'identification et d'environnement des Produits et Marques que le Point de vente physique, et aux autres conditions stipulées dans le présent Contrat »,
- en son article 2.8, que « le Revendeur Agréé s'engage expressément à ne pas faire de publicité dans des conditions de nature à porter atteinte à la notoriété et l'image des Marques et Produits de Gaïatrend »,
- en son article 4, que « le Revendeur Agréé reconnaît le droit exclusif de Gaïatrend sur les Marques et signes distinctifs apposés sur les Produits visés au Contrat » (pièce VAPOTARD no 1 bis).

Par ailleurs, la convention de distribution sélective prévoit, en son article 6-4, que « en cas de non-respect par l'une ou l'autre des Parties de l'une quelconque des obligations visées dans la présente Convention, la présente Convention pourra être résolue au gré de la Partie lésée », de même que l'article 7.1 du contrat d'agrément stipule que « le présent Contrat pourra être résilié par anticipation, par l'une ou l'autre des Parties, en cas d'inexécution de l'une quelconque des obligations y figurant et/ou de l'une quelconque des obligations inhérentes à l'activité exercée ». Cet article ajoute que « sauf stipulations contraires du présent Contrat prévoyant une résiliation immédiate lorsqu'il n'est pas possible de remédier au manquement, la résiliation anticipée interviendra 15 jours après une mise en demeure signifiée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ».

Or, il a été vu supra que la société VAPOTARD s'est rendue coupable de contrefaçon de la marque « ALFALIQUID » et de concurrence déloyale et parasitaire en utilisant cette marque, et la notoriété qui y est attachée notamment en termes de qualité des produits, afin de promouvoir la vente de produits d'une société concurrente à des prix moins élevés, au motif que la société GAIATREND ne souhaitait plus que ses produits soient vendus à un prix de 3,50 euros, ce qui contrevient directement à ses obligations contractuelles, et notamment celles de promouvoir les produits, de ne pas faire de publicité portant atteinte aux produits, et de respecter les droits de propriété intellectuelle de son fournisseur. La résiliation anticipée du contrat par la demanderesse ne peut dès lors s'analyser en une rupture brutale des relations commerciales établies, celle-ci étant justifiée par l'inexécution ou l'exécution imparfaite de ses obligations par la société VAPOTARD. Une telle inexécution d'une particulière gravité justifiant la résiliation du contrat sans préavis, la société défenderesse ne peut, par ailleurs, se plaindre d'avoir bénéficié d'un préavis de trois mois. Ses demandes à ce titre seront donc rejetées.

8 - Sur les autres demandes

La société VAPOTARD, qui succombe, supportera les dépens et ses propres frais.

En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la partie tenue aux dépens ou à défaut, la partie perdante, est condamnée au paiement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, en tenant compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

La société VAPOTARD sera condamnée à payer à la société GAIATREND uniquement – [Z] [X] succombant en toutes ses demandes – la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Les circonstances de la cause justifient le prononcé de l'exécution provisoire, qui apparaît nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe et en premier ressort,

DÉCLARE irrecevable la demande de sursis à statuer soulevée par la société VAPOTARD,

DÉBOUTE la société VAPOTARD de sa demande en nullité des marques verbales de l'Union européenne « FR-M » no 013134689 et no 013691738 et « FR4 » no 013515581 pour défaut de caractère distinctif,

REJETTE la demande de la société VAPOTARD portant sur la nullité des marques verbales de l'Union européenne « FR-M » no 013134689 et no 013691738 et « FR4 » no 013515581 pour déceptivité,

DÉCLARE la société GAIATREND déchue de ses droits sur les marques verbales de l'Union européenne « FR-M » no 013134689 et no 013691738 à compter du 12 mai 2016,

DÉCLARE [Z] [X] déchu de ses droits sur la marque verbale de l'Union européenne « FR4 » no 013515581 à compter du 12 mai 2016,

DIT que la partie la plus diligente devra porter à la connaissance de l'EUIPO la présente décision devenue définitive afin que soit inscrite au registre des marques de l'Union européennes les mentions rectificatives ci-dessus,

DIT qu'en reproduisant le terme « ALFALIQUID » pour promouvoir des produits concurrents, la société VAPOTARD s'est rendue coupable de contrefaçon de la marque « ALFALIQUID » no 014504261 dont est titulaire la société GAIATREND,

DIT que la société VAPOTARD s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme à l'encontre de la société GAIATREND,

DÉBOUTE la société GAIATREND de sa demande formée sur le fondement du dénigrement,

En conséquence,

FAIT INTERDICTION à la société VAPOTARD de faire usage du signe « ALFALIQUID » à quel que titre que ce soit dans la vie des affaires pour promouvoir et commercialiser des produits en lien avec les cigarettes électroniques et les e-liquides qui ne proviennent pas de la société GAIATREND, sous astreinte de 150 (cent cinquante) euros par jour de retard, passé un délai d'un mois à compter de la signification du présent jugement, l'astreinte courant sur trois mois,

DIT que le tribunal se réserve la liquidation de l'astreinte,

CONDAMNE la société VAPOTARD à payer à la société GAIATREND la somme de 7 000 (sept mille) euros en réparation du préjudice subi du fait de la contrefaçon de la marque « ALFALIQUID » no 014504261,

REJETTE la demande de la société GAIATREND fondée sur le droit à l'information,

DIT n'y avoir lieu à publication,

DIT n'y avoir lieu à rappel des produits,

CONDAMNE la société VAPOTARD à payer à la société GAIATREND la somme de 15 000 (quinze mille) euros en réparation du préjudice subi du fait de la concurrence déloyale et parasitaire,

DÉBOUTE la société VAPOTARD de sa demande reconventionnelle fondée sur la rupture brutale des relations commerciales établies,

CONDAMNE la société VAPOTARD à payer à la seule société GAIATREND la somme de 5 000 (cinq mille) euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société VAPOTARD aux dépens,

ORDONNE l'exécution provisoire,

Fait et jugé à Paris le 12 novembre 2021

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Ct0196
Numéro d'arrêt : 19/12425
Date de la décision : 12/11/2021

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2021-11-12;19.12425 ?
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