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28/09/2021 | FRANCE | N°17/14337

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Ct0196, 28 septembre 2021, 17/14337


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE [Localité 8]

3ème chambre
3ème section

No RG 17/14337 -
No Portalis 352J-W-B7B-CLQXS

No MINUTE :

Assignation du :
06 octobre 2017

JUGEMENT
rendu le 28 septembre 2021
DEMANDERESSE

S.A.R.L. ARKA OUEST
[Adresse 1]
[Localité 4]

représentée par Maître Michel ABELLO de la SELARL LOYER et ABELLO, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #J0049

DÉFENDERESSE

S.A.S. HABITEO anciennement IMMO DIGITAL SERVICES
[Adresse 2]
[Localité 3]

représentée par Maître Grég

oire DESROUSSEAUX de la SCP AUGUST et DEBOUZY et associés, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0438

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Carine GILLET, Vice-Pr...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE [Localité 8]

3ème chambre
3ème section

No RG 17/14337 -
No Portalis 352J-W-B7B-CLQXS

No MINUTE :

Assignation du :
06 octobre 2017

JUGEMENT
rendu le 28 septembre 2021
DEMANDERESSE

S.A.R.L. ARKA OUEST
[Adresse 1]
[Localité 4]

représentée par Maître Michel ABELLO de la SELARL LOYER et ABELLO, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #J0049

DÉFENDERESSE

S.A.S. HABITEO anciennement IMMO DIGITAL SERVICES
[Adresse 2]
[Localité 3]

représentée par Maître Grégoire DESROUSSEAUX de la SCP AUGUST et DEBOUZY et associés, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0438

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Carine GILLET, Vice-Présidente
Laurence BASTERREIX, Vice-Présidente
Elise MELLIER, Juge

assisté de Lorine MILLE, greffière

DEBATS

A l'audience du 16 juin 2021, tenue en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 21 septembre 2021. La décision a fait l'objet d'une prorogation au 28 septembre 2021.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

La SARL ARKA OUEST, créée en février 1995, est spécialisée dans la composition et le traitement de l'image assisté par ordinateur, la réalisation, la conception et la reproduction d'images et de plans. Elle a développé une approche numérique des images et des visites virtuelles en 3D de bâtiments et édite le site internet www.arka-studio.fr.
Elle est titulaire du brevet FR 2971076, ci-après FR 076, dont la demande a été déposée le 1er février 2011 sous le numéro FR 11 50 785 et relatif à un « procédé d'interaction avec une image 3D pré-calculée représentant en perspective une vue d'une maquette numérique tridimensionnelle », délivré le 22 février 2013 et régulièrement maintenu en vigueur, la 10e annuité ayant été payée le 4 février 2021.
Elle exploite ce brevet, via une solution dénommée EVImmo 3D, pour proposer des prestations de mise au point de sites internet de présentation de programmes immobiliers qu'elle désigne ainsi : « L'instauration d'une communication immobilière passe par la mise à disposition d'outils de projection. En présentant l'ensemble de votre programme et en situant chaque lot, la maquette 3D avec découpe des étages lève les incertitudes des acquéreurs potentiels, répond à leurs interrogations et les rassure. La maquette virtuelle se télécharge rapidement sur tous les supports numériques comme les tablettes et les mobiles. Alternative à l'encombrante maquette traditionnelle, la maquette 3D permet de présenter instantanément votre programme où que vous soyez ».

La SAS HABITEO a été créée en décembre 2013 sous la dénomination IMMO DIGITAL SERVICES, avant d'adopter sa dénomination actuelle le 28 juin 2018.
Elle est spécialisée dans l'immobilier neuf en 3D au service des promoteurs immobiliers, des constructeurs de maisons individuelles ou des agences de communication. Les prestations offertes par la SAS HABITEO permettent aux internautes de visiter en 3D un projet immobilier, de connaître la disponibilité des lots ou encore de visiter le quartier par l'intermédiaire de cartes interactives. Elle édite les sites internet www.habiteo.com et http://immobilier-neuf.habiteo.com.

Le 15 octobre 2014, la SARL ARKA OUEST a fait parvenir à la SAS HABITEO une lettre de mise en demeure de cesser de rendre accessible sur le site www.habiteo.com la présentation de programmes immobiliers en trois dimensions via un navigateur web, la réalisation de visites virtuelles du bien à acquérir et la localisation des programmes immobiliers. Le 20 octobre 2014, la SAS HABITEO a répondu à cette lettre en invoquant la différence entre la solution technique mise en oeuvre sur son site internet et celle brevetée par la SARL ARKA OUEST, à savoir que le procédé mis en oeuvre par la SAS HABITEO utilise des images pré-calculées ce qui lui permet de s'affranchir de l'utilisation en temps réel d'un module 3D sur le navigateur web.
La SARL ARKA OUEST a fait établir un procès-verbal de constat d'huissier de justice le 20 avril 2016 sur le site internet www.habiteo.com puis a fait adresser une lettre de mise en demeure à la SAS HABITEO le 3 juin 2016, à la suite de quoi des échanges ont eu lieu entre les parties. Toutefois, après le courrier officiel du conseil de la SARL ARKA OUEST datant du 18 novembre 2016, auquel il n'a pas été donné suite par la défenderesse, aucune solution amiable n'a pu être trouvée.

C'est dans ce contexte que la SARL ARKA OUEST a été autorisée, par ordonnance sur requête du 8 août 2017, à faire pratiquer une saisie-contrefaçon dans les locaux de la SAS HABITEO, laquelle a été exécutée le 7 septembre 2017, l'huissier ayant notamment procédé à des captures d'écran et saisi des fichiers et des scripts relatifs aux projets immobiliers [Localité 6] et [Localité 5] de la SAS HABITEO, et accédé aux sites comportant des images de maquettes en 3D mettant en oeuvre le procédé argué de contrefaçon.

Faisant droit à la requête de la SAS HABITEO déposée le 13 septembre 2017, le président du tribunal de grande instance de Paris l'a autorisée à assigner la SARL ARKA OUEST en référé d'heure à heure sur le fondement de l'article R. 615-4 du code de la propriété intellectuelle afin de préserver la confidentialité des éléments saisis. Le 30 novembre 2017, suite à la confirmation par la SARL ARKA OUEST du maintien de la confidentialité des éléments saisis, la SAS HABITEO s'est désistée des demandes qu'elle avait formulées par assignation du 19 septembre 2017. Le 4 décembre 2017, le désistement d'instance a été déclaré parfait et le dessaisissement du tribunal a été constaté.

Par acte du 6 octobre 2017, la SARL ARKA OUEST a assigné la SAS IMMO DIGITAL SERVICES (désormais HABITEO) devant le tribunal de grande instance, devenu tribunal judiciaire, de Paris en contrefaçon des revendications 1,2, 3, 4, 5, 6, 8, 9, l0, 12 et 13 du brevet FR 076.

La SARL ARKA OUEST a déposé le 21 décembre 2018 une requête en limitation du brevet FR 076, qui a fait l'objet d'une notification d'irrégularité en date du 14 janvier 2019 à laquelle il a été répondu le 28 janvier 2019 et le 7 février 2019. La limitation a été acceptée par l'INPI le 8 février 2019 sur la base du jeu de revendications modifiées du 7 février 2019, et inscrite au Registre National des Brevets le 14 février 2019.

Dans ses dernières conclusions no4 notifiées par voie électronique le 16 mars 2021, la SARL ARKA OUEST demande au tribunal de :
– DIRE ET JUGER que les procès-verbaux d'huissier des 5 et 8 mars 2018 produits par HABITEO en pièces 6.1.2 et 6.1.4 (ainsi que leurs annexes 6.1.6 à 6.1.11), et l'attestation produite en pièce 6.1.12 et le rapport d'expertise privée produit en pièce 6.3.2 sont nuls ou à tout le moins dépourvus de force probante ;
– DECLARER valables les revendications no1, 3 et 5 à 8 du brevet FR2971076 de la société ARKA OUEST telles que limitées ;
– DIRE ET JUGER que la société HABITEO a reproduit les revendications, à tout le moins par équivalence, 1, 3 et 5 à 8 du brevet FR2971076 de la société ARKA OUEST ;
– DIRE ET JUGER que la société HABITEO, a mis en oeuvre, offert, mis dans le commerce, vendu, utilisé, et détenu aux fins précitées une solution sur internet constituant la contrefaçon des revendications 1, 3 et 5 à 8 du brevet FR2971076 ;
EN CONSEQUENCE,
– DEBOUTER HABITEO de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
– FAIRE INTERDICTION à la société HABITEO, directement ou indirectement par toute personne physique ou morale, de mettre en oeuvre, offrir, mettre dans le commerce, vendre, utiliser, ou détenir aux fins précitées, sur le territoire français, toute solution, notamment sur internet, reproduisant les revendications 1, 3 et 5 à 8 du brevet FR2971076 et ce sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard, passé un délai de 8 jours à compter de la signification du jugement à intervenir ;
– CONDAMNER la société HABITEO à payer à la société ARKA OUEST, à valoir sur la réparation du préjudice commercial causé par la contrefaçon, une provision de 650.200 euros, ou à titre subsidiaire 487.200 euros ;
– CONDAMNER la société HABITEO à payer à la société ARKA OUEST, en réparation du préjudice moral causé par la contrefaçon, le dénigrement, et les actes illicites de décompilation commandés auprès de l'huissier et de son conseil en propriété industrielle une somme de 50.000 euros ;
– ORDONNER, à la société HABITEO, sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard à l'issue d'un délai d'un mois après la signification du jugement à intervenir, la production de tous documents et informations qu'elle détient et utiles pour déterminer l'origine et les réseaux de distribution des produits contrefaisants, et notamment :
– les nom et adresse des éventuels distributeurs, fournisseurs et autres détenteurs des produits Habiteo contrefaisants et de tous les produits de même forme,
– les quantités créées, commercialisées, livrées ou commandées, ainsi que le prix de ces produits, à compter du 6 octobre 2012,
– la marge brute réalisée sur ces produits,
Ces documents ou informations devant être certifiés par un expert-comptable ou un commissaire aux comptes et détailler les éléments retenus dans le calcul de la marge brute.
– ORDONNER le renvoi de l'affaire à telle audience qu'il plaira au tribunal, suivant la communication par la société HABITEO des informations, afin de permettre à ARKA OUEST de conclure sur le montant total des dommages et intérêts en réparation des actes de contrefaçon ;
– ORDONNER la publication du jugement à intervenir sur la page d'accueil du site internet de la société HABITEO, ainsi que sur celle du site Internet dédié au produit Habiteo, et ce dans une police de caractères lisible, en ces termes : « la société HABITEO a été condamnée pour contrefaçon du brevet français noFR2971076 dont la société ARKA OUEST est la titulaire », et ce pendant une durée de 6 mois aux seuls frais de la société HABITEO, sous astreinte de 2.500 euros par jour de retard, passé le délai de 8 jours à compter de la signification du jugement à intervenir ;
– CONDAMNER la société HABITEO, à prendre en charge les coûts de publication du jugement à intervenir dans 3 journaux ou revues professionnel(le)s au choix de la société ARKA OUEST, le coût de chaque publication ne pouvant excéder la somme de 5.000 euros hors taxes ;
– DIRE que le tribunal se réservera la liquidation des astreintes ainsi prononcées par application de l'article L. 131-3 du code des procédures civiles d'exécution ;
– CONDAMNER la société HABITEO à verser la somme de 60.000 euros à la société ARKA OUEST en application de l'article 700 du code de procédure civile, quitte à parfaire ;
– CONDAMNER la société HABITEO en tous les dépens de l'instance, incluant les frais de saisie-contrefaçon et de constat préalable, dont distraction au profit de Maître Michel ABELLO, Avocat aux offres de droit ;
– ORDONNER l'exécution provisoire du jugement, sauf pour les mesures de publication.

Dans ses dernières conclusions no4 bis notifiées par voie électronique le 15 mars 2021, la SAS HABITEO demande au tribunal, de :

Vu l'article L. 613-25 du code de la propriété intellectuelle
– Annuler les revendications 1, 3, 5, 6, 7 et 8 du brevet français FR 2 971 076 (11 50785) ;
– En conséquence, débouter la société ARKA OUEST de l'ensemble de ses demandes ;

Vu l'article L. 613-3 du code de la propriété intellectuelle
– Subsidiairement, dire que la solution proposée par HABITEO et arguée de contrefaçon ne reproduit pas les revendications 1, 3, 5, 6, 7 et 8 du brevet français FR 2 971 076 (11 50785) ;
– Encore plus subsidiairement, débouter la société ARKA OUEST de sa demande en réparation du préjudice commercial et moral allégué ;
– Débouter la société ARKA OUEST de sa demande d'exécution provisoire du jugement à intervenir ;

Vu l'article 1240 du code civil
Vu les articles 699 et suivants du code de procédure civile
– Dire que l'envoi répété par la société ARKA OUEST de lettres de réclamation sans explication sur les éléments techniques prétendument constitutifs de l'atteinte alléguée est constitutif de concurrence déloyale ;
– Condamner la société ARKA OUEST à payer à la société HABITEO la somme de six mille quatre cent onze euros et soixante-sept cents (6 411,67 euros) en réparation du préjudice subi du fait de ces actes de concurrence déloyale ;
– Dire que l'action en justice engagée par la société ARKA OUEST est abusive ;
– Condamner la société ARKA OUEST à payer à la société HABITEO la somme de quatre-vingts mille neuf cent deux euros (80 902 euros) en réparation du préjudice subi du fait de cette action abusive ;
– Débouter la société ARKA OUEST de l'ensemble de ses demandes ;
– Ordonner la publication complète du jugement à intervenir sur le site internet habituel de la société ARKA OUEST à l'adresse www.arka-studio.fr/, et ce avec un lien hypertexte apparent sur la première page dans une police d'une taille de 20 points au moins mentionnant : « la société ARKA OUEST est déboutée par le tribunal de grande instance de Paris de son action en contrefaçon du brevet no FR 2 971 076 à l'encontre de la société HABITEO » et ce pendant une durée minimale de six mois, aux seuls frais de la société ARKA OUEST, sous astreinte de cinq mille euros (5 000 euros) par jour de retard à compter de la signification de la décision ;
– Ordonner la publication par extraits du dispositif du jugement à intervenir dans cinq journaux choisis par la société HABITEO, aux seuls frais avancés de la société ARKA OUEST, à hauteur de sept mille cinq cents euros (7 500 euros) par publication, cette somme s'entendant hors T.V.A. ;
– Condamner la société ARKA OUEST à payer à la société HABITEO la somme de quatre-vingts mille euros (80 000 euros), augmentée des frais exposés pour les constats établis pour la société HABITEO, à hauteur de mille huit cent soixante-six euros et soixante-sept cents (1 866,67euros) et des frais exposés pour l'expertise établie pour la société HABITEO, à hauteur de cinq mille six cents euros (5 600 euros), au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner la société ARKA OUEST aux entiers dépens et autoriser Maître [P] [X] à recouvrer ces dépens dans les conditions prévues à l'article 699 du code de procédure civile ;
– Ordonner l'exécution provisoire du jugement, pour ce qui est des seules condamnations financières mises à la charge de ARKA OUEST.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 18 mars 2021 et l'affaire plaidée le 16 juin 2021.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait référence aux écritures précitées des parties, pour l'exposé de leurs prétentions respectives et les moyens qui y ont été développés.

MOTIFS DE LA DECISION

Présentation du brevet

L'invention concerne la synthèse d'images 3D, soit un ensemble de techniques permettant de donner sur une image bidimensionnelle une représentation en perspective, selon un plan d'observation, d'une maquette tridimensionnelle. Cette image bidimensionnelle (ou 2D) est appelée « image 3D » car elle donne une impression visuelle de 3D. L'invention concerne plus particulièrement un « procédé d'interaction avec une image 3D pré-calculée représentant en perspective une vue d'une maquette numérique tridimensionnelle » (pièce 2.1 ARKA OUEST, p.1, l. 1-3).

Selon la description, les applications de la synthèse d'image sont très nombreuses que ce soit dans le cinéma, les jeux vidéo ou encore, par exemple, dans le domaine de l'architecture (l. 6 et 7, page 1). La synthèse d'image comporte classiquement deux étapes :
– la modélisation de l'objet que l'on veut visualiser (l. 9 p.1) et qui consiste à créer dans un repère tridimensionnel une maquette 3D d'un objet physique (l. 13-14 p.1) ;
– le rendu de la modélisation de l'objet (l. 9-10 p.1) qui consiste à transformer la maquette tridimensionnelle en une image définie dans un plan d'observation de la maquette selon la position d'un observateur virtuel dans le repère tridimensionnel (l.18-20 p.1).

La contrainte de temps, la qualité du rendu et l'interactivité de l'utilisateur avec l'image dépendent de l'application visée (l.4-5 p.2) :
– pour le cinéma, chaque image 3D doit être d'un réalisme extrême (l. 6-7 p.2) mais aucune interactivité de l'utilisateur sur ses images 3D n'est possible (l. 11-12 p.2). Aussi, les images sont pré-calculées individuellement puis montées les unes à la suite des autres ;
– pour les jeux vidéo, les images doivent être interactives et calculées en temps réel. Le temps de calcul et l'affichage d'une image 3D doivent être suffisamment courts pour que la succession des images soit fluide. Pour diminuer le temps de calcul, les consoles ou ordinateurs de jeux sont équipés de cartes graphiques dédiées qui accélèrent le calcul du rendu (l. 14-19 p.2).

Dans les applications visées par l'invention, telles qu'une visite virtuelle d'un bâtiment sur internet, les images sont transférées sur un réseau de communication puis visualisées sur un terminal distant (l. 24-25 p.2).
Il est connu, dans l'art antérieur des applications de ce type, dans lesquelles le terminal distant de l'utilisateur calcule en temps réel les images 3D qui doivent être visualisées (l.28-29 p.2). Ce type de solution permet une interactivité complète de l'utilisateur avec les images (l. 33-34 p.2). Toutefois, cet affichage se fait au détriment de la qualité des détails qui est fortement dégradée car les moyens de calcul des terminaux ne sont pas suffisamment puissants (l. 1-2 p.3). Pour éviter cet inconvénient, d'autres applications connues prévoient de pré-calculer des images 3D et de les diffuser successivement pour en former une suite d'images ou une vidéo qui représentent un scénario de navigation autour et/ou dans l'objet (l. 8-10 p.3). Ce type d'interaction est très sommaire car elle se limite à la visualisation successive de vidéos (l. 17-18 p.3).

Le problème technique résolu par l'invention est défini aux lignes 22-25, page 3 du brevet FR 076, à savoir obtenir une séquence d'images 3D d'un objet détaillé, d'une qualité de rendu optimale, qui permet toutefois à un utilisateur d'interagir directement avec les images 3D de cette séquence via un terminal aux capacités de calcul limitées.

Sont opposées la revendication 1, principale, et les revendications 3 et 5 à 8, dépendantes, ainsi libellées après limitation :
– revendication 1 : « Procédé d'interaction avec une image 3D pré-calculée (I1, I2, I3) représentant en perspective une vue d'une maquette numérique tridimensionnelle (M) d'un objet physique ledit procédé comportant une étape de modélisation (1) au cours de laquelle la maquette numérique tridimensionnelle (M) est modélisée dans un repère tridimensionnel (r) et une étape (2) de rendu au cours de laquelle l'image 3D (I1, I2, I3) est calculée par projection (PR(P1), PR(P2), PR(P3)) de la maquette (M) sur un plan d'observation défini par des paramètres spécifiques (P1, P2, P3) relatifs à une position d'un observateur dans le repère tridimensionnel (r), un terminal distant (T1) étant utilisé par un programmeur pour générer ladite maquette (M) et pour calculer ladite image 3D (I1, I2, I3), caractérisé en ce
– qu'au cours de l'étape de modélisation (1) de la maquette sur ledit terminal distant (T1), au moins une zone (Z1, Z2, Z3) est définie dans le repère tridimensionnel (r) pour identifier au moins une partie d'un élément (A13, A14) de la maquette (M), ledit programmeur ayant sélectionné des points (PO2, PO5, PO6 et PO7, PO6, PO7, PO8 et PO9 ; PO1, PO2, PO3 et PO4) à partir de la maquette (M) pour former des ensembles de points, les points de chaque ensemble étant reliés entre eux, pour définir un polygone qui délimite ladite zone (Z1, Z2, Z3), et au moins un événement (EV) et au moins une action (AC) sont associés à chaque zone ainsi définie que ce programmeur souhaite rendre interactive,
– lorsque l'image 3D doit être visualisée à brève échéance (PI, PII, PIII), sont obtenus les paramètres utilisés pour calculer l'image 3D et chaque zone ainsi définie qui est en relation avec chacun des éléments visibles sur cette image 3D, et une représentation bidimensionnelle (Z'2) de chaque zone (Z2) est calculée par projection géométrique (PR(P2)) de cette zone dans le plan d'observation de l'image 3D selon les paramètres ainsi obtenus, et
– lorsque l'image 3D est visualisée sur un terminal (T2) relié au terminal distant (T1) via un réseau de communication (NET), chaque représentation bidimensionnelle (Z'2) ainsi calculée est affichée en la superposant à l'image 3D (I2),
– le procédé récupère l'ensemble de points (PO6, PO7, PO8 et PO9) qui définit cette zone (Z2) et les paramètres mémorisés (P2), ledit procédé calcule alors la projection de cet ensemble de points en utilisant ces paramètres (P2), et les points ainsi projetés sont reliés entre eux pour former ladite représentation bidimensionnelle (Z'2) dans le plan d'observation de l'image 3D (I2) ».

– revendication 3 : « Procédé selon l'une des revendications précédentes, dans lequel un événement associé à une zone est un événement qui survient sur la représentation bidimensionnelle de cette zone superposée à l'image 3D en cours de visualisation. »

– revendication 5 : « Procédé selon l'une des revendications précédentes, dans lequel un événement associé à une zone est un événement issu du résultat d'un programme exécuté soit localement au terminal (T2) sur lequel est visualisée une image 3D, soit par le terminal (T1) distant de ce terminal. »

– revendication 6 : « Procédé selon l'une des revendications précédentes, dans lequel au moins un attribut est associé à une zone. »

– revendication 7 : « Procédé selon la revendication 6, dans lequel une action associée à cette zone modifie/ajoute/supprime ou remplace au moins un attribut associé à cette zone. »

– revendication 8 : « Procédé selon la revendication 7, dans lequel la représentation bidimensionnelle de cette zone qui est superposée sur une image 3D en cours de visualisation est mise à jour dès qu'un attribut associé à cette zone est modifié/ajouté/supprimé ou remplacé. »

Le fascicule du brevet comporte sept figures, dont les suivantes :

I – Sur la validité des constats d'huissier, des attestations et de l'expertise privée produits par la SAS HABITEO

La SARL ARKA OUEST soutient que les procès-verbaux de constat d'huissier des 5 et 8 mars 2018 (pièces HABITEO 6.1.2 et 6.1.4), censés établir l'exploitation de la solution EVimmo3D, avant même le dépôt du brevet, par le biais d'une vidéo Youtube et d'un article de blog, sont nuls pour défaut de pouvoir, l'huissier ayant joué un rôle actif en procédant au téléchargement de l'ensemble des fichiers accessibles via l'arborescence indiquée par la SAS HABITEO, soit une aspiration complète du site, et décompilation (traduction de la forme du code) illégale car n'ayant pas été réalisée pour obtenir les informations nécessaires à l'interopérabilité d'un logiciel avec d'autres logiciels mais pour obtenir le code source.
De plus, les attestations établies par le conseil en propriété industrielle de la SAS HABITEO et l'un de ses salariés pour pallier les faiblesses des constats (pièces HABITEO no6.1.12 et 6.1.13) sont dénuées de toute force probante en raison notamment du non-respect des dispositions de l'article 202 du code de procédure civile et des prérequis des constats effectués sur internet et d'une décompilation illégale.
Enfin, l'expert privé sollicité par la SAS HABITEO s'est livré à d'autres actes interdits à défaut d'autorisation de l'auteur du logiciel, les opérations réalisées sur le logiciel utilisé par la demanderesse n'étant ni nécessaires pour faire fonctionner le logiciel ou corriger ses bugs, ni ne correspondant pas à un usage conforme à la destination du logiciel. L'expert a procédé à des actes de traduction et modification du logiciel qui sont toujours prohibés dans le cadre de l'exception de tests, et des actes de reproduction qui ne résultent pas des opérations normales de chargement, d'affichage, d'exécution, de transmission ou de stockage du logiciel.

La SAS HABITEO répond que lors des opérations de constat du 5 et 8 mars 2018, l'huissier a conservé un rôle passif et a effectué des constatations purement matérielles, de sorte que ces constats sont valides.
Le conseil en propriété industrielle qui fait partie de l'équipe en charge de la défense d'une partie est recevable à fournir un rapport à titre privé pour le compte de cette partie.
S'agissant de la décompilation du logiciel, le droit d'auteur doit être mis en balance avec le droit à un recours effectif et ne s'oppose pas à la communication d'éléments de preuve à une juridiction civile. Dès lors, les opérations de décompilation effectuées par l'huissier et le conseil en propriété industrielle aux fins d'apporter des éléments de preuves au tribunal ne sont pas illégales.
Enfin, l'expert a procédé à une analyse des donnés entrantes et sortantes du logiciel à l'aide d'outils informatiques et à aucun moment, il n'a modifié ou traduit le code source du logiciel.

Sur ce,

– constats d'huissier des 5 et 8 mars 2018

L'article 1er alinéa 2 de l'ordonnance no 45-2592 du 2 novembre 1945 dispose que les huissiers de justice « peuvent, commis par justice ou à la requête de particuliers, effectuer des constatations purement matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter. Sauf en matière pénale où elles ont valeur de simples renseignements, ces constatations font foi jusqu'à preuve contraire ». Il résulte de ces dispositions que l'huissier ne peut jouer un rôle actif dans les opérations de constatation, et qu'à défaut le constat établi est entaché de nullité.

En l'espèce, il résulte du procès-verbal de constat du 5 mars 2018 (pièce 6.1.2 HABITEO) que l'huissier de justice a téléchargé une vidéo et un plan et les a enregistrés dans le dossier « Téléchargement » de son ordinateur (pages 18 et 21) et du procès-verbal de constat du 8 mars 2018 (pièce 6.1.4 HABITEO) qu'il a copié la réponse d'un fichier « données.php » dans un fichier texte qu'il a enregistré dans le dossier « Téléchargement » de son ordinateur (pages 23 à 26), enregistré le fichier « maquette.swf » (pages 29-30) et les fichiers accessibles sous l'arborescence /projets/resid_octant/data (p.38 à 199). Outre des copies d'écran et l'impression directe de fichiers PDF disponibles sur les sites internet objets des constats, il a donc procédé au téléchargement de fichiers sur son ordinateur. Il ne peut cependant en être déduit que l'huissier instrumentaire a dépassé les pouvoirs dont il dispose en application du texte susvisé dès lors que la vidéo et les fichiers étaient librement accessibles à toute personne consultant les sites internet objets des constats et téléchargeables sans autorisation ou création de compte préalable et que leur seul téléchargement et enregistrement sur l'ordinateur de l'huissier n'était pas de nature à en modifier le contenu ou la structure. L'huissier a donc conservé un rôle purement passif dans l'accomplissement des opérations de constat.

Par ailleurs, si l'huissier a procédé à un constat du contenu de chacune des rubriques du fichier « data » du site internet accessible à l'adresse http://espacil.ev3d.fr/projets/resid_octant/, ces opérations, qui ne portent que sur une partie de ce site et réalisées sans avoir recours à un logiciel spécifique, ces rubriques étant accessibles à n'importe quel internaute, ne peuvent être assimilées à une aspiration complète du site consulté qui permettrait sa reproduction intégrale et excéderait les simples constatations matérielles.

Enfin, il ressort du procès-verbal du 8 mars 2018 que l'huissier de justice a procédé lui-même à la décompilation du fichier « maquette.swf » à l'aide du logiciel JPEX Free Flash Decompiler (pages 202 à 211).
Le présent litige oppose deux sociétés françaises, dont l'une est titulaire d'un brevet français, et se rapporte à la validité dudit brevet et à la poursuite d'actes de contrefaçon qui auraient été commis sur le territoire national. La loi applicable en cas d'atteinte alléguée à un droit de propriété intellectuelle étant celle du pays pour lequel la protection est revendiquée, donc celui où le brevet a été déposé, en application de l'article 8 du règlement (CE) no864/2007 du Parlement européen et du Conseil dit « Rome II », la licéité des opérations de décompilation doit être appréciée au regard des dispositions du code de la propriété intellectuelle. Il n'y a donc pas lieu de faire application du droit américain comme le propose la SAS HABITEO et les consultations juridiques versées au débat par les parties sur la licéité en droit américain des opérations de décompilation ne constituent pas des éléments pertinents d'appréciation dans le cadre de la présente procédure.

Conformément aux dispositions de l'article L. 122-6 du code de la propriété intellectuelle, « Sous réserve des dispositions de l'article L. 122-6-1, le droit d'exploitation appartenant à l'auteur d'un logiciel comprend le droit d'effectuer et d'autoriser :
1o La reproduction permanente ou provisoire d'un logiciel en tout ou partie par tout moyen et sous toute forme. Dans la mesure où le chargement, l'affichage, l'exécution, la transmission ou le stockage de ce logiciel nécessitent une reproduction, ces actes ne sont possibles qu'avec l'autorisation de l'auteur ;
2o La traduction, l'adaptation, l'arrangement ou toute autre modification d'un logiciel et la reproduction du logiciel en résultant ;
3o La mise sur le marché à titre onéreux ou gratuit, y compris la location, du ou des exemplaires d'un logiciel par tout procédé. Toutefois, la première vente d'un exemplaire d'un logiciel dans le territoire d'un État membre de la Communauté européenne ou d'un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen par l'auteur ou avec son consentement épuise le droit de mise sur le marché de cet exemplaire dans tous les États membres à l'exception du droit d'autoriser la location ultérieure d'un exemplaire ».
L'article L. 122-6-IV du même code, qui encadre la décompilation des logiciels, prévoit que « La reproduction du code du logiciel ou la traduction de la forme de ce code n'est pas soumise à l'autorisation de l'auteur lorsque la reproduction ou la traduction au sens du 1o ou du 2o de l'article L. 122-6 est indispensable pour obtenir les informations nécessaires à l'interopérabilité d'un logiciel créé de façon indépendante avec d'autres logiciels, sous réserve que soient réunies les conditions suivantes :
1o Ces actes sont accomplis par la personne ayant le droit d'utiliser un exemplaire du logiciel ou pour son compte par une personne habilitée à cette fin ;
2o Les informations nécessaires à l'interopérabilité n'ont pas déjà été rendues facilement et rapidement accessibles aux personnes mentionnées au 1o ci-dessus ;
3o Et ces actes sont limités aux parties du logiciel d'origine nécessaires à cette interopérabilité.
Les informations ainsi obtenues ne peuvent être :
1o Ni utilisées à des fins autres que la réalisation de l'interopérabilité du logiciel créé de façon indépendante ;
2o Ni communiquées à des tiers sauf si cela est nécessaire à l'interopérabilité du logiciel créé de façon indépendante ;
3o Ni utilisées pour la mise au point, la production ou la commercialisation d'un logiciel dont l'expression est substantiellement similaire ou pour tout autre acte portant atteinte au droit d'auteur ».

En l'espèce, la décompilation opérée par l'huissier instrumentaire n'avait pas pour objectif d'obtenir les informations nécessaires à l'interopérabilité du logiciel et ne s'est d'ailleurs pas limitée aux parties du logiciel d'origine nécessaires à cette interopérabilité, mais avait uniquement pour but de permettre un accès au code source afin d'établir son auto-divulgation par la SARL ARKA OUEST afin d'étayer le moyen tiré de la nullité du brevet pour défaut de nouveauté. Elle a en outre été réalisée par une personne ne disposant pas du droit d'utiliser un exemplaire du logiciel, n'étant ni titulaire des droits d'auteur, ni n'ayant été autorisée par ledit titulaire à utiliser ou reproduire le logiciel. Cette décompilation a donc été opérée en violation des dispositions du code de la propriété intellectuelle, ce que reconnaît d'ailleurs la SAS HABITEO dans ses écritures (§195).

La défenderesse affirme cependant que cette décompilation n'est pas illégale dès lors qu'elle a été réalisée dans le seul but d'apporter au tribunal des preuves de l'auto-divulgation, par la SARL ARKA OUEST, de son logiciel avant le dépôt du brevet FR 076. Elle se réfère à un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (C-637/19, 28 octobre 2020) selon lequel : « la Cour a déjà eu l'occasion de rappeler qu'il ne ressort nullement de l'article 17, paragraphe 2, de la Charte ni de la jurisprudence de la Cour que le droit de propriété intellectuelle consacré à cette disposition serait intangible et que sa protection devrait donc être assurée de manière absolue, dès lors qu'il convient de mettre ce droit en balance avec les autres droits fondamentaux (voir, en ce sens, arrêt du 29 juillet 2019, Pelham e.a., C-476/17, EU : C :2019 :624, points 33 et 34 ainsi que jurisprudence citée), parmi lesquels figure le droit à un recours effectif garanti à l'article 47 de la Charte. Or, un tel droit serait sérieusement compromis si un titulaire de droit était en mesure de s'opposer à la communication d'éléments de preuve à une juridiction, au seul motif que ces éléments de preuve contiennent un objet protégé au titre du droit d'auteur. Eu égard à l'ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux questions posées que l'article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29 doit être interprété en ce sens que la notion de « communication au public », visée à cette disposition, ne couvre pas la transmission par voie électronique à une juridiction, à titre d'élément de preuve dans le cadre d'une procédure judiciaire entre particuliers, d'une oeuvre protégée ». Il ressort cependant de cet arrêt que les questions préjudicielles soumises à la Cour portaient sur la licéité de la communication de preuves par voie électronique à une juridiction au regard de la notion propre au droit d'auteur de communication au public d'une oeuvre protégée et non, comme au cas présent, sur la licéité du mode d'obtention des preuves. La décompilation est en l'occurrence intervenue en violation des dispositions du code de la propriété intellectuelle, et alors même que la SAS HABITEO aurait pu solliciter une expertise judiciaire et indique qu'il était tout à fait possible d'exécuter le fichier « maquette3.swf » sans le décompiler mais ligne par ligne en utilisant les logiciels swfdec ou gnash disponibles à l'époque et que la décompilation de ce fichier n'était pas nécessaire pour démontrer la divulgation des caractéristiques revendiquées. Par conséquent, il y a lieu d'annuler les opérations ainsi réalisées par l'huissier instrumentaire, le droit à un recours effectif garanti à l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne devant être concilié avec la protection de la propriété intellectuelle et ne pouvant légitimer la recherche de preuves par des procédés déloyaux. Le procès-verbal de constat d'huissier du 8 mars 2018 sera donc partiellement annulé (pages 202 à 211) ainsi que ses annexes (pièces 6.1.6 et 6.1.7 HABITEO).

– attestations produites par la SAS HABITEO

La SAS HABITEO a produit en pièce 6.1.12 un rapport de recherche établi le 30 mars 2018 par [R] [K], conseil en propriété industrielle. Ce document, qui analyse les dates de mise en ligne et de modification des fichiers relatifs aux projets immobiliers modélisés par la SARL ARKA OUEST, ne constitue pas une attestation au sens de l'article 202 du code de procédure civile et n'a donc pas à se conformer aux exigences posées par celui-ci. Au demeurant, le non-respect des dispositions de l'article 202 du code de procédure civile n'est pas sanctionné par la nullité des attestations produites, le tribunal en appréciant la valeur probante. Quant au fait que [R] [K] exerce au sein du cabinet d'avocat qui représente la SAS HABITEO dans le cadre de ce procès, il y a lieu de rappeler que ce professionnel exerce une activité indépendante, soumise à des règles déontologiques, et que sa mission ne constitue pas une expertise au sens de l'article 232 et suivants du code de procédure civile. Il n'y a donc pas lieu d'écarter des débats son rapport de recherche.

La défenderesse a également produit en pièce 6.1.13 une attestation établie le 18 novembre 2020 par l'un de ses salariés, [L] [O], développeur web. La qualité de subordonné de ce dernier ne justifie cependant pas à elle seule d'écarter des débats cette attestation.

Enfin, ni l'une ni l'autre de ces pièces, quand bien même le conseil en propriété industrielle et le développeur web se basent sur la consultation de pages internet, ne constituent ni une expertise au sens des articles 232 et suivants du code de procédure civile ni un constat et il ne peut dès lors leur être reproché de ne pas avoir accompli les diligences habituellement requises pour la réalisation de constats internet par un huissier de justice.

Il n'y a donc pas lieu d'écarter des débats les pièces 6.1.12 et 6.1.13 produites par la SAS HABITEO.

– expertise informatique réalisée par [M] [V]

La SAS HABITEO a sollicité de [M] [V], expert près la cour d'appel de Paris, une expertise informatique privée (pièce 6.3.02). Il résulte de son rapport qu'il a utilisé le logiciel Wireshark pour effectuer une recherche de flux (partie 3.1, pièce adverse 6.3.02). Si ce programme est présenté comme un logiciel de rétro-ingénierie, qui fonctionne en capturant des paquets, en les décodant pour en comprendre les différentes structures, et en restituant les paquets surlignés de différentes couleurs pour aider l'utilisateur à les identifier (présentation du logiciel Wireshark sur le site Wikipedia, pièce 6.4 ARKA OUEST), aucun élément ne permet d'affirmer qu'en l'espèce l'expert [M] [V] s'est livré à une reproduction ou une modification du code, celui-ci indiquant que cette solution technique « permet de capturer l'ensemble des flux réseaux transitant par un ordinateur, puis de filtrer par différents critères propres aux échanges réseaux (protocole, port, adresses IP,?). Ici, le filtre est fait sur le protocole http (le protocole utilisé par les navigateurs internet) et l'adresse IP 46.105.75.60 précédemment identifiée comme étant celle de espacil.ev3d.fr. » et « On peut observer les échanges de données entre le navigateur et le serveur espacil. Elle permet de comprendre les opérations générées par du code complexe dans les navigateurs. C'est par exemple le cas de codes javascript qui contiennent de nombreux déclencheurs difficile à lire et à scénariser. C'est le cas aussi le cas de codes compilés exécutés par le navigateur comme les animations flash et shockwave, et plus largement tous les plugins. D'ailleurs, on observe que les lignes GET indiquent les fichiers que le navigateur sollicite du serveur ». Il précise que certaines technologies, du type exécutables « shockwave flash », permettent de créer des animations dynamiques dans les sites en utilisant le plug-in Flash, analyse qui n'implique ni reproduction ni modification du code source du logiciel.

Par ailleurs, [M] [V] indique avoir utilisé un proxy lui permettant, outre d'observer le fonctionnement, « d'intervenir pour modifier quelques éléments des données renvoyées par les sites ». Ainsi : « A l'aide de l'outil anyproxy, j'interviens sur le flux reçu par le navigateur pour remplacer la coordonnée 426.794 du fichier lstCamPos.txt par la coordonnée 926.794 » (page 56/73) ; « A l'aide de l'outil anyproxy, j'interviens sur le flux renvoyé au navigateur pour remplacer la chaîne 280.73 (qui est utilisée dans la série de triplets labellisée 112) par 380.73 dans le fichier lstPoints.txt » (page 59/73). Toutefois, la modification de ces données entrantes, dont l'objectif était de déterminer le mode de fonctionnement du logiciel par le constat de la modification subséquente des données sortantes, ne suppose pas la modification du logiciel lui-même.

Le moyen tendant à l'annulation ou à voir écarter des débats ce rapport d'expertise pour reproduction ou modification illicite du code source logiciel sera donc rejeté.

II. Sur la portée de la revendication 1 du brevet

La SARL ARKA OUEST et la SAS HABITEO s'opposent sur l'interprétation de la revendication 1 du brevet FR 076. Celle-ci doit être examinée au regard des dispositions de l'article L. 613-2 du code de la propriété intellectuelle qui dispose que « L'étendue de la protection conférée par le brevet est déterminée par les revendications. Toutefois, la description et les dessins servent à interpréter les revendications.
Si l'objet du brevet porte sur un procédé, la protection conférée par le brevet s'étend aux produits obtenus directement par ce procédé ».

En l'espèce, si la SAS HABITEO soutient que le procédé objet du brevet requiert l'utilisation de deux mémoires (MEM1 et MEM3) stockant des données spécifiques organisées sous forme d'une structure arborescente et que la revendication 1, qui doit se lire à la lumière de la description, ne peut donc pas être interprétée sans prendre en compte l'unique structure de stockage qui y est décrite, il résulte de cette description (page 5, ligne 10 à page 6, ligne 17) que le stockage du modèle numérique sous une forme arborescente dans une première mémoire (MEM1), ainsi que le stockage des images 3D pré-calculées avec les paramètres de projection et les éléments visibles sur cette image 3D dans une deuxième mémoire (MEM3) ne constituent qu'un mode de réalisation particulier de l'invention, non limitatif, et que les figures 2 et 4 n'illustrent qu'un exemple d'organisation en mémoire des différentes données relatives aux éléments d'une maquette numérique tridimensionnelle. Par conséquent, il n'y a pas lieu d'intégrer ces caractéristiques dans le champ de protection de la revendication 1 et il sera considéré que la maquette 3D et les images 3D peuvent être mémorisées dans tout type de mémoire.

Par ailleurs, il résulte de la revendication 1 telle que limitée que le programmeur sélectionne les points des zones à partir de la maquette 3D, c'est-à-dire en pointant manuellement les points de la maquette 3D, points nécessairement préexistants puisque la revendication 1 ne vise pas la création de nouveaux points dans la maquette qui constitue un mode de réalisation alternatif dans la description du brevet (page 7, ligne 7 à 13), expressément écarté du champ de la revendication 1. Il ne peut en outre être considéré, comme l'affirme la SAS HABITEO, qu'une zone ne se distingue d'un élément que par une mémorisation dans une mémoire distincte, dès lors qu'une zone est définie par un ensemble de points reliés entre eux pour former un polygone, tandis qu'un élément (évènement ou action) correspond à une fonctionnalité associée à une zone pour la rendre interactive.

S'agissant du calcul de la représentation bidimensionnelle à brève échéance, il doit être compris selon les parties comme un calcul en temps réel, par opposition aux images 3D qui sont pré-calculées. Si, comme le relève la SAS HABITEO, le second tiret de la revendication 1 ne distingue pas parmi les différentes étapes permettant le calcul d'une représentation bidimensionnelle, le quatrième tiret, qui explicite la manière dont ce calcul est réalisé, précise que ce calcul n'intervient qu'une fois récupérés l'ensemble de points qui définit une zone et les paramètres mémorisés, le calcul en lui-même consistant d'abord à projeter les points puis à les relier entre eux. L'étape de récupération de données mémorisées au préalable n'apparaît donc pas comme devant être réalisée en temps réel, car elle précède le calcul dont elle constitue une étape préliminaire, comme il ressort également de la description du brevet (page 8, ligne 30 à page 9 ligne 7). De plus, ne peut être exclue du calcul l'étape de liaison des points projetés au motif qu'elle ne constituerait qu'une caractéristique secondaire et non essentielle de la revendication 1, la SAS HABITEO ne pouvant choisir, parmi les éléments expressément visés dans cette revendication, de ne retenir que certains d'entre eux comme appartenant effectivement au périmètre du brevet. Et quand bien même la liaison des points projetés n'est pas la seule solution permettant l'interaction entre l'utilisateur et les zones définies par les points, d'autres alternatives techniques étant disponibles (procédé « containsPoint » notamment), il n'en demeure pas moins que c'est cette solution qui est mise en oeuvre dans le procédé objet du brevet et il ne peut lui être dénié son effet technique dès lors qu'elle facilite l'interaction recherchée via le terminal T2 en matérialisant une représentation bidimensionnelle sur un affichage.

Enfin, concernant la superposition de la représentation bidimensionnelle sur l'image 3D sur le terminal T2, la SAS HABITEO soutient que, selon l'unique mode de réalisation de la description, le terminal de l'utilisateur (terminal T2) importe depuis le terminal de modélisation (terminal T1) l'image 3D qui va être visualisée, l'ensemble des points qui définissent les zones et les paramètres de projection. Le terminal de l'utilisateur (terminal T2) calcule ensuite en temps réel la représentation bidimensionnelle de chaque zone. Par la suite, le terminal T2 affiche la représentation bidimensionnelle ainsi obtenue en superposition sur l'image 3D pré-calculée. Cependant, le mode de réalisation selon lequel les étapes de récupération des données puis de calcul sont mises en oeuvre sur le terminal T2 fait l'objet de la revendication 2, qui n'est pas opposée par la SARL ARKA OUEST dans le cadre de la présente procédure. Par ailleurs, si la description mentionne, à titre d'exemple, un scénario dans lequel ces étapes sont réalisées uniquement sur le terminal T2, elle précise également que les scénarii d'échange de données entre le terminal T1 et le (ou plusieurs) terminal T2 dépendent fortement de l'application visée (page 13, lignes 27 et 28), que d'autres scénarii d'échange entre les terminaux T1 et T2 sont possibles (page 14, lignes 10 et 11) et que les procédés tels que décrits en relation avec les figures 1 à 5 s'appliquent indépendamment de la complexité de ces applications et des scénarii d'échange entre terminaux utilisés (page 14, lignes 12 à 14). Il n'y a donc pas lieu de considérer que les étapes permettant la visualisation à brève échéance d'une image 3D sont réalisées uniquement sur le terminal T2 au sens de la revendication 1.

III. Sur la validité du brevet

– défaut d'invention

La SAS HABITEO soutient que l'invention objet du brevet consiste en réalité dans la mise en oeuvre d'un programme d'ordinateur dont le seul effet est de permettre à un utilisateur de visualiser des images 3D et d'obtenir des informations commerciales concernant des éléments de cette image. L'introduction des terminaux T1 et T2 lors de la procédure de limitation du brevet FR 076 ne saurait modifier artificiellement le fait que la prétendue invention n'a aucune contribution technique en dehors du domaine des programmes d'ordinateur. Les revendications dépendantes ne font quant à elles que préciser des caractéristiques du programme (définition des termes évènement, attribut et action) ou sont relatives à des présentations d'informations en lien avec la zone tridimensionnelle de la maquette.

La SARL ARKA OUEST fait valoir que le procédé revendiqué fait intervenir des moyens techniques, à savoir un terminal distant T1, un réseau de communication et un terminal T2 relié au terminal distant T1 par le réseau de communication, qui interagissent ensemble. Bien que ce procédé soit mis en oeuvre par un programme d'ordinateur, il produit un effet technique supplémentaire en permettant d'obtenir des images ayant une qualité de rendu optimale, quelles que soient les capacités de calcul du terminal T2. Le procédé revendiqué ne peut davantage être considéré comme une simple présentation d'information car il précise les moyens techniques et étapes permettant l'affichage d'une image 3D et d'une zone bidimensionnelle interactive superposée à l'image 3D, et la finalité de l'invention est de permettre une interaction avec une image, ni la nature des informations commerciales susceptibles d'être échangées ni la manière dont l'information est présentée n'étant revendiquées. Il ne constitue donc ni un programme d'ordinateur ni une présentation d'information en tant que tels.

Sur ce,

L'article L. 611-10 du code de la propriété intellectuelle dispose que « Sont brevetables, dans tous les domaines technologiques, les inventions nouvelles impliquant une activité inventive et susceptibles d'application industrielle.
2. Ne sont pas considérées comme des inventions au sens du premier alinéa du présent article notamment : [?]
c) Les plans, principes et méthodes dans l'exercice d'activités intellectuelles, en matière de jeu ou dans le domaine des activités économiques, ainsi que les programmes d'ordinateurs ;
d) Les présentations d'informations.
3. Les dispositions du 2 du présent article n'excluent la brevetabilité des éléments énumérés auxdites dispositions que dans la mesure où la demande de brevet ou le brevet ne concerne que l'un de ces éléments considéré en tant que tel ».

En application de ces dispositions, l'exclusion de brevetabilité qui vise les programmes d'ordinateur et les présentations d'informations ne concerne que les demandes de brevet portant sur ces programmes et présentations, en tant que tels. Ainsi l'utilisation de moyens techniques pour mettre en oeuvre un programme d'ordinateur ou une présentation d'informations peut leur conférer un caractère technique et donc permettre de les considérer comme une invention, tout comme est admise la brevetabilité d'un mélange de caractéristiques techniques et non techniques.
Par ailleurs, si un programme d'ordinateur est capable de produire, lorsqu'il est mis en oeuvre sur un ordinateur, un effet technique supplémentaire allant au-delà de ces effets techniques normaux consistant à faire fonctionner l'ordinateur, il n'est pas exclu de la brevetabilité.
Enfin, est exclue de la brevetabilité toute présentation d'information caractérisée uniquement par l'information qu'elle contient.

En l'espèce, il résulte de la revendication 1 du brevet que celui-ci porte sur un « Procédé d'interaction avec une image 3D pré-calculée » et comporte, outre des étapes de modélisation sur un terminal distant T1 utilisé par un programmeur pour générer une maquette et calculer une image en 3D, un terminal T2 relié au terminal distant T1 via un réseau de communication du type internet et permettant à un utilisateur de visualiser l'image en 3D ainsi générée. S'il comprend donc un programme d'ordinateur sur le terminal T1 et permet à l'utilisateur final d'accéder à une présentation d'informations sur le terminal T2, l'interaction entre l'utilisateur et des images 3D pré-calculées et la présence de moyens techniques reliés entre eux excluent qu'il s'agisse d'un programme d'ordinateur ou d'une présentation d'informations en tant que tels.

De plus, le procédé objet du brevet a pour objectif l'amélioration de la qualité des images interactives et de pallier un éventuel manque de capacités du terminal T2 en permettant à ce dernier d'afficher des images ayant une qualité optimale et de permettre l'interaction avec ces images même si les capacités de calcul de ce terminal sont limitées. Dès lors, il a une incidence sur l'efficacité du procédé et sur la qualité du rendu visuel, ce qui contribue à résoudre un problème technique.

Enfin, le brevet ne porte ni sur le contenu des informations visualisées sur le terminal T2, ni sur leur organisation, leur structuration et l'aspect de leur présentation. Il ne peut donc se résumer, comme le soutient la SAS HABITEO, à une simple présentation d'informations.

Ce moyen de nullité du brevet FR 076 sera donc rejeté.

– insuffisance de description

La SAS HABITEO considère qu'à la lecture de la description, l'homme du métier est dans l'incapacité de mettre en oeuvre l'objet de la revendication 1 : l'exemple fourni est inexact et la SARL ARKA OUEST est contrainte d'ajouter dans ses conclusions des explications techniques absentes de la description. La revendication 1 n'est donc pas supportée dans la description. De plus, après limitation, le brevet ne décrit qu'un seul et unique mode de réalisation de mise en oeuvre de l'invention sur les terminaux T1 et T2 et le terminal T2 est utilisé pour mettre en oeuvre les étapes du deuxième tiret de la revendication 1.
Quant à la revendication 5, l'homme du métier est dans l'incapacité de mettre en oeuvre son objet, la description ne faisant que reproduire le texte de la revendication sans aucune explication additionnelle.

Selon la SARL ARKA OUEST, la description et les dessins du brevet exposent en détail comment sont identifiés, en relation avec chaque image 3D, les éléments visibles sur ladite image 3D et associés aux ensembles de points définissant les zones interactives (notamment dans les figures 2 à 4). Les revendications 1 et 5 sont chacune illustrées dans la description par au moins un exemple et sont donc suffisamment décrites pour permettre à un homme du métier de les mettre en oeuvre.

Sur ce,

L'article L. 612-5, alinéa 1er du code de la propriété intellectuelle dispose que « L'invention doit être exposée dans la demande de brevet de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter ».

L'article R. 612-12 du même code dispose que « La description comprend :
1o L'indication du domaine technique auquel se rapporte l'invention ;
2o L'indication de l'état de la technique antérieure, connu du demandeur, pouvant être considérée comme utile pour l'intelligence de l'invention et pour l'établissement du rapport de recherche ; les documents servant à refléter l'état de la technique antérieure sont, autant que possible, cités ;
3o Un exposé de l'invention, telle que caractérisée dans les revendications, permettant la compréhension du problème technique ainsi que la solution qui lui est apportée ; sont indiqués, le cas échéant, les avantages de l'invention par rapport à l'état de la technique antérieure ;
4o Une brève description des dessins, s'il en existe ;
5o Un exposé détaillé d'au moins un mode de réalisation de l'invention ; l'exposé est en principe assorti d'exemples et de références aux dessins, s'il en existe ;
6o L'indication de la manière dont l'invention est susceptible d'application industrielle, si cette application ne résulte pas à l'évidence de la description ou de la nature de l'invention ».

L'exigence de suffisance de description, qui a pour finalité de garantir la possibilité pour l'homme du métier d'exécuter l'invention sans effort excessif grâce aux informations fournies par l'ensemble du brevet et ses propres connaissances techniques, est satisfaite dès lors que la description indique les moyens qui donnent à l'homme du métier, doté des capacités et des connaissances que l'on est en droit d'attendre de lui, la possibilité d'exécuter ou de mettre en oeuvre l'invention par de simples mesures d'exécution, comme des essais de routine, ou moyennant un effort raisonnable de réflexion.

L'homme du métier est, selon la SARL ARKA OUEST, un infographiste ayant des connaissances générales en développement informatique de synthèse d'images interactives. Il est, selon la SAS HABITEO, un infographiste 3D ayant de bonnes connaissances en développement de présentations interactives sur internet. Le tribunal retiendra que l'homme du métier est un infographiste ayant des connaissances générales en matière d'images 3D et de développement de présentations interactives.

La SAS HABITEO fait valoir, concernant la revendication 1, que l'enseignement du brevet ne permet pas à l'homme du métier de savoir comment le procédé sélectionne les zones présentes sur une image 3D à partir d'un élément tridimensionnel qui peut comprendre plusieurs zones. Toutefois, la description du brevet (page 7, ligne 17 à page 9, ligne 22) et les figures 2 à 5 exposent de façon détaillée un mode de réalisation de l'invention objet du brevet FR 076, la maquette étant mémorisée sous une forme vectorielle arborescente, les éléments correspondant aux étages du bâtiment (A0, A1, etc.), aux appartements (A11, A12, etc.), les ensembles de points et les images correspondant aux différentes positions de l'observateur étant mémorisés de façon structurée en différentes mémoires de sorte que, lorsqu'une nouvelle image doit être visualisée à brève échéance, la consultation de la mémoire contenant les éléments relatifs aux étages et aux appartements permet de déterminer si une ou plusieurs zones ont été définies en relation avec chacun de ces éléments avant de récupérer les points qui définissent cette zone. Par conséquent, la revendication 1 est suffisamment décrite.

La revendication 5 est libellée comme suit : « Procédé selon l'une des revendications précédentes, dans lequel un événement associé à une zone est un événement issu du résultat d'un programme exécuté soit localement au terminal (T2) sur lequel est visualisée une image 3D, soit par le terminal (T1) distant de ce terminal. » La SAS HABITEO soutient que, à la lecture de la description, l'homme du métier ne trouve pas les moyens lui permettant de mettre en oeuvre « un événement issu du résultat d'un programme exécuté » tel que revendiqué compte tenu de ses connaissances générales, concept particulièrement vague. Cependant, la description précise (page 10, lignes 14 à 16) que « Le résultat de ce programme peut par exemple être donné par une base de données distante et reçu par un terminal en réponse à une requête émise préalablement par ce terminal. » Par conséquent, la description comporte bien un exemple d'évènement issu du résultat d'un programme, de sorte que l'homme du métier, tel que défini ci-dessus, qui sait comment créer une animation interactive au moyen d'un programme tel qu'une base de données, pourra exécuter l'invention sans effort excessif grâce aux informations fournies par l'ensemble du brevet. L'insuffisance de description de la revendication 5 n'est donc pas caractérisée.

– extension de l'objet au-delà du contenu de la demande

La SAS HABITEO fait valoir que, lors de la procédure de limitation du brevet FR 076, la SARL ARKA OUEST a sélectionné dans l'unique scénario de mise en oeuvre de l'invention divulgué dans la description du brevet FR 076 certaines caractéristiques, en omettant volontairement d'autres caractéristiques qui n'avaient pourtant jamais été envisagées isolément. Ainsi, la description ne fait jamais mention isolément des terminaux T1 et T2, ni de la définition des points des zones tridimensionnelles et de leur stockage dans une structure de données, pas plus que du reliage des points projetés et du stockage des zones, des paramètres et des images 3D dans une structure de données.
En conséquence, la revendication 1 telle que limitée du brevet FR 076 doit être déclarée nulle pour extension de son objet au-delà de la demande initialement déposée et il en va de même des revendications 3 et 5 à 8, dépendantes de la revendication 1, opposées par la SARL ARKA OUEST.

La SARL ARKA OUEST réplique que toutes les caractéristiques ajoutées lors de la procédure de limitation sont explicitement supportées par le contenu de la demande telle que déposée et qu'il découle directement et sans ambiguïté de la demande telle que déposée que de nombreux scénarii de mise en oeuvre de l'invention sont envisageables et que les étapes d'obtention des paramètres (i), d'obtention des ensembles de points (ii) et de calcul de la représentation bidimensionnelle (iii) ne sont pas nécessairement réalisées sur le terminal T2.
Il est clair pour l'homme du métier, à la lecture de la demande telle que déposée, que l'invention peut utiliser une architecture de stockage des données quelconque et n'est pas limitée aux trois seules mémoires MEM1 à MEM3 mentionnées à titre purement illustratif.
L'introduction du quatrième tiret dans la revendication 1 limitée, sans la limitation à ces mémoires MEM1 à MEM3, n'est donc pas constitutive d'une généralisation intermédiaire. L'objet de la revendication 1 limitée ne s'étend donc pas au-delà du contenu de la demande telle que déposée.

Sur ce,

L'article L. 613-25 du code de la propriété intellectuelle dispose que « Le brevet est déclaré nul par décision de justice : [?]
c) Si son objet s'étend au-delà du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée ou, lorsque le brevet a été délivré sur la base d'une demande divisionnaire, si son objet s'étend au-delà du contenu de la demande initiale telle qu'elle a été déposée [?] ».

En application de ces dispositions, pour être acceptées, les modifications doivent être déduites directement et sans ambiguïté de la demande telle que déposée. Il convient donc de comparer l'objet de la protection recherchée dans la demande modifiée avec les éléments divulgués expressément dans les pièces de la demande telle que déposée puis, une fois identifiés les éléments ajoutés, il faut examiner s'ils peuvent être déduits objectivement par l'homme du métier précisément identifié, de tous les éléments divulgués dans la demande déposée (description, revendications, dessins) sans introduction de tout élément technique qui n'y figure pas, sauf si celui-ci découle clairement et sans ambiguïté de ce qui est explicitement mentionné.
En tout état de cause, dans cet examen, le contenu de la demande ne doit pas être considéré comme un réservoir à partir duquel il sera possible de combiner des caractéristiques afin de créer artificiellement une combinaison particulière. La demande doit décrire dans leur ensemble et de manière objective l'intégralité des caractéristiques de la revendication déposée et non uniquement des caractéristiques isolées.
Enfin, lors d'une modification, une généralisation intermédiaire n'est admissible que si l'homme de métier peut déduire sans aucun doute de la demande telle que déposée que les caractéristiques revendiquées ne sont pas liées étroitement aux autres caractéristiques du mode de réalisation, mais qu'elles s'appliquent directement et sans ambiguïté au contexte plus général. La généralisation doit résulter des informations non ambiguës que l'homme du métier tirerait de la lecture de l'exemple et du contenu de la demande.

En l'espèce, la revendication 1, après limitation (ajouts par rapport au texte initial ci-dessous en gras), porte sur un « Procédé d'interaction avec une image 3D pré-calculée (I1, I2, I3) représentant en perspective une vue d'une maquette numérique tridimensionnelle (M) d'un objet physique ledit procédé comportant une étape de modélisation (1) au cours de laquelle la maquette numérique tridimensionnelle (M) est modélisée dans un repère tridimensionnel (r) et une étape (2) de rendu au cours de laquelle l'image 3D (I1, I2, I3) est calculée par projection (PR(Pl), PR(P2), PR(P3)) de la maquette (M) sur un plan d'observation défini par des paramètres spécifiques (P1, P2, P3) relatifs à une position d'un observateur dans le repère tridimensionnel (r), un terminal distant (T1) étant utilisé par un programmeur pour générer ladite maquette (M) et pour calculer ladite image 3D (I1, I2, I3), caractérisé en ce
– qu'au cours de l'étape de modélisation (1) de la maquette sur ledit terminal distant (T1), au moins une zone (Z1, Z2, Z3) est définie dans le repère tridimensionnel (r) pour identifier au moins une partie d'un élément (A13, A14) de la maquette (M), ledit programmeur ayant sélectionné des points (PO2, PO5, PO6 et PO7 ; PO6, PO7, PO8 et PO9 ; PO1, PO2, PO3 et PO4) à partir de la maquette (M) pour former des ensembles de points, les points de chaque ensemble étant reliés entre eux, pour définir un polygone qui délimite ladite zone (Z1, Z2, Z3), et au moins un événement (EV) et au moins une action (AC) sont associés à chaque zone ainsi définie que ce programmeur souhaite rendre interactive,
– lorsque l'image 3D doit être visualisée à brève échéance (PI, PII, PIII) sont obtenus les paramètres utilisés pour calculer l'image 3D et chaque zone ainsi définie qui est en relation avec chacun des éléments visibles sur cette image 3D, et une représentation bidimensionnelle (Z'2) de chaque zone (Z2) est calculée par projection géométrique (PR(P2)) de cette zone dans le plan d'observation de l'image 3D selon les paramètres ainsi obtenus, et
– lorsque l'image 3D est visualisée sur un terminal (T2) relié au terminal distant (T1) via un réseau de communication (NET), chaque représentation bidimensionnelle (Z'2) ainsi calculée est affichée en la superposant à l'image 3D (I2),
– le procédé récupère l'ensemble de points (PO6, PO7, PO8 et PO9) qui définit cette zone (Z2) et les paramètres mémorisés (P2), ledit procédé calcule alors la projection de cet ensemble de points en utilisant ces paramètres (P2), et les points ainsi projetés sont reliés entre eux pour former ladite représentation bidimensionnelle (Z'2) dans le plan d'observation de l'image 3D (I2) ».

Il n'est pas contesté que les modifications apportées à la revendication trouvent leur support dans la demande telle que déposée, comme le démontre au demeurant la SARL ARKA OUEST dans ses écritures (tableau comparatif pages 39 à 41).

La SAS HABITEO considère qu'isoler une caractéristique telle que l'utilisation du terminal T2 pour visualiser les représentations bidimensionnelles en les superposant sur les images 3D, qui n'est mentionnée dans la description du brevet qu'en combinaison avec d'autres caractéristiques (obtention des paramètres et des ensembles de points et calcul de la représentation bidimensionnelle, qui sont réalisés sur le terminal T1 d'après la revendication 1 limitée) revient à étendre l'objet de l'invention au-delà de la demande telle que déposée par le biais d'une généralisation intermédiaire. Cependant, l'utilisation du terminal T2 pour obtenir les paramètres utilisés sur le terminal T1 pour calculer l'image 3D et la représentation bidimensionnelle de chacune des zones qui doivent être superposées à l'image 3D et enfin visualiser la superposition de ces représentations bidimensionnelles sur l'image 3D n'est, dans la description du brevet, qu'un des scénarii possibles d'échange de données entre le terminal T1 et un ou plusieurs terminal(ux) T2, d'autres scénarii d'échange étant possibles (pages 13-14). Les seules caractéristiques propres à chacun des types de terminal, outre des moyens graphiques IHM, une mémoire ROM et RAM et des moyens COM, sont, pour le terminal T1, des moyens de calcul importants et la base de données BDD et, pour le terminal T2, des moyens de calcul limités. Dès lors, différents scénarii d'échange étant possibles entre le terminal T1 et le terminal T2, l'homme du métier, qui dispose de connaissances générales en matière de présentations interactives réalisées au moyen d'images en 3D, pouvait déduire sans aucun doute de la demande telle que déposée que la fonctionnalité de visualisation du terminal T2, telle que figurant dans l'exemple donné dans la description, n'était pas liée étroitement aux autres fonctionnalités du mode de réalisation cité comme l'un des scénarii possibles, mais qu'elle pouvait s'appliquer directement et sans ambiguïté dans un contexte plus général. Ce d'autant plus que le terminal T2 est décrit comme étant un terminal mobile de radiotéléphonie cellulaire, un assistant personnel numérique PDA, un ordinateur personnel du type tablette, tous appareils adaptés à la visualisation d'images 3D, tandis que le terminal T1 doit être utilisé par un programmeur et est donc vraisemblablement un ordinateur. Le grief de généralisation intermédiaire n'est donc pas caractérisé de ce chef.

Par ailleurs, la SAS HABITEO relève que dans la description du brevet FR 076, en lien avec la figure 3 du brevet, le programmeur sélectionne des points à partir de la maquette pour former des ensembles de points, les points de chaque ensemble étant reliés entre eux pour définir un polygone qui délimite ladite zone. Ces points sont mémorisés dans une mémoire particulière MEM2 en lien avec l'élément auquel il se réfère et les évènements, les actions et éventuellement les attributs sont mémorisés dans une autre mémoire MEM1. Selon elle, toutes ces caractéristiques sont indissociables de la sélection des points mais elles ne sont pourtant pas revendiquées, ce qui caractérise également une généralisation intermédiaire illicite. Toutefois, comme indiqué supra, la structure des différents éléments mémorisés n'est donnée qu'à titre d'exemple dans la description du brevet et il n'y a pas lieu d'intégrer cette caractéristique dans le champ de protection de la revendication 1. Par conséquent, l'homme du métier est à même de comprendre que la maquette 3D et les images 3D peuvent être mémorisées dans tout type de mémoire et l'absence de mention, dans la revendication 1, des différents types de mémoire dans lesquels sont stockés les points, les évènements et les actions ne constitue pas une généralisation intermédiaire. Il en va de même en ce qui concerne le stockage des informations relatives aux zones, aux paramètres et aux images dans la mémoire particulière M3, qui n'est cité qu'à titre illustratif et non limitatif dans la description du brevet, ce qui ne fait pas obstacle à ce que l'homme du métier considère que ces informations puissent être, sans aucun doute possible, stockées sous tout autre forme.

Le moyen tiré de l'extension de l'objet au-delà de la demande de brevet sera donc rejeté.

– extension de la protection après la procédure de limitation

Selon la SAS HABITEO, suite à la limitation du brevet FR 076, la SARL ARKA OUEST a étendu la protection conférée par le brevet en omettant volontairement de préciser que les étapes d'obtention des paramètres et des zones, et de calcul de la représentation bidimensionnelle par projection géométrique (deuxième tiret de la revendication 1) étaient réalisées sur le terminal T2, cette limitation ayant été introduite uniquement dans la revendication 2, ce qui lui permet de conclure que l'étape de calcul de la projection géométrique des points pour obtenir la représentation bidimensionnelle n'est pas nécessairement réalisée sur le terminal T2. De plus, la SARL ARKA OUEST a ajouté l'étape qui consiste à relier les points calculés par projection géométrique entre eux de sorte à former la représentation bidimensionnelle, en déduisant que cette étape de reliage des points doit être réalisée en temps réel alors que les étapes d'obtention des paramètres et des zones et de calcul de la représentation bidimensionnelle par projection géométrique pourraient être réalisées au cours d'une étape préparatoire alors que tant la revendication 1 telle que délivrée que la description indiquent que les étapes d'obtention des paramètres et des zones et de calcul de la représentation bidimensionnelle par projection géométrique doivent toutes être réalisées en temps réel et non au cours d'une étape préparatoire.

La SARL ARKA OUEST réplique que pour vérifier si la protection a été accrue, il convient de comparer le texte des revendications modifiées lors de la procédure de limitation avec le texte des revendications du brevet tel que délivré initialement, et non avec celui de la description. La procédure de limitation s'est bornée à ajouter des restrictions supplémentaires dans la revendication 1 du brevet délivré, de sorte que la portée de la protection a donc bien été limitée.

Sur ce,

L'article L. 613-25 du code de la propriété intellectuelle dispose que le brevet est déclaré nul par décision de justice si, après limitation ou opposition, l'étendue de la protection conférée par le brevet a été accrue.

Il a déjà été jugé supra qu'il n'y avait pas lieu de considérer, aux termes de la revendication 1, que les étapes permettant la visualisation à brève échéance d'une image 3D sont réalisées uniquement sur le terminal T2 puisque le mode de réalisation selon lequel les étapes de récupération des données puis de calcul sont toutes mises en oeuvre sur le terminal T2 fait l'objet de la revendication 2, qui n'est pas opposée par la SARL ARKA OUEST dans le cadre de la présente procédure. Et si la description mentionne, à titre d'exemple, un scénario dans lequel ces étapes sont réalisées uniquement sur le terminal T2, elle précise également que d'autres scénarii d'échange de données entre le terminal T1 et le (ou plusieurs) terminal T2 sont possibles. L'étendue de la protection conférée par le brevet n'a donc pas été étendue par une prétendue omission de la part de la SARL ARKA OUEST de mentionner que toutes les étapes du second tiret sont réalisées sur le terminal T2.

Et, comme indiqué précédemment, seule l'étape de récupération de données mémorisées au préalable n'apparaît pas comme devant être réalisée en temps réel, car elle précède le calcul dont elle constitue une étape préliminaire, notamment au regard de la description du brevet (page 8, ligne 30 à page 9 ligne 7). C'est également ce que fait valoir la SARL ARKA OUEST, contrairement à ce qu'affirme la SAS HABITEO qui affirme que la demanderesse soutient que c'est uniquement l'étape de reliage des points objets du calcul qui doit être réalisée en temps réel. Au demeurant, la SAS HABITEO ne caractérise pas en quoi le fait que la récupération de données mémorisées au préalable ne soit pas réalisée en temps réel constituerait une extension du champ de la protection par le brevet après limitation dès lors que la description du brevet faisait déjà référence à une série d'étapes, dont celle, préliminaire, de récupération de données mémorisées.

Par conséquent, l'extension de la protection conférée par le brevet n'est pas établie par la SAS HABITEO qui sera déboutée de sa demande de nullité de ce chef.

– défaut de nouveauté

La SAS HABITEO affirme que la solution EVimmo3D a été exploitée par la SARL ARKA OUEST neuf mois avant la date de dépôt du brevet FR 076 afin de présenter au public sur internet au moins une dizaine de projets immobiliers.
De plus, la SARL ARKA OUEST a lancé et vendu la solution EVImmo3D à de nombreuses reprises avant la date de dépôt du brevet.
Enfin, le programme immobilier OCTANT a été rendu accessible à quiconque avant la date de dépôt du brevet FR 076 et toutes les caractéristiques des revendications invoquées ont été rendues accessibles au public par ce programme immobilier, comme il ressort des fichiers transmis librement à tout personne qui se connecte au site en cause pour avoir accès aux moyens du procédé revendiqué.
S'agissant des pièces sur lesquelles la SAS HABITEO fonde ses prétentions, elle indique qu'il ne peut être soutenu qu'en raison de l'interdiction en France de décompilation d'un fichier par un tiers, le code source obtenu par décompilation ne doit pas être pris en considération, les opérations de décompilation effectuées aux fins d'apporter des éléments de preuve au tribunal n'étant pas illégales en France, l'état de la technique n'étant pas limité territorialement et la décompilation d'un fichier étant libre dans certains pays, par exemple aux États-Unis. En tout état de cause, il était possible d'exécuter ligne par ligne le logiciel sans le décompiler. Cela permettait à l'homme du métier d'obtenir la connaissance de chacune des opérations afin d'arriver à la méthode mise en oeuvre par le logiciel.

La SARL ARKA OUEST conteste avoir mis en ligne sur internet sa solution EVImmo 3D, dans une forme de réalisation correspondant au brevet tel que déposé initialement, avant ledit dépôt. La solution mise en oeuvre antérieurement à ce dépôt est la version bêta décrite dans son brevet, page 4, lignes 16 et 17 : « la définition des zones dans le repère tridimensionnel évite de les définir manuellement et unitairement sur chacune des images d'une séquence pré-calculées ».
Elle soutient que les différentes preuves versées au débat par la SAS HABITEO n'ont ni date, ni contenu certains, car les pages archivées par le site WaybackMachine avant le dépôt du brevet ne correspondent qu'à la page d'accueil du site, qui est vierge de toute information technique. En tout état de cause, la vente du procédé d'EVImmo 3D, au même titre que l'article et la vidéo associée ne divulguent que le résultat visuel du procédé, sans divulguer aucune des caractéristiques revendiquées permettant d'obtenir ce résultat.

De plus, les deux bases possibles de divulgation invoquées par la défenderesse, à savoir les fichiers décompilés à partir de l'adresse http://espacil.ev3d.fr/, et les informations accessibles sans décompilation sont insuffisantes et ne sont pas des antériorités de toute pièce.
La demanderesse rappelle que la décompilation étant illégale en France, le logiciel décompilé n'était pas accessible au public. La décompilationn aux États-Unis est non pertinente, non probante et tout aussi illégale au regard de la loi française applicable au présent litige. Les codes sources obtenus par la décompilation des fichiers n'étaient donc ni légalement, ni techniquement accessibles au public avant cette date. En tout état de cause, à supposer sa date antérieure suffisamment établie, la divulgation litigieuse n'est pas complète : la caractéristique selon laquelle les zones interactives sont définies dans le repère tridimensionnel au cours de la modélisation de la maquette numérique tridimensionnelle ne peut pas être divulguée lors de l'observation du fonctionnement de l'application puisque cette étape préparatoire n'est pas mise en oeuvre lors de la visualisation de la maquette.
Quant aux fichiers accessibles sans décompilation, ils sont inexploitables car incompréhensibles sans le code source. Au surplus, ils ne divulguent pas notamment toutes les caractéristiques de la revendication 1. Le rapport d'expertise privée ne constitue pas une antériorité certaine quant à sa date ni suffisante quant à son contenu pour antérioriser le brevet FR 076.

Sur ce,

L'article L. 611-11, alinéas 1 et 2 du code de la propriété intellectuelle dispose que « Une invention est considérée comme nouvelle si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique.
L'état de la technique est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen ».

Pour être comprise dans l'état de la technique et privée de nouveauté, l'invention doit se trouver toute entière et dans une seule antériorité au caractère certain avec les éléments qui la constituent, dans la même forme, avec le même agencement et le même fonctionnement en vue du même résultat technique.

L'antériorité est un fait juridique dont l'existence, la date, le contenu et l'accessibilité doivent être prouvés par tous moyens par celui qui l'invoque, le tribunal appréciant la force probante des pièces qui lui sont soumises. Des pièces dépourvues de date ou dont la date est incertaine, ou encore dont le contenu est sujet à interprétation ne peuvent être considérées comme de nature à détruire la nouveauté du brevet.

Il résulte du procès-verbal de constat d'huissier du 5 mars 2018 (pièce 6.1.2 HABITEO) que le blog « Actualité immobilière » a publié un article le 20 avril 2010, soit avant le dépôt de la demande de brevet, intitulé « ARKA OUEST présente EVImmo3D, espace de vente virtuel pour promoteurs et vendeurs immobiliers », comportant également une vidéo de présentation en image de la solution EVImmo3D mise en ligne sur YouTube par ARKASTUDIO le 21 avril 2010, relative au projet immobilier OCTANT. La SAS HABITEO en déduit que, la solution EVImmo3D constituant l'exploitation commerciale du brevet FR 076, la SARL ARKA OUEST a divulgué toutes les caractéristiques techniques du procédé objet du brevet près de neuf mois avant le dépôt de sa demande de brevet, et notamment le découpage du projet en étages, l'affichage de lots en superposition sur les images 3D à l'aide de zones colorées ou grisées parfaitement alignées avec les éléments représentés sur l'image 3D, la présentation interactive des images 3D et l'animation de ces images grâce à une application web au format Adobe Flash compilée et enregistrée sous le format SWF (fichier maquette3.swf). Toutefois, ni cet article, ni cette vidéo, qui ne présentent que le résultat visuel d'un procédé de présentation de projet immobilier comportant une maquette interactive et un plan de vente en 3D, un plan de masse et un outil de géolocalisation, n'en exposent le contenu ni les principes de fonctionnement technique. Il ne peuvent donc constituer une antériorité de toute pièce.

Il en va de même du site dédié à la résidence OCTANT, accessible à l'adresse http://espacil.ev3d.fr/octant/, sur lequel figure une présentation en images 3D interactives de ce projet immobilier et qui a fait l'objet de cinq archivages les 10 février 2010, 24 avril 2010, 20 août 2010, 22 et 23 septembre 2010 (procès-verbal du 5 mars 2018, pages 22-23 et annexe 8) par le site Wayback Machine, l'archivage ainsi réalisé d'une page internet statique ne permettant nullement d'établir les modalités de fonctionnement de la solution EVImmo 3D mise en oeuvre à ces dates, ni de les comparer avec les caractéristiques du procédé protégé par le brevet FR 076 et donc de conclure à leur divulgation avant le dépôt de la demande de brevet. Au demeurant, pour établir les caractéristiques techniques de la présentation qui a été mise en ligne en 2010, la SAS HABITEO se réfère aux opérations de décompilation réalisées le 8 mars 2018 par huissier de justice, jugées illicites et que le tribunal ne peut prendre en considération. Quant aux autres fichiers librement accessibles et téléchargés par l'huissier de justice le 8 mars 2018, leur date de création, comprise entre octobre 2009 et juillet 2010, ne permet pas à elle-seule d'affirmer que les données qu'ils contiennent constituent une antériorité de toute pièce du procédé objet du brevet FR 076, dès lors qu'il n'est établi que leur contenu divulgue toutes les caractéristiques protégées par ledit brevet.

Pour les mêmes raisons, le rapport de recherche établi par [R] [K], conseil en propriété industrielle, et l'attestation établie par [L] [O], développeur web en chef de la SAS HABITEO, basés sur l'existence de pages internet dédiées aux différents projets immobiliers présentés grâce à la solution EVImmo3D en 2009 et 2010, tels qu'archivés par le site WaybackMachine (et pour certaines dénuées de tout contenu), et sur les dates de dernière modification des fichiers qu'ils comprennent, permettent certes de conclure à la présence de présentations de projets immobiliers accessibles sur internet avant le 1er févier 2011, mais nullement à la divulgation des caractéristiques du procédé breveté.

Et bien que la SARL ARKA OUEST a pu se prévaloir, dans un article paru dans le journal Le Télégramme le 5 mars 2011 (pièce 6.1.14 HABITEO) de la réalisation de la présentation de plus de cent projets immobiliers via la solution EVImmo3D, rien ne permet de conclure que, quand bien même l'appellation commerciale de cette solution est demeurée la même depuis 2009, ses caractéristiques techniques étaient dès cette époque identiques à celles du procédé objet du brevet FR 076. La divulgation des caractéristiques du brevet n'est donc pas établie de ce chef.

La SAS HABITEO ne rapportant pas la preuve que la solution EVImmo3D commercialisée dès 2009 par la SARL ARKA OUEST présentait l'intégralité des caractéristiques protégées par le brevet FR 076, il importe peu que la titulaire du brevet a vendu à de multiples reprises cette solution à différentes entreprises avant même le dépôt de sa demande de brevet.

Enfin, s'agissant de l'expertise privée réalisée par [M] [V] à la demande de la SAS HABITEO (pièce 6.3.2 HABITEO) afin de démontrer que l'accès au code source décompilé n'est pas nécessaire pour établir la divulgation des caractéristiques revendiquées, elle porte sur la présentation du projet immobilier dénommé « Le verger de la Chênaie », dont la page d'accueil a fait l'objet d'un archivage par le site WaybackMachine les 21 janvier, 5 octobre et 12 novembre 2010 (pièce 6.1.12 HABITEO). L'expert a été saisi le 28 mars 2019 puis a complété son expertise à la demande de la SAS HABITEO afin de répondre aux conclusions notifiées le 28 juin 2019 par la SARL ARKA OUEST. Il conclut que l'affichage est une superposition du plan des lots sur une image extraite d'un flux video préparé dans un fichier FLV du dossier img, que le plan des lots est calculé en temps réel à partir d'un fichier contenant les coordonnées des coins de chacun des lots et d'un fichier donnant les positions de l'observateur ou de la caméra respectivement contenus dans les fichiers IstPoints.txt et IstCamPos.txt du dossier data et que l'homme du métier, avec les connaissances dont il disposait en janvier 2011, pouvait déduire des différents fichiers accessibles sur la page de ce projet immobilier le fonctionnement du site espacil.ev3d.fr. Il apparaît cependant que l'expertise ainsi réalisée l'a été sur la base de la présentation disponible sur internet en 2019 du projet immobilier « Le verger de la Chênaie », dont il n'est pas établi qu'elle correspond à celle mise en ligne en 2010. Dès lors, sans même qu'il soit nécessaire d'analyser les conclusions de l'expert informatique, faute de pouvoir dater précisément la réalisation de cette présentation et sa mise en ligne la rendant accessible au public, elle n'est pas susceptible de constituer une antériorité de toute pièce destructrice de nouveauté.

Le grief de défaut de nouveauté des revendications opposées n'est donc pas établi.

– défaut d'activité inventive

La SAS HABITEO affirme que les caractéristiques désignées par la SARL ARKA OUEST comme 1.4, 1.5, 1.7 et 1.9 étaient divulguées par la solution EVimmo3D exploitée avant le dépôt du brevet. En tout état de cause, ces caractéristiques n'impliquent aucune activité inventive car elles découlent de manière évidente des éléments de la solution EVimmo3D librement accessibles sans décompilation.

La SARL ARKA OUEST fait valoir que, dans l'hypothèse où le tribunal viendrait à considérer que la solution EVimmo 3D a été rendue accessible au public avant le dépôt du brevet FR 076, cet usage antérieur ne divulguerait que le résultat visuel obtenu par la mise en oeuvre du logiciel, sans divulguer les caractéristiques et étapes techniques nécessaires pour obtenir ce résultat. Ainsi, cet usage antérieur présumé ne divulguerait pas au moins les caractéristiques suivantes :
– caractéristique 1.4 : les images 3D sont pré-calculées sur le terminal distant T1 ce qui permet d'obtenir une qualité de rendu optimale, quelles que soient les capacités de calcul du terminal T2 sur lequel l'utilisateur visualise les images ;
– caractéristique 1.5 : la définition des zones dans le repère tridimensionnel de la maquette permet que cette zone, une fois projetée et superposée à une image 3D pré-calculée soit parfaitement alignée avec le contour de la partie de l'élément qu'elle est censée identifier sur cette image 3D ;
– caractéristiques 1.7 et 1.9 : la représentation bidimensionnelle de la zone interactive est affichée en temps réel par superposition à l'image 3D sur le terminal T2 visualisé par l'utilisateur, ce qui permet à l'utilisateur d'interagir avec l'image 3D sur le terminal T2.
Aucune de ces caractéristiques n'étant décrite ou suggérée par la solution EVImmo 3D, à supposer qu'elle ait été accessible au public avant la date de dépôt du brevet, elles impliquent une activité inventive.

Sur ce,

En application de l'article L. 611-14 du code de la propriété intellectuelle, « Une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si pour un homme du métier, elle ne découle pas de manière évidente de l'état de la technique ».

Pour apprécier le caractère inventif, il faut déterminer si eu égard à l'état de la technique, l'homme du métier, au vu du problème que l'invention prétend résoudre, aurait obtenu la solution technique revendiquée par le brevet en utilisant ses connaissances professionnelles et en effectuant de simples opérations. L'activité inventive se définit au regard du problème spécifique auquel est confronté l'homme du métier.

En l'espèce, les parties ne définissent pas l'état de la technique le plus proche et fondent leur raisonnement sur l'évidence (ou la non-évidence) du procédé breveté sur certains passages non contestés de la revendication 1 elle-même. Le fascicule du brevet mentionne deux documents, un article paru en 2008 dans une revue destinée aux ingénieurs en informatique et un tutoriel mis en ligne sur internet en novembre 2007 (pièces 2.1.5 et 2.1.6 HABITEO), auxquels les parties ne se réfèrent pas davantage. Enfin, l'état antérieur de la technique ne peut être constitué de la solution EVImmo3D telle qu'exploitée dès 2009 par la SARL ARKA OUEST dès lors que, comme relevé ci-dessus, le contenu et les fonctionnalités techniques de celle-ci ne sont pas précisément établis pour la période antérieure au dépôt de la demande de brevet intervenue le 1er février 2011.
Seule la description du brevet (page 2, ligne 24, à page 3, ligne 21) donne un aperçu de l'état antérieur de la technique, rappelé plus haut dans le cadre de la présentation du brevet.

Le problème technique à résoudre est celui qui consiste, comme mentionné page 3, lignes 22-25 du brevet FR 076, à proposer un procédé permettant d'obtenir une séquence d'images 3D d'un objet détaillé, d'une qualité de rendu optimale, qui permette toutefois à un utilisateur d'interagir directement avec les images 3D de cette séquence via un terminal aux capacités de calcul limitées.

L'homme du métier a précédemment été défini comme un infographiste ayant des connaissances générales en matière d'images 3D et de développement de présentations interactives.

La caractéristique dite 1.4 appartient au préambule de la revendication 1 et de ce fait relève de l'état antérieur de la technique et non des caractéristiques spécifiques protégées par le brevet. Il n'y a donc pas lieu d'apprécier si elle comporte une activité inventive.

Quant à la caractéristique désignée 1.5, rien dans la description du brevet, qui ne comporte pas de détails technique sur la modélisation de la maquette ni la conception des images en 3D, ni dans le document communiqué par la SAS HABITEO en pièces 2.1.5, qui évoque un maillage triangulaire constituant une maison-témoin formée d'environ 30 000 polygones sans expliciter comment ce maillage est obtenu ni les polygones définis, ne pouvait suggérer à l'homme du métier de procéder à la définition des zones dans le repère tridimensionnel de la maquette par la sélection de points préexistants à partir de la maquette pour former des ensembles de points ensuite reliés entre eux pour définir un polygone délimitant une zone.

L'homme du métier ne serait pas davantage parvenu à la solution technique revendiquée par le brevet en utilisant ses connaissances professionnelles et en effectuant de simples opérations s'agissant des caractéristiques 1.7 et 1.9, relatives à la visualisation à brève échéance des représentations bidimensionnelles, en partant du tutoriel produit en pièce 2.1.6, qui propose de superposer sur un modèle de fond statique des objets dynamiques rendus séparément. En effet, ce dernier a pour seul objectif d'économiser le temps de rendu, sans considération de sa qualité et notamment sans tenir compte de la difficulté particulière qui consiste à obtenir un alignement parfait des zones actives sur la maquette 3D, quel que soit l'angle où se trouve l'observateur qui n'a pas une position statique puisqu'il s'agit de permettre à un acheteur potentiel une visite virtuelle d'un bâtiment (intérieur et extérieur).

Le grief de défaut d'activité inventive n'est donc pas caractérisé.

L'ensemble des moyens de nullité des revendications 1, 3 et 5 à 8 du brevet FR 076 ayant été rejeté, celles-ci seront déclarées valides.

IV. Sur la contrefaçon du brevet FR 076

La SARL ARKA OUEST poursuit à titre principal la contrefaçon par reproduction de la revendication 1 du brevet FR 076 au motif que la SAS HABITEO ne conteste pas la reproduction des caractéristiques 1.1) et 1.4) et 1.9) et conteste à tort la reproduction des caractéristiques 1.2) et 1.3) qui ne sont pas limitées à une structure de mémoire particulière, 1.5) car les points des lots sont définis manuellement par l'infographiste sur les points existant de la maquette, avec une précision au millionième de millimètre, 1.6) car les évènements et les actions sont associés aux lots, via l'attribut « alt » des image-maps et les « popover », 1.7, car l'étape d'acquisition des données précède le calcul de la représentation bidimensionnelle, et n'a donc pas à être réalisée en temps réel, et l'étape essentielle qui consiste à relier les points projetés pour générer la représentation bidimensionnelle est bien effectuée en temps réel dans la solution HABITEO, enfin 1.8, car les image-maps pré-calculées ne sont pas superposées aux images 3D, s'agissant d'un ensemble de points projetés et non d'une représentation bidimensionnelle. A titre subsidiaire, elle reproche à la défenderesse la contrefaçon par équivalent de la revendication 1 en sa caractéristique 1.7.

S'agissant de la revendication 3, sa reproduction est établie car le code source comporte une fonction « onShapeHover » qui détecte si le pointeur de la souris survole la représentation bidimensionnelle d'un lot, et comporte une instruction « popover » qui ouvre une fenêtre secondaire comprenant des informations relatives au lot dont la représentation bidimensionnelle est survolée. De plus, cet évènement étant associé aux régions des image-maps, celles-ci sont associées au lot via leur attribut « alt ».

Le survol de la représentation bidimensionnelle d'un lot est un évènement qui est issu de la fonction onShapeHover. La revendication 5 couvrant les deux hypothèses T1 ou T2, de sorte qu'elle est également reproduite.

Quant aux revendications 6 à 8, chaque lot, c'est-à-dire chaque zone tridimensionnelle au sens du brevet FR 076, comporte des attributs qui sont extraits d'une base de données et mentionnés dans le code source de la présentation interactive [Localité 6], ce qui constitue la contrefaçon de la revendication 6. Sur les images 3D de la société HABITEO, on relève en page 34 (image 1) et 35 (image 2) du procès-verbal de constat du 20 avril 2016, que certaines zones sont représentées en vert (lot no D301) et d'autres en blanc (lot no D304). Les informations affichées au-dessus du lot indiquent un bouton « VISITEZ » pour le lot 301 et « Ce lot n'est plus disponible » pour le lot 304. L'attribut « disponible/non disponible » associé à chaque lot est donc modifié et constitue une action au sens de la revendication 7 qui est donc reproduite. Enfin, le changement de coloration d'une représentation bidimensionnelle est repérable dans le code source de la représentation interactive du projet [Localité 6], de sorte que la revendication 8 est également reproduite.

La SAS HABITEO conteste que sa solution constitue la contrefaçon du brevet FR 076.
Le premier tiret de la partie caractérisante de la revendication 1 n'est pas reproduit dès lors que la solution HABITEO ne sélectionne pas des points existants de la maquette pour définir les zones mais crée de nouveaux points. Elle n'associe pas au moins un événement et une action à chaque zone tridimensionnelle définie dans le repère tridimensionnel, au cours de l'étape de modélisation de la maquette sur le terminal distant car les évènements et les actions sont associés aux représentations bidimensionnelles des zones tridimensionnelles par l'intermédiaire des images map, représentations bidimensionnelles obtenues après l'étape de modélisation.

Le second tiret de la partie caractérisante de la revendication 1 n'est pas davantage reproduit car la solution HABITEO ne calcule pas à brève échéance avant l'affichage les représentations bidimensionnelles des zones tridimensionnelles. Les images map utilisées pour l'interactivité sont pré-calculées à l'avance et sont transmises à l'utilisateur dans le code source html chargé dans le terminal de l'utilisateur. Il n'y a aucun calcul en temps réel, à l'inverse de la solution proposée dans le brevet FR 076. Lors de l'affichage, le procédé HABITEO relie entre eux les points précédemment calculés et cette étape de reliage, bien connue avant la date de dépôt du brevet FR 076, ne peut pas être considéré comme une étape de calcul au sens dudit brevet.
Quant au troisième tiret de la partie caractérisante de la revendication 1, la solution HABITEO superpose une zone d'interaction pré-calculée et transmise à l'utilisateur dans le code source hmtl sur l'image 3D qui est elle aussi pré-calculée et transmise à l'utilisateur. Lors de l'affichage les points de la zone d'interaction pré-calculée sont ensuite reliés entre eux. Il n'y a donc pas reproduction de la représentation bidimensionnelle du deuxième tiret.

Enfin, concernant le quatrième tiret, il a été ajouté par la SARL ARKA OUEST au cours de la procédure de limitation pour tenter de démontrer à tort que le procédé HABITEO reproduit le deuxième tiret de la revendication.

Quant à la contrefaçon par équivalence de la revendication 1, elle ne peut être retenue dès lors que la fonction des caractéristiques non reproduites littéralement selon la SARL ARKA OUEST n'est pas reproduite par le procédé HABITEO. Le résultat n'est pas non plus reproduit par le procédé HABITEO et la fonction est dépourvue de nouveauté.

En l'absence de reproduction de la revendication 1 telle que limitée, les revendications dépendantes invoquées par la SARL ARKA OUEST ne sont pas plus reproduites, ni d'ailleurs lorsqu'elles sont examinées individuellement.

Sur ce,

La SAS HABITEO ne conteste la reproduction du préambule de la revendication 1 qu'en ce que la solution qu'elle exploite ne stocke pas son modèle 3D sous une forme vectorielle arborescente ni les images 3D pré-calculées en y associant les paramètres de projection et les éléments visibles sur ces images. Cependant, comme indiqué supra, ni le stockage du modèle numérique sous une forme arborescente dans une première mémoire, ni celui des images 3D pré-calculées avec les paramètres de projection et les éléments visibles sur cette image 3D dans une deuxième mémoire, qui ne constituent qu'un mode de réalisation particulier de l'invention, non limitatif, n'entrent dans le périmètre du champ de protection de la revendication 1. Dès lors, le préambule de la revendication 1, qui correspond à l'art antérieur, est reproduit et il y a lieu d'examiner si les éléments de la partie caractérisante le sont également simultanément.

S'agissant du premier tiret de la revendication 1, la SAS HABITEO soutient que, dans le procédé qu'elle exploite, les points sont sélectionnés manuellement par un infographiste qui crée de nouveaux points sur la maquette, ce qui se traduit par un alignement imparfait des représentations bidimensionnelles des zones lors de leur superposition aux images 3D. Il a été indiqué supra que seule la première branche de l'alternative décrite en page 7, lignes 7 à 13 du brevet FR 076, selon laquelle le programmeur sélectionne un ensemble de points directement à partir de la maquette, a été introduite dans la revendication 1 ; la seconde branche de l'alternative, selon laquelle le programmeur définit de nouveaux points, a été expressément écartée. L'attestation établie par [P] [N], responsable produit 3D employé par la société HABITEO, confirme la sélection de nouveaux points et non de points préexistants de la maquette dès lors que « pour chaque lot que l'on souhaite voir apparaître sur l'écran, on dessine point par point les sommets qui composent la représentation du lot en respectant la forme de l'élément correspondant telle qu'elle apparaît sur les plans de vente 2D du promoteur. Les points successifs sont « posés » par l'infographiste sur la vue du dessus de la maquette, point par point » (pièce 3.1.13 HABITEO). S'agissant ainsi du projet « Les Marcellines », il apparaît que des lots ne sont pas dessinés exactement avec la même forme et ne sont pas alignés selon l'axe Y, leur hauteur différant également légèrement. Si la SARL ARKA OUEST estime négligeables ces légères différences dans les coordonnées des points sélectionnés, celles-ci ne se résument cependant pas à une divergence sur le 7e chiffre significatif comme elle le soutient, un décalage correspondant à plusieurs centimètres étant perceptible. Dès lors, la caractéristique « au moins une zone (Z1, Z2, Z3) est définie dans le repère tridimensionnel (r) pour identifier au moins une partie d'un élément (A13, A14) de la maquette (M), ledit programmeur ayant sélectionné des points (PO2, PO5, PO6 et PO7 ; PO6, PO7, PO8 et PO9 ; PO1, PO2, PO3 et PO4) à partir de la maquette (M) pour former des ensembles de points, les points de chaque ensemble étant reliés entre eux, pour définir un polygone qui délimite ladite zone (Z1, Z2, Z3) » n'est pas reproduite.
S'agissant de l'association d'au moins un évènement ou une action à chaque zone que le programmeur souhaite rendre interactive, la SAS HABITEO soutient que son procédé diffère de la revendication 1 en ce que l'affichage des mentions ainsi que le survol de la souris sont intégrés directement dans le code source de la page internet alors que selon le brevet FR 076, les évènements et actions seraient associés aux zones au cours de l'étape de modélisation de la maquette tridimensionnelle, c'est-à-dire dans le modèle tridimensionnel de la maquette à l'aide du logiciel de modélisation, et en ce que l'évènement et l'action seraient associés à une zone bidimensionnelle affichée à la vue de l'utilisateur, c'est-à-dire aux régions « shape » des images map, et ne seraient donc pas associés aux zones définies dans le repère tridimensionnel. Cependant, outre qu'il résulte du constat d'huissier du 16 avril 2016 (pièce 4.1 ARKA OUEST) qu'un évènement (le survol d'un lot par le curseur d'une souris) et une action (affichage de différentes mentions relatives aux prix, surface et orientation) sont associés à chaque zone interactive, le brevet ne précise pas de quelle manière, à quelle étape, ni avec quel outil l'évènement et l'action peuvent être associés à une zone, ni si cette association doit être faite de manière directe ou indirecte. Par conséquent, cette partie du premier tiret de la revendication 1 est reproduite.

Concernant le tiret 2, la SAS HABITEO fait valoir que le procédé qu'elle exploite ne comporte aucun calcul en temps réel puisque lors de l'affichage, le procédé superpose une image 3D pré-calculée avec une image map pré-calculée.
Toutefois, il résulte de ses écritures que le script convert_camera extrait du modèle Blender les coordonnées 3D de la caméra virtuelle et permet de récupérer les coordonnées de la caméra virtuelle dans le repère tridimensionnel pour chacune des 40 positions prédéfinies dans Blender par l'infographiste, que le script imports_lots extrait du modèle Blender les coordonnées 3D des lots définis par l'infographiste, parcourt l'ensemble des lots modélisés dans Blender par l'infographiste et recense les sommets de cet élément puis récupère les coordonnées de ces sommets. Par ailleurs, il résulte des codes sources produits en pièce 3.2.2 et 3.2.3 que lors de l'affichage de l'image map sur le terminal de l'utilisateur, les points stockés dans l'image map sont reliés entre eux pour permettre à l'utilisateur de voir les contours des représentations bidimensionnelles. Cette étape de reliage des points est effectuée par l'intermédiaire de l'instruction « this.canvas3D.drawShapes » du code source, laquelle prend en compte les coordonnées des points stockés dans l'image map, commence le tracé (beginPath) en se plaçant au premier point (moveTo) puis se déplace de point en point (lineTo) avant de fermer le tracé (closePath) à l'aide d'un contour (stroke) et un remplissage (fill). Contrairement à ce que soutient la SAS HABITEO, le tracé d'un polygone fermé, avec un contour et un remplissage, résulte bien d'un calcul permettant de relier des points, réalisé au moment de l'affichage sur le terminal destiné à l'utilisateur. Par conséquent, le procédé exploité par la SAS HABITEO procède à une récupération des paramètres utilisés pour calculer les images 3D et les lots (ou zones) selon un procédé qui n'a pas lieu en temps réel, puis effectue un tracé en temps réel, calculant pour ce faire la représentation bidimensionnelle de chaque zone. Les caractéristiques figurant au second tiret de la revendication 1 sont donc reproduites.

Le troisième tiret de la revendication 1 est également reproduit dès lors que, contrairement à ce que soutient la SAS HABITEO, son procédé ne se contente pas de superposer une représentation bidimensionnelle pré-calculée (l'image map) sur l'image 3D mais, comme indiqué ci-dessus, lui superpose une représentation bidimensionnelle calculée en temps réel.

Enfin, la SAS HABITEO ne conteste pas la contrefaçon du quatrième tiret de la revendication 1, se bornant à souligner l'évidence et l'absence de difficulté technique de cette caractéristique.

En l'absence de reproduction du premier tiret, la contrefaçon de la revendication 1 n'est pas établie et il y a donc lieu d'examiner les moyens développés par la SARL ARKA OUEST qui poursuit à titre subsidiaire la contrefaçon par équivalence.

La demanderesse fait valoir que toutes les caractéristiques de la revendication 1 étant reproduites et dans l'hypothèse où le tribunal interpréterait le troisième tiret comme impliquant que toutes les étapes du calcul doivent être réalisées en temps réel, la réalisation de l'ensemble des étapes en temps réel équivaut à réaliser en temps réel uniquement la dernière étape, qui consiste à calculer une représentation bidimensionnelle de chaque zone par projection géométrique de cette zone dans le plan d'observation de l'image 3D selon les paramètres préalablement obtenus. Elle en conclut que le troisième tiret est reproduit à tout le moins par équivalence.

Toutefois, le tribunal a considéré d'une part que l'étape de récupération de données mémorisées au préalable n'apparaît pas comme devant être réalisée en temps réel, car elle précède le calcul dont elle constitue une étape préliminaire ; d'autre part que les caractéristiques objets du troisième tiret de la revendication 1 étaient reproduites littéralement par la solution exploitée par la SAS HABITEO. Quant aux autres caractéristiques de la revendication 1, notamment le premier tiret dont il a été considéré qu'il n'était pas reproduit littéralement, il n'est pas soutenu qu'elles seraient contrefaites par équivalence. Dès lors, la contrefaçon par équivalence de la revendication 1 n'est pas établie.

Les revendications 3 et 5 à 8, dépendantes de la revendication 1, n'en constituent que des variantes comprenant des caractéristiques supplémentaires et, en l'absence de contrefaçon de la revendication 1, elles ne sont pas plus contrefaites.

La SARL ARKA OUEST sera donc déboutée de ses demandes en contrefaçon, littérale ou par équivalence, des revendications 1, 3 et 5 à 8 du brevet FR 076 et les demandes en réparation y afférentes ne seront pas examinées.

Sur les demandes reconventionnelles de la SAS HABITEO

A titre reconventionnel, la SAS HABITEO demande réparation des manoeuvres déloyales et de la procédure abusive intentée par la SARL ARKA OUEST.
En effet, les lettres de mises en demeure ont été envoyées sans explication concernant les éléments prétendument contrefaits et contiennent des affirmations sans fondement dans le but d'intimider la défenderesse avant des événements importants dans le domaine de la promotion immobilière en 3D tels que le concours START-UP RENT 2014 et le congrès de la Fédération des Promoteurs Immobiliers de France en 2016. L'envoi de ces lettres menaçantes et leur répétition, dans un objectif manifestement étranger au droit des brevets, est constitutif de concurrence déloyale. Le préjudice subi est au moins égal aux frais d'avocats (H.T.) exposés pour la réponse à ces lettres de mise en demeure, soit un montant de 6 411,67 euros.
En outre, l'action intentée par la SARL ARKA OUEST est manifestement abusive car la demanderesse ne pouvait ignorer que son brevet était nul du fait de ses propres divulgations et ne pouvait se méprendre sur l'étendue de ses droits. Avant l'envoi de la première lettre de mise en demeure en 2014, la SARL ARKA OUEST aurait dû prendre connaissance du code source du site internet www.habiteo.com ou utiliser des outils d'inspection du site web afin d'identifier immédiatement que la solution développée par la SAS HABITEO ne reproduisait manifestement pas la solution brevetée. Elle a donc agi de mauvaise foi dans le but de nuire à la défenderesse qui dit avoir subi un préjudice au moins égal au temps exposé par ses dirigeants et salariés pour se défendre dans la présente instance, soit 80 902 euros.
A titre complémentaire, la SAS HABITEO sollicite des mesures de publication du jugement.

La SARL ARKA OUEST oppose que les lettres qu'elle a envoyées en phase précontentieuse démontrent que celle-ci ne s'est pas précipitée pour assigner la SAS HABITEO et qu'elle a tenté de trouver une solution amiable avant de se trouver contrainte d'engager une action devant le présent tribunal. La SAS HABITEO ne saurait lui reprocher un défaut de prudence alors qu'elle a obtenu de l'INPI une limitation de son brevet, et ce précisément afin d'en renforcer la validité. Elle indique faire seulement valoir ses droits à l'encontre de la défenderesse, comme tout acteur économique est en droit de le faire. Son action ne peut, par principe, être abusive sans qu'il soit démontré une intention de nuire, totalement absente au cas d'espèce. Si la SAS HABITEO ne craignait pas une condamnation en contrefaçon, elle n'aurait pas déployé une telle énergie pour tenter de faire invalider le brevet FR 076. Quant à la justification de la demande indemnitaire s'élevant à 80 902 euros, il s'agit d'une attestation de la présidente de la SAS HABITEO, non probante.

Sur ce,

Sont sanctionnés au titre de la concurrence déloyale, sur le fondement de l'article 1240 du code civil, les comportements distincts de ceux invoqués au titre de la contrefaçon, fautifs car contraires aux usages dans la vie des affaires, tels que ceux visant à créer un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit.

En l'espèce, l'envoi, par le titulaire d'un brevet valide, de lettres de mise en demeure à une société exploitant une solution de présentation en 3D de programmes immobiliers, sans que le public ne soit informé des actes de contrefaçon dont il était demandé la cessation, ne peut s'analyser en une pratique commerciale déloyale et ne constitue qu'un moyen de défense légitime du monopole détenu grâce au brevet par le titulaire de ce dernier.

Par ailleurs, si l'action en justice est un droit qui dégénère en abus ouvrant droit à une créance de dommages et intérêts en cas de faute du plaideur, le tribunal ayant reconnu la validité du brevet FR 076 et l'action en contrefaçon ayant été engagée après l'envoi de mises en demeure et de multiples échanges entre les parties, la demanderesse a pu légitimement se méprendre sur l'existence d'actes de contrefaçon des revendications 1, 3 et 5 à 8 du brevet dont elle est titulaire; aussi, et en l'absence de toute faute notamment de dénigrement comme statué supra, son action en justice ne peut être déclarée abusive.

Par conséquent, la SAS HABITEO sera déboutée de ses demandes formées à titre reconventionnel, y compris au titre de la publication judiciaire de la présente décision.

Sur les autres demandes

La SARL ARKA OUEST, qui succombe, supportera les dépens, à l'exclusion des frais exposés par la SAS HABITEO de sa propre initiative et sans autorisation judiciaire pour l'établissement des constats d'huissier et de l'expertise réalisée par [M] [V]. Maître [P] [X] sera autorisé à recouvrer directement les dépens dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la partie tenue aux dépens ou à défaut la partie perdante, est condamnée au paiement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, en tenant compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée.
La SARL ARKA OUEST sera condamnée à payer à la SAS HABITEO, la somme de 40 000 euros au titre des frais irrépétibles.

L'exécution provisoire apparaît nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe et en premier ressort,

DÉBOUTE la SARL ARKA OUEST de sa demande en nullité du procès-verbal de constat d'huissier du 5 mars 2018, du rapport de recherche établi par [R] [K], conseil en propriété industrielle, de l'attestation établie par [L] [O], développeur web, et de l'expertise informatique réalisée par [M] [V],

ANNULE partiellement le procès-verbal de constat d'huissier du 8 mars 2018 (pages 202 à 211) ainsi que ses annexes (pièces 6.1.6 et 6.1.7 produites par la SAS HABITEO) pour décompilation illicite,

DÉCLARE valides les revendications 1, 3 et 5 à 8 du brevet FR 2971076 dont est titulaire la SARL ARKA OUEST,

DÉBOUTE la SARL ARKA OUEST de ses demandes en contrefaçon par reproduction, et subsidiairement par équivalence, des revendications 1, 3 et 5 à 8 du brevet FR 2971076 dont elle est titulaire et de ses demandes en réparation y afférentes,

DÉBOUTE la SAS HABITEO de ses demandes reconventionnelles en concurrence déloyale, procédure abusive et publication judiciaire,

CONDAMNE la SARL ARKA OUEST à payer à la SAS HABITEO la somme de 40 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SARL ARKA OUEST aux dépens, à l'exclusion des frais exposés par la SAS HABITEO pour l'établissement des constats d'huissier et de l'expertise réalisée par [M] [V], dont distraction au profit de Maître Grégoire [X], conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

ORDONNE l'exécution provisoire.

Fait et jugé à [Localité 7] le 28 septembre 2021

La GreffièrePour la Présidente empêchée,

[Z] [T]


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Ct0196
Numéro d'arrêt : 17/14337
Date de la décision : 28/09/2021

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2021-09-28;17.14337 ?
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