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07/09/2021 | FRANCE | N°15/06549

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Ct0196, 07 septembre 2021, 15/06549


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
3ème section

No RG 15/06549 -
No Portalis 352J-W-B67-CFHP5

No MINUTE :

Assignation du :
06 Mai 2015

JUGEMENT
rendu le 07 Septembre 2021
DEMANDERESSE

La société PIAGGIO et C S.p.A.
[Localité 4]
[Localité 3] (ITALIE)

représentée par Maîtres Martine KARSENTY RICARD et Béatrice MOREAU-MARGOTIN de la SELARL JP KARSENTY ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS,vestiaire #R0156

DÉFENDERESSE

La société PEUGEOT MOTOCYCLES S.A.S.
[Adresse 1]
[Loc

alité 2]

représentée par Maître Grégoire DESROUSSEAUX de la SCP AUGUST et DEBOUZY et Associés, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0438

COMP...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
3ème section

No RG 15/06549 -
No Portalis 352J-W-B67-CFHP5

No MINUTE :

Assignation du :
06 Mai 2015

JUGEMENT
rendu le 07 Septembre 2021
DEMANDERESSE

La société PIAGGIO et C S.p.A.
[Localité 4]
[Localité 3] (ITALIE)

représentée par Maîtres Martine KARSENTY RICARD et Béatrice MOREAU-MARGOTIN de la SELARL JP KARSENTY ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS,vestiaire #R0156

DÉFENDERESSE

La société PEUGEOT MOTOCYCLES S.A.S.
[Adresse 1]
[Localité 2]

représentée par Maître Grégoire DESROUSSEAUX de la SCP AUGUST et DEBOUZY et Associés, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0438

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Carine GILLET, Vice-Présidente
Laurence BASTERREIX, Vice-Présidente
Elise MELLIER, Juge

assisté de Lorine MILLE, Greffière,

DÉBATS

A l'audience du 03 Juin 2021, tenue en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 07 Septembre 2021.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

La société de droit italien PIAGGIO et C. SpA (ci-après « la société PIAGGIO ») est spécialisée dans la conception, la fabrication et la distribution de véhicules à deux et trois roues, particulièrement de scooters, dont le modèle de scooter « VESPA », mais également plus récemment, le modèle « MP3 », qui est un scooter à trois roues, avec deux roues directrices à l'avant.

Ce scooter MP3, selon la société PIAGGIO, a nécessité des efforts particuliers de mise au point, conception, essais et met en oeuvre plusieurs brevets dont elle est titulaire, notamment le brevet EP 1 363 794 (ci-après brevet EP 794(, le brevet EP 1 561 612 )ci-après brevet EP 612(, le brevet EP 1 571 016 )ci-après brevet EP 016( et le brevet EP 1 635 234 )ci-après brevet EP 234(.
L'apparence du scooter est également protégée par un modèle communautaire no 487723-0001, déposé le 02 mars 2006, dont est titulaire la société PIAGGIO.
Ayant constaté la commercialisation en [M] et en Italie par la société française PEUGEOT MOTOCYCLES SAS, spécialisée dans la fabrication et la vente de scooters, d'un scooter Métropolis portant selon elle atteinte à ses droits de propriété intellectuelle, la société PIAGGIO a fait exécuter, après y avoir été autorisée le 13 mars 2015, une saisie-contrefaçon, au siège des Etablissements PEUGEOT MOTOCYCLES à MANDEURE (25), suivant procès-verbal du 08 avril 2015 et a, par acte du 06 mai 2015, fait assigner la même devant ce tribunal, en contrefaçon des revendications 1, 2, 7 à 9 de la partie française du brevet EP 1 363 794, des revendications 1, 3 et 5 de la partie française du brevet EP 1 561 612, des revendications 1, 2 et 3 de la partie française du brevet européen EP 1 571 016, des revendications 1 à 4, 6, 9 et 10 de la partie française du brevet européen EP 1 635 234, ainsi qu'en contrefaçon du dessin et modèle communautaire no 487723-0001 ou subsidiairement en concurrence déloyale, et en parasitisme.
Par ordonnance du 14 avril 2016, le juge de la mise en état a notamment ordonné un sursis à statuer du fait d'oppositions pendantes devant l'OEB, formées par les sociétés Peugeot et Yamaha, à l'encontre du brevet EP 234. La décision de la Division d'opposition de l'OEB étant intervenue le 20 décembre 2016, mais contestée par les deux parties, devant la chambre des recours, le juge de la mise en état a refusé, par ordonnance du 19 octobre 2017 à laquelle il convient de se référer, d'ordonner un nouveau sursis et a désigné [Z] [F] en qualité d'expert, pour procéder à une expertise de tri des pièces collectées dans le cadre de la saisie-contrefaçon.
Le rapport d'expertise a été déposé le 13 février 2018.

La chambre des recours de l'Office européen des brevets a révoqué le brevet EP 234, le 17 juillet 2018, au motif que la revendication 1 était dépourvue de nouveauté.

Des procédures sont en cours devant le tribunal de Milan entre la société PIAGGIO et la filiale italienne de la société PEUGEOT, en contrefaçon des mêmes brevets et en nullité du brevet EP 612, des expertises ayant été ordonnées et ayant conclu à la validité des trois brevets opposés et à la contrefaçon des revendications 1, 2 et 5 du brevet EP 612 et à la contrefaçon des revendications 2, 3 à 16 du même brevet.
Le tribunal de Milan a également déclaré valables les brevets EP 794 et 016, par décision du 21 juillet 2020, mais a rejeté les demandes en contrefaçon de ces brevets et du dessin et modèle communautaire. La cour d'appel de Milan a été saisie d'un recours (première audience le 17 février 2021).

La société PIAGGIO a fait signifier par voie électronique ses dernières conclusions le 28 janvier 2021, sollicitant du tribunal de :
Vu les articles L. 613-3, L. 615-1, L. 615-5-2, L. 615-7, L. 615-7-1, L. 513-4, L. 521-5, L. 521-7 et L. 521-8 du code de la propriété intellectuelle,
Vu l'article 1240 du code civil,
Vu les brevets européens EP 1 363 794 B1, EP 1 561 612 B1 et EP 1 571 016,
Vu le modèle communautaire no487723-0001,
A TITRE PRINCIPAL
-Dire et juger que la demande reconventionnelle en annulation formée par la société PEUGEOT MOTOCYCLES SAS en date du 18 octobre 2018 est irrecevable dès lors qu'elle est prescrite et infondée, en conséquence,
-Constater la validité des revendications 1, 2, 7, 8 et 9 du brevet européen EP 1 363 794, des revendications 1 à 5, 9, 12, 13, 15 et 16 du brevet européen EP 1 561 612, et des revendications 1, 2 et 3 du brevet européen EP 1 571 016,

-Dire et juger que le procès-verbal de saisie-contrefaçon réalisé par Me [W] [J], Huissier de justice, en date du 8 avril 2015 et signifié le 14 avril 2015, est valable, tout comme le rapport établi de manière subséquente par Monsieur [Z] [F] le 13 février 2018,
-Dire et juger au regard des trois versions du scooter Métropolis, que la société PEUGEOT MOTOCYCLES SAS se rend coupable de la contrefaçon :
-des droits issus de la partie française du brevet européen EP 1 363 794, et en particulier des revendications 1, 2, 7 et 8,
-des droits issus de la partie française du brevet européen EP 1 561 612, et en particulier des revendications 1 à 5, 9, 12, 13, 15 et 16,
-des droits issus de la partie française du brevet européen EP 1 571 016, et en particulier des revendications 1, 2 et 3,
-Dire et juger au regard des deux premières versions du scooter Métropolis, que la société PEUGEOT MOTOCYCLES SAS se rend coupable de la contrefaçon des droits issus du modèle communautaire no 487723-0001,
-Dire et juger que la société PEUGEOT MOTOCYCLES SAS se rend coupable d'actes de concurrence parasitaire à l'encontre de la société PIAGGIO S.p.A,
En conséquence :
-Condamner la société PEUGEOT MOTOCYCLES SAS, à payer à la société PIAGGIO S.p.A., en réparation du préjudice qui lui est causé par la contrefaçon des brevets européens EP 1 363 794, EP 1 561 612 et EP 1 571 016, et de son modèle communautaire no 487723-0001, la somme de 15.000.000 euros à titre de dommages et intérêts provisionnels,
-Condamner la société PEUGEOT MOTOCYCLES SAS, à payer à la société PIAGGIO S.p.A., en réparation du préjudice du fait distinct des actes de concurrence parasitaire, la somme de 500.000 euros à titre de dommages et intérêts provisionnels,

A TITRE SUBSIDIAIRE,
-Dire et juger que la société PEUGEOT MOTOCYCLES SAS se rend coupable d'actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société PIAGGIO S.p.A,
En conséquence :
-Condamner la société PEUGEOT MOTOCYCLES SAS, à payer à la société PIAGGIO S.p.A., en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale, la somme de 15.000.000 euros à titre de dommages et intérêts provisionnels,

EN TOUT ETAT DE CAUSE,
-Débouter la société PEUGEOT MOTOCYCLES SAS de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
-Interdire à la société PEUGEOT MOTOCYCLES SAS la poursuite des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale et parasitaire et notamment, la fabrication, production, reproduction, promotion, commercialisation, mise sur le marché, vente, importation, exportation, utilisation et/ou détention en Europe sous quelque forme et manière que ce soit, de tout véhicule à trois roues contrefaisant les revendications 1, 2, 7 et 8 de la partie française du brevet EP 1 363 794 B1, les revendications 1 à 5, 9, 12, 13, 15 et 16 de la partie française du brevet EP 1 561 612 B1 et les revendications 1, 2 et 3 de la partie française du brevet EP 1 571 016 B1 et le modèle communautaire no 487723-0001, et ce, sous astreinte de 1.000 euros par produit fabriqué, importé, offert en vente, vendu, utilisé ou détenu, à compter de la signification du jugement à intervenir,
-Ordonner le rappel des circuits commerciaux et la remise à la société PIAGGIO S.p.A., aux frais de la défenderesse, de tout véhicule contrefaisant les revendications 1, 2, 7 et 8 de la partie française du brevet EP 1 363 794 B1, les revendications 1 à 5, 9, 12, 13, 15 et 16 de la partie française du brevet EP 1 561 612 B1 et les revendications 1, 2 et 3 de la partie française du brevet EP 1 571 016 B1, en possession de la défenderesse à la date du jugement à intervenir et assortir cette mesure d'une astreinte de 10.000 euros par jour de retard passé un délai d'un mois suivant la signification du jugement à intervenir,
-Enjoindre à la société PEUGEOT MOTOCYCLES SAS de communiquer, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard, dans un délai d'un mois à compter de la signification du jugement à intervenir, les informations ou documents suivants :
-les nom et adresse des fabricants, distributeurs, fournisseurs du modèle de commande (UCE) argué de contrefaçon,
-les quantités produites et commercialisées de scooter Métropolis en [M] depuis sa première commercialisation,
-ainsi que sur le prix obtenu pour les scooters et la marge bénéficiaire réalisée, avec le détail des marges brutes et des marges nettes réalisées en [M] depuis sa première commercialisation,
-Dire que ces documents et informations comptables et financiers devront être certifiés par un cabinet d'expertise-comptable,
-Ordonner à titre de dommages et intérêts complémentaires, la publication par extrait du jugement à intervenir dans cinq journaux, revues et/ou périodiques du choix de la demanderesse, aux frais exclusifs de la société PEUGEOT MOTOCYCLES SAS, sans que le coût de chacune de ces insertions puisse excéder la somme de 10.000 euros Hors Taxes,
-Ordonner la publication du jugement à intervenir sur la page d'accueil du site Internet de la société PEUGEOT MOTOCYCLES SAS et ce, pendant une durée de 6 mois, aux seuls frais de la société PEUGEOT MOTOCYCLES SAS, sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, et autoriser la publication du jugement sur le propre site Internet de la société PIAGGIO S.p.A,
-Condamner la société PEUGEOT MOTOCYCLES SAS, à payer à la société PIAGGIO S.p.A. la somme de 200.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-La condamner aux entiers dépens, y compris les coûts de la saisie-contrefaçon,
-Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

La société PEUGEOT MOTOCYCLES SAS a fait signifier par voie électronique ses dernières écritures no 6, le 04 mars 2021, aux termes desquelles elle demande au tribunal de :
Vu les articles L. 613-3 et suivants, l'article L. 614-12 du code de la propriété intellectuelle, ensemble l'article 138(1) de la Convention sur le brevet européen et les articles L. 615-5 et suivants du code de la propriété intellectuelle,
Vu l'article 1240 du code civil et les articles 699 et 700 du code de procédure civile,
-Annuler le procès-verbal de saisie-contrefaçon établi par Maître [W] [J] le 14 avril 2015,
-Annuler en conséquence le rapport établi par M. [Z] [F] le 13 février 2018,
-Ordonner la restitution à la société PEUGEOT MOTOCYCLES SAS des documents et pièces saisis par Maître [W] [J] le 14 avril 2015, et en particulier les documents « pièces no4 à 8 » de l'annexe 4 du procès-verbal de saisie-contrefaçon saisies par Maître [W] [J] le 14 avril 2015 et ensuite remises à M. [Z] [F], que ces documents et pièces soient détenus par la société PIAGGIO et C S.p.A, ses conseils, Maître [W] [J] ou encore M. [Z] [F], sous astreinte de 1.000 euros (mille euros) par jour passé un délai de sept jours suivant la signification du jugement à intervenir,
-Interdire à la société PIAGGIO et C S.p.A d'utiliser toute information, document, pièce issue de la saisie-contrefaçon, en ce compris le procès-verbal de saisie contrefaçon et le rapport de M. [F],
-Interdire en particulier leur utilisation sous quelle forme que ce soit dans tout litige opposant la société PIAGGIO et C.S.p.A à la société PEUGEOT MOTOCYCLES SAS ou ses sociétés affiliées, tels que les litiges pendants en Italie ; assortir cette interdiction d'une astreinte de 100.000 euros (cent mille euros) par infraction constatée,
-Dire la société PIAGGIO et C. S.p.A irrecevable (et en tout état de cause mal fondée) en ses demandes fondées sur les droits issus de la partie française de ses brevets ou sur la contrefaçon de ses brevets européens, autres qu'en ses demandes fondées sur des revendications identifiées des parties françaises de ces brevets,
-Débouter la société PIAGGIO et C. S.p.A de ses demandes en contrefaçon des revendications 1, 2 et 3 de la partie française du brevet EP-B-1 571 016 par les véhicules Métropolis I, II et III ; subsidiairement, annuler les revendications 1, 2 et 3 de la partie française du brevet EP 1 571 016,
-Annuler les revendications 1 à 5, 9, 12, 13, 15 et 16 de la partie française du brevet EP 1 561 612,
Subsidiairement,
Dire la société PIAGGIO et C. S.p.A irrecevable en sa demande en contrefaçon de la revendication 12 de la partie française du brevet EP1 561 612,
Débouter la société PIAGGIO et C. S.p.A de ses demandes en contrefaçon des revendications 1 à 5, 9, 12, 13, 15 et 16 de la partie française du brevet EP1 561 612 par les véhicules Métropolis I, II et III,

-Débouter la société PIAGGIO et C. S.p.A de ses demandes en contrefaçon des revendications 1, 2, 7 et 8 de la partie française du brevet EP-B-1 363 794 par les véhicules Métropolis I, II et III ; subsidiairement, annuler les revendications 1, 2, 7 et 8 de la partie française du brevet EP-B-1 363 794,
-Débouter la société PIAGGIO et C. S.p.A de ses demandes en contrefaçon du modèle communautaire no487723-0001 par les véhicules Métropolis I, II et III et de ses demandes en concurrence déloyale et parasitaire,
-Débouter la société PIAGGIO et C. S.p.A du reste de ses demandes,
-Ordonner la transmission du jugement à intervenir à l'INPI aux fins d'inscription auprès du Registre national des brevets,
-Condamner la société PIAGGIO et C. S.p.A à payer à la société PEUGEOT MOTOCYCLES SAS la somme de 100 000 euros (cent mille euros) au titre de l'article 1240 du code civil, pour procédure abusive,
-Condamner la société PIAGGIO et C. S.p.A à payer à la société PEUGEOT MOTOCYCLES SAS la somme de 570 000 euros (cinq cent soixante-dix mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; assortir cette condamnation de l'exécution provisoire,
-Condamner la société PIAGGIO et C. S.p.A aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître DESROUSSEAUX, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 11 mars 2021 et l'affaire plaidée les 02 et 03 juin 2021.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait référence aux écritures précitées des parties, pour l'exposé de leurs prétentions respectives et les moyens qui y ont été développés.

MOTIFS DE LA DECISION

I- sur la validité des opérations de saisie-contrefaçon

La société PEUGEOT poursuit la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 08 avril 2015, pour absence de preuve de l'atteinte vraisemblable aux droits du titulaire lors de la présentation de la requête, partialité de l'expert ayant assisté l'huissier et révocation ultérieure du brevet EP 243.

La société PIAGGIO conclut au rejet de ces moyens. Les décisions invoquées pour fonder le moyen tiré de l'impartialité de l'expert accompagnant l'huissier ne sont pas applicables ni transposables et ont été depuis réformées, alors qu'en l'espèce, l'avis de celui-ci, préalablement aux opérations de saisie, n'est qu'une opinion technique d'un cabinet de conseil en propriété industrielle, lequel n'a procédé à aucun test, qui ne saurait être assimilée à une expertise privée.

En ce qui concerne l'insuffisance alléguée des éléments de preuve de l'atteinte invoquée et la présentation déloyale des faits, lors de la soumission de la requête aux fins d'autorisation de procéder à une saisie-contrefaçon, la société PIAGGIO répond que la requérante n'a pas à rapporter la preuve ou un commencement de preuve des faits que la mesure probatoire est justement destinée à établir et qu'en outre, le juge des requêtes disposait des éléments suffisants pour apprécier les conditions et l'opportunité de la mesure, notamment par la communication de l'avis technique de son conseil en propriété intellectuelle. Enfin, la révocation d'un des brevets postérieurement aux opérations de saisie-contrefaçon, ne prive pas de fondement l'ordonnance ayant autorisé la saisie, ni les opérations subséquentes, puisque celles-ci étaient fondées sur trois autres brevets et un dessin et modèle communautaire, toujours en vigueur.

Sur ce,
Il est admis que le juge du fond saisi de l'affaire peut annuler un procès-verbal de saisie-contrefaçon, y compris même pour des motifs tirés des conditions de délivrance de l'ordonnance, lorsqu'il est amené à apprécier la régularité des éléments de preuve qui lui sont soumis (Cass.com 15 mars 2015 no 13-15862).
1- sur le défaut d'impartialité de l'expert
La société PEUGEOT soutient que l'ordonnance ayant autorisé la saisie-contrefaçon est nulle car elle porte autorisation faite à l'huissier instrumentaire de se faire assister du conseil en propriété industrielle du cabinet [H], dont l'opinion a été soumise au juge lors de la présentation de la requête, de sorte que celui-ci est désigné comme expert judiciaire, alors qu'il est intervenu précédemment pour le compte de la société PIAGGIO, ce qui constitue une atteinte au principe d'impartialité exigé par la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales, qui impose la nécessaire indépendance des intervenants, y compris de l'avocat stagiaire au cabinet de l'avocat de la saisissante, dans la collecte de preuve.
La société PIAGGIO s'oppose à cette argumentation, soutenant d'une part que la saisie-contrefaçon litigieuse a été pratiquée conformément aux principes applicables au moment de sa réalisation (antérieurement à ces décisions judiciaires), que d'autre part, l'hypothèse d'un constat d'achat n'est pas celle de l'espèce et qu'enfin la décision relative à l'indépendance du conseil en propriété industrielle sur laquelle la défenderesse se fonde, a été cassée et est du reste distincte de celle de l'espèce.
Sur ce,
En l'espèce, le conseil en propriété industrielle a donné exclusivement un avis technique, correspondant à une première analyse sur la base du manuel technique et d'entretien du scooter litigieux, sans effectuer de test et qui ne saurait être assimilé à une expertise privée, alors que ce professionnel exerce une activité indépendante, soumise à des règles déontologiques propres et peut parfaitement être désigné comme expert, fut-il le conseil habituel du saisissant.

En outre, selon le dernier état de la jurisprudence, le fait que le conseil en propriété industrielle de la partie saisissante ait, à l'initiative de celle-ci, établi un rapport décrivant les caractéristiques du produit incriminé ne fait pas obstacle à sa désignation ultérieure, sur la demande du saisissant, en qualité d'expert pour assister l'huissier dans le cadre d'une saisie-contrefaçon de brevet, sa mission n'étant pas soumise au devoir d'impartialité et ne constituant pas une expertise au sens des articles 232 et suivants du code de procédure civile (Cass. com 27 mars 2019 pourvoi no H 18-15.005 et cour d'appel de Paris sur renvoi pôle 5-2 , 06 novembre 2020 no 19-15536).
Le moyen sera donc rejeté.

2-sur l'absence de preuves raisonnablement accessibles et la déloyauté
Exposant que le requérant à la saisie se doit d'étayer les atteintes alléguées par un minimum de pièces et apporter un commencement de preuve de l'existence de celles-ci, conformément aux dispositions des articles 497 du code de procédure civile et L. 615-5 du code de la propriété intellectuelle interprété à la lumière de l'article 7-1 de la Directive 2004/48, la société PEUGEOT soutient que la société saisissante, qui s'est contentée de fournir un avis peu détaillé contenant des affirmations gratuites non corroborées, s'est abstenue d'apporter un début de preuve et d'informer le juge des requêtes de l'existence d'une demande de brevet de la société PIAGGIO, sur laquelle l'OEB s'est fondé pour révoquer le brevet, de sorte qu'elle estime que la requête a été utilisée pour collecter des informations de la concurrence et que les opérations de saisie-contrefaçon doivent être annulées.
La société PIAGGIO s'y oppose, soutenant qu'il ne lui incombe pas au stade de la requête, d'établir la preuve de la contrefaçon, alors en tout état de cause, que les éléments qu'elle a soumis au juge étaient suffisants, notamment après qu'elle a produit l'avis technique conformément aux exigences de celui-ci.
Sur ce,
La saisie-contrefaçon, moyen de preuve spécifique, procédure exorbitante du droit commun, non contradictoire, a une finalité exclusivement probatoire et est de droit, dès lors que le requérant présente un intérêt et une qualité à agir et qu'il produit des éléments raisonnablement accessibles, établissant par un minimum de pièces la réalité de l'atteinte alléguée, sans toutefois nécessiter d'apporter la preuve ou un commencement de preuve de celle-ci, que la mesure est justement destinée à établir. Il suffit que soient mentionnées les atteintes suspectées à ses droits, au vu des éléments dont il avait connaissance, lors de la présentation de la requête.
En l'occurrence, la société PIAGGIO a, lors de la présentation de la requête (pièce PIAGGIO no 40 et pièce PEUGEOT no 39), justifié de sa qualité de titulaire des titres en vigueur qu'elle opposait, a identifié les revendications de chacun des titres invoqués et leur reproduction suspectée au vu du manuel technique du scooter PEUGEOT et de l'avis technique de son conseil en propriété industrielle, quand bien même celui-ci est rédigé en des termes prudents et mesurés, ces éléments étant suffisamment circonstanciés et concordants pour établir la vraisemblance des faits soupçonnés, sans qu'il ne lui incombe d'établir la preuve de la matérialité de l'atteinte alléguée ou même un commencement de preuve de celle-ci.

Aucune déloyauté n'est par ailleurs caractérisée dans l'abstention du requérant de mentionner dans le cadre de la présentation de la requête une demande de brevet distinct , quand bien même celle-ci sera utilisée ultérieurement par l'OEB pour révoquer un brevet de la société italienne.
Ce moyen sera en conséquence écarté.

3-sur les conséquences de la révocation du brevet EP 234

La société PEUGEOT soutient que la révocation ultérieure d'un des brevets ayant servi de support à la requête aux fins de saisie-contrefaçon, à savoir EP 234, a pour effet de rendre nulles l'ordonnance aux fins de saisie-contrefaçon et la saisie, en intégralité, dès lors que ne peuvent être distingués comme en l'espèce, les éléments obtenus, en fonction du titre invoqué.
La société PIAGGIO expose pour sa part que l'annulation postérieure d'un, voire plusieurs titres, dans l'hypothèse où la mesure probatoire est fondée sur une pluralité de titres, n'affecte pas nécessairement la saisie-contrefaçon qui demeure valable, tant que l'un au moins des titres reste valable et en l'occurrence un seul brevet a été révoqué alors que la mesure était également fondée sur trois autres brevets et un dessin et modèle communautaire.

Sur ce,
Le brevet EP 1635 234-B1 concerne un « système de contrôle électronique d'exploitation d'un véhicule » et notamment une unité électronique capable de gérer d'une façon correcte et sûre, l'activation et la désactivation d'un groupe de fonctionnement d'un véhicule, par exemple d'un groupe de stationnement d'un véhicule à trois roues dont deux roues directrices.
Ce brevet, invoqué par la société PIAGGIO avec d'autres titres, au soutien de la requête aux fins d'autorisation de pratiquer une saisie-contrefaçon, a certes été annulé postérieurement. Toutefois, en dépit du fait que le procès-verbal de saisie-contrefaçon n'affecte pas, titre par titre, les documents appréhendés, il n'existe aucun motif d'annuler l'intégralité de la saisie, dès lors que la requête était également fondée sur trois autres brevets et un dessin et modèle communautaire, toujours en vigueur et tous destinés à être mis en oeuvre dans un seul et même produit, à savoir un scooter.
Cette demande d'annulation sera rejetée.
Il n'existe en conséquence, aucun motif d'annuler l'ordonnance ayant autorisé la mesure d'investigation, ni les opérations et actes subséquents et par suite de faire droit aux demandes accessoires formées à ce titre par la société PEUGEOT (interdiction d'usage des éléments collectés, annulation de l'expertise de tri de l'expert [Z] [F], etc.).

II- Sur la contrefaçon des brevets

1 -Sur la prescription des demandes reconventionnelles en annulation de brevet

La société PIAGGIO soutient que la demande reconventionnelle en annulation des brevets opposés, formée pour la première fois par la société PEUGEOT le 18 octobre 2018, qui constitue non pas une simple défense au fond, mais une véritable demande, est soumise au délai de prescription quinquennal issu de l'article 2224 du code civil, dont le point de départ doit être fixé à la date de la publication de la demande de brevet ou à la date de la publication de la délivrance du brevet.
Une telle action, formée plus de cinq années après ces dates, est donc prescrite.
En outre, compte tenu de ses propres travaux et de l'état d'avancement quant au développement du scooter Métropolis à trois roues, il est établi que la société PEUGEOT, laquelle a déposé un brevet en juillet 2012 et a présenté cet engin dans les salons professionnels en 2012, manifestait un intérêt pour ce type de véhicules dès 2008 et ne pouvait donc ignorer les brevets déposés par la concurrence et notamment par la société PIAGGIO, leader sur le marché des scooters à trois roues depuis 2006.
La société PIAGGIO en déduit que si la société PEUGEOT demeure fondée à invoquer la prétendue nullité des brevets de la société PIAGGIO à titre de défense au grief de contrefaçon, ces demandes en annulation formées au mois d'octobre 2018, sont désormais prescrites. En effet selon elle, les nouvelles dispositions de l'article L. 615-8-1 du code de la propriété intellectuelle, instituant l'imprescriptibilité de l'action en nullité de brevet, issu de la loi no 2019-486 du 22 mai 2019, ne sont pas applicables au litige, puisque la prescription était déjà acquise sous l'empire du texte antérieurement applicable.

La société PEUGEOT expose pour sa part, qu'en vertu de l'article précité issu de la loi dite PACTE, qui s'applique aux titres en vigueur au jour de la publication de la loi, y compris ceux pour lesquels la prescription était déjà acquise sous l'empire de l'ancien droit, dès lors que le législateur n'a fait aucune distinction entre les titres et a souhaité mettre fin à une jurisprudence divergente sur ce point, l'action en nullité du brevet n'est désormais soumise à aucune prescription.
En outre, la nullité est invoquée par voie d'exception, elle est donc imprescriptible.

Sur ce,
En application des dispositions de l'article 124 de la loi PACTE du 22 mai 2019, portant modification du code de la propriété intellectuelle, les actions en nullité des titres de propriété industrielle ne sont désormais soumises à aucune prescription et notamment en ce qui concerne le brevet (article L. 615-8-1 nouveau du code de la propriété intellectuelle) et ces dispositions « s'appliquent aux titres en vigueur au jour de la publication de la présente loi. Ils [elles] sont sans effet sur les décisions ayant force de chose jugée » (article 124-III).

Ces mesures ont pour objet de mettre fin à la jurisprudence appliquant une prescription quinquennale aux actions de ce type et doivent nécessairement s'interpréter, compte tenu de la volonté du législateur de faire disparaître tous les titres nuls, comme s'appliquant à toutes les actions en nullité relatives à des brevets, y compris celles qui auraient été prescrites sous l'empire de l'ancien droit, sauf l'impossibilité de remise en cause des décisions d'annulation du titre par décision passée en force de chose jugée (pièce Peugeot no 175).

Dès lors l'action en nullité des brevets formée par la société PEUGEOT, au demeurant par voie d'exception, n'est pas prescrite.

Le Brevet EP 1 363 794

1- Sur la portée du brevet
Le brevet européen EP 1 363 794 (EP 794), dont la demande a été déposée le 27 février 2001, au nom de la société de droit italien APRILIA SpA, qui l'a transféré à la société PIAGGIO, délivré le 24 mai 2006, intitulé «Véhicule à trois roues avec système de suspension à inclinaison », dont la partie française a été limitée le 28 mai 2019, porte sur un dispositif automatique permettant notamment le blocage de l'inclinaison latérale d'une paire de roues rotatives d'un véhicule à moteur à trois roues ou plus.
Le dispositif est destiné à bloquer l'inclinaison, c'est-à-dire le mouvement de roulis ou de basculement latéral, d'une paire de roues de roulement d'un véhicule thermique ou électrique, à trois roues ou plus [page 1 lignes 3-5]. De tels dispositifs de blocage sont connus de l'art antérieur, mais ils sont « cependant actionnés ou libérés (...) brusquement » et « d'une manière indépendante de l'état momentané du véhicule et de ses conditions de configuration », sauf une vitesse de marche nulle ou très basse [page 2 lignes 14 et s. et lignes 20 et s.], de sorte que du fait « de ces deux caractéristiques, le véhicule est assez difficile à conduire » [page 2 lignes 8-13].
Il s'agit donc, pour pallier ces inconvénients, de fournir un dispositif automatique amélioré de blocage des roues de ce type d'engins et qui soit fiable et facile à utiliser [page 2 lignes 25-29].
L'invention concerne un véhicule à trois roues, qui comporte un mécanisme de liaison des roues constitué d'une structure en treillis, soudé au cadre du véhicule, lequel comprend deux paires de barres rigides disposées l'une sur l'autre, ayant une forme bifurquée, des éléments rigides qui portent les fusées des roues et deux paires d'articulation sphériques. Il permet aux roues de prendre en charge la direction, mais aussi leur inclinaison, c'est-à-dire le roulis [page 3 lignes 20 à 32 et page 4 lignes 1 à 4].
Le dispositif de blocage, agissant sur le mécanisme de liaison des roues est un système hydraulique comportant des vannes à double voie proportionnelles.
Il comprend :
-deux cylindres à piston à double action, dont chacun est relié à la barre supérieure du mécanisme de liaison des roues précédemment décrit, reliée respectivement à la roue gauche et à la roue droite [page 4 lignes 9 à 12],
-une première paire de tuyaux d'huile reliés à un premier bloc de maintien, enfermant des premières vannes hydrauliques à double voie proportionnelles et alimentant le premier cylindre à piston [page 4 lignes 13 à 24],
-une deuxième paire de tuyaux d'huile reliés à un deuxième bloc de maintien pour alimenter le deuxième cylindre à piston, selon le même schéma [page 4 lignes 25 à 30].
Les deux blocs de maintien sont commandés par un module de commande, comportant notamment un microprocesseur, en fonction de signaux reçus relatifs à des paramètres d'état du véhicule (par exemple, vitesse, accélération, pression dans le circuit de freinage, soupape d'injection du carburant). Les signaux détectés par au moins deux capteurs permettent de commander les cylindres à piston, en fonction de la valeur de pourcentage de l'ouverture des vannes proportionnelles [page 5 lignes 12 et s.]. L'huile, qui va des réservoirs aux cylindres à double action, a un effet bloquant sur l'inclinaison des roues, en fonction du pourcentage d'ouverture des vannes proportionnelles [page 5 lignes 29 à 32]. Lorsque le véhicule accélère, les vannes à double voie proportionnelles s'ouvrent, ce qui permet à l'huile de s'écouler des cylindres. Il en résulte que l'effet bloquant cesse progressivement [page 6 lignes 19 à 23].

L'invention permet ainsi le passage en douceur du véhicule, d'une configuration d'équilibre instable à une configuration d'équilibre stable et inversement, en tenant compte des conditions momentanées du véhicule, telles que détectées par les capteurs [page 7 lignes 14 à 21].
Le fascicule du brevet contient trois figures : mécanisme de liaison des roues (fig.1), dispositif de blocage (fig.2) et schéma hydraulique (fig.3).
Le brevet tel que limité, comporte 9 revendications, la revendication 1 principale et les revendications 2 à 9 dépendantes. Les revendications 1, 2, 7 et 8 sont seules invoquées au soutien de l'action en contrefaçon et sont libellées comme suit :
- revendication 1 : « Véhicule à moteur avec au moins trois roues, dont au moins deux (2A, 2B) sont connectées l'une à l'autre par un mécanisme de liaison (20) leur permettant de s'incliner par rapport au plan central (PM) longitudinal, caractérisé en ce qu'il est équipé avec un dispositif automatique (10), comprenant :
-des moyens opérationnels (11A, 11B) appropriés pour agir sur des éléments (21A, 21B) dudit mécanisme de liaison (20), qui sont associés à chacune desdites roues rotatives (2A, 2B) de manière à bloquer l'inclinaison de ladite paire de roues (2A, 2B) ;
-un module de commande (50) qui utilise comme données d'entrée les signaux qu'il reçoit de capteurs (51) agencés de manière à détecter les paramètres d'état et de configuration du véhicule,ledit module de commande étant approprié pour traiter lesdites données d'entrée pour générer uniquement lorsque le véhicule est stoppé ou roule à une vitesse qui est inférieure à une limite prédéterminée, pour chaque combinaison de n 2 données d'entrée, un signal de sortie unique donnant lieu à un fonctionnement modulé desdits moyens opérationnels (11A, 11B), dans lequel le mécanisme de liaison(20) comprend :
-une première paire (21A, 21B) et une deuxième paire (22A, 22B) de tiges rigides superposées, qui semblent se présenter sous une forme bifurquée vues de dessus et sont pourvues de points d'oscillation centraux (31, 32) pour être supporté par une structure de type treillis )30( selon des axes )X, Y( parallèles l'un à l'autre et situés sur le plan médian )PM(;
-deux éléments rigides (23A, 23B) qui portent des axes (24A, 24B) des roues (2A, 2B); deux paires de joints à rotule (25A, 26A, 25B, 26B) entre les tiges (21A, 21B, 22A, 22B) et les éléments rigides (23A, 23B) ».

revendication 2 : « Véhicule à moteur selon la revendication 1, caractérisé en ce que, outre des capteurs de vitesse, sont connectés audit module de commande (50), afin de lui fournir leurs données d'entrée, des capteurs d'accélération et/ou des capteurs de pression de circuit de freinage et/ou des capteurs d'inclinaison et/ou des capteurs de direction et/ou des capteurs de débit de carburant ».
revendication 7 : « Véhicule à moteur selon l'une quelconque des revendications 1 à 3, caractérisé en ce que lesdits moyens opérationnels (11A, 11B) comprennent des moteurs électriques, préférablement du type pas-à-pas, dont chacun reçoit ledit signal de sortie traité par le module de commande (50), et des joints mécaniques associés agissant sur les éléments dudit mécanisme de liaison (20) ».
revendication 8 : « Véhicule à moteur selon la revendication 1, caractérisé en ce qu'il comprend des moyens connus per se pour afficher au moins une partie des signaux qui sont détectés par lesdits capteurs (51) et constituent les données d'entrée du module de commande (50) ».

L'objet du brevet est donc de proposer un dispositif de blocage, géré par un dispositif de commande, de l'inclinaison latérale du véhicule, en tenant compte de différents paramètres (condition d'état et de configuration du véhicule).
L'homme du métier défini par la société PEUGEOT, sans être contestée par la société PIAGGIO, est un ingénieur en automatique spécialisé en mécatronique (application de systèmes automatiques à des dispositifs mécaniques).

2- Sur la contrefaçon des revendications 1, 2, 7 et 8
La société PIAGGIO estime que le dispositif ECU anti-tilting dont est équipé le scooter Métropolis litigieux, comportant un mécanisme de liaison des roues, leur permettant de s'incliner par rapport au plan central longitudinal, ainsi qu'un module de commande utilisant des signaux de capteurs détectant les paramètres d'état et de configuration du véhicule, constitue une reproduction de la revendication 1, telle que limitée, et des revendications dépendantes 2, 7 et 8 du brevet EP794.

La société PEUGEOT conclut à titre principal à l'absence de reproduction des revendications invoquées, en constatant préalablement que l'absence de précision par le demandeur de ses demandes sur les revendications invoquées et sur les actes de contrefaçon rend irrecevables ces prétentions, mais cette prétention n'est toutefois pas reprise au dispositif des écritures du défendeur, de sorte que le tribunal n'en est donc pas régulièrement saisi.
Elle soutient ensuite que le scooter Métropolis ne reproduit pas la revendication 1 telle que délivrée, ni la revendication 1 limitée, notamment le fonctionnement modulé et proportionnel du système de blocage, puisqu'il utilise un étrier de frein, fonctionnant en « tout ou rien », ce que du reste le tribunal de Milan a admis. Les revendications dépendantes ne sont pas non plus reproduites.

-revendication 1
La revendication 1 telle que limitée concerne un véhicule à moteur qui comporte un mécanisme de liaison des roues leur permettant de s'incliner, ainsi qu'un dispositif automatique de commande associé au mécanisme de liaison des roues, qui permet grâce à la détection de différents paramètres d'état et de configuration du véhicule, un fonctionnement modulé, graduel et proportionnel, autorisant des positions intermédiaires déterminées, en considération du pourcentage d'ouverture des vannes proportionnelles. Indépendamment du tableau relatif au pourcentage d'ouverture des vannes à double voie proportionnelles, en fonction de la vitesse et de l'accélération du véhicule, fourni page 6 du brevet, donné à titre d'exemple, qui ne serait pas limitatif selon le breveté, le caractère progressif de la commande des cylindres à piston, en fonction des paramètres reçus et du pourcentage d'ouverture des vannes est présenté comme « une caractéristique fondamentale de la présente invention » (page 5 ligne 12).
Le scooter Métropolis comporte certes des capteurs de différents paramètres, destinés à adresser des signaux pour faire fonctionner le module de commande anti-basculement (pièce PIAGGIO no 60 constat d'huissier du 14 janvier 2019, page 7), mais ce scooter est équipé, afin de bloquer le mécanisme de liaison des roues, d'un étrier de frein, serrant deux demi-disques, selon deux états (ouvert/ fermé) et non pas selon une succession d'états intermédiaires déterminés, en fonction du pourcentage d'ouverture des vannes proportionnelles.
Si le serrage du frein, généré par le module de commande, est quasi-instantané, avec un jeu de quelques dixièmes, ainsi qu'il résulte des déclarations du saisi lors des opérations de saisie-contrefaçon, c'est-à-dire qu'il nécessite un bref temps de mise en oeuvre, il est sans progressivité et n'est donc pas modulé, progressif et proportionnel.
C'est du reste ce qu'en a conclu l'expert dans la procédure italienne qui, interprétant les termes « fonctionnement modulé » au vu de la description du brevet, constate sur le scooter Métropolis, un fonctionnement de type « on-off » des moyens opérationnels du scooter litigieux, qui ne constitue pas un fonctionnement graduel tel que revendiqué au brevet.
Ces considérations ne sont pas remises en cause par les essais unilatéraux réalisés par la société PIAGGIO (pièce no 62) elle-même, qui concernent des tests de tension de commande et ne démontrent aucunement un fonctionnement modulé du frein du Métropolis, si ce n'est la vitesse de fermeture du frein.
Le scooter Métropolis, à défaut de reproduire le module de commande générant un fonctionnement modulé des moyens opérationnels, en fonction d'un signal de sortie unique, tel que visé au titre appartenant au demandeur, ne contrefait pas la revendication 1 limitée du brevet EP 794.

-revendications 2, 7 et 8 dépendantes
Dès lors que la revendication 1 principale, n'est pas reproduite, les revendications 2, 7 et 8 invoquées, qui en sont dépendantes, ne sont pas non plus contrefaites par le scooter Métropolis de PEUGEOT.

3- Sur la validité du brevet EP 794
La société PEUGEOT poursuit subsidiairement la nullité de ce brevet, pour extension de l'objet de la revendication 1, pour défaut d'activité inventive, par rapport aux documents US 5 762 351 (US'351), US 4 484 648 (US'648) et WO 85 03678 (WO'678) et par rapport aux documents WO 9727071 (WO'071) et US 5 611 555 (US'555), ce que conteste la société PIAGGIO. Ces prétentions étant toutefois formées subsidiairement dans l'hypothèse où la matérialité de la contrefaçon aurait été retenue, elles sont en l'espèce devenues sans objet.

Le brevet EP 1 561 612
1-Sur la portée du brevet
Le brevet EP 612 (pièces PIAGGIO no 7 et 8), dont la demande a été déposée le 1er février 2005 par la société PIAGGIO, délivré le 2 septembre 2008, intitulé « Dispositif anti-roulis pour véhicules », concerne un dispositif anti-roulis pour véhicules à trois ou quatre roues, afin d'empêcher un mouvement d'oscillation d'un véhicule autour de son axe longitudinal (roll) et la chute latérale de l'engin, pendant les arrêts ou la marche à vitesse réduite. Mentionnant l'intérêt croissant pour les véhicules « hybrides » alliant à la fois les caractéristiques d'une motocyclette en terme de manipulation, avec la stabilité habituelle des véhicules à quatre roues, le fascicule du brevet décrit un véhicule à trois roues, déjà connu de l'art antérieur, comportant un système de direction avant basé sur une cinématique quadrilatère articulée (un quadrilatère articulé) [page 1 lignes 6 à 23], deux roues directrices avant et une roue arrière fixe et deux suspensions avant indépendantes, mais déplore le risque de basculement du quadrilatère articulé, dans certaines conditions de déplacement, comme celles d'une vitesse très faible ou à l'arrêt et en stationnement [page 1 lignes 25- 27].
Le brevet se propose donc, pour garantir tant la maniabilité d'un véhicule à deux roues, que la stabilité d'un véhicule à quatre roues, de fournir pour un engin à trois ou quatre roues, équipé d'un système de direction avant, doté d'une structure quadrilatère articulée et de deux suspensions indépendantes, un dispositif anti-roulis fiable et sûr [page 1 lignes 28 à 33 et page 2 lignes 1-2] et également simple et rentable [page 2 lignes 3-4], comprenant un élément d'arrêt, un élément de verrouillage et un groupe de stationnement [page 2 lignes 9 à 16]. La description suggère secondairement d'y associer, conjointement au blocage des roues, un dispositif d'arrêt de courses des suspensions avant.
Le véhicule concerné doté de deux roues directrices avant et d'une roue arrière, est ainsi équipé d'un système de direction avant à structure quadrilatère articulée [page 2 lignes 9-10 ; page 3 lignes 11-12], réalisé avec deux traverses horizontales rigides, reliées au cadre par le biais de tiges cylindriques reliées en leur centre et deux tubes disposés sur le côté des traverses horizontales et reliés aux suspensions avant indépendantes [page 3 lignes 12 à 14] ; les deux roues avant possèdent chacune une suspension indépendante, laquelle est dotée d'un amortisseur indépendant [page 3 lignes 9 et 10].
Le véhicule est équipé d'un dispositif anti-roulis qui comporte :
-un élément d'arrêt, qui peut être un disque de frein de type quadrant, solidaire de la traverse supérieure du quadrilatère [page 3 lignes 18 à 20 ; lignes 30-32], qui suit le mouvement du quadrilatère [page 4 ligne 1], muni d'un étrier [page 4 lignes 2 à 6] ;
-un élément de verrouillage qui verrouille la position de l'élément d'arrêt par rapport au cadre du véhicule et empêche le roulis [page 3 lignes 23-25],
-un groupe de stationnement, qui commande l'étrier, l'élément de verrouillage, qui se ferme sur le disque de frein et qui agit également sur les dispositifs d'arrêt de course des suspensions,
Il comporte également un dispositif d'arrêt de course de chacune des suspensions [page 3 lignes 26-27], qui comprennent chacune, un amortisseur doté de deux parties relativement coulissantes [page 3 lignes 30 à 32], d'une tige solidaire et d'un étrier de frein [page 4 lignes 14 à 22], et qui est activé par le groupe de stationnement précité.
Le fascicule du brevet comporte huit figures et seize revendications, dont une principale et les autres dépendantes. Les revendications 1 à 5, 9, 12 13, 15 et 16, seules opposées au soutien de l'action de la titulaire, sont libellées comme suit :
-revendication 1 : « Dispositif anti-roulis (1) pour un véhicule (100) du type équipé d'un système de direction avant avec une structure (41,42,37,36) quadrilatérale articulée et avec deux suspensions avant (34, 35) indépendantes, caractérisé en ce qu'il comprend au moins un élément d'arrêt (2), intégralement avec un élément de ladite structure quadrilatérale dans ses mouvements de roulis, au moins un élément de verrouillage (3) pour verrouiller la position dudit au moins un élément d'arrêt (2) empêchant les mouvements de roulis de ladite structure (41,42,37,36) quadrilatérale, et un groupe de stationnement (4) guidé par des moyens de commande (20) pour commander ledit élément de verrouillage ».
-revendication 2 : « Dispositif anti-roulis (1) selon la revendication 1, caractérisé en ce que ledit groupe de stationnement (4) agit aussi sur au moins un dispositif d'arrêt de course (14,14') desdites suspensions avant (34,35) ».
-revendication 3 : « Dispositif anti-roulis (1) selon les revendications 1 et 2, caractérisé en ce que ledit groupe de stationnement (4) agit aussi sur une mâchoire de frein (10) du frein arrière du véhicule ».
-revendication 4 : « Dispositif anti-roulis (1) selon l'une quelconque des revendications précédentes, caractérisé en ce que ledit groupe de stationnement (4) comprend un actionneur de stationnement (5) agissant sur une vis sans fin (19) pour activer une pompe (12) reliée à un système hydraulique (13) adapté à la commande dudit élément de verrouillage (3) et dudit élément d'arrêt de course (14) ».
-revendication 5 : « Dispositif anti-roulis (1) selon l'une quelconque des revendications précédentes, caractérisé en ce que ledit élément de verrouillage (3) comprend un élément (23) d'étrier fermement attaché au cadre dudit véhicule (100), commandé pour se fermer/s'ouvrir sur ledit élément d'arrêt (2) par ledit groupe de stationnement (4) »,
-revendication 9 : « Dispositif anti-roulis (1) selon l'une quelconque des revendications 2 à 7, caractérisé en ce que ledit actionneur (5) est un actionneur électromécanique ».

-revendication 12 : « Dispositif anti-roulis (1) selon la revendication 8, 10 ou 11, caractérisé en ce que lesdits moyens de commande (20) comprennent un dispositif de sécurité pour limiter la vitesse de rotation maximum du moteur avec l'élément de verrouillage (3) fermé ».

-revendication 13 : « Dispositif anti-roulis (1) selon la revendication 9, caractérisé en ce que lesdits moyens de commande (20) comprennent une unité de commande électronique adaptée pour commander automatiquement ledit actionneur (5) selon des paramètres de déplacement du véhicule (100) ».

-revendication 15 : « Dispositif anti-roulis (1) selon la revendication 9, caractérisé en ce que lesdits moyens de commande (20) comprennent au moins un capteur pour détecter des anomalies dans le système et un indicateur optique relié audit capteur d'anomalies pour indiquer visuellement lesdites anomalies au conducteur ».

-revendication 16 : « Dispositif anti-roulis (1) selon la revendication 13, 14 ou 15, caractérisé en ce que lesdits moyens de commande (20) comprennent un bouton pour l'actionnement dudit actionneur (5) et de l'élément de verrouillage (3) à la discrétion du conducteur ».

Outre l'ajout par l'examinateur de l'OEB, de la référence au brevet WO02/068228, l'art antérieur le plus proche mentionné au brevet et discuté par le breveté est le document IT2003MIA001108, qui concerne un tricycle à deux roues avant, comportant un parallélogramme unique, muni de deux suspensions pour chacune des roues avant, équipées d'amortisseurs également indépendants.
L'objet de la revendication principale du brevet est celui du blocage du quadrilatère du train avant du scooter, afin d'en éviter la déformation, laquelle occasionne le basculement latéral du scooter et le mouvement de roulis. En outre, il comporte un dispositif d'arrêt de course tel que visé à la revendication 2, permettant le blocage des suspensions, afin d'absorber les aspérités de la route, qui se distingue du mouvement de roulis, ces suspensions selon l'expert [E] (pièce PIAGGIO no59 bis page 35) n'ayant aucun rôle sur le blocage du parallélogramme articulé. Mais dès lors que cette fonction est mentionnée au brevet et est supportée par la description et est en outre clairement revendiquée à la revendication 2, la société PEUGEOT ne peut sérieusement soutenir que l'objet du brevet se limite à la seule résolution du basculement latéral de l'engin visé à la revendication 1.
Par ailleurs, la notion de « quadrilatère articulé », dès lors que le brevet mentionne au titre de l'art antérieur une structure unique (IT2003MIA001108) ou comportant deux quadrilatères (WO02/068228), peu important sa mention au singulier dans les revendications du brevet, doit s'entendre de manière souple comme s'étendant à toute solution dans laquelle au moins un quadrilatère est présent, comme le suggère l'expert [E] (pièce PIAGGIO no 59 bis page 9).
L'homme du métier est ici un ingénieur mécanicien spécialisé dans le domaine des véhicules légers, de deux à quatre roues.

2- Sur la validité des revendications 1 à 5, 9, 12 13, 15 et 16 opposées de EP 612
La société PEUGEOT poursuit la nullité de la revendication principale indépendante, pour insuffisance de description, défaut de nouveauté et subsidiairement, défaut d'activité inventive, ainsi que celle des revendications dépendantes, ce à quoi la société PIAGGIO s'oppose, rappelant que les experts désignés dans la procédure italienne ont, dans leurs rapports, estimé la revendication 1, nouvelle mais dépourvue d'activité inventive (ce qu'elle conteste) et la revendication 2, valable (pièces PIAGGIO no 44 et 59).

a/ sur la validité de la revendication 1
-insuffisance de description
La société défenderesse soutient que la structure quadrilatère est insuffisamment décrite et ne peut être reproduite, en ce qu'elle vise « au moins » un élément d'arrêt et « au moins » un élément de verrouillage, alors qu'un seul est nécessaire, la revendication d'une pluralité de ces éléments étant non justifiée et qu'en tout état de cause, le breveté ne peut revendiquer des réalisations qui ne sont pas décrites. Il n'est par ailleurs pas mentionné que les barres horizontales du parallélogramme doivent être rigides. Le titulaire ne peut revendiquer une structure à plusieurs quadrilatères, qui n'est pas supportée par la description ni par le texte de la revendication 1, qui désigne « une » structure quadrilatère articulée.
Sur ce,
L'article 138-1-b) de la CBE dispose que le brevet européen est déclaré nul par les tribunaux d'un État contractant « si le brevet européen n'expose pas l'invention de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter ».
En l'espèce, l'homme du métier tel qu'il a été défini précédemment, est en mesure, du fait de ses connaissances professionnelles dans le domaine, de modifier le nombre d'éléments d'arrêt et de verrouillage, quand bien même la description ne donne qu'un seul exemple de ceux-ci, et sait d'évidence qu'une structure quadrilatère articulée de ce type d'engins doit comporter nécessairement des barres horizontales rigides, en dépit de l'absence de précision sur ce point.
Le fait pour le breveté de revendiquer « plusieurs » structures articulées, alors que la revendication n'en désigne qu'« une » ne constitue pas un grief d'insuffisance de description, mais concerne la portée du brevet et le champ du monopole concédé au titulaire, qui ont été définis précédemment.
Ce moyen de nullité de la revendication 1, pour insuffisance de description, sera donc écarté.
-défaut de nouveauté au regard de DE 1 063 473 (DE 473)
Selon la société PEUGEOT, ce document publié le 13 août 1959, non cité dans le cadre de la procédure de délivrance du brevet EP 612 ou dans la procédure initiée en Italie, sans que l'on puisse ni invoquer l'ancienneté de ce document pour l'écarter, ni reprocher à la défenderesse une quelconque abstention à le soumettre à l'expert italien, divulgue toutes les caractéristiques de la revendication 1, rappelant que cette revendication ne porte pas sur le blocage des suspensions et contestant le surplus de l'argumentation développée par la société PIAGGIO.
Celle-ci soutient en réplique que le document invoqué qui permet certes le blocage de la structure quadrilatérale, n'empêche cependant pas le mouvement de roulis et ne constitue donc pas un dispositif anti-roulis, car il concerne un tricycle d'envergure large et de centre de gravité bas, comme pourrait l'être le modèle BRUDELI (sa pièce no 81) qui ne nécessite pas le blocage du mouvement de roulis et qui présente des différences structurelles et dimensionnelles par rapport à celles du scooter Métropolis. En outre, si l'homme du métier était incité à bloquer les amortisseurs de roues, ce verrouillage devrait intervenir simultanément au verrouillage de la structure, ce qui n'est pas non plus suggéré. Il n'est pas non plus fait référence au groupe de stationnement et aux moyens de commande.
L'article 54 de la Convention sur le brevet européen définit la nouveauté comme suit :« Une invention est considérée comme nouvelle si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique ».
Pour être comprise dans l'état de la technique et privée de nouveauté, l'invention doit se trouver toute entière et dans une seule antériorité au caractère certain avec les éléments qui la constituent, dans la même forme, avec le même agencement et le même fonctionnement en vue du même résultat technique.
La revendication 1 porte sur un dispositif anti-roulis, pour un véhicule comportant un quadrilatère articulé et deux suspensions avant indépendantes, qui comprend un élément d'arrêt, un élément de verrouillage et un groupe de stationnement.
Le brevet DE 473 délivré le 13 août 1959 (pièces PEUGEOT no 87 à 90) concerne un véhicule semblable à une motocyclette, comportant une roue avant ou arrière et deux roues directrices, disposées l'une à côté de l'autre, de manière symétrique autour de l'axe longitudinal et un parallélogramme de liaison disposé au centre entre les essieux des roues directrices (page 1 lignes 3 -8, page 2 lignes 20-25). Les deux corps d'essieux appartenant au parallélogramme sont amortis par des ressorts, dans le plan de symétrie des roues directrices [page 1 lignes 18-19].
La direction du véhicule et l'inclinaison des roues sont commandées séparément par des moyens distinct s, ce qui permet une tenue de route du véhicule indépendante des conditions du sol et des vibrations. Le déplacement du centre de gravité intervient de manière identique dans les deux sens, par le conducteur et par l'inclinaison des roues et permet d'éviter le risque d'accident par basculement du fait de la force centrifuge dans les virages. Le parallélogramme de liaison peut être bloqué dans une position quelconque par un dispositif de verrouillage (page 2 lignes 10-12), à savoir un patin de freinage, fixé sur la bielle, comportant un étrier et un bras (page 2 lignes 30-31), un câble, un levier d'actionnement du frein, le blocage et le ressort, afin que le châssis ne puisse s'incliner (page 3 lignes 6-7). Les corps d'essieu sont amortis dans le plan de symétrie des roues directrices par des ressorts (page 2 lignes 28-29).
Il ne peut être fait grief à la société PEUGEOT de ne pas avoir soumis ce document à l'expert italien même si on peut le déplorer, les opérations d'expertise étant certes avancées mais non pas clôturées, car l'expert donne certes un éclairage technique, utile pour le tribunal, mais son avis ne lie pas en tout état de cause celui-ci. De même, l'ancienneté du document opposé n'est pas un critère pertinent pour évaluer la nouveauté.

Pour apprécier la nouveauté de la revendication l, il est inopérant de constater l'absence de verrouillage des amortisseurs des roues qui n'y est pas revendiqué, conformément à ce qui a été dit précédemment relativement à la portée de cette revendication.
La structure décrite au brevet précité concerne un véhicule à trois roues avec deux roues directrices, qui comporte un quadrilatère articulé et deux suspensions avant indépendantes (les ressorts des corps d'essieu), muni d'un dispositif pour éviter le basculement de l'engin, lequel comporte un élément d'arrêt intégré à la structure quadrilatère (l'étrier de frein), un dispositif de verrouillage de celle-ci (le patin de freinage) et des moyens de commande (serrage et desserrage du frein d'immobilisation). Elle divulgue ainsi dans un seul et même document, l'ensemble des éléments de la revendication 1 du brevet EP 612, en vue du même résultat technique, à savoir un dispositif anti-roulis, afin d'éviter le basculement latéral de l'engin.

La société PIAGGIO soutient néanmoins, que compte tenu de l'assise, de l'envergure et du centre de gravité bas du véhicule décrit au brevet DE 473, qui peut être apparenté au modèle Brudeli Leaner 654 L Trike (pièce PIAGGIO no 81), le centre de gravité ne se situe jamais à l'extérieur des roues si le parallélogramme est bloqué, de sorte qu'il n'est pas nécessaire de bloquer complètement le roulis.
Toutefois, la société PIAGGIO se contente d'affirmations quant à l'identité du modèle Bruneli avec le tricycle décrit au brevet allemand et se fonde sur ses propres schémas et il importe peu de déterminer si le blocage du roulis est nécessaire ou non, dès lors qu'incontestablement le brevet DE473 revendique « d'éviter le risque d'accident par basculement du fait de la force centrifuge dans les virages », ce qui correspond strictement au mouvement de roulis, de sorte que le brevet allemand DE473 poursuit le même objectif et avec les mêmes moyens que ceux revendiqué au brevet EP 612.
La revendication 1 principale est donc antériorisée par le document DE 473 et se trouve dépourvue de nouveauté, et sera comme telle annulée.
-défaut d'activité inventive
Dès lors que la condition première de nouveauté n'est pas remplie, il n' y a pas lieu d'examiner le grief de défaut d'activité inventive, invoqué par la société PEUGEOT, au regard des huit documents opposés datés de 1921 à 1994, du prototype Tartatre de la société ITALJET sous la marque SCOOP et du document JP6171569.
b/ sur la validité des revendications 2 à 5, 9, 12, 13, 15 et 16
Après l'annulation de la revendication 1 principale, la revendication 2 devient indépendante et les autres revendications 3 à 16 sont dépendantes de la revendication 2.
? revendication 2
La société PEUGEOT soutient que cette revendication souffre d'insuffisance de description, tout comme la revendication 1 principale, et d'absence d'activité inventive, au regard du brevet WO 02/06228, également cité dans le brevet 1 571 016 qui lui est opposé, du brevet US 3 883 153, combiné avec le brevet DE 473.

La société PIAGGIO indique que cette revendication est nouvelle, dès lors que le document DE 473 ne prévoit ni ne suggère un dispositif d'arrêt des suspensions. Elle expose, sur le défaut d'activité inventive, que le document US 153 décrit un dispositif d'arrêt de course, non pas d'une suspension, mais d'un ressort, de sorte que, quand bien même l'homme du métier aurait été incité à le combiner avec DE 473, il ne serait pas parvenu à l'invention litigieuse. Elle ajoute que le brevet 1 571 016 et le document WO 02/06228 ne sont pas pertinents.

Sur ce,
En l'espèce, la revendication 2 ajoute à la fonction anti-roulis décrite à la revendication 1 un dispositif d'arrêt de course des suspensions, géré par le groupe de stationnement, permettant conjointement le blocage du quadrilatère articulé et l'arrêt de course des suspensions avant. La revendication 1 ayant été déclarée suffisamment décrite, la revendication 2 ne supporte pas le grief d'insuffisance de description.
En ce qui concerne le défaut d'activité inventive, le brevet WO 02106822 (pièce PEUGEOT no 62) enseigne un dispositif de blocage pour chaque suspension des roues d'un véhicule à trois roues ou plus.
Le brevet US 153 (pièces PEUGEOT no 74, 75 et 115), qui concerne un « appareil pour supprimer l'action de ressort entre les supports de roue et le bâti d'un véhicule », délivré le 13 mai 1975, divulgue un appareil pour annuler l'action du ressort entre les supports de roue et le bâti d'un véhicule et, particulièrement, un dispositif de suppression de ressort pour stabiliser deux supports de roue, pour éviter que le véhicule ne pique du nez au moment du freinage, par l'effet d'une extrême pression sur les roues avant du véhicule. Il permet d'empêcher l'enfoncement des ressorts avant du véhicule, coordonné avec l'action de freinage et de proposer un raccordement coulissant entre l'élément d'entretoise entre le châssis et le support d'essieu, au moyen d'une pince de freinage de type étrier actionnée par voie hydraulique. Il peut aussi bloquer les roues en relation fixe par rapport au châssis dans certaines conditions de conduite.
Il ne s'agit donc pas d'un dispositif d'arrêt de course de suspension, mais d'un ressort, lequel au demeurant ne poursuit aucunement l'objectif d'éviter un basculement latéral (dispositif anti-roulis) mais un basculement vers l'avant.
Il n'est donc nullement établi que l'homme du métier, partant du document DE 473 examiné précédemment, qui ne suggère aucunement la nécessité de verrouiller les amortisseurs des roues, non seulement aurait été incité à le combiner avec les enseignements du brevet US 153, mais également serait parvenu à l'invention qui suggère un dispositif permettant d'arrêter la course des amortisseurs, alors au surplus que les éléments de la structure de US 153 sont positionnés sur le cadre, tandis que ceux du brevet DE 473 en sont éloignés et que rien dans ces documents ne suggère la présence d'un groupe de stationnement qui gère tout à la fois l'élément de verrouillage et le dispositif d'arrêt de course.
En outre, l'expert [E] (pièce PIAGGIO no 59 bis, page 38) mentionne qu'une telle combinaison (blocage du quadrilatère et arrêt de la course des suspensions) n'apparaît pas évidente, car elle suppose d'une part, d'appliquer des suspensions indépendantes à un quadrilatère articulé (qui n'en a pas car les roues sont associées aux bras du quadrilatère et sont cinématiquement assujetties entre elles), ce qu'aucun document de l'art antérieur ne suggère, et d'autre part, de prévoir des dispositifs d'arrêt de course des suspensions indépendantes, actionnés par le même groupe opérationnel utilisé pour le blocage du quadrilatère, ce que l'art antérieur ne suggère pas non plus. L'expert estime ainsi que les effets obtenus par la combinaison des caractéristiques de la revendication 2 ne sont divulgués ni suggérés par aucun véhicule connu.
La revendication 2 devenue indépendante est donc valable.

? Revendication dépendantes 3 à 5, 9, 12, 13, 15 et 16
La revendication 2 ayant été déclarée valable, les revendications suivantes qui en sont dépendantes, qui portent sur des composants techniques, sont également valables.

3- Sur la contrefaçon des revendications du brevet EP 612
La société PIAGGIO soutient que le scooter Métropolis de la société PEUGEOT reproduit les revendications 1, 2 à 5, 9, 12, 13, 15 et 16 du brevet EP 612.
La société PEUGEOT soutient quant à elle que son scooter Métropolis ne reproduit pas la structure quadrilatère articulée unique (la sienne est double), ni les suspensions indépendantes visées au brevet EP 612, de sorte que le préambule de la revendication 1 n'est pas contrefait, ni encore la partie caractérisante de celle-ci, car il comporte non pas un, mais deux éléments de blocage du parallélogramme, sous forme de deux demi-disques.
Dans l'hypothèse où une conception extensive de la portée de la revendication 1 serait admise, la société PEUGEOT forme des motifs additionnels de nullité de la revendication 1, en invoquant le défaut de nouveauté au regard du scooter Italjet, ou au regard du brevet JP 6 171 569 et le défaut d'activité inventive en considération du document EP 1 180 476.
Elle conteste par ailleurs la reproduction des revendications dépendantes et conclut à l'irrecevabilité de la demande en contrefaçon de la revendication 12, laquelle dépend des revendications 8, 10 et 11 qui ne sont pas même invoquées.

Sur ce,
La revendication 1 ayant été déclarée nulle pour défaut de nouveauté, les demandes en contrefaçon formées par la société PIAGGIO à ce titre sont sans objet.
La revendication 2, devenue principale, est une combinaison de la revendication 1 annulée, à laquelle est ajouté l'arrêt de la course des suspensions indépendantes des roues et l'action du groupe de stationnement. La contrefaçon suppose donc que soient reproduites toutes les caractéristiques de ces deux revendications.
En l'occurrence, au vu des pièces produites (manuel technique, éléments recueillis au cours des opérations de saisie-contrefaçon, expertise de tri) et selon l'expertise [R] (pièce PIAGGIO no 44 bis, pages 146 et suivantes), et dès lors qu'il est considéré que le périmètre de protection s'étend à un véhicule qui comporte plusieurs quadrilatères articulés, le scooter Métropolis présente un système de direction, à double quadrilatères articulés, ainsi que deux suspensions indépendantes.
Il comporte un dispositif anti-roulis, réalisé grâce au blocage de la structure du quadrilatère, ainsi que deux éléments d'arrêt, lesquels sont constitués de deux demi-lunes qui sont liées aux bras supérieurs du double quadrilatère et un élément de verrouillage consistant en une pince qui verrouille la position des deux demi-lunes et qui assure le blocage du quadrilatère.
Il comprend un moteur électrique (anti-tilting) qui représente le groupe de stationnement au sens du brevet et est relié à un régulateur pour la commande de l'élément de verrouillage.
Les caractéristiques de la revendication 1 sont donc reproduites, auxquelles s'ajoutent l'action du groupe de stationnement sur le verrouillage des suspensions visé à la revendication 2, ces caractéristiques étant reproduites par le scooter Métropolis.
La revendication 2 est donc reproduite par le scooter PEUGEOT.
La revendication 3 décrit l'action du groupe de stationnement sur la mâchoire de frein du frein arrière du véhicule.
La société PIAGGIO expose qu'il résulte de la documentation d'atelier de l'engin (pièce [T] no 60 procès-verbal de constat du 14 janvier 2019 pages 7 et 10), que le calculateur anti-tilting (groupe de stationnement) du scooter Métropolis agit sur la mâchoire de frein du frein arrière et permet de desserrer les deux actionneurs (frein à main et anti-tilting) dans certaines situations. Toutefois, l'expert [R] constate que le système de verrouillage de l'inclinaison et le système de freinage ne sont pas actionnés simultanément, le frein disposant pour ce faire d'un moteur séparé.
La revendication 3 n'est donc pas contrefaite.
La revendication 4 concerne l'action du groupe de stationnement sur un actionneur de stationnement agissant sur une vis sans fin pour activer une pompe reliée au système hydraulique commandant l'élément de verrouillage et l'élément d'arrêt de course et la société PIAGGIO poursuit, en l'absence de système hydraulique sur le scooter PEUGEOT et de reproduction littérale de la revendication, la contrefaçon par équivalence.
Mais encore faut-il que la caractéristique prétendument reproduite par équivalence et reproduite par des moyens distincts mais en vue du même résultat, présente une fonction nouvelle, ce qui n'est pas démontré. L'expert [R] conclut du reste également à l'absence de reproduction de la revendication 4.
La revendication 5 décrit un élément de verrouillage comprenant un étrier fermement attaché au cadre du véhicule, commandé par le groupe de stationnement et le scooter Métropolis comporte bien un double élément à coulisse, qui agit sur les deux demi-lunes (élément d'arrêt) pour en bloquer le mouvement.
La revendication 5 est ainsi reproduite.
La revendication 9 caractérise l'actionneur comme étant électromagnétique. Cette revendication, même banale, est valable car combinée avec les revendications 2 à 7 dont elle est dépendante.
Et la société PEUGEOT, sauf à en dénoncer l'extrême banalité, ne conteste pas la reproduction de cette caractéristique.
La revendication 9 est donc reproduite.

En ce qui concerne la revendication 12, étant dépendante des revendications 8, 10 et 11 qui ne sont pas opposées, la demande en contrefaçon à ce titre est irrecevable.
Le surplus des revendications invoquées (13, 15 et 16) n'est pas reproduit selon l'expert [R].

Le brevet EP 1571 016
1-Sur la portée du brevet
Le brevet EP 016, dont la demande a été déposée par la société PIAGGIO le 1er février 2005, et qui a été délivré le 26 mars 2008, intitulé « Dispositif de verrouillage pour suspension de véhicule », porte sur un dispositif de verrouillage pour les suspensions d'un véhicule à deux, trois ou quatre roues, comprenant au moins un amortisseur ayant une première et une seconde partie, coulissantes l'une par rapport à l'autre.
La partie descriptive du titre mentionne que compte tenu de l'engouement pour ce type de véhicules hybrides et en considération du risque de chute du conducteur du fait d'une compensation excessive, il est nécessaire de prévoir un dispositif de verrouillage des suspensions, tel que connu de l'art antérieur, notamment le document WO 02/068228, afin de fournir un véhicule stable et fiable, quelle que soit la condition de déplacement ou à l'arrêt [page 1],qui garantisse la stabilité du véhicule, et qui soit simple et économique à produire [page 2 lignes 1 à 6].

Pour ce faire, l'invention propose un dispositif de verrouillage hydraulique (circuit et pompe actionnés par des moyens de commande) des suspensions du véhicule équipé d'au moins un amortisseur muni d'une première et deuxième portion pouvant coulisser l'une par rapport à l'autre et qui comprend un élément de broche solidaire de la première portion de l'amortisseur et apte à coulisser par rapport à un élément de coulisse solidaire de la deuxième portion de l'amortisseur et où l'élément de coulisse peut être actionné en fermeture pour verrouiller le coulissement de l'élément de broche et pour immobiliser la course de l'amortisseur [page 2 lignes 11 à 18]. L'élément de broche est rendu solidaire de la première portion de l'amortisseur grâce à une patte de support. L'élément de coulisse est rendu solidaire de la deuxième portion de l'amortisseur au moyen également d'une patte de support.
Le dispositif de verrouillage décrit au brevet, comporte un élément de broche solidaire de la première portion de l'amortisseur et un élément de coulisse solidaire de la deuxième portion de l'amortisseur. L'élément de broche peut coulisser axialement par rapport à l'élément de coulisse, lequel peut être actionné en fermeture pour verrouiller le coulissement de l'élément de broche et par conséquent la course de l'amortisseur. L'élément de broche est solidaire de la première portion de l'amortisseur par une patte de support [page 3 lignes 11 à 14 ; page 4 lignes 20 et s.].
L'élément de coulisse est quant à lui solidaire de la deuxième portion supérieure de l'amortisseur et comprend deux sabots de frein qui peuvent se fermer sur la broche par actionnement hydraulique.
Lorsque le véhicule circule, l'élément de broche coulisse librement axialement et permet à la suspension de fonctionner, en revanche l'actionnement manuel ou automatique de la coulisse provoque le verrouillage de la broche et l'impossibilité pour l'amortisseur de se contracter ou s'allonger [page 3 lignes 7 et suivants, page 4 lignes 1 à 3].
Le brevet comporte 4 figures (fig.1 : dispositif de verrouillage des suspensions, fig.2 et fig 3 : vue latérale en coupe du dispositif de verrouillage, fig.4 : vue en perspective du véhicule équipé du dispositif de verrouillage)

et cinq revendications, dont une principale et les autres dépendantes, les revendications 1 à 3, opposées au soutien de l'action en contrefaçon étant libellées comme suit :
-revendication 1: « Dispositif de verrouillage (1) pour la suspension d'un véhicule du type comprenant au moins un amortisseur (2) muni d'une première (3) et d'une seconde (4) portions pouvant coulisser l'une par rapport à l'autre, caractérisé en ce qu'il comprend un élément de broche (44) solidaire de ladite première portion de ladite suspension (3) et apte à coulisser par rapport à un élément de coulisse (45) solidaire de ladite seconde portion (4) de ladite suspension (2) et en ce que ledit élément de coulisse (45) peut être actionné en fermeture pour verrouiller le coulissement dudit élément de broche (44) et pour immobiliser la course de ladite suspension (2) ».
-revendication 2: « Dispositif de verrouillage (1) pour la suspension d'un véhicule, caractérisé en ce qu'il comprend au moins un élément de console (43) pour solidariser ledit élément de broche (44) avec ladite première portion (3) de ladite suspension (2) ».
-revendication 3: « Dispositif de verrouillage (1) pour la suspension d'un véhicule d'un véhicule, caractérisé en ce qu'il comprend au moins un élément de console (45) pour solidariser ledit élément de coulisse (45) avec ladite seconde portion (4) de ladite suspension (2) ».
L'objet du brevet est donc de proposer un dispositif de verrouillage des suspensions d'un véhicule, qui garantisse la stabilité du véhicule et qui soit simple et économique à produire.

Les parties s'opposent sur l'acception des termes « broche » et « solidaire », lesquels ne sont pas précisément définis au brevet. Toutefois, au sens commun, « la broche » est une tige métallique, non nécessairement cylindrique et le brevet indique que « l'élément de broche peut coulisser librement axialement par rapport à l'élément de coulisse » [page 3 lignes 30-31], ce qui implique nécessairement un mouvement axial, donc parallèle et rectiligne, tandis que l'adjectif « solidaire » qualifie des choses qui dépendent les unes des autres ou qui fonctionnent ensemble, le mouvement de l'une déclenchant le mouvement de l'autre, sans que ce mouvement ne soit nécessairement identique.
L'homme du métier est un ingénieur mécanicien, spécialisé dans le domaine des véhicules automobiles, quel qu'en soit le type.

2-sur la contrefaçon des revendications 1 à 3 du brevet EP 016
La société PIAGGIO estime contrefaite la revendication 1, en ce que le dispositif du scooter Métropolis comporte un amortisseur associé à un dispositif de verrouillage et que le blocage des deux demi-lunes au moyen d'une pince a pour effet de bloquer également les deux portions coulissantes de l'amortisseur, qui sont reliées aux deux demi-lunes par des étriers. Elle expose que l'élément de broche au sens du brevet est constitué d'un seul demi-disque, tandis que l'élément de coulisse est formé de l'autre demi-disque et du frein, chacun étant relié solidairement à l'un des demi-amortisseurs. L'actionnement en fermeture de l'élément de coulisse a pour effet de verrouiller le coulissement de l'élément de broche et d'immobiliser la course de la suspension.
Les revendications 2 et 3, qui prévoient un élément de console pour respectivement la broche et la première portion de suspension et l'élément de coulisse avec la seconde portion de suspension, sont également, selon elle, reproduites par le scooter de PEUGEOT.

La société PEUGEOT conteste la contrefaçon de la revendication 1, exposant que le dispositif dont est équipé le scooter Métropolis comporte deux demi-disques reliant chacun respectivement le parallélogramme portant l'une des roues et pouvant être bloqués par un frein, mais qui ne constituent pas des « broches » au sens du brevet et qui ne sont pas solidaires de l'amortisseur.

Les revendications 2 et 3, outre qu'elles dépendent de la revendication principale non reproduite, ne sont pas non plus mises en oeuvre dans le scooter litigieux.
La structure en deux demi-lunes ne constitue pas une « broche » au sens du brevet tel que définie précédemment.
L'expert [R] (pièces PIAGGIO no 44 et 44 bis pages 149 et suivantes) estime quant à lui que l'élément de broche coulissant constitué de la première demi-lune du dispositif dont est équipé le scooter PEUGEOT n'est pas solidaire de la première portion de l'amortisseur, mais est relié à l'un des bras supérieurs du système de suspension des roues (brevet PEUGEOT WO 2014/ 00963711-pièces PEUGEOT no 67 et 68), auquel l'amortisseur est articulé par charnière ; que l'élément de coulisse, constitué selon PIAGGIO de l'autre demi-lune et de la mâchoire de frein, n'est pas quant à lui solidaire de la seconde partie de la suspension, mais solidaire du cadre du véhicule. Par ailleurs selon l'expert, l'élément de coulisse précité ne suffit pas pour verrouiller et immobiliser l'élément de broche, mais nécessite également l'autre demi-lune.

Il apparaît ainsi que ne sont pas reproduits les éléments de la partie caractérisante de la revendication 1, pas plus que les revendications 2 et 3.
La matérialité de la contrefaçon du brevet EP 016 n'est donc pas constituée.

3- Sur la validité des revendications 1 à 3 du brevet EP 016
Subsidiairement, dans l'hypothèse où les revendications 1 à 3 du brevet EP 016 seraient contrefaites, la société PEUGEOT conteste la validité des revendications qui lui sont opposées, en invoquant le défaut de nouveauté au regard des documents DE 195 32 510 C2 (DE'510) et US 4 078 779 (US'779), ainsi que le défaut d'activité inventive (document US 3 883 153 (US'153, combinaison document WO 02/068228, document US 6 247 564 et document US 6 247 564 (US'564)).
Les revendications précitées n'ayant pas été déclarées contrefaisantes du brevet EP 016 de la société PIAGGIO, les demandes subsidiaires en nullité invoquées par la société défenderesse sont sans objet.

III - Sur la contrefaçon du modèle communautaire no 487723-0001
La société PIAGGIO est titulaire d'un modèle communautaire no 487723-0001 déposé le 02 mars 2016, qui concerne l'apparence du scooter MP3 :
auquel elle indique avoir donné un aspect harmonieux, sportif et fin, pour correspondre au goût exigeant de ses utilisateurs, qui recherchent performance et esthétique.

Elle expose que les caractéristiques d'un scooter à trois roues, bien que présentant un aspect fonctionnel, contribuent à l'esthétique générale et sans se référer à la théorie de la multiplicité des formes, l'existence de formes différentes doit néanmoins être considérée afin d'apprécier les circonstances objectives révélatrices des motifs qui ont présidé au choix des caractéristiques de l'apparence du produit concerné. Ainsi les caractéristiques du scooter MP3, qui résultent de choix esthétiques non exclusivement dictés par des considérations techniques, bénéficient de la protection des dessins et modèles communautaires.
Elle soutient que le titre est contrefait par les deux premières versions de 2013 et 2017 du scooter Métropolis (à l'exclusion de celle de 2020, remaniée), que la comparaison peut être réalisée au regard des produits effectivement commercialisés et correspondant aumodèle enregistré et la contrefaçon doit être appréciée de manière globale en tenant compte des ressemblances et non des différences et au regard d'un utilisateur averti qui dispose d'une vigilance particulière du fait de son expérience professionnelle et de sa connaissance étendue du secteur. En outre, elle a fait réaliser un sondage en février 2015, qui établit l'existence d'un risque de confusion avéré dans l'esprit du consommateur et dont les conclusions ne sauraient être sérieusement remises en cause par les avis péremptoires et complaisants du Professeur [X] et de l'IFOP, lequel n'est pas pertinent en ce qu'il fait appel à la mémoire des personnes interrogées.

La société PEUGEOT soutient que la contrefaçon du modèle opposé par le scooter Métropolis n'est pas établie. Elle rappelle que la comparaison doit être réalisée au regard du modèle tel que déposé et non de sa mise en oeuvre dans un produit, et de manière objective et non tronquée.
Elle ajoute que la protection des formes exclusivement fonctionnelles est exclue, lorsque la forme du modèle n'a été dictée que par sa fonction technique, même lorsqu'il existe d'autres dessins ou modèles de forme alternative, permettant d'assurer cette même fonction. Or les caractéristiques invoquées par la demanderesse sont exclusivement fonctionnelles, si ce n'est « la physionomie d'ensemble sportive et fine », laquelle doit être appréciée au regard d'un utilisateur doté d'une vigilance particulière et spécialement attentif et sensible au design et à l'esthétique, et la comparaison des Métropolis I et II, dont l'apparence évoque la morphologie d'une tête de lion, emblème de la marque, avec le modèle enregistré, écarte toute impression visuelle d'ensemble identique, ce que la presse spécialisée n'a pas manqué de relever et ce qui est confirmé par l'analyse qui a été faite par le tribunal de Milan et le sondage IFOP de 2019 qu'elle a fait réaliser, tandis que le sondage DOXA produit par la société PIAGGIO comporte de nombreux biais méthodologiques et n'est pas pertinent.
Sur ce,
La validité du modèle invoqué par la société PIAGGIO n'est pas contestée.

Selon l'article 10 du même texte - « étendue de la protection », «1. La protection conférée par le dessin ou modèle communautaire s'étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l'utilisateur averti une impression visuelle globale différente.
2. Pour apprécier l'étendue de la protection, il est tenu compte du degré de liberté du créateur dans l'élaboration du dessin ou modèle ».
Et selon l'article 19§1 du même texte, le titulaire d'un dessin ou modèle communautaire enregistré confère à son titulaire "« le droit exclusif d'interdire de l'utiliser sans son consentement »(en particulier la fabrication l'offre, la mise sur le marché, l'importation, l'exportation ou l'utilisation d'un produit dans lequel le dessin ou modèle est incorporé (...).
Enfin l'article L. 515-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que toute atteinte aux droits définis par l'article 19 du règlement (CE) no 6/2002 du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur.

En application de l'article 8 §1 du règlement précité, « un dessin et modèle communautaire ne confère pas de droits sur les caractéristiques de l'apparence d'un produit qui sont exclusivement imposées par ses fonctions techniques ». Et selon la CJUE (Doceram 08 mars 2018 C-395/16), pour apprécier si des caractéristiques de l'apparence d'un produit sont exclusivement imposées par la fonction technique de celui-ci, il y a lieu d'établir que cette fonction est le seul facteur ayant déterminé ces caractéristiques, l'existence de dessins alternatifs n'étant pas déterminante.

Or, quand bien même l'apparence du scooter est constituée de l'assemblage d'éléments exclusivement techniques qui ont une vocation fonctionnelle (les roues, les phares, le carénage, le coffre, les rétroviseurs....), le choix de l'apparence des éléments composant le scooter n'a pas été en l'espèce déterminé par la seule nécessité de remplir une fonction technique, mais il a été en réalité également guidé par d'autres considérations, comme celles liés à l'aspect visuel du produit, de sorte qu'il n'existe aucun motif d'exclure le scooter MP3 du bénéfice de la protection au titre des dessins et modèles.
Il convient de procéder, au regard de l'utilisateur de scooter, dont les parties concèdent qu'il est, selon la définition qui en a été donnée par le tribunal de l'Union européenne du 24 septembre 2019 (pièce PEUGEOT no 180), un utilisateur averti, doté de connaissances du marché de ce type de véhicules et des éléments qui les composent habituellement, attentif et sensible au design et à l'esthétique des produits concernés, à une comparaison entre les représentations figurant au dépôt du modèle litigieux, qui déterminent le périmètre du monopole concédé au titulaire, et les scooters Métropolis I et II en cause, par une appréciation globale des ressemblances.

Or la comparaison globale du modèle Métropolis présenté dans une configuration identique à chacune des figures du modèle, que ce soit les vues avant ou arrière, les vues de dessus et dessous, les vues de profil (trois-quart, à droite ou à gauche) telles que représentées sur le modèle déposé, produit une impression globale différente de celle du scooter MP3.
En effet, le modèle du MP3 présente un aspect plus arrondi et ramassé, du fait de son bas pare-brise, de sa basse calandre, de ses optiques arrondis à l'avant comme à l'arrière, là où le scooter Métropolis modèle I et II apparaît de forme plus anguleuse et saillante (haut pare-brise, haute calandre, radiateur rectangle ramassé, optiques triangulaires).

Ces considérations ne sont pas remises en cause par les sondages établis par chacune des parties.
Le sondage DOXA de février 2015 produit par la demanderesse (pièces PIAGGIO no25 et 77 a à c), indépendamment des écueils et des critiques formées par l'IFOP en septembre 2019 sur sa méthodologie (pièce PEUGEOT no 172), démontre que chacun des scooters respectifs des parties est distingué par les sondés, lorsqu'ils sont présentés séparément et le sont moins lorsqu'ils sont présentés simultanément, ce que ne contredit pas le sondage IFOP d'octobre 2019 (pièce PEUGEOT no 173) qui établit que le panel, exclusivement constitué d'utilisateurs de scooters (et non pas de motos), distingue les scooters MP3 et Métropolis et que la confusion intervient plus en faveur du MP3, lequel est davantage choisi par erreur par les sondés, lorsqu'il s'agit de désigner le scooter Métropolis, l'inverse l'étant moins.
La contrefaçon du modèle communautaire no 487723-0001 dont est titulaire la société PIAGGIO n'est ainsi pas caractérisée et les demandes formées à ce titre seront écartées.

IV- Sur la concurrence déloyale à titre subsidiaire
La société PIAGGIO invoquant la reprise volontaire des caractéristiques du scooter MP3, qui constitue un produit emblématique de la société PIAGGIO au côté de son modèle VESPA et le risque de confusion dans l'esprit du consommateur (sondage DOXA de février 2015 établissant la reconnaissance par le public du scooter MP3 et confusion des consommateurs entre les modèles, captation des parts de marché), forme à titre subsidiaire des prétentions au titre de la concurrence déloyale et réclame à ce titre la condamnation de son adversaire à lui payer la somme de 15 millions d'euros.

La société PEUGEOT s'y oppose, en l'absence de faits distincts et en l'absence de risque de confusion.
Cette demande formée subsidiairement à celles au titre de la contrefaçon est sans objet dès lors que ces dernières, même partiellement, ont été retenues.

V-Sur l'indemnisation du préjudice résultant de la contrefaçon
1- demandes principales
Au visa des articles L. 615-7 et L. 521-7 du code de la propriété intellectuelle, et invoquant les investissements, les efforts de conception et de mise au point d'un scooter pionnier à trois roues et sa position de leader sur le marché, et consécutivement la perte de marché, l'atteinte à sa réputation et à sa capacité d'innovation, la société PIAGGIO sollicite au titre de l'atteinte à ses titres de propriété intellectuelle la somme de 100 000 euros.

Au titre de son préjudice commercial, eu égard à l'ampleur des actes de contrefaçon constatés dans le cadre des opérations de saisie-contrefaçon (5 408 scooters PEUGEOT vendus au cours des années 2013 à 2015 par son adversaire, au prix unitaire de 8 999 euros (7 199,20 euros HT), pour un chiffre d'affaires de près de 39 millions) et le chiffre d'affaires évalué au vu des informations recueillies dans la presse, non contestées, pour les années 2016 (1565 scooters PEUGEOT vendus pour 11, 2 millions), 2017 et 2018 (2 172 et environ 2 000 scooters vendus pour 31,7 millions) et en 2019 (2 119 scooters pour un chiffre d'affaires de 16,1 millions), soit au total la somme de 98 006 588 euros, la société PIAGGIO évalue, compte tenu de l'importance du dispositif anti-roulis essentiel et décisif dans l'acte d'achat pour près de 54 % des consommateurs, et après application d'un taux de marge de 30 %, le bénéfice réalisé par la société PEUGEOT à la somme au minimum de 15,6 millions d'euros et son gain manqué à la vente de 18 434 scooters au prix de 6 499 euros et réclame en conséquence la somme de 15 millions d'euros, à titre de provision.
La société PIAGGIO sollicite également la communication sous astreinte journalière des éléments comptables et financiers, certifiés par un expert-comptable, lui permettant d'évaluer son préjudice définitif.
La société PEUGEOT soutient que la demande provisionnelle réclamée est totalement disproportionnée, basée sur le prix TTC des scooters Métropolis aux consommateurs finaux, alors qu'elle-même ne vend qu'à des distributeurs (tout comme d'ailleurs la société PIAGGIO en [M]) et que l'indemnisation éventuelle doit être fonction de l'importance des inventions réellement brevetées. Or en l'occurrence, le blocage de l'inclinaison anti-roulis ou le verrouillage de l'amortissement étaient parfaitement connus de l'art antérieur. En outre, l'hégémonie de la société PIAGGIO sur le marché des scooters n'a aucunement été affectée par l'apparition du scooter Metropolis.

Sur ce,
La contrefaçon, rejetée au titre des brevets EP 794 et 016 et du modèle communautaire, est limitée aux revendications 2, 5 et 9 du brevet EP 612 (dispositif anti-roulis et arrêt de la course des suspensions), dont la société PEUGEOT ne peut sérieusement soutenir qu'il serait un détail d'implémentation du scooter, dès lors qu'il en assure la stabilité et la fiabilité, mais il ne constitue cependant qu'une part de la technologie mise en oeuvre dans le Métropolis.
La réparation de l'atteinte à ce seul titre sera fixée à la somme de 15.000 euros.
Les pièces produites non contestées établissent la vente en [M] de 5 408 scooters Métropolis, entre 2013 et 2015, 1 565 scooters en 2016, 2 172 scooters en 2017 et environ 2000 en 2018 et 2119 en 2019, soit au total 13 264 scooters entre 2013 et 2019, dont le prix public est de 9 000 à 9 500 euros (pièces PIAGGIO no 31, 54 à 58, 83 et pièces PEUGEOT no 170), soit un chiffre d'affaires de l'ordre de 100 millions d'euros. Il n'est aucunement rapporté que l'intégralité de ces ventes aurait profité à la société PIAGGIO, si le scooter Métropolis n'avait pas été mis sur le marché, certains consommateurs français pouvant être attachés à la marque nationale (bien que Peugeot Motocycle soit désormais la propriété d'une société indienne), alors que d'autres constructeurs se sont également engouffrés dans ce nouveau marché, porteur. Par ailleurs, s'agissant de prix aux consommateurs finaux, alors que la société PEUGEOT vend à des distributeurs, le chiffre d'affaires doit être ramené à 66 millions (30 %) et il convient de tenir compte de la part du dispositif contrefait évaluée à 5 %, qui constitue pour 53 % des consommateurs un critère utile (déterminant pour 18 % et important pour 35 %), de sorte que l'indemnisation du préjudice économique en résultant doit être évaluée à la somme d'un million et demi d'euros, que la société PEUGEOT sera condamnée à payer à la société PIAGGIO, sans qu'il apparaisse opportun d'ordonner une mesure d'information, les chiffres et valeurs avancés n'étant pas contestés par la société défenderesse.
2- sur les mesures complémentaires
Il est également réclamé une interdiction d'usage à laquelle il sera fait droit selon les modalités fixées au dispositif de la présente décision, qui sera limitée au territoire français en l'absence d'effet unitaire du brevet européen, ainsi que le rappel des circuits commerciaux des scooters Metropolis, que la société PEUGEOT qualifie à juste titre d'excessive et qui sera en conséquence écartée.
La publication judiciaire n'apparaît pas nécessaire ni proportionnée.

VI- Sur le parasitisme
Faisant référence à sa position de leader et de précurseur de la fabrication et de la commercialisation du scooter à trois roues et aux investissements subséquents matériels et humains qu'elle a consacrés à sa conception et à son développement, outre les dépenses publicitaires et promotionnelles exposées, la société PIAGGIO sollicite la condamnation de la société PEUGEOT à lui verser la somme de 500 000 euros, en compensation du bénéfice indu que la société PIAGGIO a pu tirer de ses investissements.
La société PEUGEOT répond que ces affirmations sont soutenues sans preuve et qu'en tout état de cause, elle est filiale du groupe PSA PEUGEOT CITROEN, société historique, connue et reconnue sur le marché public français, cotée, second constructeur automobile européen et 9ème au plan mondial en 2012 et premier constructeur automobile français en 2013, et elle n'a nul besoin, pour se lancer sur le marché des scooters à trois roues, de la notoriété de la société italienne, laquelle ne saurait s'arroger un quelconque monopole sur ce type de véhicules. La défenderesse s'inscrit en faux sur la position revendiquée par la société PIAGGIO de précurseur du scooter à trois roues ajoutant que le parasitisme n'a pas vocation à conférer un monopole absolu au premier entrant sur le marché.
Elle conteste la fiabilité des preuves attestant des investissements promotionnels, lesquels en tout état de cause profitent vraisemblablement à la société demanderesse, mais aucunement en ce qui la concerne. Enfin, la société PEUGEOT constate que la position de la société PIAGGIO sur le marché des scooters à trois roues n'a été nullement affectée par la commercialisation du scooter Métropolis.

Sur ce,
Le fait pour un acteur économique de se placer dans le sillage d'un autre et de profiter indûment, sans bourse délier, des investissements réalisés par celui-ci ou d'une valeur économique créée par lui est sanctionné, sur le fondement des dispositions de l'article 1240 du code civil, par le parasitisme, qui suppose la démonstration d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité et de faits distincts de ceux invoqués au titre de la contrefaçon.

En l'occurrence, la société PIAGGIO a nécessairement exposé des frais et dépenses substantiels, budgets promotionnels, pour concevoir, mettre au point et fabriquer et commercialiser un scooter à trois roues, mais la société PEUGEOT, sauf la reprise de solutions techniques sanctionnée au titre de la contrefaçon de brevets, en a vraisemblablement fait tout autant, pour développer et promouvoir son propre produit, sans que l'on puisse considérer comme constitués des agissements de concurrence parasitaire, en l'absence d'impact démontré sur le nombre des ventes réalisées par la société PIAGGIO du scooter MP3, qui sont demeurées stables, nonobstant l'arrivée sur le marché du scooter Métropolis en 2013.
La demande de ce chef sera par conséquent écartée.

VII-sur la demande reconventionnelle de PEUGEOT pour procédure abusive
La société PEUGEOT sollicite la condamnation de son adversaire à lui payer la somme initialement fixée à 50 000 et portée à 100 000 euros, au motif que la procédure a été entreprise par la société demanderesse avec légèreté blâmable, tant en ce qui concerne le détournement de la procédure de saisie-contrefaçon, la révocation d'un des brevets en cours de procédure et la recherche systématique de se voir octroyer un monopole sur le scooter à trois roues, la société italienne étant manifestement animée d'une intention de nuire.
La société PIAGGIO répond que son comportement n'est pas fautif, donc ne peut être qualifié d'abusif et en tout état de cause, la société défenderesse ne démontre pas de préjudice et recherche une double réparation à travers ses prétentions formées au titre de la procédure abusive et au titre des frais irrépétibles.

Sur ce,
L'action en justice est un droit et ne dégénère en abus susceptible de générer une créance de dommages et intérêts qu'en cas de faute du plaideur. En l'occurrence, outre que les griefs formés à l'encontre de la saisie-contrefaçon ont été rejetés, l'admission même partielle des réclamations de la société PIAGGIO exclut tout comportement fautif de celle-ci.
La demande pour procédure abusive sera rejetée.

VIII- sur les autres demandes
La société PIAGGIO sollicite la condamnation de la défenderesse à lui payer la somme de 200 000 euros, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, observant les demandes exponentielles formées par la société PEUGEOT à ce titre, et au demeurant incluant des frais relatifs à d'autres procédures (OEB). La société PEUGEOT fixe à la somme de 570 000 euros, ses prétentions au titre des frais irrépétibles et s'oppose au prononcé de l'exécution provisoire, qui n'est selon elle aucunement nécessaire, dans la mesure où indépendamment de la concurrence avec l'émergence d'autres acteurs sur le marché, les parts de marché de la société PIAGGIO sont demeurées importantes et si elles stagnent, c'est parce qu'après avoir intégralement capté le marché, les achats de MP3 sont essentiellement des achats de renouvellement.
Sur ce,
La société PEUGEOT, qui succombe, supportera les dépens et ses propres frais.

En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la partie tenue aux dépens ou à défaut la partie perdante, est condamnée au paiement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, en tenant compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée.
La société PEUGEOT sera condamnée à payer à la société PIAGGIO, la somme de 100 000 euros au titre des frais irrépétibles.
L'exécution provisoire est désormais de droit, mais en l'occurrence, compte tenu de la structure du marché et de la prédominance du scooter PIAGGIO, elle n'apparaît pas justifiée.

PAR CES MOTIFS
Le tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe et en premier ressort,

DÉBOUTE la société PEUGEOT MOTOCYCLES SAS de sa demande en nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 08 avril 2015, pour défaut d'impartialité de l'expert, absence de preuves raisonnablement accessibles de l'atteinte alléguée et déloyauté, et pour révocation du brevet EP 234,
DIT non prescrites les demandes en nullité de la partie française des brevets EP 794, EP 612 et EP 016 formées par la société PEUGEOT MOTOCYCLES SAS, par voie d'exception,
DÉBOUTE la société PIAGGIO et C. SpA de sa demande en contrefaçon de la partie française des revendications 1, 2, 7 et 8 de la partie française du brevet EP 1 363 794, dont elle est titulaire,
DIT sans objet les demandes subsidiaires en nullité du brevet précité, pour extension au-delà de la demande et pour défaut d'activité inventive,
DÉCLARE nulle pour défaut de nouveauté, la revendication 1 de la partie française du brevet EP 1 561 612 dont est titulaire la société PIAGGIO et C.SpA,
DIT sans objet le grief de défaut d'activité inventive de la revendication 1 de la partie française du brevet EP 1 561 612,
DÉCLARE valables la revendication 2 et les revendications 3 à 5, 9, 12, 13, 15 et 16 qui en sont dépendantes, de la partie française du brevet EP 1 561 612,
DIT que la société PEUGEOT MOTOCYCLES SAS a, en fabriquant et commercialisant le scooter Metropolis, commis des actes de contrefaçon des revendications 2, 5 et 9 de la partie française du brevet EP 1 561 612, dont est titulaire la société PIAGGIO et C.SpA,
DÉCLARE irrecevable la demande en contrefaçon de la revendication 12 du brevet précité,
DÉBOUTE la société PIAGGIO et C.SpA de ses demandes en contrefaçon des revendications 3, 4, 13, 15 et 16 de la partie française du brevet EP 1 561 612, du brevet EP 1 561 612,
DÉBOUTE la société PIAGGIO et C.SpA de son action en contrefaçon des revendications 1 à 3 de la partie française du brevet EP 1 571 016 dont elle est titulaire,

DIT sans objet les demandes subsidiaires formées par la société PEUGEOT MOTOCYCLES SAS, en nullité des revendications 1 à 3 de la partie française du brevet EP 1 571 016,
DÉBOUTE la société PIAGGIO et C.SpA de ses prétentions au titre de la contrefaçon du modèle communautaire no 487723-0001, dont est titulaire la société PIAGGIO,
DIT sans objet la demande subsidiaire formée par la société PIAGGIO C.SpA, en concurrence déloyale,
CONDAMNE la société PEUGEOT MOTOCYCLES SAS à payer à la société PIAGGIO et C.SpA, la somme de 15 000 euros, en réparation à l'atteinte à la valeur de la partie française du brevet EP1 561 612 et la somme de un million et demi d'euros, en réparation du préjudice économique subi par la société PIAGGIO et C.SpA, du fait de la reproduction des revendications 2, 5 et 9 de la partie française du brevet EP1 561 612, dont est titulaire la société PIAGGIO et C.SpA,
DIT n'y avoir lieu à la demande de droit d'information et de rappel des circuits commerciaux des scooters PEUGEOT Métropolis,
FAIT interdiction à la société PEUGEOT MOTOCYCLES SAS de poursuivre les actes de contrefaçon et notamment la fabrication, production, reproduction, promotion, commercialisation, mise sur le marché, vente, importation, exportation, utilisation et/ou détention en [M], sous quelque forme et manière que ce soit, de tout véhicule à trois roues reproduisant les revendications 2, 5 et 9 de la partie française du brevet EP 1 561 612 et ce, sous astreinte de 1 000 euros par produit fabriqué, importé, offert en vente, vendu, utilisé ou détenu, à compter de la signification du jugement à intervenir,
DIT n'y avoir lieu à publication judiciaire du présent jugement,
DÉBOUTE la société PIAGGIO et C. SpA de ses demandes au titre du parasitisme,
DÉBOUTE la société PEUGEOT MOTOCYCLES SAS de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive,
CONDAMNE la société PEUGEOT MOTOCYCLES SAS aux dépens,
Condamne la société PEUGEOT MOTOCYCLES SAS à payer à la société PIAGGIO et C.SpA, la somme de 100 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
DIT n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Fait et jugé à Paris le 07 septembre 2021

La GreffièrePour la Présidente empêchée,

[O] [U]


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Ct0196
Numéro d'arrêt : 15/06549
Date de la décision : 07/09/2021

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2021-09-07;15.06549 ?
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