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29/07/2021 | FRANCE | N°21/52943

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Ct0760, 29 juillet 2021, 21/52943


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

No RG 21/52943 - No Portalis 352J-W-B7F-CTRXF

No : 1/FF

Assignation du :
18 Janvier 2021

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 29 juillet 2021

par Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Flore MARIGNY, Faisant fonction de greffier.
DEMANDEURS

Monsieur [O] [I]
[Adresse 6]
[Localité 10]

Monsieur [D] [H]
[Adresse 8]
[Localité 5]

S.A.R.L. MUSIC UNIT
[Adresse 4]
[Lo

calité 10]

représentés par Maître Charles CUNY de l'AARPI PHI AVOCATS, avocats au barreau de PARIS - #P0026

DEFENDERESSES

MUSIK EDITION DISCOT...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

No RG 21/52943 - No Portalis 352J-W-B7F-CTRXF

No : 1/FF

Assignation du :
18 Janvier 2021

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 29 juillet 2021

par Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Flore MARIGNY, Faisant fonction de greffier.
DEMANDEURS

Monsieur [O] [I]
[Adresse 6]
[Localité 10]

Monsieur [D] [H]
[Adresse 8]
[Localité 5]

S.A.R.L. MUSIC UNIT
[Adresse 4]
[Localité 10]

représentés par Maître Charles CUNY de l'AARPI PHI AVOCATS, avocats au barreau de PARIS - #P0026

DEFENDERESSES

MUSIK EDITION DISCOTON GMBH
[Adresse 11]
[Localité 1] - ALLEMAGNE

représentée par Me Nicolas BOESPFLUG, avocat au barreau de PARIS - #E0329

UNIVERSAL MUSIC GMBH
[Adresse 11]
[Localité 1] - ALLEMAGNE

représentée par Me Nicolas BOESPFLUG, avocat au barreau de PARIS - #E0329

UNIVERSAL MUSIC PUBLISHING MGB FRANCE
[Adresse 2]
[Localité 7]

représentée par Me Nicolas BOESPFLUG, avocat au barreau de PARIS - #E0329

SACEM
[Adresse 3]
[Localité 9]

non comparante

Société KRUSPE/LANDERS/LORENZ/RIEDEL/ SCHNEIDER GBR (enregistrée comme RAMMSTEIN MUSIKVERLAG)
Hertzstrasse 63B
[Localité 1] - ALLEMAGNE

représentée par Maître Marc SCHULER de la SELAS SELAS VALSAMIDIS AMSALLEM JONATH FLAICHER et ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS - #J010

DÉBATS

A l'audience du 14 Juin 2021, tenue publiquement, présidée par Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe, assistée de Arnaud FAURE, Greffier,

EXPOSÉ DU LITIGE :

MM. [O] [I] et [D] [H] se présentent comme des compositeurs et musiciens formant le groupe "NINJA CYBORG".

Ils exposent avoir composé courant 2015 une oeuvre intitulée "Sunny Road", déposée le 15 novembre 2018 à la SACEM, et publiée le 9 décembre 2018 sur la plate-forme Youtube.

L'oeuvre "Sunny Road" a été diffusée avec d'autres oeuvres sous la forme d'un phonogramme (Extended Play) édité par la société MUSIC UNIT, également intitulé "Sunny Road", et sorti le 15 juillet 2020.

Le 28 mars 2019, le groupe allemand RAMMSTEIN a publié sur la plate-forme Youtube l'oeuvre intitulée "Deutschland", éditée sous la forme d'un album par les sociétés RAMMSTEIN MUSIKVERLAG et MUSIK EDITION DISCOTON, sous-édité en France par la société UNIVERSAL MUSIC PUBLISHING MGB FRANCE, l'oeuvre étant produite par la société UNIVERSAL MUSIC Gmbh.

MM. [I] et [H] et la société MUSIC UNIT exposent avoir découvert en juillet 2020, par des commentaires de fans, l'oeuvre "Deutschland" du groupe RAMMSTEIN, et avoir acquis la conviction qu'il s'agissait d'une contrefaçon de l'oeuvre "Sunny Road".

Aussi, par une lettre du 29 septembre 2020, MM. [I] et [H] et la société MUSIC UNIT ont, par l'intermédiaire de leur conseil, mis en demeure les sociétés RAMMSTEIN MUSIKVERLAG, MUSIK EDITION DISCOTON et UNIVERSAL MUSIC PUBLISHING de cesser la diffusion de l'oeuvre "Deutschland" et de leur indiquer la manière dont elles entendaient réparer le préjudice subi.

Par un courriel du 22 octobre 2020, la société UNIVERSAL MUSIC PUBLISHING contestait toute contrefaçon et adressait aux demandeurs un rapport d'expertise privée de comparaison des deux oeuvres concluant à l'absence de contrefaçon.

De multiples échanges entre les parties ont suivi sans qu'elles parviennent à un rapprochement de leurs points de vue.

C'est dans ce contexte que, par actes d'huissier du 18 janvier 2021, MM. [I] et [H] et la société MUSIC UNIT ont fait assigner en référé les sociétés MUSIK EDITION DISCOTON, KRUSPE/LANDERS/LINDEMANN/LORENZ/RIEDEL/SCHNEIDER GBR (enregistrée comme RAMMSTEIN MUSIKVERLAG), UNIVERSAL MUSIC Gmbh et UNIVERSAL MUSIC PUBLISHING, ainsi que la SACEM, devant le délégataire du président du tribunal judiciaire de Paris, auquel ils demandent d'ordonner, avant dire droit, une expertise et la mise en réserve par la SACEM des droits dus au titre de l'oeuvre "Deutschland".

Après un renvoi, l'affaire a finalement été appelée à l'audience du 14 juin 2021.

MM. [I] et [H] et la société MUSIC UNIT ont soutenu oralement leurs conclusions écrites par lesquelles ils demandent au juge des référés, au visa des articles L.122-4 et L.335-3 du code de la propriété intellectuelle, et 145 et 835 du code de procédure civile, de:

- Rejeter l'irrecevabilité tirée du défaut de qualité à agir ;

- Juger qu'il existe un motif légitime tiré de la contrefaçon justifiant une mesure d'instruction;

- avant dire droit, Ordonner une expertise et désigner tel expert musical qui lui plaira, qui pourra prendre l'initiative de recueillir l'avis d'un autre technicien, mais seulement dans une spécialité distincte de la sienne, avec mission de :

- convoquer les parties, se faire communiquer tous documents, pièces, partitions, bandes masters, logiciels, vidéoclips qu'il estimera utiles pour l'expertise musicale comparative des deux enregistrements;

- entendre les parties et tout sachant,

- réaliser une étude comparative des deux oeuvres «Deutschland» et «Sunny Road» et des vidéoclips associés,

- caractériser les éléments originaux de l'oeuvre «Sunny Road » du groupe NINJA CYBORG et caractériser la ressemblance auditive des enregistrements querellés (mélodie, rythme, harmonie);

- dire si l'oeuvre «Deutschland» supporte des emprunts à «Sunny Road», les décrire le cas échéant et les quantifier,

- se prononcer sur l'antériorité de l'oeuvre « Sunny Road » par rapport à l'oeuvre « Deutschland»,

- rechercher toutes antériorités relatives aux emprunts éventuellement constatés,

- donner son avis sur le point de savoir si les ressemblances éventuellement constatées entre les deux oeuvres sont le fait d'un emprunt volontaire, d'une copie ou d'une rencontre fortuite ;

- d'une façon générale, donner tous éléments techniques et de fait permettant à la juridiction saisie du litige de se prononcer sur la contrefaçon alléguée ;

- se faire communiquer par les sociétés RAMMSTEIN MUSIKVERLAG, MUSIK EDITION DISCOTON GmbH, UNIVERSAL MUSIC GmbH et UNIVERSAL MUSIC PUBLISHING MGB FRANCE et la SACEM tous documents et pièces utiles à l'accomplissement de sa mission et notamment les éléments relatifs à l'édition, l'exploitation et la vente de l'enregistrement querellé tant en France qu'à l'étranger, à savoir entre autres :
- les documents portant sur l'exploitation de l'oeuvre et notamment les quantités produites, commercialisées ou commandées ainsi que le prix obtenu pour les oeuvres ;
- les documents financiers et comptables faisant état des recettes et bénéfices tirés de la commercialisation de ces oeuvres contrefaisantes ;

- proposer au tribunal une évaluation du préjudice patrimonial subi par M.[I], M.[H] et la société MUSIC UNIT à compter du 28 mars 2019 en prenant en considération les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subi par M.[I], M.[H] et la société MUSIC UNIT et les bénéfices réalisés par les membres du groupe RAMMSTEIN et leurs éditeurs et producteur ;

- évaluer le montant des redevances ou droits qui auraient été dus si les auteurs de l'atteinte avaient demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel ils ont porté atteinte,

- Dire que l'expert évoquera à l'issue de la première réunion avec les parties le calendrier possible de la suite des opérations. Elle leur en communiquera la teneur dans un délai de SIX à DIX SEMAINES après le versement de la consignation. Dans le même temps, elle leur adressera le montant prévisible de ses frais et honoraires détaillés qu'il actualisera s'il y a lieu au fur et à mesure de l'exécution de la mission ;

- Dire que l'expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions du code de procédure civile relatives aux mesures d'instruction et prendra en compte dans son avis, selon les dispositions de l'article 276 du code de procédure civile, les observations qui lui seront éventuellement faites dans un délai qu'il aura imparti, de l'ordre de 4 à 6 semaines, au vu d'une synthèse des constatations, opérations et de ses orientations, et qu'il déposera l'original de son rapport au greffe du contrôle des expertises du tribunal judiciaire de Paris dans un délai de 6 mois à compter de l'ordonnance de référé à intervenir, sauf prorogation de ce délai dûment sollicitée en temps utile de manière motivée auprès du tribunal,

- Dire que la mesure d'instruction sera exécutée sous le contrôle du tribunal, conformément à l'article 155 du code de procédure civile et qu'il en sera référé au juge de la mise en état en cas de difficultés de nature en particulier à compromettre le démarrage, l'avancement ou l'achèvement des opérations,

- Ordonner à la SACEM de mettre en réserve les redevances de droit d'auteur perçues par elle au titre de la reproduction et de la représentation de l'oeuvre musicale « Deutschland » du groupe RAMMSTEIN dans l'attente d'une décision au fond sur la contrefaçon ;

- Condamner in solidum les sociétés RAMMSTEIN MUSIKVERLAG, MUSIK EDITION DISCOTON GmbH, UNIVERSAL MUSIC GmbH et UNIVERSAL MUSIC PUBLISHING MGB FRANCE à verser à M. [I], M. [H] et la société MUSIC UNIT la somme de 5.000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner in solidum les sociétés RAMMSTEIN MUSIKVERLAG, MUSIK EDITION DISCOTON GmbH, UNIVERSAL MUSIC GmbH et UNIVERSAL MUSIC PUBLISHING MGB FRANCE aux entiers dépens.

La société KRUSPE/LANDERS/ LINDEMANN/LORENZ/RIEDEL/SCHNEIDER GBR (enregistrée comme RAMMSTEIN MUSIKVERLAG) a de la même manière développée oralement ses conclusions écrites aux termes desquelles elle demande au juge des référés de :

Vu les articles L.113-1, L.122-4, L.321-1, L.321-2 et L.321-6 du code de la propriété intellectuelle,
Vu les articles 16, 122, 132, 145, 700 et 835 du code de procédure civile,

1. A TITRE PRINCIPAL : SUR L'ABSENCE DE MOTIF LEGITIME

A titre liminaire :

- CONSTATER que M. [O] [I], M. [D] [H] et la SARL MUSIC UNIT ne démontrent pas la titularité de leurs droits et par conséquent de leur qualité à agir ;

En conséquence :

- DIRE IRRECEVABLE en l'état, pour défaut de qualité à agir, l'action de M. [O] [I], M. [D] [H] et la SARL MUSIC UNIT ;

A titre principal :

- CONSTATER les droits antérieurs de la société KRUSPE/LANDERS/LINDEMANN/LORENZ/RIEDEL/SCHNEIDER GBR (enregistrée comme « RAMMSTEIN MUSIKVERLAG ») sur le titre « (The) Sunny Road » compte tenu de la création antérieure de « Deutschland » par le groupe ;

A titre subsidiaire :

- CONSTATER que la séquence musicale litigieuse sur laquelle les demandeurs prétendent détenir des droits antérieurs manque d'originalité ou en tout état de cause provient d'un fond commun ;

A titre encore subsidiaire :

- CONSTATER l'absence de contrefaçon entre les titres «(The) Sunny Road» et « Deutschland»;

A titre très subsidiaire :

- CONSTATER que NINJA CYBORG est un groupe de musique dont la portée est très limitée de sorte que «(The) Sunny Road» et «Deutschland» résultent d'une rencontre purement fortuite;

A titre infiniment subsidiaire :

- CONSTATER que le rapport d'expertise établi par M. [E] [S] établit d'ores et déjà une comparaison technique entre «(The) Sunny Road» et «Deutschland», notamment au regard de l'état de l'art ;

- CONSTATER qu'une expertise sur l'éventuel préjudice subi serait prématurée compte tenu de l'absence de jugement au fond sur les actes de contrefaçon allégués ;

- CONSTATER que seule la SACEM sera en position d'agir au titre d'un prétendu préjudice économique subi ;

Par conséquent :

- DIRE que les mesures sollicitées sont inutiles ;

En conséquence :

- DIRE qu'il n'existe aucun motif légitime au soutien des mesures sollicitées par les demandeurs;

- REJETER l'ensemble des demandes, fins et prétentions des demandeurs ;

2. SUBSIDIAIREMENT, SUR LES AUTRES MESURES SOLLICITEES

En premier lieu : sur les frais de l'expertise sollicitée

- DIRE qu'il appartient aux demandeurs d'assumer financièrement la charge des mesures sollicitées conformément aux usages établis ;

Par conséquent :

- METTRE A LA CHARGE de M. [O] [I], M. [D] [H] et la SARL MUSIC UNIT l'avance des frais d'expertise ;

En second lieu : sur la mesure sollicitée au titre de l'article 835 du code de procédure civile

- CONSTATER l'absence d'un dommage imminent justifiant la mise en réserve des droits d'auteur par la SACEM dans l'attente d'une décision au fond tranchant la question de la contrefaçon ;

Par conséquent :

- REJETER l'ensemble des demandes, fins et prétentions formulées par les demandeurs à ce titre ;

3. EN TOUTES HYPOTHESES

- CONDAMNER M. [O] [I], M. [D] [H] et la SARL MUSIC UNIT à payer la somme de 8.000€ à la société KRUSPE / LANDERS / LINDEMANN / LORENZ / RIEDEL / SCHNEIDER GBR (enregistrée comme « RAMMSTEIN MUSIKVERLAG ») au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens en application de l'article 696 du même code dont le recouvrement pourra être opéré par Maître [D] [J] (SELAS Valsamidis, Amsallem, Jonath, Flaicher et Associés) selon les modalités prévues à l'article 699 dudit code.

Les sociétés MUSIK EDITION DISCOTON, UNIVERSAL MUSIC Gmbh et UNIVERSAL MUSIC PUBLISHING ont pour leur part demandé au juge des référés de :

A TITRE PRINCIPAL,

- DEBOUTER les demandeurs de toutes leurs demandes ;

- CONDAMNER les demandeurs à payer aux sociétés MUSIK EDITION DISCOTON GmbH, UNIVERSAL MUSIC GmbH et UNIVERSAL MUSIC PUBLISHING une indemnité de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- CONDAMNER les demandeurs aux dépens ;

SUBSIDIAIREMENT,

- DONNER ACTE aux sociétés MUSIK EDITION DISCOTON GmbH, UNIVERSAL MUSIC GmbH et UNIVERSAL MUSIC PUBLISHING de ce qu'elles ne sont pas opposées à ce que l'expertise musicale sollicitée par les demandeurs soit ordonnée aux frais de ces derniers ;

- DEBOUTER les demandeurs du surplus de leurs demandes ;

- CONDAMNER les demandeurs aux dépens.

Bien que régulièrement citée par dépôt de l'acte à l'étude de l'huissier, la SACEM a fait parvenir au tribunal une lettre par laquelle elle a indiqué ne pas souhaiter se constituer dans cette affaire.

MOTIFS DE LA DÉCISION

MM. [I] et [H] et la société MUSIC UNIT soutiennent qu'ils justifient amplement de la titularité de leurs droits sur l'oeuvre "Sunny Road" au moyen de la déclaration signée adressée à la SACEM le 15 novembre 2018. Ils ajoutent démontrer l'antériorité de l'oeuvre "Sunny Road" par la preuve de l'envoi, le 27 juillet 2015, du fichier contenant l'oeuvre au moyen de la messagerie Facebook Messenger, ce qui a été constaté par huissier, et font à cet égard valoir que les fichiers produits par les défendeurs n'ont pas date certaine, ces derniers ayant pu être modifiés après leur création alléguées le 2 novembre 2015.

MM. [I] et [H] et la société MUSIC UNIT soutiennent encore que toute "rencontre fortuite" est exclue.

Ils en déduisent qu'il existe au cas particulier un motif légitime, compte tenu des similarités fortes entre les oeuvres, qui se retrouvent selon eux dans les vidéo-clips les accompagnant, d'ordonner avant dire droit une expertise.

La société KRUSPE/ LANDERS / LINDEMANN / LORENZ / RIEDEL / SCHNEIDER GBR concluent en premier lieu à l'irrecevabilité des demandes pour défaut de qualité à agir, MM. [I] et [H] et la société MUSIC UNIT échouant à rapporter la preuve d'un lien non équivoque entre l'oeuvre "Sunny Road" et eux-mêmes.

Cette société conclut subsidiairement à l'absence de motif légitime, les fichiers informatiques des demandeurs étant selon elle autant dépourvus de force probante que ceux émanant des membres du groupe RAMMSTEIN. Elle ajoute avoir retracé l'ensemble du processus créatif du titre "Deutschland" lequel a débuté dès 2014 avec la création du fragment de musique suivant répété tout au long de l'oeuvre ("riff") :

Ils ajoutent que le titre "Sunny Road" est dépourvu d'originalité et résulte d'une source d'inspiration commune, ainsi que l'a retenu l'expert privé ayant d'ores et déjà comparé les oeuvres.

Les sociétés MUSIK EDITION DISCOTON, UNIVERSAL MUSIC Gmbh et UNIVERSAL MUSIC PUBLISHING rappellent que les demandeurs n'ont aucune qualité à agir aux fins de demander la réparation d'un quelconque préjudice patrimonial, ayant fait apport de l'oeuvre à la SACEM, qui a dès lors seule qualité à agir. Elles ajoutent que la contrefaçon est ici très "hypothétique".

Sur ce,

Selon l'article 145 du code de procédure civile, "S'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé."

Aux termes de l'article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle, "L'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous."

Il résulte en outre de l'article L.122-4 du même code que "Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque."

Il se déduit de ces textes que le droit de l'auteur existe indépendamment de toute divulgation publique de l'oeuvre et que la contrefaçon, qui résulte de la seule reproduction de l'oeuvre, ne peut être écartée que lorsque celui qui la conteste démontre que les similitudes existant entre les deux oeuvres procèdent d'une rencontre fortuite ou de réminiscences issues d'une source d'inspiration commune (Cass. Civ. 1ère, 2 octobre 2013, pourvoi no 12-25.941, Bull. 2013, I, no197 ; Cass. Civ. 1ère, 16 mai 2006, pourvoi no 05-11.780, Bull. 2006, I, no246).

Indépendamment même de la question de la date de création de chacune des oeuvres en litige, force est de constater ici que les défendeurs établissent que les similitudes existant entre les oeuvres procèdent de réminiscences issues d'une source d'inspiration commune, ainsi que le relève l'expert [S], mandaté par la société RAMMSTEIN MUSIKVERLAG.

L'expert relève en effet que les séquences sonores fortement similaires à celles objet du présent litige sont très fréquentes, en particulier dans la musique électronique, de même qu'il constate les ressemblances entre les deux oeuvres et une troisième intitulée "Our Darkness", parue en 1984 et dont l'auteur est [K] [L].

La contrefaçon apparaît donc exclue.

Il en résulte que les demandeurs ne justifient d'aucun intérêt légitime à obtenir la mesure d'expertise sollicitée, non plus qu'à obtenir la mise en réserve des droits dus par la SACEM. Ces demandes seront donc rejetées.

Parties perdantes au sens de l'article 696 du code de procédure civile, MM. [I] et [H] et la société MUSIC UNIT seront condamnés aux dépens, ainsi qu'à payer à la société KRUSPE/LANDERS/LINDEMANN/LORENZ/RIEDEL/SCHNEIDER GBR la somme de 6.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et la somme de 1.000 euros à chacune des sociétés MUSIK EDITION DISCOTON, UNIVERSAL MUSIC Gmbh et UNIVERSAL MUSIC PUBLISHING (3.000 euros au total) sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par décision réputée contradictoire et en premier ressort,

Le juge des référés,

Rejette la demande d'expertise, ainsi que la demande de mise en réserve des sommes dues par la SACEM ;

Condamne MM. [I] et [H] et la société MUSIC UNIT aux dépens et autorise Maître Marc Schuler, avocat, à recouvrer directement ceux dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu provision conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Condamne MM. [I] et [H] et la société MUSIC UNIT à payer à la société KRUSPE/LANDERS/LINDEMANN/LORENZ/RIEDEL/SCHNEIDER GBR (RAMMSTEIN MUSIKVERLAG) la somme de 6.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne MM. [I] et [H] et la société MUSIC UNIT à payer aux sociétés MUSIK EDITION DISCOTON, UNIVERSAL MUSIC Gmbh et UNIVERSAL MUSIC PUBLISHING la somme de 3.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rappelle que la présente décision est de plein droit assortie de l'exécution provisoire.

Fait à Paris le 29 juillet 2021.

Le Greffier,Le Président,

Flore MARIGNYNathalie SABOTIER


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Ct0760
Numéro d'arrêt : 21/52943
Date de la décision : 29/07/2021

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2021-07-29;21.52943 ?
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