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29/07/2021 | FRANCE | N°19/01501

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Ct0196, 29 juillet 2021, 19/01501


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
1ère section

No RG 19/01501 -
No Portalis 352J-W-B7D-CO5DJ

No MINUTE :

Assignation du :
05 février 2019

JUGEMENT
rendu le 29 juillet 2021
DEMANDERESSES

S.A.S. HUWER HOLDING
[Adresse 8]
[Localité 9]

S.A. ETABLISSEMENTS J HUWER ASSAINISSEMENT
[Adresse 10]
[Localité 6]

représentées par Me Eric LAUVAUX de la SELARL NOMOS, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #L0237 et Me David LEFRANC de la SELARL LEFRANC et ASSOCIES, avocat au barre

au d'ARRAS, avocat plaidant

DÉFENDEURS

S.A.R.L. BG TRUCKS
[Adresse 4]
[Localité 3]

S.A.R.L. TOUT POUR L'HYDROCUREUR
[Adresse 7]
[L...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
1ère section

No RG 19/01501 -
No Portalis 352J-W-B7D-CO5DJ

No MINUTE :

Assignation du :
05 février 2019

JUGEMENT
rendu le 29 juillet 2021
DEMANDERESSES

S.A.S. HUWER HOLDING
[Adresse 8]
[Localité 9]

S.A. ETABLISSEMENTS J HUWER ASSAINISSEMENT
[Adresse 10]
[Localité 6]

représentées par Me Eric LAUVAUX de la SELARL NOMOS, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #L0237 et Me David LEFRANC de la SELARL LEFRANC et ASSOCIES, avocat au barreau d'ARRAS, avocat plaidant

DÉFENDEURS

S.A.R.L. BG TRUCKS
[Adresse 4]
[Localité 3]

S.A.R.L. TOUT POUR L'HYDROCUREUR
[Adresse 7]
[Localité 2]

Monsieur [P] [Z]
[Adresse 5]
[Localité 1]

Monsieur [H] [Z]
[Adresse 7]
[Localité 2]

représentés par Me Laurent SIMON de la SELARL MOREAU GERVAIS GUILLOU VERNADE SIMON LUGOSI, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #P0073 et la SCP ANTONINI et ASSOCIES, avocat aux barreaux de ST QUENTIN et LAON, avocat plaidant

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe
Gilles BUFFET, Vice président
Alix FLEURIET, Juge

assistés de Caroline REBOUL, Greffière

DEBATS

A l'audience du 17 mai 2021
tenue en audience publique

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE :

La SA ETABLISSEMENTS J HUWER ASSAINISSEMENT, immatriculée au RCS Arras le 24 mai 1968, a pour activités l'étude et la construction de matériel d'assainissement et de voierie et de tout matériel industriel, ainsi que le négoce de véhicules automobiles.

Dans ce cadre, elle conçoit, fabrique et assemble, à partir de châssis de camions tiers, des camions hydrocureurs équipés d'une citerne à eau et d'une pompe haute pression, utilisés pour le curage et le débouchage des réseaux d'assainissement.

Cette société est détenue à hauteur de 99,47% par la SAS HUWER HOLDING, immatriculée le 10 juin 2015 au RCS [Localité 9].

La SAS HUWER HOLDING est titulaire de la marque verbale de l'Union européenne "HUWER" no015807522, déposée et enregistrée le 1er mars 2017 dans les classes de produits et services 7, 9, 11, 12, 35, 37, 39, 40, 41 et 42.

Elle est également titulaire de la marque semi-figurative de l'Union européenne "HUWER"

enregistrée le 7 juin 2017 sous le no016303026 dans les classes de produits et services 7, 9, 11, 12, 35, 37, 39, 40, 41 et 42.

Par acte sous seing privé du 27 avril 2018, la SAS HUWER HOLDING a concédé une licence exclusive d'exploitation de ces marques à la SA ETABLISSEMENTS J HUWER ASSAINISSEMENT.

Le 1er juin 2018, l'EUIPO a inscrit ce contrat à son registre.

La SARL BG TRUCKS, immatriculée le 19 mars 2012 au RCS Saint-Quentin, dont le gérant est M. [P] [Z], a pour objet toutes activités de réparation, d'entretien et de dépannage de véhicules automobiles, utilitaires, poids lourds ou engins à moteur divers, toutes activités de négoce de pièces détachées, de véhicules ou engins mécaniques neufs ou d'occasion.

La SARL TOUT POUR L'HYDROCUREUR, immatriculée le 26 août 2014 au RCS Saint-Quentin, dont le gérant est M. [H] [Z], a pour objet toutes activités de négoce de véhicules, engins mécaniques et de pièces détachées neufs ou d'occasion, toutes activités de réparation, d'entretien et de dépannage des véhicules automobiles, utilitaires, poids lourds ou engins à moteur divers, location ou exploitation de matériels immatriculés ou non, lavage de tous types de véhicules légers.

Ainsi, la société BG TRUCKS répare des camions hydrocureurs de toutes marques et se fournit à cette fin auprès de la société TOUT POUR L'HYDROCUREUR.

La SAS HUWER HOLDING fait valoir que la SARL BG TRUCKS s'approvisionnait en pièces détachées auprès d'elle avant de se fournir à compter de 2014 auprès de la SARL TOUT POUR L'HYDROCUREUR. Les relations commerciales entre les sociétés ont pris fin en 2016.

La SAS HUWER HOLDING et la SA ETABLISSEMENTS J HUWER ASSAINISSEMENT exposent avoir été alertées par leur réseau commercial sur le fait que la SARL BG TRUCKS apposait sur des hydrocureurs d'occasion construits à partir de pièces détachées provenant de constructeurs différents, des autocollants « HUWER » reproduisant de manière quasi-servile leurs marques.

La SAS HUWER HOLDING et la SA ETABLISSEMENTS J HUWER ASSAINISSEMENT ont ainsi saisi le 3 décembre 2018 le délégataire du président du tribunal de grande instance de Paris d'une requête aux fins de saisie-contrefaçon.

Par une ordonnance du même jour, une saisie-contrefaçon a été autorisée dans les locaux exploités par la SARL BG TRUCKS et la SARL TOUT POUR L'HYDROCUREUR.

Les opérations de saisie-contrefaçon se sont déroulées le 10 janvier 2019.

Par exploits d'huissier du 5 février 2019, la SAS HUWER HOLDING et la SA ETABLISSEMENTS J HUWER ASSAINISSEMENT ont fait assigner la SARL BG TRUCKS, la SARL TOUT POUR L'HYDROCUREUR, M. [P] [Z] et M. [H] [Z] devant le tribunal de grande instance de Paris, devenu le 1er janvier 2020 le tribunal judiciaire de Paris, en contrefaçon de marques ainsi qu'en concurrence déloyale.

Par des conclusions notifiées par la voie électronique le 7 juin 2019, la SARL BG TRUCKS, la SARL TOUT POUR L'HYDROCUREUR, M. [P] [Z] et M. [H] [Z] ont saisi le juge de la mise en état d'un incident soulevant la nullité des opérations de saisie-contrefaçon et l'incompétence de la juridicition.

Par une ordonnance du 21 novembre 2019, le juge de la mise en état a débouté les sociétés BG TRUCKS et TOUT POUR L'HYDROCUREUR, M. [P] [Z] et M. [H] [Z] de leurs demandes. A titre reconventionnel, les demandeurs à l'incident ont été condamnés à verser aux débats les factures d'achats des engins qu'ils ont commercialisé, ainsi qu'à verser une indemnité provisionnelle de 10.000 euros au titre du préjudice moral des sociétés HUWER HOLDING et ETABLISSEMENTS J HUWER ASSAINISSEMENT.

Par déclaration du 16 décembre 2019, la SARL BG TRUCKS, la SARL TOUT POUR L'HYDROCUREUR, M. [P] [Z] et M. [H] [Z] ont interjeté appel de cette ordonnance.

Par un arrêt du 10 novembre 2020, La Cour d'Appel de Paris a déclaré l'appel partiellement irrecevable concernant les demandes relatives à la communication de pièces et confirmé pour le surplus l'ordonnance du 21 novembre 2019.

Dans leurs dernières conclusions récapitulatives no5 en date du 27 janvier 2021, la SAS HUWER HOLDING et la SA ETABLISSEMENTS J HUWER ASSAINISSEMENT demandent au tribunal, au visa des articles L. 713-6, L. 717-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle, 1240, 2224 du code civil, L. 121-1 à L. 121-5 du code de la consommation, 775 du code de procédure civile, R. 211-7 du code de l'organisation judiciaire et 9 du Règlement no 2017/1001 du 14 juin 2017 sur la Marque de l'Union Européenne, de:

- Dire recevables et bien fondées l'action des sociétés HUWER HOLDING et ETABLISSEMENTS J HUWER ASSAINISSEMENT ;

- Débouter les sociétés BG TRUCKS et SARL TOUT POUR L'HYDROCUREUR ainsi que MM. [P] et [H] [Z] de leur demande d'annulation des opérations de saisie-contrefaçon exécutées le 10 janvier 2019 par le ministère de Maître [H] [E], huissier de justice, selon Ordonnance de saisie-contrefaçon du 3 décembre 2018 (RG no 18/03333) ;

- Dire les sociétés BG TRUCKS et SARL TOUT POUR L'HYDROCUREUR ainsi que MM. [P] et [H] [Z] responsables de faits de contrefaçon des marques de l'Union européenne no 015807522 et 016303026 ;

- Dire les sociétés BG TRUCKS et SARL TOUT POUR L'HYDROCUREUR ainsi que MM. [P] et [H] [Z] ont engagé leur responsabilité civile délictuelle du fait d'actes de concurrence déloyale et parasitaire, ainsi que de pratiques commerciales trompeuses ;

En conséquence,

Sur les demandes :

- Condamner in solidum les sociétés BG TRUCKS, SARL TOUT POUR L'HYDROCUREUR, MM. [P] et [H] [Z], à verser aux sociétés HUWER HOLDING et ETABLISSEMENTS J HUWER ASSAINISSEMENT la somme de 1.496.430,24€ TTC de dommages et intérêts au titre du préjudice matériel issu de :
* la reproduction du terme « HUWER » et du logotype « HUWER » de 2012, signes utilisés dans la vie des affaires à titre de marques non enregistrées, pour la période allant de mars 2012 à mars 2017 ;
* la contrefaçon des marques de l'Union européenne no 015807522 et 016303026 pour la période postérieure à mars 2017 ;
*l'effacement du logotype « HUWER » antérieur à 2012, signe utilisé dans la vie des affaires à titre de marque non enregistrée ;

- Condamner in solidum les sociétés BG TRUCKS, SARL TOUT POUR L'HYDROCUREUR, MM. [P] et [H] [Z], à verser aux sociétés HUWER HOLDING et ETABLISSEMENTS J HUWER ASSAINISSEMENT la somme de 500.000 € au titre du préjudice moral issu de :
* la contrefaçon;
* l'atteinte à la renommée des marques « HUWER » de l'Union européenne no 015807522 et 016303026 ;
* l'effacement du logotype « HUWER » antérieur à 2012, signe utilisé dans la vie des affaires à titre de marque non enregistrée ;

- Condamner in solidum les sociétés BG TRUCKS, SARL TOUT POUR L'HYDROCUREUR, MM. [P] et [H] [Z], à verser aux sociétés HUWER HOLDING et ETABLISSEMENTS J HUWER ASSAINISSEMENT la somme de 50.000 € au titre des pratiques commerciales trompeuses ;

- Condamner in solidum les sociétés BG TRUCKS, SARL TOUT POUR L'HYDROCUREUR, MM. [P] et [H] [Z], à verser aux sociétés HUWER HOLDING et ETABLISSEMENTS J HUWER ASSAINISSEMENT la somme de 200.000 € au titre de la désorganisation du marché ;

- Condamner in solidum les sociétés BG TRUCKS, SARL TOUT POUR L'HYDROCUREUR, MM. [P] et [H] [Z], à verser aux sociétés HUWER HOLDING et ETABLISSEMENTS J HUWER ASSAINISSEMENT la somme de 100 000 € au titre du parasitisme économique ;

Sur les obligations sous astreinte :

- Interdire aux sociétés BG TRUCKS, TOUT POUR L'HYDROCUREUR ainsi qu'à leurs dirigeants MM. [P] et [H] [Z] de reproduire, sous quelque forme que soit, et les apposer sur quelque support que ce soit, les marques de l'Union Européenne « Huwer » no 015807522 et « Huwer » no 016303026 ;

- Prononcer de ce chef une astreinte de 10 000,00 € par infraction constatée à compter du prononcé de la décision à intervenir ;

- Interdire aux sociétés BG TRUCKS, SARL TOUT POUR L'HYDROCUREUR, Messieurs [P] et [H] [Z] d'associer sur des engins hydrocureurs la marque « HUWER » à leurs signes distinctifs, et notamment nom commercial, enseigne, dénomination sociale, marque et logotypes ;

- Prononcer de ce chef une astreinte de 10.000,00 € par infraction constatée à compter du prononcé de la décision à intervenir ;

- Ordonner aux sociétés BG TRUCKS, TOUT POUR L'HYDROCUREUR ainsi qu'à leurs dirigeants M. [P] [Z] et M. [H] [Z] de détruire à leurs frais tous autocollants comportant le mot « HUWER » par devant Maître [H] [E], huissier de justice, et de produire aux sociétés HUWER HOLDING, ETABLISSEMENT J HUWER ASSAINISSEMENT le procès-verbal de constat afférent auxdites opérations de destruction ;

- Dire que cette obligation sera réputée satisfaite au jour de réception par les sociétés HUWER HOLDING, ETABLISSEMENT J HUWER ASSAINISSEMENT d'une copie du procès-verbal de constat précité ;

- PRONONCER de ce chef une astreinte de 5.000,00 € par jour de retard, dans les 8 jours à compter de la signification de la décision à intervenir pendant un délai de 15 jours, passé lequel délai il sera à nouveau fait droit ;

- Dire que la juridiction de céans se réserve la liquidation des astreintes susdites ;

En tout état de cause,

- Débouter les sociétés BG TRUCKS et SARL TOUT POUR L'HYDROCUREUR ainsi que MM. [P] et [H] [Z] de l'ensemble de leurs fins, moyens et conclusions ;

- Condamner in solidum les sociétés BG TRUCKS, SARL TOUT POUR L'HYDROCUREUR, ainsi que MM. [P] et [H] [Z] à payer aux sociétés HUWER HOLDING et ETABLISSEMENTS J HUWER ASSAINISSEMENT la somme de 58.680,00 € au titre des frais irrépétibles engagés auprès de leur avocat plaidant, et ce au visa de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner in solidum les sociétés BG TRUCKS, SARL TOUT POUR L'HYDROCUREUR, ainsi que MM. [P] et [H] [Z] à payer aux sociétés HUWER HOLDING et ETABLISSEMENTS J HUWER ASSAINISSEMENT la somme de 3. 840,00 € au titre des frais irrépétibles engagés auprès de leur avocat constitué, et ce au visa de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner in solidum les sociétés BG TRUCKS, SARL TOUT POUR L'HYDROCUREUR, ainsi que MM. [P] et [H] [Z] à payer aux sociétés HUWER HOLDING et ETABLISSEMENTS J HUWER ASSAINISSEMENT la somme de 12.865,38 € au titre des frais irrépétibles engagés auprès de Maîtres [O] [S] et [H] [E], Huissiers de justice, ainsi que de Monsieur [U] [Y], expert agréé en informatique, et ce au visa de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner in solidum les sociétés BG TRUCKS, SARL TOUT POUR L'HYDROCUREUR, ainsi que MM. [P] et [H] [Z] aux entiers dépens ;

- Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir, nonobstant appel.

Dans leurs dernières conclusions récapitulatives no4 en date du 22 février 2021, BG TRUCKS, SARL TOUT POUR L'HYDROCUREUR et MM. [P] et [H] [Z] sollicitent du tribunal, au visa des articles 716-3 et suivants du code de la propriété intellectuelle, de:

- Prononcer la nullité des procès-verbaux de saisie-contrefaçon établis le 10 janvier 2019,

Les écarter des débats,

- Déclarer la société HUWER HOLDING et la société ETABLISSEMENTS J HUWER ASSAINISSEMENT mal fondées en leurs demandes, fins et prétentions,

En conséquence,

- Les en débouter purement et simplement,

En tout état de cause,

- Mettre hors de cause la SARL TOUT POUR L'HYDROCUREUR, M. [P] [Z] et M. [H] [Z],

- Condamner in solidum la société HUWER HOLDING et la société ETABLISSEMENTS J HUWER ASSAINISSEMENT à payer à la SARL BG TRUCKS la somme 10.000,00 euros correspondant à la provision versée à tort en exécution de l'ordonnance du Juge de la mise en état du tribunal judiciaire de PARIS et ce avec intérêt au taux légal à compter de la décision à intervenir,

- Condamner in solidum la société HUWER HOLDING et la société ETABLISSEMENTS J HUWER ASSAINISSEMENT à payer à la SARL TOUT POUR L'HYDROCUREUR la somme de 10.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- Condamner in solidum la société HUWER HOLDING et la société ETABLISSEMENTS J HUWER ASSAINISSEMENT à payer à M. [H] [Z] la somme de 10.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- Dans l'éventualité où il serait fait droit à la demande de destruction des autocollants, dire que la SARL BG TRUCKS pourra faire appel à l'huissier de justice de son choix pour constater cette destruction,

- Condamner in solidum la société HUWER HOLDING et la société ETABLISSEMENTS J HUWER ASSAINISSEMENT à payer à la SARL BG TRUCKS, la SARL TOUT POUR L'HYDROCUREUR, M. [P] [Z] et M. [H] [Z] la somme de 12.000,00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 février 2021.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1o) Sur la validité des opérations de saisie-contrefaçon

Les sociétés BG TRUCKS et TOUT POUR L'HYDROCUREUR, ainsi que MM. [P] et [H] [Z] concluent à la nullité des procès-verbaux de saisie-contrefaçon dressés le 10 janvier 2019. Les défendeurs font en premier lieu valoir que la mission confiée à l'huissier, trop large et imprécise, ne peut être considérée comme légalement admissible. Ils ajoutent qu'en remettant aux sociétés HUWER, requérantes, les factures et bons de commandes saisis dans le cadre de la recherche informatique autorisée par l'ordonnance, alors que ces éléments devaient, aux termes de l'ordonnance, être placés sous scellés, l'huissier de justice a outrepassé ses pouvoirs. Les défendeurs soutiennent enfin qu'en utilisant les éléments saisis à des fins étrangères à la présente procédure, les sociétés HUWER encourent la nullité des opérations de saisie-contrefaçon.

Les sociétés HUWER HOLDING et ETABLISSEMENTS J HUWER ASSAINISSEMENT concluent pour leur part à la validité des opérations de saisie. Elles exposent que les recherches informatiques étaient strictement limitées au mot-clef "Huwer" et que l'ordonnance ne prévoyait le placement sous scellés que des correspondances électroniques, tandis que la remise d'une facture saisie à la société HUWER NORD ne saurait entraîner la nullité de la saisie.

Sur ce,

Selon l'article L.716-7 du code de la propriété intellectuelle dans sa version alors applicable, "La contrefaçon peut être prouvée par tous moyens.
A cet effet, toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon est en droit de faire procéder en tout lieu et par tous huissiers, le cas échéant assistés d'experts désignés par le demandeur, en vertu d'une ordonnance rendue sur requête par la juridiction civile compétente, soit à la description détaillée, avec ou sans prélèvement d'échantillons, soit à la saisie réelle des produits ou services prétendus contrefaisants ainsi que de tout document s'y rapportant. L'ordonnance peut autoriser la saisie réelle de tout document se rapportant aux produits et services prétendus contrefaisants en l'absence de ces derniers."

Selon l'article R.716-2 de ce même code, "La saisie, descriptive ou réelle, prévue à l'article L. 716-7 est ordonnée par le président du tribunal de grande instance compétent pour connaître du fond.
Le président peut autoriser l'huissier à procéder à toute constatation utile en vue d'établir l'origine, la consistance et l'étendue de la contrefaçon.
Afin d'assurer la protection du secret des affaires, le président peut ordonner d'office le placement sous séquestre provisoire des pièces saisies, dans les conditions prévues à l'article R. 153-1 du code de commerce."

Ces dispositions réalisent la transposition en droit interne de la Directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle, dont l'article 3 "Obligation générale" prévoit que les mesures susceptibles d'être ordonnées doivent être proportionnées.

Il en résulte que les recherches sur les supports informatiques du saisi doivent en principe être limitées par des mots-clefs en lien avec les faits dénoncés (cf à propos de ce qui est jugé en application de l'article 145 du code de procédure civile : Cass. Civ. 2ème, 7 janvier 2016, pourvoi no14-25.78 ; Cass. Civ. 2ème, 11 mai 2017, pourvoi no16-16.966 ; Cass. Com., 4 novembre 2020, pourvoi no 19-13.205), et pertinents pour la solution du litige (Cass. Civ. 2ème, 5 janvier 2017, pourvoi no 15-27.526).

Il est en outre constamment jugé que la saisie réelle, d'objets et documents, non conforme à l'ordonnance autorisant la saisie contrefaçon, constitue une voie de fait qui justifie leur restitution (Cass. Com., 31 mai 2005, pourvoi no 03-12.162).

En l'occurrence, l'ordonnance a limité les recherches pouvant être accomplies par l'huissier, assisté d'un expert informatique, à tous résultats amenés par le mot-clef "HUWER", lequel est à l'évidence en lien avec le présent litige, tandis qu'il n'est pas établi, ni même allégué, que cette recherche soit susceptible de renvoyer à des documents sans liens avec le litige. Il y a donc lieu de rejeter la demande d'annulation des procès-verbaux pour ce motif.

En revanche, le tribunal observe que l'ordonnance est ainsi rédigée s'agissant des pièces obtenues au terme de cette recherche informatique :
"Saisie de fichiers et courriers électroniques
- Ordonnons à l'huissier instrumentaire, assisté de l'expert informatique, à rechercher et enregistrer sur tout support informatique :
* Tous fichiers informatiques dans lesquels le mot-clef "HUWER" sera identifié par l'expert informatique ;
* Tous courriers informatiques dans lesquels le mot-clef "HUWER" sera identifié par l'expert informatique ;
- Disons que l'expert informatique réalisera deux copies de fichiers et courriers électroniques précités ;
- Disons que l'huissier instrumentaire apposera les scellés sur ces deux copies ;"

Force est ainsi de constater qu'en exécution de l'ordonnance du 3 décembre 2019, l'huissier aurait dû placer sous scellés l'ensemble des pièces, et pas seulement les courriels, obtenues au moyen d'une recherche informatique par mot-clef.

Or des factures "pro forma", obtenues dans le cadre des recherches effectuées "avec le vocable HUWER" sur le poste informatique de Mme [J] [B], ont été remises à la partie saisissante à l'issue des opérations de saisie-contrefaçon. Ces factures pro forma doivent être écartées des débats, de même que l'ensemble des factures émises, obtenues au vu de ces factures pro forma, sans qu'il y ait lieu à annulation des procès-verbaux de saisie-contrefaçon.

2o) Sur la mise hors de cause de la SARL TOUT POUR L'HYDROCUREUR, M. [P] [Z] et M. [H] [Z]

Il n'est invoqué aucune fin de non recevoir concernant ces défendeurs, mais uniquement l'absence de faute leur étant imputable, ce qui constitue une défense au fond, de sorte qu'il n'y a pas lieu de les "mettre hors de cause".

3o) Sur l'atteinte aux signes distinctifs non enregistrés et la contrefaçon des marques no 015807522 et 016303026

Au visa de l'article 1240 du code civil à défaut de droit privatif au titre de la période antérieure à 2017, les sociétés HUWER HOLDING et ETABLISSEMENTS J HUWER ASSAINISSEMENT reprochent en premier lieu aux défendeurs des faits d'usage de leurs signes distinctifs. Pour la période postérieure à 2017, les demandes sont fondées sur la contrefaçon de leurs marques de l'Union européenne.

Les faits sont, selon les demanderesses, établis par les factures produites et des photographies versées aux débats. Les faits sont encore établis par les 31 auto-collants neufs, reproduisant servilement la marque semi-figurative, découverts lors des opérations de saisie-contrefaçon réalisées au siège de la société BG TRUCKS, et que cette société utilise illicitement pour modifier l'apparence des camions qu'elle répare.

Les sociétés BG TRUCKS et TOUT POUR L'HYDROCUREUR, ainsi que MM. [P] et [H] [Z] concluent au rejet des demandes de tous ces chefs. Ils soutiennent que les photographies sont dépourvues de force probante quant à une quelconque imputabilité à l'un quelconque d'entre eux des faits litigieux, tandis que les procès-verbaux de saisie-contrefaçon seront annulés, de sorte que les factures produites ne peuvent fonder aucune demande, ce d'autant moins que la réparation de camions "HUWER" est une activité licite.

Les défendeurs invoquent encore un faible nombre de commandes d'auto-collants "HUWER" dont ils indiquent qu'en tout état de cause ils n'ont jamais été utilisés pour transformer, en camions "HUWER", des hydrocureurs d'une autre marque. Ils ajoutent que la référence aux marques l'est à titre de "référence nécessaire" pour la commercialisation de leurs propres services.

Sur ce,

Aux termes de l'article 9 "Droit conféré par la marque de l'Union européenne" du Règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne :

"1. L'enregistrement d'une marque de l'Union européenne confère à son titulaire un droit exclusif.

2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque :
a) ce signe est identique à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée ;
b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque ; (...)

3. Il peut notamment être interdit, en vertu du paragraphe 2 :
a) d'apposer le signe sur les produits ou sur leur conditionnement;
b) d'offrir les produits, de les mettre sur le marché ou de les détenir à ces fins sous le signe, ou d'offrir ou de fournir des services sous le signe;
c) d'importer ou d'exporter les produits sous le signe;

d) de faire usage du signe comme nom commercial ou dénomination sociale ou comme partie d'un nom commercial ou d'une dénomination sociale;
e) d'utiliser le signe dans les papiers d'affaires et la publicité;
f) de faire usage du signe dans des publicités comparatives d'une manière contraire à la directive 2006/114/CE."

Les factures étant écartées des débats, les seuls éléments probants versés aux débats sont en définitive les auto-collants neufs saisis dans les locaux de la société BG TRUCKS :

(Photographie no2 annexée au procès-verbal de saisie-contrefaçon)

(Photographie no3 annexée au procès-verbal de saisie-contrefaçon)

et les constatations et photographies attestant de l'usage de ces auto-collants sur des camions en cours de réparation par cette même société.

Or, il n'est pas contesté que les sociétés HUWER n'ont pas autorisé un tel usage des marques, destiné à modifier l'apparence des véhicules et cuves qu'elle commercialise, au moment de leur revente, cet usage excédant manifestement la simple "référence nécessaire" aux fins de commercialiser ses propres services par la société BG TRUCKS.

En tant que de besoin, il est également relevé que cet usage des marques accrédite l'idée fausse que la société BG TRUCKS bénéficierait d'une licence sur les marques, créant ainsi un risque de confusion dans l'esprit du public pertinent, peu important à cet égard que les véhicules soient "authentiques", dès lors qu'il est fait usage des marques pour la commercialisation de services de réparation de véhicules d'occasion sur lesquelles les demanderesses n'exercent aucun contrôle.

La contrefaçon apparaît donc établie à la date du 10 janvier 2019.

Il sera fait droit aux demandes d'interdiction d'usage et de destruction sous astreinte, et la société BG TRUCKS sera condamnée à payer à la société HUWER HOLDING, en sa qualité de titulaire des marques, la somme de 25.000 euros en réparation de son préjudice moral, et à la société ETABLISSEMENTS J HUWER ASSAINISSEMENT la somme de 10.000 euros en réparation du préjudice matériel qui lui est propre en sa qualité de licenciée exclusive (article 25, 4 du Règlement 2017/1001 du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne).

La demande reconventionnelle de la société BG TRUCKS aux fins de restitution de la provision de 10.000 euros mise à sa charge par le juge de la mise en état ne peut qu'être rejetée.

Il n'est en outre pas démontré de faits antérieurs au dépôt des marques de sorte que la demande portant sur la période 2012/2017 sera rejetée.

Ne sont pas davantage démontrés les faits d'atteintes au logotype des demanderesse antérieurs à 2012 lesquels reposent sur des conjectures basées au surplus sur des factures écartées des débats. Les demandes à ce titre ne peuvent donc qu'être rejetées.

Les demandes dirigées contre la société TOUT POUR L'HYDROCUREUR, en l'absence de preuve de l'implication de cette société dans les faits de contrefaçon établis, seront rejetées.

Il n'est enfin pas démontré ici que M. [P] [Z], gérant de la SARL BG TRUCKS, a commis une faute dépassant la simple mauvaise gestion et qui serait à ce titre détachable de ses fonctions et susceptible d'engager sa responsabilité personnelle. Les demandes de condamnations dirigées contre lui seront donc de la même manière rejetées.

4o) Sur l'atteinte à la marque renommée

Les sociétés HUWER HOLDING et ETABLISSEMENTS J HUWER ASSAINISSEMENT se présentent comme l'un des deux leaders du marché français des hydrocureurs, ayant vendu, au 31 octobre 2018, plus de 7000 véhicules. Elles soutiennent donc que la marque jouit d'une renommée parmi les professionnels du secteur de l'assainissement. Elles soutiennent qu'en aposant ainsi leur marque sur des véhicules qui sont en réalité des épaves, les défendeurs portent atteinte à leur renommée.

Les sociétés BG TRUCKS et TOUT POUR L'HYDROCUREUR, ainsi que MM. [P] et [H] [Z] concluent au rejet des demandes fondées sur l'atteinte à la renommée de leurs marques qui, selon eux, ne sauraient prospérer.

Sur ce,

Selon l'article 9 c) du Règlement précité le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque "c) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne, indépendamment du fait que les produits ou services pour lesquels il est utilisé soient identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d'une renommée dans l'Union et que l'usage de ce signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque de l'Union européenne ou leur porte préjudice."

Interprétant les dispositions identiques du règlement no 40/94 du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire, la Cour de Justice des Communautés européennes a, par un arrêt du 6 octobre 2009 (PAGO International GmbH, aff. C-301/07), dit pour droit que :

"21 La notion de «renommée» suppose un certain degré de connaissance au sein du public pertinent.

22 Le public pertinent est celui concerné par la marque communautaire, c'est-à-dire, en fonction du produit ou du service commercialisé, soit le grand public, soit un public plus spécialisé, par exemple un milieu professionnel donné (voir, par analogie, arrêt General Motors, précité, point 24, à propos de l'article 5, paragraphe 2, de la directive).

23 Il ne peut être exigé que la marque communautaire soit connue d'un pourcentage déterminé du public ainsi défini (même arrêt, par analogie, point 25).

24 Le degré de connaissance requis doit être considéré comme atteint lorsque la marque communautaire est connue d'une partie significative du public concerné par les produits ou services couverts par cette marque (même arrêt, par analogie, point 26).

25 Dans l'examen de cette condition, le juge national doit prendre en considération tous les éléments pertinents de la cause, à savoir, notamment, la part de marché détenue par la marque, l'intensité, l'étendue géographique et la durée de son usage, ainsi que l'importance des investissements réalisés par l'entreprise pour la promouvoir (même arrêt, par analogie, point 27).

26 Eu égard aux éléments du litige au principal, il incombe ainsi au juge de renvoi de vérifier si la marque communautaire en cause est connue d'une partie significative du public concerné par les produits couverts par elle.

27 Au plan territorial, la condition relative à la renommée doit être considérée comme étant remplie lorsque la marque communautaire jouit d'une renommée dans une partie substantielle du territoire de la Communauté (voir, par analogie, arrêt General Motors, précité, point 28).

28 Il convient de rappeler que la Cour a déjà jugé que, en ce qui concerne une marque Benelux, il suffit, aux fins de l'article 5, paragraphe 2, de la directive, que la renommée existe dans une partie substantielle du territoire Benelux, laquelle peut correspondre, le cas échéant, à une partie de l'un des pays du Benelux (arrêt General Motors, précité, point 29).

29 S'agissant, en l'occurrence, d'une marque communautaire dont la renommée existe dans la totalité du territoire d'un État membre, à savoir celui de l'Autriche, il peut être considéré, eu égard aux circonstances de l'affaire au principal, qu'il est satisfait à l'exigence territoriale qu'impose l'article 9, paragraphe 1, sous c), du règlement.

30 Il convient donc de répondre à la première question préjudicielle que l'article 9, paragraphe 1, sous c), du règlement doit être interprété en ce sens que, pour bénéficier de la protection prévue à cette disposition, une marque communautaire doit être connue d'une partie significative du public concerné par les produits ou les services couverts par elle, dans une partie substantielle du territoire de la Communauté, et que, eu égard aux circonstances de l'affaire au principal, le territoire de l'État membre en cause peut être considéré comme constituant une partie substantielle du territoire de la Communauté."

Force est en l'occurrence de constater que les sociétés demanderesses ne versent aucun élément attestant de leurs parts dans les marchés, national et surtout européen, des hydrocureurs, et ne produisent pas davantage d'éléments attestant de la réalité de leurs investissements aux fins de promotion de leurs marques.

Il en résulte qu'il ne peut être fait droit aux demandes fondées sur l'atteinte à la renommée des marques.

5o) Sur la concurrence déloyale et parasitaire

a- Sur les pratiques commerciales trompeuses

Selon l'article L.121-2, 1o, du code de la consommation, "Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l'une des circonstances suivantes :
1o Lorsqu'elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial ou un autre signe distinctif d'un concurrent ;"

Il est admis que le non-respect par un concurrent des règles du droit de la consommation créé une distorsion dans le jeu de la concurrence constitutive, en soi, d'un acte de concurrence déloyale par désorganisation du marché de nature à ouvrir un droit à réparation sur le fondement de la responsabilité délictuelle, ce dont il résulte qu'un opérateur économique est fondé à se prévaloir de pratiques commerciales réalisées en méconnaissance de la réglementation prescrite par le code de la consommation, dès lors qu'elles lui ont causé un préjudice et qu'il rapporte la preuve de faits distincts de la contrefaçon de marques déjà établie.

En l'occurrence, les sociétés HUWER font grief à la société BG TRUCKS de se comporter comme si elle bénéficiait d'une licence sur les marques, conférant ainsi à ses services un gage de qualité et de sérieux qu'à l'évidence, selon elle, ils n'ont pas, ainsi qu'en attestent les nombreux litiges qui opposent cette société à ses clients.

Ce faisant, les sociétés HUWER ne caractérisent aucun fait distinct de la contrefaçon de marques déjà retenue. Il en résulte que la demande de ce chef ne peut qu'être rejetée.

b- Sur le parasitisme

Au visa des articles 1240 et 1241 du code civil, il est constamment jugé que la liberté du commerce autorise tout acteur économique à attirer vers lui la clientèle de son concurrent. Aussi, l'imitation d'un concurrent n'est, en tant que telle, pas fautive, à moins que ne soient utilisés des procédés illicites ou contraires aux usages loyaux du commerce.

Est néanmoins considéré comme fautif le fait, pour un agent économique, de s'immiscer dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire particulier (Cass. Com., 26 janvier 1999, pourvoi no 96-22.457 ; Cass. Com., 10 septembre 2013, pourvoi no 12-20.933), ce qui constitue un acte de parasitisme.

Les sociétés demanderesses, qui reprochent aux défendeurs d'apposer leur propre logo à côté du leur sur les véhicules qu'ils réparent, ne caractérisent aucune faute, le seul procédé susceptible d'être considéré comme illicite ici étant l'apposition des marques, déjà retenu par ailleurs.

La demande fondée sur le parasitisme sera donc écartée.

6o) Sur les autres mesures

La société TOUT POUR L'HYDROCUREUR et M. [H] [Z], qui ne caractérisent pas autre chose qu'une mauvaise appréciation de leurs droits par les sociétés HUWER HOLDING et ETABLISSEMENTS J HUWER ASSAINISSEMENT, seront déboutés de leurs demandes reconventionnelles de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la société BG TRUCKS sera condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer aux sociétés HUWER HOLDING et ETABLISSEMENTS J HUWER ASSAINISSEMENT la somme de 15.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, l'exécution provisoire sera ordonnée.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort,

Le tribunal,

Ecarte des débats l'ensemble des pièces saisies au moyen d'une recherche informatique par mot-clef et en particulier les factures pro forma ainsi que les factures émises correspondantes ;

Dit qu'en apposant sur les véhicules qu'elle répare des auto-collants neufs reproduisant et imitant les marques de la société HUWER HOLDING, la société BG TRUCKS a commis des actes de contrefaçon des marques no015807522 et no016303026 ;

Fait défense à la société BG TRUCKS de poursuivre ces faits sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée (c'est à dire par auto-collant apposé) courant à l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la signification de la présente décision ;

Enjoint à la société BG TRUCKS de détruire les auto-collants reproduisant et imitant les marques de la société HUWER HOLDING qui seraient encore en sa possession et ce, sous le contrôle d'un huissier de justice et sous astreinte de 500 euros par jour de retard à exécuter la présente décision courant à l'expiration d'un délai de 30 jours suivant la signification du jugement ;

Dit que le tribunal se réserve la liquidation des astreintes prononcées ;

Condamne la société BG TRUCKS à payer à la société HUWER HOLDING la somme de 25.000 euros à titre de dommages-intérêts réparant le préjudice moral résultant de la contrefaçon de ses marques (d'où il y aura lieu de déduire la somme de 10.000 euros versée à titre de provision) ;

Condamne la société BG TRUCKS à payer à la société ETABLISSEMENTS J HUWER ASSAINISSEMENT la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts réparant le préjudice matériel qui lui est propre résultant de la contrefaçon des marques ;

Rejette les demandes portant sur la période antérieure au dépôt des marques, pour l'atteinte à l'ancien logotype, et pour l'atteinte à la renommée des marques, ainsi que les demandes au titre des pratiques commerciales trompeuses et pour parasitisme économique ;

Rejette les demandes dirigées contre la société TOUT POUR L'HYDROCUREUR ainsi que celles dirigées contres MM. [P] et [H] [Z] ;

Rejette les demandes reconventionnelles de la société BG TRUCKS (restitution de la provision versée) et de la société TOUT POUR L'HYDROCUREUR et M. [H] [Z] (procédure abusive) ;

Condamne la société BG TRUCKS à payer aux sociétés HUWER HOLDING et ETABLISSEMENTS J HUWER ASSAINISSEMENT la somme de 15.000 euros (soit 7.500 euros à chacune) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société BG TRUCKS aux dépens ;

Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision.

Fait et jugé à Paris le 29 juillet 2021.

La GreffièreLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Ct0196
Numéro d'arrêt : 19/01501
Date de la décision : 29/07/2021

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2021-07-29;19.01501 ?
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