La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/07/2021 | FRANCE | N°19/14803

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Ct0196, 09 juillet 2021, 19/14803


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre 2ème section

No RG 19/14803 - No Portalis 352J-W-B7D-CRK2V

No MINUTE :

Assignation du :
17 Décembre 2019

JUGEMENT
rendu le 09 Juillet 2021
DEMANDERESSES

S.A. KENZO
[Adresse 6]
[Localité 10]

S.A.S. LOUIS VUITTON MALLETIER
[Adresse 7]
[Localité 9]

S.A. GIVENCHY
[Adresse 8]
[Localité 12]

représentées par Maître Gaëlle BLORET-PUCCI de l'AARPI BCTG AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #T0001

DÉFENDEURS

S.N.C. ELYSEES SAINT

HONORE
[Adresse 5]
[Localité 11]

représentée par Maître Guy LAMBOT de la SELARL ASYMPTOTE AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #B0733

S.A.R.L. ...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre 2ème section

No RG 19/14803 - No Portalis 352J-W-B7D-CRK2V

No MINUTE :

Assignation du :
17 Décembre 2019

JUGEMENT
rendu le 09 Juillet 2021
DEMANDERESSES

S.A. KENZO
[Adresse 6]
[Localité 10]

S.A.S. LOUIS VUITTON MALLETIER
[Adresse 7]
[Localité 9]

S.A. GIVENCHY
[Adresse 8]
[Localité 12]

représentées par Maître Gaëlle BLORET-PUCCI de l'AARPI BCTG AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #T0001

DÉFENDEURS

S.N.C. ELYSEES SAINT HONORE
[Adresse 5]
[Localité 11]

représentée par Maître Guy LAMBOT de la SELARL ASYMPTOTE AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #B0733

S.A.R.L. LATTIGO SL
Partida Rotès G 12
Altéa
[Localité 1])

représentée par Maître Miryam BENJELLOUN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E1971

Monsieur [Y] [I]
[Adresse 2]
[Localité 13]

représenté par Me Caroline SEBAG, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0128

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Florence BUTIN, Vice-Présidente
Catherine OSTENGO, Vice-présidente
Elise MELLIER, Juge

assistée de Quentin CURABET, Greffier

DEBATS

A l'audience du 04 Juin 2021 tenue en audience publique devant Florence BUTIN et Catherine OSTENGO, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seules l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile.
Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 09 Juillet 2021.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE

La société KENZO SA, immatriculée en 1995, se présente comme ayant pour activité la conception, la fabrication et la vente de produits dans le domaine du prêt-à-porter, de la maroquinerie et de la parfumerie. Ses produits sont distribués sous licence par la société LVMH FRAGANCE BRANDS.

Elle est notamment titulaire des marques suivantes :

- marque verbale française no1714335 « KENZO » déposée le 24 décembre 1991 et désignant notamment en classe 25 « toutes sortes de vêtements confectionnés et prêt à porter pour enfants, adultes, masculins et féminins ».

- marque verbale de l'Union européenne no720706 « KENZO » déposée le 12 décembre 1997 sous priorité de la marque française précitée, désignant notamment en classe 25 les vêtements.

La société LOUIS VUITTON MALLETIER SAS, immatriculée en 1980, se décrit comme spécialisée dans la fabrication et la commercialisation d'articles de voyages et de maroquinerie ainsi que plus récemment, de prêt-à-porter et d'accessoires.

Elle est titulaire des marques suivantes, désignant notamment des produits de la classe 25 :

- marque verbale française no1450752 « LOUIS VUITTON » déposée le 19 février 1988 ;

- marque verbale française no3873579 « LOUIS VUITTON » déposée le 14 novembre 2011 ;

- marque figurative française appelée « toile Monogram » no1540177, déposée le 7 juillet 1989 : - marque semi-figurative française LV no3873608 déposée le 14 novembre 2011 :

La société GIVENCHY SA, immatriculée en 1955, se présente comme opérant dans le secteur de la haute couture et des accessoires de mode.

Elle est notamment titulaire des marques suivantes :

- marque verbale française no1499223 « GIVENCHY » déposée le 21 novembre 1988, désignant notamment les produits de la classe 25 ;

- marque figurative française no3684033 « 4G », déposée le 15 octobre 2009 pour désigner notamment des produits de la classe 25.

La SNC ELYSEES SAINT HONORE, immatriculée en 1985, est une société exerçant dans le domaine de l'immobilier.

La société LATTIGO SL est une société de droit espagnol.

[Y] [I] est un entrepreneur individuel spécialisé dans le commerce de détail de textiles, d'habillement et de chaussures commercialisés sur les marchés.

Ayant découvert l'offre et la vente sur plusieurs emplacements situés au sein du marché [Adresse 15] à [Localité 14] d'articles revêtus de leurs marques, les sociétés GIVENCHY, LOUIS VUITTON MALLETIER et KENZO ont fait établir les 14 avril 2018 et 24 novembre 2018 des constats d'huissier relatifs à ces agissements sur les stands numéros 5 (lots 1115 et 1119) et 15 (lot 1109) - respectivement situés à hauteur du 132 et du 134 avenue Michelet - puis par lettres des 12 octobre 2018 et 17 janvier 2019, ont mis en demeure la société ELYSEES SAINT HONORE, identifiée comme le propriétaire de ces espaces, d'avoir notamment à faire cesser les actes de contrefaçon et à fournir l'ensemble des informations relatives aux sociétés les occupant.

Par courrier daté du 17 décembre 2018, la société ELYSEES SAINT HONORE a communiqué aux requérantes les baux consentis à la société LATTIGO, preneur à bail depuis le 27 juin 2017 des deux stands situés [Adresse 3].

Par ordonnance de référé rendue le 18 novembre 2019 les sociétés ELYSEES SAINT HONORE et LATTIGO - en qualité d'intermédiaires au sens de l'article L.716-6 du code de la propriété intellectuelle - ainsi que [Y] [I] en tant que sous-locataire des deux emplacements en cause depuis le 26 octobre 2017, se sont vus condamner à des indemnités provisionnelles, enjoints de communiquer des éléments au titre du droit d'information et interdire la poursuite des atteintes vraisemblables aux droits issus des marques précitées.

Les sociétés KENZO, LOUIS VUITTON MALLETIER et GIVENCHY, sur le constat que les agissements litigieux n'avaient pas cessé, ont par acte délivré le 17 décembre 2019 fait assigner les sociétés ELYSEES SAINT HONORE et LATTIGO SL ainsi que [Y] [I] devant le tribunal judiciaire de Paris sur le fondement des dispositions relatives à la contrefaçon de marque, présentant aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 10 mars 2021 les demandes suivantes :

Vu les anciens articles L. 713-1, L. 713-2, L. 713-3, L.716-7-1 et L. 716-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle, (nouvellement numérotés L713-1, L713-2, L. 713-3-1, L. 716-4-6 du code de la propriété intellectuelle)
Vu la directive no2004/48/CE du 24 avril 2004
Vu l'article 1728 du code civil,

DIRE ET JUGER les sociétés KENZO, LOUIS VUITTON MALLETIER et GIVENCHY recevables et bien fondées en leur qualité de propriétaires des marques françaises et/ou de l'Union européenne KENZO, LOUIS VUITTON et GIVENCHY ;

CONSTATER l'offre à la vente et la vente dans les locaux commerciaux détenus par la société ELYSEES SAINT HONORE, loués par la société LATTIGO et exploités par [Y] [I], de produits revêtus des marques KENZO, LOUIS VUITTON et GIVENCHY ;

JUGER qu'au regard des éléments de preuve produits par les sociétés KENZO, LOUIS VUITTON MALLETIER et GIVENCHY, les produits ainsi offerts à la vente et vendus sont revêtus de la reproduction illicite, ou à tout le moins, de l'imitation illicite des marques KENZO, LOUIS VUITTON et GIVENCHY et constituent par conséquent des produits contrefaisants ;

En conséquence,

INTERDIRE à [Y] [I] de détenir, d'offrir à la vente, de distribuer ou de commercialiser, des produits revêtus d'une marque appartenant aux sociétés KENZO, LOUIS VUITTON et GIVENCHY, sous astreinte provisoire de 5.000 euros par produit passé un délai de huit (8) jours à compter de la signification du jugement à intervenir ;

ENJOINDRE à [Y] [I] de communiquer aux demanderesses, par l'intermédiaire de leur avocat, l'ensemble des documents ou informations suivants pour chacun des locaux commerciaux exploités, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à l'issue d'un délai de un (1) mois à compter de la signification du jugement à intervenir (i) les noms et adresses de ses fournisseurs, (ii) les quantités de produits contrefaisants commercialisées, livrées, reçues ou commandées depuis la conclusion des contrats de sous-location ainsi que sur les prix d'achat et de revente desdits produits ;

CONDAMNER [Y] [I] à verser la somme de 40.000 euros à chacune des demanderesses à titre de dommages et intérêts du fait des actes de contrefaçon de marque relevés, sauf à parfaire au regard des éléments qui seront fournis par [Y] [I] dans le cadre de la présente procédure ;

PRONONCER l'opposabilité du jugement à intervenir à l'encontre des sociétés ELYSEES SAINT HONORE et LATTIGO afin de leur permettre de tirer toutes conséquences utiles des condamnations intervenues à l'encontre de [Y] [I] notamment quant à la résiliation des contrats de sous-location liant à [Y] [I] à la société LATTIGO ;

DIRE ET JUGER que, à défaut pour la société LATTIGO de procéder à la résiliation des contrats de sous-location dans un délai d'un (1) mois à compter de la signification du jugement à intervenir entrant en voie de condamnation à l'égard de [Y] [I] pour contrefaçon des marques KENZO, LOUIS VUITTON et GIVENCHY, les sociétés ELYSEES SAINT HONORE et LATTIGO seront solidairement tenues avec [Y] [I] au paiement de toutes sommes qui viendraient à être dues par [Y] [I] pour non-respect des mesures d'interdiction sous astreinte prononcées à son encontre ;

DIRE ET JUGER que le tribunal se réserve la liquidation des astreintes ;

CONDAMNER solidairement les sociétés ELYSEES SAINT HONORE et LATTIGO et [Y] [I] à payer la somme de 5.000 euros à chacune des sociétés KENZO, LOUIS VUITTON MALLETIER et GIVENCHY au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens ;

ORDONNER l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

La société ELYSEES SAINT-HONORE présente, par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 1er février 2021 les demandes suivantes :

Vu les dispositions des articles 3 et 11 (troisième phrase) de la directive No2004/48/CE du 29 avril 2004, L 713-1 à L 713-3, L 716-1, L 716-4-6 et L 716-4-8, du CPI, 1717, 1728 et 1741 du code civil;

DIRE ET JUGER la SNC ELYSEES SAINT-HONORE, tant recevable que bien fondée en ses demandes, fins et conclusions ;

DIRE ET JUGER la SA KENZO, la SAS LOUIS VUITTON MALLETIER et la SA GIVENCHY, irrecevables et mal fondées en leurs demandes, fins et conclusions, à l'encontre de la SNC ELYSEES SAINT-HONORE ;

En conséquence,

DEBOUTER la SA KENZO, la SAS LOUIS VUITTON MALLETIER et la SA GIVENCHY de l'intégralité de leurs demandes à l'encontre de la SNC ELYSEES SAINT-HONORE ;

METTRE hors de cause la SNC ELYSEES SAINT-HONORE ;

A titre infiniment subsidiaire et pour le cas ou par exceptionnel des condamnations seraient prononcées à l'encontre de la SNC ELYSEES SAINT-HONORE, condamner solidairement la SARL LATTIGO SL et [Y] [I] à la relever et garantir intégralement de toutes condamnations qui pourrait être prononcée à son encontre ;

CONDAMNER solidairement la SA KENZO, la SAS LOUIS VUITTON MALLETIER, la SA GIVENCHY, la SARL LATTIGO SL et [Y] [I] à payer la SNC ELYSEES SAINT-HONORE, la somme de 15.000 euros hors taxes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société LATTIGO SL présente, par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 10 mars 2021, les demandes suivantes :

Vu les articles L. 713-1- L. 713-2, L. 713-3, L. 716-6 et suivants du code de la propriété intellectuelle,
Vu la loi no2007-1544 du 29 octobre 2007 transposant la Directive no2004/48/ CE relative au respect des droits de la propriété intellectuelle ;
Vu l'article 1728 du code civil ;
Vu l'article 145-1 et suivants du code de commerce
Vu l'article L 131-3 du code des procédures civiles d'exécution,
Vu le procès-verbal d'huissier effectué par la SCP KLEIN-SUISSA-ROBILLARD en date du 19 octobre 2019,
Vu le procès-verbal d'huissier effectué par la SCP [C] en date du 22 août 2020 ;
Vu les pièces annexées à la présente ;

DECLARER la société LATTIGO recevable et bien fondée dans ses demandes, fins et conclusions ;

DEBOUTER les sociétés GIVENCHY, LOUIS VUITTON MALLETIER et KENZO dans leurs demandes, fins et conclusions?;

REJETER la demande de constat de l'offre à la vente et la vente sur les stands 5 (lot de copropriété 1115 et 1119) et 15 (lot de copropriété 1109) situés respectivement à hauteur du 132 et du 134, Avenue Michelet à SAINT OUEN (93400), de vêtements et d'articles de maroquinerie revêtus des marques GIVENCHY, LOUIS VUITTON MALLETIER et KENZO pour absence de preuve ;

DEBOUTER les sociétés GIVENCHY, LOUIS VUITTON MALLETIER et KENZO de leur demande de constat de vraisemblance entre les produits offerts à la vente et vendus et qui constitueraient des produits contrefaisants portant atteinte aux droits des sociétés GIVENCHY, LOUIS VUITTON MALLETIER et KENZO sur les marques GIVENCHY no1 499 223 et no3 684 033, sur les marques LOUIS VUITTON no1 450 752, no3 873 579, no1 540 177 et no3 873 608 et sur les marques KENZO no1 714 335, no720706 et no3 967 445 et la déclarer mal-fondée ;

REJETER la demande et juger mal-fondée la demande de constat des sociétés GIVENCHY, LOUIS VUITTON MALLETIER et KENZO qui demande l'identification de la société ELYSEES SAINT HONORE, comme étant la propriétaire et la société LATTIGO la locataire des stands 5 et 15 ;

JUGER que la société LATTIGO a exécuté l'ordonnance en date du 18 novembre 2019 et a sommé [Y] [I] de cesser tout acte de contrefaçon ;

DEBOUTER en conséquence les sociétés GIVENCHY, LOUIS VUITTON MALLETIER et KENZO de leur demande tendant à faire constater l'opposabilité aux sociétés ELYSEES SAINT HONORE et LATTIGO des mesures prononcées à l'égard de [Y] [I], afin de leur permettre de tirer toutes conséquences utiles des condamnations intervenues à l'encontre de [Y] [I] notamment quant à la résiliation des contrats de sous-location liant [Y] [I] à la société LATTIGO ;

En consequence,

DEBOUTER les sociétés GIVENCHY, LOUIS VUITTON MALLETIER et KENZO de leur demande de condamnation solidaire des sociétés ELYSEES SAINT HONORE et LATTIGO, au paiement de toutes sommes qui viendraient à être dues par [Y] [I], dans le cas où cette dernière ne résilierait pas les contrats de sous-location dans un délai d'un (1) mois à compter de la signification du jugement à intervenir ;

DECLARER les sociétés GIVENCHY, LOUIS VUITTON MALLETIER et KENZO mal fondées dans leur demande relative à la liquidation des astreintes par le tribunal judiciaire de PARIS ;

DEBOUTER les parties des demandes plus amples ou contraires ;

ORDONNER l'exécution provisoire du jugement à intervenir ;

DEBOUTER les sociétés GIVENCHY, LOUIS VUITTON MALLETIER et KENZO de leur demande relative à la condamnation de la société LATTIGO à payer la somme de 5 000 euros à chacune des sociétés GIVENCHY, LOUIS VUITTON MALLETIER et KENZO au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens ;

A titre subsidiaire,

DIRE ET JUGER, pour le cas où le tribunal prononcerait une condamnation à l'encontre de la société LATTIGO, que [Y] [I] devra la garantir et la relever indemne de toutes les condamnations prononcées tant en principal, qu'au titre des éventuels intérêts, frais et dépens ;

DIRE ET JUGER, pour le cas où le tribunal prononcerait une sommation de communiquer à l'encontre de la société LATTIGO, que [Y] [I] devra s'y substituer et y répondre en son lieu et place ;

CONDAMNER solidairement les sociétés GIVENCHY, LOUIS VUITTON MALLETIER et KENZO à payer à la société LATTIGO à payer chacune la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

[Y] [I] présente, par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 9 décembre 2020, les demandes suivantes :

Vu l'article L. 713-1, L 713-2, L. 713-3, L. 716-7-1 et L. 716-6 et suivants du code de la propriété intellectuelle,
Vu l'article 145-1 et suivants du code de commerce
Vu le procès-verbal d'huissier effectué par la SCP KLEIN-SUISSA-ROBILLARD en date du 19 octobre 2019,
Vu les pièces annexées à la présente ;

RECEVOIR [Y] [I] dans ses demandes, fins et conclusions ;

DEBOUTER les sociétés GIVENCHY, LOUIS VUITTON MALLETIER et KENZO dans leurs demandes, fins et conclusions?;

REJETER la demande de constat de l'offre à la vente et la vente sur les stands 5 (lot de copropriété 1115 et 1119) et 15 (lot de copropriété 1109) situés respectivement à hauteur du 132 et du 134, Avenue Michelet à SAINT OUEN (93400), de vêtements et d'articles de maroquinerie revêtus des marques GIVENCHY, LOUIS VUITTON MALLETIER et KENZO pour absence de preuve ;

DEBOUTER les sociétés GIVENCHY, LOUIS VUITTON MALLETIER et KENZO de leur demande de constat de vraisemblance entre les produits offerts à la vente et vendus et qui constitueraient des produits contrefaisants portant atteinte aux droits des sociétés GIVENCHY, LOUIS VUITTON MALLETIER et KENZO sur les marques GIVENCHY no1 499 223 et no3 684 033, sur les marques LOUIS VUITTON no1 450 752, no3 873 579, no1 540 177 et no3 873 608 et sur les marques KENZO no1 714 335, no720706 et no3 967 445 et la déclarer mal-fondée ;

REJETER la demande et juger mal-fondée la demande de constat des sociétés GIVENCHY, LOUIS VUITTON MALLETIER et KENZO qui demande l'identification de la société ELYSEES SAINT HONORE, comme étant la propriétaire et la société LATTIGO la locataire des stands 5 et 15 ;

DEBOUTER en conséquence les sociétés GIVENCHY, LOUIS VUITTON MALLETIER et KENZO de leur demande tendant à faire constater l'opposabilité aux sociétés ELYSEES SAINT HONORE et LATTIGO des mesures prononcées à l'égard de [Y] [I] et notamment d'ordonner à la société LATTIGO de procéder à la résiliation des contrats de sous-location dans un délai d'un mois, à compter de la signification du jugement à intervenir.

En consequence,

DEBOUTER les sociétés GIVENCHY, LOUIS VUITTON MALLETIER et KENZO de leur demande d'interdiction à [Y] [I] d'offrir à la vente, de distribuer ou de commercialiser, des produits revêtus d'une marque appartenant aux sociétés GIVENCHY, LOUIS VUITTON MALLETIER et KENZO, sous astreinte de 5 000 euros par produit passé un délai de huit (8) jours, à compter de la signification du jugement à intervenir et la juger mal-fondée,

DEBOUTER les sociétés GIVENCHY, LOUIS VUITTON MALLETIER et KENZO de leur demande de condamnation de [Y] [I] à verser à chacune des demanderesses la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du prétendu préjudice subi par ces dernières et les juger mal-fondées ;

DEBOUTER les sociétés GIVENCHY, LOUIS VUITTON MALLETIER et KENZO de leur demande tendant à ordonner à [Y] [I] de communiquer aux demanderesses, par l'intermédiaire de leur avocat, l'ensemble des documents ou informations suivantes, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à l'issue d'un délai d'un mois, à compter de la signification du jugement à intervenir en ce compris les noms et adresses de ses fournisseurs et les quantités de produits contrefaisants commercialisées, livrées, reçues ou commandées, ainsi que sur les prix d'achat et de revente desdits produits et la juger mal-fondée ;

DECLARER les sociétés GIVENCHY, LOUIS VUITTON MALLETIER et KENZO mal fondées dans leur demande relative à la liquidation de l'astreinte ;

DEBOUTER les sociétés GIVENCHY-LOUIS VUITTON MALLETIER et KENZO de leur demande relative à la condamnation solidaire de [Y] [I], des sociétés LATTIGO et ELYSEES SAINT HONORE à payer la somme de 5 000 euros à chacune des sociétés GIVENCHY, LOUIS VUITTON MALLETIER et KENZO au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens ;

CONDAMNER solidairement les sociétés GIVENCHY, LOUIS VUITTON MALLETIER et KENZO à payer à [Y] [I] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 11 mars 2021 et l'affaire plaidée le 4 juin 2021.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait référence aux écritures précitées des parties pour l'exposé de leurs prétentions respectives et les moyens qui y ont été développés.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1- Actes de contrefaçon reprochés (matérialité, suffisance des preuves rapportées) :

Les demanderesses exposent qu'elles ont parfaitement identifié les stands concernés et opéré les vérifications leur permettant d'établir que les marchandises en cause - de qualité très inférieure à celle des produits authentiques - comportaient des étiquettes ne correspondant pas à celles normalement utilisées et que le juge des référés a considéré qu' « En tant qu'elle est propriétaire des stands 5 et 15 du marché aux puces de Saint-Ouen et qu'elle met ces locaux à la disposition d'un commerçant auteur des contrefaçons vraisemblables constatées, la société ELYSEES-SAINT-HONORE fournit bien un service de location utilisé par les intéressés en vue de proposer à la vente des articles apparaissant comme des contrefaçons vraisemblables » et « a donc la qualité d'intermédiaire au sens de l'article L. 716-6 du code de la propriété intellectuelle interprété à la lumière de la directive 2004/48, de même que la société LATTIGO SL qui sous-loue ces locaux à M. [I] » (pièce DMD 23).

La société ELYSEES SAINT HONORE répond qu'elle aurait dû être assignée en référé « à son adresse administrative » qu'elle avait pris soin d'indiquer aux demanderesses en réaction à leur mise en demeure, et qu'elle s'est conformée à ses obligations en faisant signifier à la société LATTIGO SL, à l'adresse de son siège social en Espagne le 10 février 2020, un « commandement visant la clause résolutoire » (Pièce No4), « d'avoir à cesser d'offrir à la vente de distribuer ou de commercialiser des produits revêtus de reproductions ou d'imitation des marques appartenant aux sociétés GIVENCHY, KENZO et LOUIS VUITTON MALLETIER ».

Elle ajoute que les dispositions de l'article L 716-4-6 du code de la propriété intellectuelle et des articles 9 et 11 de la directive No2004/48/CE du 29 avril 2004 prévoient uniquement des mesures d'injonction, mais pas la possibilité de solliciter une condamnation solidaire des « intermédiaires » devant le juge du fond.

Elle estime que les demanderesses n'ont pas engagé les moyens nécessaires à la démonstration de la contrefaçon alléguée en se limitant à des constats d'achat, l'emplacement exact des stands en cause restant indéterminé.

La société LATTIGO et [Y] [I] invoquent les mêmes arguments tenant à l'insuffisance de preuves de la contrefaçon alléguée en soulignant que l'huissier intervenu à la requête des demanderesses se contente d'approximations en omettant même de photographier les lieux, ce qui ne permet pas au tribunal de les identifier formellement.

Sur ce,

En application de l'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle (anciens L. 713-3-1 et L. 713-3-2) « est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :

1o D'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;
2o D'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association du signe avec la marque ».
De même, l'article 9 du Règlement (UE) 2017/1001 du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne prévoit en son paragraphe 2 que « le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque :

a) ce signe est identique à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée (?) ».

Sur la matérialité de la contrefaçon reprochée qui n'est pas contestée, il suffit - sans qu'il soit besoin de se référer aux critères d'identification appliqués à chacun des articles en cause (pièces DMD 7.2, 7.3, 8.2, 8.4, 8.5, 15.2, 15.3, 16.2, 16.3, 28.2, 28.4, 28.5, 31.2) - de relever que les marques verbales « KENZO » « GIVENCHY » et « LOUIS VUITTON » sont, de même que les signes figuratifs de LOUIS VUITTON MALLETIER, reproduites à l'identique sur les mêmes produits que ceux commercialisées par les demanderesses sous les titres invoqués.

Ensuite sur l'identification des espaces de vente concernés, les pièces versées aux débats font ressortir que :

-le 14 avril 2018, deux constats d'achat ont été effectués, d'une part « à hauteur du 132, stand à l'arrière du marché [Adresse 15] » localisé comme étant « le 6ème stand en sortant à gauche de l'allée 1 » - ce qui correspond au stand no5 sur le plan du marché - portant sur deux pulls revêtus respectivement des signes KENZO et GIVENCHY (pièces DMD 6 et 7), et d'autre part, « à hauteur du 134 avenue Michelet (?) 11ème boutique (comprenant deux stands) en sortant à gauche de l'allée 3 du marché [Adresse 15] » - soit le no15 sur le même document - portant sur un sac marqué VUITTON, un tee-shirt marqué GIVENCHY et un tee-shirt marqué KENZO, étant précisé que dans chaque cas, ainsi que l'a souligné le juge des référés, l'huissier indique sur le plan annexé le lieu d'achat identifié au moyen de ses constatations ;

- par courrier électronique du 25 juillet 2018, la société FONCIA a indiqué que les stands 5 et 15 correspondaient respectivement aux lots de copropriété 1115/1119 et 1109, et appartenaient à la société ELYSEES SAINT HONORE établie [Adresse 4] (pièce DMD 11) ;

- de nouveaux constats ont été réalisés le 24 novembre 2018, portant sur un pull « KENZO » et un ensemble de survêtement « GIVENCHY » au sein du stand 5, et sur une sacoche « LOUIS VUITTON » et un tee-shirt « GIVENCHY » au sein du stand 15 (pièces DMD 15 et 16) étant relevé que là encore, l'huissier indique l'emplacement du constat par référence au plan du marché en spécifiant que l'espace 15 fait l'objet d'une subdivision et que l'achat est effectué « dans le stand de droite ».

Au regard de la précision de ces constatations successives, l'identification des espaces de vente concernés ne peut être remise en cause par le constat du 22 août 2020 (pièce SH 17) comptabilisant sur chaque portion de l'allée 16 stands au lieu de 15 entre le 136 et le 134, et 8 stands au lieu de 7 entre le 134 et le 132, alors que le premier décompte - vérifié à deux reprises par le même huissier - est effectué selon des repères identiques à partir des allées 1 et 3, et qu'il aurait été aisé pour les sociétés ELYSEES SAINT HONORE et LATTIGO de démontrer utilement l'inexactitude des faits rapportés ou le changement de configuration des lieux en identifiant elle-même les emplacements loués.
Les contestations émises à cet égard ne peuvent dans ces conditions qu'être écartées et ce d'autant plus que les 25 et 26 septembre 2020, deux constats d'achat ont encore été dressés - toujours par le même huissier - d'une part, « à hauteur du 134 avenue Michelet (?) 11ème boutique (comprenant 2 stands) en sortant à gauche de l'allée 3, ou 5ème boutique en sortant à droite de l'allée 1, référencée 15 sur le plan » portant sur une pochette VUITTON, un tee-shit GIVENCHY et un tee-shirt KENZO (pièce DMD 28), et d'autre part, dans la « 6ème boutique à partir de l'accès à l'allée 1 par l'avenue Michelet, à gauche en sortant du marché (vers le nord) figurant sur le plan du marché joint en annexe sous le numéro 5 » portant sur un sweat-shirt à capuche marqué GIVENCHY (pièce DMD 31) , ce qui ne laisse ainsi subsister aucun doute sur les lieux visés et partant, l'identification de l'activité incriminée.

Il s'ensuit que tant les actes de contrefaçon reprochés que leur imputabilité à [Y] [I] sont suffisamment démontrés.

2- Entités à l'égard desquelles les mesures sollicitées sont susceptibles d'être prononcées (qualité d' « intermédiaire ») :

Les demanderesses rappellent que l'ordonnance du 18 novembre 2019 a reconnu aux sociétés ELYSEES SAINT HONORE et LATTIGO la qualité d'intermédiaire au sens de l'article L. 716-6 du code de la propriété intellectuelle (devenu L. 716-6-4) interprété à la lumière de la directive 2004/48. Elles font valoir par ailleurs qu'en application de l'article 1728 du code civil, le locataire est légalement tenu d'user de la chose louée raisonnablement et qu'il appartient au bailleur de tirer toutes les conséquences juridiques d'une violation de cette obligation par le preneur, ce qui permet de retenir sa responsabilité dès lors qu'il n'est pas intervenu pour faire cesser le trouble causé par un locataire à l'égard des tiers. En réponse aux arguments adverses, elles soutiennent que la société ELYSEES SAINT-HONORE est bien un intermédiaire au sens de l'article 11 de la directive no2004/48/CE du 24 avril 2004 ou un bailleur susceptible d'engager sa responsabilité en ce que s'il n'a pas directement mis les lieux à la disposition de [Y] [I], il a permis cette occupation en prévoyant aux termes du contrat de bail que la sous-location est admise sur son autorisation.

La société ELYSEES SAINT-HONORE répond que la qualité « d'intermédiaire » au sens de l'article 11 de la directive No2004/48/CE du 29 avril 2004 vise uniquement celui qui est en relation contractuelle directe avec le tiers concerné par une action en contrefaçon, de telle sorte que s'il s'agit d'un sous-locataire, les actes litigieux permettent d'engager la responsabilité du locataire du bailleur initial, lequel a seul consenti cette sous-location.

Elle ajoute qu'elle ne peut pas non plus être condamnée sur le fondement des articles 1728 et 1199 du code civil dès lors qu'il n'existe pas de lien de droit entre le sous-locataire et le bailleur initial qui ne change pas de cocontractant, et qu'elle est intervenue à plusieurs reprises auprès de la société LATTIGO soit en novembre 2018 pour l'enjoindre de mettre fin aux pratiques dénoncées, puis en février 2020 pour délivrer le commandement visant la clause résolutoire et enfin le 4 décembre 2020 pour assigner son locataire en vue d'obtenir au fond la résiliation du bail.
Enfin elle estime que si sa responsabilité se trouvait devoir être engagée, elle ne pourrait être solidairement tenue au paiement de sommes dues au titre de la contrefaçon, en ce que de telles conséquences seraient disproportionnées et inéquitables au regard du contrôle limité qu'elle est en mesure d'exercer.

La société LATTIGO expose également qu'elle est intervenue auprès de son sous-locataire en lui adressant le 10 septembre 2019 une mise en demeure lui rappelant les termes de la décision du 18 octobre 2019 puis le 1er octobre 2020, une sommation de cesser tout acte de contrefaçon, et enfin suite au constat du 26 septembre 2020, en le faisant assigner afin de solliciter la résiliation judiciaire des deux contrats de sous-location. Elle estime dans ce contexte que les demandes de condamnation solidaire formées à son encontre ne sont pas justifiées.

[Y] [I] soutient que ni sa responsabilité dans les actes de contrefaçon commis, ni le préjudice invoqué par les demanderesses ne sont établis.

Sur ce,

L'article 9.1 a) de la Directive no2004/48/CE « mesures provisoires et conservatoires » prévoit que « Les États membres veillent à ce que les autorités judiciaires compétentes puissent, à la demande du requérant :
- rendre à l'encontre du contrevenant supposé une ordonnance de référé visant à prévenir toute atteinte imminente à un droit de propriété intellectuelle, à interdire, à titre provisoire et sous réserve, le cas échéant, du paiement d'une astreinte lorsque la législation nationale le prévoit, que les atteintes présumées à ce droit se poursuivent, ou à subordonner leur poursuite à la constitution de garanties destinées à assurer l'indemnisation du titulaire du droit ; une ordonnance de référé peut également être rendue, dans les mêmes conditions, à l'encontre d'un intermédiaire dont les services sont utilisés par un tiers pour porter atteinte à un droit de propriété intellectuelle (...) ».

L'article 11 « Injonctions », dispose en outre que « Les États membres veillent à ce que, lorsqu'une décision judiciaire a été prise constatant une atteinte à un droit de propriété intellectuelle, les autorités judiciaires compétentes puissent rendre à l'encontre du contrevenant une injonction visant à interdire la poursuite de cette atteinte. Lorsque la législation nationale le prévoit, le non-respect d'une injonction est, le cas échéant, passible d'une astreinte, destinée à en assurer l'exécution. Les États membres veillent également à ce que les titulaires de droits puissent demander une injonction à l'encontre des intermédiaires dont les services sont utilisés par un tiers pour porter atteinte à un droit de propriété intellectuelle, sans préjudice de l'article 8, paragraphe 3, de la directive 2001/29/CE ».

Aux termes d'une décision rendue sur question préjudicielle dans l'affaire C-494/15 (Tommy Hilfiger Licensing LLC c/ Delta Center a.s.), la CJUE a dit pour droit que « l'article 11, troisième phrase, de la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au respect des droits de propriété intellectuelle, doit être interprété en ce sens que relève de la notion d''intermédiair[e] dont les services sont utilisés par un tiers pour porter atteinte à un droit de propriété intellectuelle', au sens de cette disposition, le locataire de halles de marché qui sous-loue les différents points de vente situés dans ces halles à des marchands, dont certains utilisent leur emplacement pour vendre des marchandises contrefaisantes de produits de marque » et que « l'article 11, troisième phrase, de la directive 2004/48 doit être interprété en ce sens que les conditions auxquelles est subordonnée l'injonction, au sens de cette disposition, adressée à un intermédiaire qui fournit un service de location de points de vente dans des halles de marché, sont identiques à celles, relatives aux injonctions pouvant être adressées aux intermédiaires sur une place de marché en ligne, énoncées par la Cour dans l'arrêt du 12 juillet 2011, L'Oréal e.a. (C-324/09, EU:C:2011:474) ».

Ces conditions sont rappelées aux points 33 à 35 de la même décision à savoir que les injonctions doivent être effectives et dissuasives mais aussi équitables et proportionnées, ne doivent pas être excessivement coûteuses ni créer d'obstacles au commerce légitime. Il est également énoncé qu' « il ne saurait non plus être exigé de l'intermédiaire qu'il exerce une surveillance générale et permanente de ses clients. En revanche, l'intermédiaire peut être contraint de prendre des mesures qui contribuent à éviter que de nouvelles atteintes de même nature par le même marchand aient lieu » la Cour ayant ainsi estimé que « toute injonction, au sens de l'article 11, troisième phrase, de la directive 2004/48, ne peut être prononcée que si elle assure un juste équilibre entre la protection de la propriété intellectuelle et l'absence d'obstacles au commerce légitime ».

La directive précitée a été transposée à l'article L. 716-4-6 du code de la propriété intellectuelle (ancien L. 716-6) aux termes duquel « toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l'encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d'actes argués de contrefaçon. La juridiction civile compétente peut également ordonner toutes mesures urgentes sur requête lorsque les circonstances exigent que ces mesures ne soient pas prises contradictoirement, notamment lorsque tout retard serait de nature à causer un préjudice irréparable au demandeur. Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu'il est porté atteinte à ses droits ou qu'une telle atteinte est imminente ».

L'un des arguments opposés par la société ELYSEES SAINT-HONORE consiste à soutenir que le texte de transposition n'envisage la mise en cause des « intermédiaires » au sens de la directive que dans le cadre de mesures provisoires, ce qui d'une part, priverait cet instrument juridique de toute efficacité, et d'autre part, ne serait pas en cohérence avec les dispositions applicables au droit d'auteur selon lesquelles en présence d'agissements illicites commis au moyen d'un service de communication en ligne, la juridiction peut dans le cadre d'une procédure accélérée au fond ordonner des mesures propres à faire cesser les atteintes relevées « à l'encontre de toute personne susceptible de contribuer à y remédier » même si celles-ci n'ont commis par ailleurs aucune faute de nature à engager leur responsabilité civile (L. 336-2 du code de la propriété intellectuelle).

Il est en outre observé que l'article 11 de la Directive no2004/48/CE, qui doit être interprété à la lumière de la jurisprudence précitée de la CJUE, n'opère aucune distinction selon laquelle la portée du texte tel que transposé en droit interne pourrait être limité au stade de mesures provisoires alors que toute action fondée sur l'article L. 716-4-6 a vocation à être suivie d'une instance au fond à défaut de laquelle les interdictions sont levées.

Ainsi que l'a justement relevé le juge des référés, la société ELYSEES SAINT-HONORE fournit un service de location et met ce faisant à la disposition d'un commerçant un espace utilisé pour commettre des actes de contrefaçon, ce qui lui confère - de même qu'à la société LATTIGO qui sous-loue les mêmes locaux à [Y] [I] - la qualité d'intermédiaire au sens des dispositions de l'article L. 716-4-6 interprété par référence à la directive 2004/48.

Il convient à cet égard d'observer que si les sociétés défenderesses adoptent une position consistant à discuter l'engagement de leur éventuelle « responsabilité » dans la commission des actes litigieux, ces arguments apparaissent toutefois inopérants en ce que le fondement textuel précité implique seulement de constater cette qualité d'intermédiaire - selon les mêmes critères que ceux retenus au stade du référé - la question du niveau de contrôle qu'elles sont en capacité d'assurer et la réactivité dont elles affirment avoir fait preuve étant des critères à prendre en compte dans le cadre du contrôle de l'équité et de la proportionnalité des mesures prescrites, de façon à maintenir « un juste équilibre entre la protection de la propriété intellectuelle et l'absence d'obstacles au commerce légitime » en conformité avec les principes posés par la jurisprudence précitée.

Les moyens opposés par les sociétés ELYSEES SAINT-HONORE et LATTIGO pour se soustraire aux injonctions sollicitées à leur encontre seront donc écartés.

3- Mesures indemnitaires et réparatrices sollicitées :

Il est relevé à titre liminaire que la demande tendant à voir déclarer l'opposabilité d'un jugement à des parties alors que celles-ci sont dans la cause est sans objet.

Les demanderesses exposent que les marques invoquées représentent des éléments d'actifs importants qui sont dépréciés par les actes reprochés et que [Y] [I], qui n'a pas interjeté appel de l'ordonnance de référé, a continué à vendre des articles contrefaisants tout en ne s'acquittant d'aucune des sommes mises à sa charge, ce qui justifie le prononcé de mesures d'interdiction sous astreinte, la mise en oeuvre du droit d'information et sa condamnation au paiement de dommages et intérêts provisionnels.

A l'égard des sociétés ELYSEES SAINT-HONORE et LATTIGO, les sociétés KENZO, GIVENCHY et LOUIS VUITTON MALLETIER entendent voir juger que le jugement au fond dans le prolongement des mesures conservatoires ordonnées en référé sera opposable aux défenderesses afin de leur permettre de tirer toutes conséquences utiles des condamnations intervenues à l'encontre du sous-locataire notamment quant à la résiliation des contrats de bail liant la société ELYSEES SAINT HONORE à la société LATTIGO et des contrats de sous-location liant la société LATTIGO à [Y] [I], et qu'à défaut de telles mesures prises dans un délai d'un mois à compter de la signification du jugement à intervenir, les sociétés défenderesses seront solidairement tenues avec le sous-locataire au paiement de toutes sommes qui viendraient à être dues par lui pour non-respect des mesures d'interdiction sous astreinte prononcées à son encontre.

Sur ce,

L'article L. 716-14 alinéa 1er du code de la propriété intellectuelle prévoit que pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement les conséquences économiques négatives de la contrefaçon dont le manque à gagner et les pertes subies par la partie lésée, le préjudice moral causé à cette dernière et enfin, les bénéfices réalisés par le contrefacteur y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.

En l'absence de tout élément permettant d'apprécier l'étendue du préjudice et la poursuite des agissements litigieux entre l'ordonnance de référé rendue le 18 novembre 2019 et les constats d'huissier dressés en septembre 2020, il est justifié de prononcer les mesures d'interdiction sollicitées, de faire droit à la demande d'information selon les modalités indiquées au dispositif et de condamner [Y] [I] à verser à chacune des sociétés demanderesses une somme de 20 000 euros en réparation des actes de contrefaçon commis à leur encontre, ces montants étant évalués au regard de la valeur patrimoniale des titres invoqués.

En ce qui concerne les sociétés ELYSEES SAINT-HONORE et LATTTIGO, celles-ci justifient avoir respectivement engagé les actions suivantes :

1o- ELYSEES SAINT-HONORE : courrier adressé à la société LATTIGO le 5 novembre 2018 la sommant de mettre fin aux actes de contrefaçon commis sur les stands loués sous peine de résiliation des baux, courrier électronique du 17 décembre 2018 communiquant les contrats en cause, signification le 10 février 2020 à la société LATTIGO d'un commandement visant la clause résolutoire et assignation en acquisition de clause résolutoire et résiliation délivrée à la société LATTIGO SL le 4 décembre 2020, [Y] [I] étant également attrait en sa qualité d'occupant, ce au regard des deux constats d'achat établis en septembre 2020 visant à démontrer la poursuite des actes de contrefaçon ensuite du commandement visant la clause résolutoire (pièce DMD 14, ESH 4 et 5) ;

2o- LATTIGO : courrier recommandé adressé à [Y] [I] le 18 décembre 2019, sommation d'huissier du 29 janvier 2020, nouveau courrier adressé le 10 mars 2020, sommation en date du 1er octobre 2020 d'avoir à cesser tout acte de contrefaçon, assignation en vue d'obtenir la résiliation judiciaire des baux (pièces LATTIGO 13 à 15, 18, 20, 21 et 22).

Il en ressort que si les défenderesses n'ont pas immédiatement tiré les conséquences de l'ordonnance de référé en engageant les procédures visant à la résiliation des contrats en cause, ces actions ont toutefois été introduites et précédées de plusieurs avertissements, ce qui justifie qu'elles soient enjointes de rendre compte de la poursuite et de l'issue de ces instances en cours dans un délai tenant compte de leur issue prévisible. Elles ne peuvent en revanche être tenues solidairement des condamnations susceptibles d'être prononcées à l'égard de [Y] [I] en ce qu'une telle mesure, impliquant une responsabilité délictuelle que les demanderesses échouent à caractériser en invoquant un fondement alternatif à leurs prétentions, serait disproportionnée parce que punitive et non seulement dissuasive - cet effet dissuasif ayant vocation à être assuré par le prononcé d'une astreinte et non par la menace d'une condamnation - au sens de la directive précitée et de son interprétation jurisprudentielle.

4- Demandes en garantie formulées à titre subsidiaire par les sociétés LATTIGO et ELYSEES SAINT HONORE :

Les sociétés LATTIGO et ELYSEES SAINT-HONORE étant exposées à une liquidation d'astreinte - laquelle dépend de leur seul fait - et non à une obligation de paiement résultant de la condamnation de [Y] [I], les demandes de garantie qu'elles formulent respectivement deviennent sans objet.

5- Sur les demandes relatives aux frais du litige et à l'exécution de la décision :

Les sociétés ELYSEES SAINT-HONORE et LATTIGO ainsi que [Y] [I], partie perdante, supporteront la charge des dépens.

Elles doivent en outre être condamnées ensemble à verser à chacune des sociétés KENZO, GIVENCHY et LOUIS VUITTON MALLETIER, qui ont dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir leurs droits, une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 5 000 euros.

L'exécution provisoire étant justifiée au cas d'espèce et compatible avec la solution du litige, elle doit être prononcée.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,

DIT qu'en offrant à la vente et en vendant dans les locaux commerciaux détenus par la société ELYSEES SAINT HONORE et loués par la société LATTIGO des produits revêtus sans autorisation des marques KENZO, LOUIS VUITTON et GIVENCHY, [Y] [I] a commis des actes de contrefaçon au préjudice des sociétés KENZO, LOUIS VUITTON MALLETIER et GIVENCHY ;

FAIT INTERDICTION à [Y] [I] d'offrir à la vente, de distribuer ou de commercialiser des produits revêtus de reproductions ou d'imitation des marques appartenant aux sociétés KENZO, LOUIS VUITTON MALLETIER et GIVENCHY, ce sous astreinte provisoire de 3.000 euros par infraction constatée passé un délai de huit jours à compter de la signification du jugement et courant pendant une durée de 6 mois ;

ORDONNE à [Y] [I] de communiquer aux demanderesses, par l'intermédiaire de leur avocat, l'ensemble des documents ou informations suivants pour chacun des locaux commerciaux exploités, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard passé un délai d'un mois suivant la signification du présent jugement et courant pendant une durée de 6 mois 1o les noms et adresses de ses fournisseurs, 2o les quantités de produits contrefaisants commercialisées, livrées, reçues ou commandées ainsi que les prix d'achat et de revente desdits produits ;

CONDAMNE [Y] [I] à verser à la somme de 20.000 euros à chacune des sociétés KENZO, LOUIS VUITTON MALLETIER et GIVENCHY à titre de dommages et intérêts en réparation des actes de contrefaçon relevés (atteinte à la valeur patrimoniale des marques) ;

RENVOIE les parties à la détermination amiable du préjudice économique au regard des éléments qui seront fournis par [Y] [I] en exécution de la présente décision, ou à défaut par voie d'assignation ;

DIT n'y avoir lieu de prononcer l'opposabilité du présent jugement à l'égard des sociétés ELYSEES SAINT HONORE et LATTIGO qui sont parties à l'instance ;

ORDONNE aux sociétés LATTIGO et ELYSEES SAINT HONORE de justifier de ce qu'elles ont engagé et poursuivi la résiliation des contrats de location et sous-location, sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé un délai de 4 mois à compter de la signification du présent jugement et courant pendant une durée de 3 mois ;

DEBOUTE les sociétés KENZO, LOUIS VUITTON MALLETIER et GIVENCHY de leur demande tendant à voir les sociétés ELYSEES SAINT HONORE et LATTIGO solidairement tenues avec [Y] [I] au paiement de toutes sommes qui viendraient à être dues par ce dernier pour non-respect des mesures d'interdiction sous astreinte prononcées à son encontre ;

DIT que les demandes de garantie sont sans objet ;

DIT que le tribunal se réserve la liquidation des astreintes ;

CONDAMNE les sociétés ELYSEES SAINT HONORE et LATTIGO et [Y] [I] ensemble à payer la somme de 5.000 euros à chacune des sociétés KENZO, LOUIS VUITTON MALLETIER et GIVENCHY au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE les sociétés ELYSEES SAINT HONORE et LATTIGO et [Y] [I] aux dépens ;

ORDONNE l'exécution provisoire.

Fait et jugé à Paris le 09 Juillet 2021

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Ct0196
Numéro d'arrêt : 19/14803
Date de la décision : 09/07/2021

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2021-07-09;19.14803 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award