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28/05/2021 | FRANCE | N°17/17633

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Ct0196, 28 mai 2021, 17/17633


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre 2ème section

No RG :
No RG 17/17633 - No Portalis 352J-W-B7B-CL77N

No MINUTE :

Assignation du :
14 Décembre 2017

JUGEMENT
rendu le 28 Mai 2021
DEMANDERESSE

S.A. SAFE ORTHOPAEDICS
[Adresse 5]
[Adresse 7]
[Localité 3]

représentée par Maître Emmanuel DE MARCELLUS de la SELARL DE MARCELLUS et DISSER Société d'Avocats, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0341

DÉFENDERESSES

S.A.S. NEO MEDICAL
[Adresse 4]
[Adresse 6]
[Localité 2]

Soc

iété NEO MEDICAL SA - société de droit suisse
Chez [Z] [P]
[Adresse 8]
[Adresse 1])

représentées par Me Marina COUSTE, avocat au barreau de PARIS, vestia...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre 2ème section

No RG :
No RG 17/17633 - No Portalis 352J-W-B7B-CL77N

No MINUTE :

Assignation du :
14 Décembre 2017

JUGEMENT
rendu le 28 Mai 2021
DEMANDERESSE

S.A. SAFE ORTHOPAEDICS
[Adresse 5]
[Adresse 7]
[Localité 3]

représentée par Maître Emmanuel DE MARCELLUS de la SELARL DE MARCELLUS et DISSER Société d'Avocats, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0341

DÉFENDERESSES

S.A.S. NEO MEDICAL
[Adresse 4]
[Adresse 6]
[Localité 2]

Société NEO MEDICAL SA - société de droit suisse
Chez [Z] [P]
[Adresse 8]
[Adresse 1])

représentées par Me Marina COUSTE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J0031

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Florence BUTIN, Vice-Présidente
Catherine OSTENGO, Vice-présidente
Elise MELLIER, Juge,

assistée d'Angélique FAVRO, Greffière lors des débats, et de Quentin CURABET, Greffier lors de la mise à disposition,

DÉBATS

A l'audience du 18 Mars 2021 tenue en audience publique devant Florence BUTIN et Catherine OSTENGO, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seules l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 28 Mai 2021.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

1 - PRÉSENTATION DES PARTIES :

La société SAFE ORTHOPAEDICS, immatriculée le 5 mars 2010, a pour activité la production et la commercialisation d'implants, instruments et équipements pour la chirurgie, la prestation de tous services se rapportant aux activités ci-dessus, l'exploitation directe ou indirecte de tous brevets d'invention, la recherche et le développement d'implants, instruments et équipements pour la chirurgie.

Elle est notamment titulaire du brevet français FR 2 990 840 (ci-après FR 840), ayant pour intitulé « Système d'instrumentation pour la réalisation d'une intervention chirurgicale sur des vertèbres comprenant des moyens de blocage temporaire » déposé le 28 mai 2012 et délivré le 20 janvier 2017.

La société NEO MEDICAL SA est une société de droit suisse fondée en 2013 et spécialisée dans le développement, la fabrication et la commercialisation de dispositifs médicaux pour la réalisation d'interventions chirurgicales en particulier sur des vertèbres.

La société NEO MEDICAL SAS (ci-après NEO MEDICAL FRANCE) immatriculée le 2 décembre 2016 est chargée de la commercialisation, de la distribution, de la diffusion et de la promotion en France des produits fabriqués par la société NEO MEDICAL SA.

2 - LES AUTRES PROCEDURES EN COURS :

La société SAFE ORTHOPAEDICS est également titulaire du brevet européen no2 854 674 -ne désignant pas la France- issu de la demande internationale PCT/FR2013/051183 4, déposée le 28 mai 2013, sous priorité de son brevet français FR 840 à l'encontre duquel la société NEO MEDICAL SA a formé opposition le 2 décembre 2017. La division d'opposition de l'OEB après avoir émis un avis provisoire le 18 juillet 2019 concluant au défaut de nouveauté et d'activité inventive de la revendication 1 de ce brevet a, suivant décision intermédiaire du 20 avril 2020, dit que l'objet de la revendication 1 et des revendications dépendantes était inventif. La société NEO MEDICAL a formé un recours contre cette décision auprès de la chambre de recours de l'OEB le 27 janvier 2020.

3 - LE LITIGE :

Ayant découvert que les sociétés NEO MEDICAL importaient et proposaient à la vente des produits reproduisant selon elle les caractéristiques des revendications 1 à 6 et 11 à 13 de son brevet FR 840 et y étant précédemment autorisée par ordonnances rendues le 20 octobre 2017, la société SAFE ORTHOPAEDICS a fait pratiquer des opérations de saisie-contrefaçon le 17 novembre 2017 au sein de la clinique [9] et de la SELARL OFFICIALIS.

Les sociétés NEO MEDICAL ont ensuite fait assigner la société SAFE ORTHOPAEDICS en référé pour obtenir la rétractation de ces ordonnances. Suivant décision du 15 février 2018 confirmée par arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 25 septembre 2018, ces demandes de rétractation ont été rejetées.

C'est dans ces conditions que la société SAFE ORTHOPAEDICS a, par actes séparés du 14 décembre 2017 fait assigner devant ce tribunal les défenderesses , en contrefaçon des revendications 1 à 6 et 11 à 13 de son brevet et concurrence déloyale et parasitaire.

Parallèlement, par acte d'huissier en date du 22 décembre 2017, les sociétés NEO MEDICAL ont fait assigner la société SAFE ORTHOPAEDICS en nullité du brevet FR 840.

Les deux procédures ont fait l'objet d'une jonction le 9 février 2018.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 18 septembre 2020, la société SAFE ORTHOPAEDICS présente les demandes suivantes:

Par application des articles L.611-1 et suivants, L.612-5, L.613-1 et suivants, et plus particulièrement de l'article L.613-3 a) du Code de la propriété intellectuelle, et L.615-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle, et de l'article 1240 du Code civil, ainsi que des dispositions du Code de procédure civile et au vu des pièces énumérées au bordereau annexé à la présente assignation,

RECEVOIR la société SAFE ORTHOPAEDICS en ses demandes, et l'en déclarer fondée ;

JUGER que les sociétés NEO MEDICAL S.A.S et NEO MEDICAL SA, en distribuant et commercialisant en France des produits reproduisant les caractéristiques des revendications 1 à 6 et 11 à 13 du brevet français FR 2 990 840, commettent des actes de contrefaçon ;

JUGER, à titre subsidiaire, qu'en reproduisant les caractéristiques techniques revendiquées, les sociétés NEO MEDICAL se sont rendues coupables de concurrence déloyale ;

JUGER, à titre principal, que les sociétés NEO MEDICAL S.A.S et NEO MEDICAL SA ont également commis, des actes distincts de concurrence déloyale et parasitaire à l'encontre de la société SAFE ORTHOPAEDICS ;

En conséquence,

INTERDIRE aux sociétés NEO MEDICAL S.A.S. et NEO MEDICAL SA de poursuivre les actes de contrefaçon de brevet et de concurrence déloyale et ce, sous une astreinte de 2.000 euros par jour de retard in solidum, passé un délai d'un mois à compter de la signification du jugement à intervenir;

ORDONNER la confiscation et la destruction par huissier des produits incriminés en quelques lieux et en quelques mains qu'ils se trouvent, aux frais des sociétés NEO MEDICAL S.A.S. et NEO MEDICAL SA, et ce sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard in solidum, passé un délai d'un mois à compter de la signification du jugement à intervenir ;

DIRE que le Tribunal se réservera la liquidation des astreintes ainsi prononcées ;

En application de l'article L.615-5-2 du Code de la propriété intellectuelle,

ORDONNER la levée des documents placés sous scellés suite aux opérations de saisie-contrefaçon en date du 17 novembre 2017 par la SELARL OFFICIALIS ;

ORDONNER aux sociétés NEO MEDICAL S.A.S et NEO MEDICAL SA de communiquer les informations permettant de déterminer le montant exact des dommages subis par la société SAFE ORTHOPAEDICS, dans un délai de 30 jours à compter de la signification du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jours de retard in solidum, et en particulier :
- Les noms et adresses des fabricants, fournisseurs, revendeurs et autres détenteurs des produits contrefaisants en France,
- Tous documents (et en particulier bons de commande, bons de livraison, factures, états des ventes, états des stocks) établissant le nombre de produits, importés, offerts à la vente, vendus, ou distribués par tout moyen en France, ainsi que les prix d'achat et de vente, le tout certifié conforme par un commissaire aux comptes,
- La date de première diffusion des produits contrefaisants,
- Le chiffre d'affaires généré par les ventes des produits contrefaisants en France depuis leur lancement, certifié conforme par un expert-comptable,
Le tout sur une période débutant le 14 décembre 2012 ;

CONDAMNER, in solidum, à titre provisionnel, les sociétés NEO MEDICAL S.A.S et NEO MEDICAL SA à payer à la société SAFE ORTHOPAEDICS la somme de 1.800.000 euros en réparation du préjudice causé par les actes de contrefaçon ou, à titre subsidiaire de concurrence déloyale, quitte à parfaire à dire d'expert ;

DESIGNER, le cas échéant, tel expert qu'il plaira avec mission de se faire remettre tous les documents comptables, factures, bons de livraison, états des ventes et toutes les pièces utiles à la détermination de l'entier préjudice subi par la société SAFE ORTHOPAEDICS du fait de la contrefaçon de brevets dont elle est victime ;

DIRE que pour la détermination du préjudice total subi, il sera tenu compte des faits commis jusqu'à la date de la décision définitive à intervenir ;

CONDAMNER, in solidum, à titre provisionnel, les sociétés NEO MEDICAL S.A.S et NEO MEDICAL SA à payer à la société SAFE ORTHOPAEDICS la somme de 1.000.000 euros en réparation du préjudice causé par les actes de concurrence déloyale, quitte à parfaire à dire d'expert ;

ORDONNER la publication du jugement à intervenir dans 5 journaux ou magazines au choix de la société SAFE ORTHOPAEDICS, aux frais in solidum des sociétés NEO MEDICAL S.A.S et NEO MEDICAL SA dans la limite de 7.000 euros (HT) par insertion ;

REJETER l'intégralité des demandes des sociétés NEO MEDICAL S.A.S. et NEO MEDICAL SA comme étant, si ce n'est irrecevables, à tout le moins mal fondées ;

En conséquence,

DEBOUTER les sociétés NEO MEDICAL S.A.S. et NEO MEDICAL SA de leur demande de nullité des revendications 1 à 13 du brevet français 2 990 840 ;

DEBOUTER les sociétés NEO MEDICAL S.A.S et NEO MEDICAL SA de leur demande de nullité des procès-verbaux de saisie-contrefaçon réalisés le 17 novembre 2017 par Me [M] dans les locaux de la Clinique [9] et par Me [W] dans les locaux de Madame [Y] ;

CONDAMNER in solidum les sociétés NEO MEDICAL S.A.S et NEO MEDICAL SA à verser à la société SAFE ORTHOPAEDICS, la somme de 180.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

ORDONNER l'exécution provisoire de la décision à intervenir, nonobstant appel et sans constitution de garantie ;

CONDAMNER les sociétés NEO MEDICAL S.A.S et NEO MEDICAL SA aux entiers dépens, en ce compris les frais de saisie-contrefaçon et d'expertise, dont distraction au profit de la SELARL de Marcellus et Disser, représentée par Maître Emmanuel de Marcellus, avocat au barreau de Paris, par application de l'article 699 du Code de procédure civile.

Les sociétés NEO MEDICAL présentent, aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 4 novembre 2020, les demandes suivantes:

Vu notamment les dispositions des articles L. 611-11 à L. 611-14, L. 613-1 et suivants, L. 615-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle ;
Vu l'article 700 du Code de procédure civile ;

1- Sur la nullité du brevet français no2 990 840 :

DIRE ET JUGER que les revendications 1 à 13 du brevet français 2 990 840 sont nulles pour défaut de nouveauté, ou, à tout le moins, défaut d'activité d'inventive ;

DIRE ET JUGER que les revendications 11 et 13 du brevet français 2 990 840 sont nulles pour insuffisance de description ;

Par conséquent,

PRONONCER la nullité du brevet français 2 990 840 dont la société SAFE ORTHOPAEDICS est titulaire ;

DIRE que la décision à intervenir sera transmise, une fois celle-ci devenue définitive, à l'initiative de la partie la plus diligente, à l'Institut national de la propriété industrielle aux fins d'inscription au registre national des brevets ;

DÉBOUTER la société SAFE ORTHOPAEDICS de ses entières demandes, fins et conclusions ;

2- Sur la nullité des saisie-contrefaçon :

DIRE ET JUGER que les opérations de saisie-contrefaçon réalisées le 17 novembre 2017 par Me [M] dans les locaux de la Clinique [9] sont nulles ;

DIRE ET JUGER que les opérations de saisie-contrefaçon réalisées le 17 novembre 2017 par Me [W] dans les locaux de Madame [Y] sont nulles ;

Par conséquent,

PRONONCER l'annulation des procès-verbaux de saisie-contrefaçon réalisés par Me [M], d'une part, et, Me [W], d'autre part ;

ORDONNER la restitution des éléments saisis, qu'ils soient en possession de Me [W], de SAFE ORTHOPAEDICS, de ses conseils ou de toute autre personne à qui ces éléments ont été communiqués, sous astreinte de 50 euros par document non restitué et par jour de retard passé le délai d'un mois après la signification du jugement à intervenir ;

ORDONNER la destruction par la société SAFE ORTHOPAEDICS des procès-verbaux de saisie-contrefaçon dressés par Me [W], d'une part, et par Me [M], d'autre part, et de l'ensemble des copies des éléments saisis, à ses frais, qui devra en justifier sans délai aux sociétés NEO MEDICAL par constat d'huissier, sous astreinte de 50 euros par document non détruit et par jour de retard passé le délai d'un mois après la signification du jugement à intervenir ;

INTERDIRE à la société SAFE ORTHOPAEDICS, dès le jour de la signification du jugement à intervenir, d'utiliser dans toute procédure française ou étrangère les documents et produits appréhendés lors des saisies-contrefaçon annulées, de même que les procès-verbaux ou toute copie qui aurait pu en être faite, et ce sous astreinte de 10.000 euros par infraction constatée ;

SE RÉSERVER la liquidation des astreintes ;

3 - Sur l'absence de contrefaçon :

DIRE ET JUGER que la société SAFE ORTHOPAEDICS n'apporte pas la preuve de la reproduction des revendications du brevet FR 2 990 840 par les sociétés NEO MEDICAL ;

Par conséquent,

DIRE ET JUGER que les sociétés NEO MEDICAL n'ont commis aucun acte de contrefaçon du brevet FR 2 990 840 ;

DÉBOUTER la société SAFE ORTHOPAEDICS de ses entières demandes, fins et conclusions ;

4- Sur l'absence de concurrence déloyal et parasitaire :

DIRE ET JUGER que la société SAFE ORTHOPAEDICS n'apporte pas la preuve des faits de concurrence déloyale et parasitaire allégués ;

Par conséquent,

DIRE ET JUGER que les sociétés NEO MEDICAL n'ont commis aucun acte de concurrence déloyale ou parasitaire ;

DÉBOUTER la société SAFE ORTHOPAEDICS de ses entières demandes, fins et conclusions ;

5- En tout etat de cause :

DÉBOUTER la société SAFE ORTHOPAEDICS de ses entières demandes, fins et conclusions ;

ORDONNER que le jugement à intervenir soit publié, en intégralité, sous la forme d'un document PDF reproduisant l'intégralité de la décision et accessible à partir d'un lien hypertexte figurant sur la page d'accueil du site internet de la société SAFE ORTHOPAEDICS, pendant un délai de trois mois, ainsi que dans 5 journaux ou revues professionnels, français ou étranger, au choix des sociétés NEO MEDICAL et aux frais de SAFE ORTHOPAEDICS, à concurrence de 10.000 euros HT par publication ;

CONDAMNER la société SAFE ORTHOPAEDICS à verser à chacune des sociétés NEO MEDICAL la somme de 200.000 euros, au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

ORDONNER l'exécution provisoire du jugement à intervenir du chef des condamnations qui seront prononcées à l'encontre de la société SAFE ORTHOPAEDICS ;

CONDAMNER la société SAFE ORTHOPAEDICS aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître Marina Cousté conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 novembre 2020 et l'affaire plaidée le 18 mars 2021.

Pour un exposé complet de l'argumentation des parties il est, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoyé à leurs dernières conclusions précitées.

MOTIFS DE LA DECISION:

1- L'OBJET DU BREVET :

Le brevet français FR840 porte sur un kit d'instrumentation destiné notamment à la chirurgie d'ostéosynthèse rachidienne lombaire, thoracique, ou encore cervicale postérieure par voies chirurgicale minimalement invasive ou ouverte.

Il est rappelé dans sa partie descriptive que lors de dysfonctionnements anatomiques de la colonne vertébrale, on procède à la mise en place d'ancrages osseux de type vis pédiculaires ou vertébrales dans les vertèbres reliées entre elles par des éléments de liaison de type tiges ou plaques, ce qui implique l'utilisation d'un dispositif de maintien des bords de l'incision ouverts (rétracteur).

Il est indiqué que des solutions de rétracteurs sont connues de l'art antérieur mais que celles-ci, d'une part présentent l'inconvénient d'être composées de deux dispositifs distincts ce qui en augmente le volume et oblige le chirurgien soit à élargir l'incision, soit à subir un champ de vision et de travail étroit et d'autre part, que le deuxième dispositif devant être positionné avant l'insertion des vis, celui-ci vient limiter l'angulation possible des tubes et rend donc plus difficile la visée rachidienne et l'engagement de la zone proximale du tube sur la vis rachidienne et enfin, que dans tous les cas, de tels dispositifs sont complexes et nécessitent une stérilisation minutieuse et difficile.

Le brevet se propose donc de pallier ces trois principaux inconvénients en décrivant une solution consistant à utiliser le tube non seulement pour sa fonction initiale -de pose de la vis rachidienne, d'insertion de la tige de liaison et de serrage du bouchon- mais aussi à lui conférer une fonction annexe de rétractation des tissus ce, en l'équipant d'une cale de blocage temporaire de l'orientation de la tête de la vis à mobilité multiaxiale que le chirurgien pourra orienter pendant la durée de l'intervention de façon à se ménager un champ de vision et de travail, la cale étant ensuite retirée pour permettre l'installation définitive d'une tige de liaison.

Le brevet se compose à cette fin de 13 revendications dont l'annulation est sollicitée par les sociétés NEO MEDICAL (mais dont seules sont invoquées par la société SAFE ORTHOPAEDICS, les 1 à 6 et 11 à 13) :

1- Système d'instrumentation pour la réalisation d'une intervention chirurgicale sur des vertèbres par voie postérieure ou postéro latérale, constitué par au moins un tube (1) et au moins une vis rachidienne (2) apte à coopérer avec l'extrémité proximale (3) dudit tube (1) et présentant une tête à mobilité multiaxiale, caractérisé en ce qu'il comporte en outre une cale (15) de blocage temporaire de l'orientation de la tête de la vis.

2- Système d'instrumentation selon la revendication principale, caractérisé en ce que ladite cale (15) présente une extrémité semi-cylindrique (8), d'une forme complémentaire à celle de l'encoche en « U » de réception d'une tige de liaison, prévue sur la tête de la vis.

3- Système d'instrumentation selon l'une quelconque des revendications 1 ou 2, caractérisé en ce que ladite cale (15) de blocage est constituée par l'extrémité proximale d'un insert (20) coulissant à l'intérieur dudit tube (1).

4- Système d'instrumentation selon l'une quelconque des revendications 1 à 3, caractérisé en ce que la cale (15) est apte à être introduite par l'intérieur du tube (1), depuis son extrémité distale.

5- Système d'instrumentation selon l'une quelconque des revendications 1 à 3, caractérisé en ce que ladite cale (15) de blocage présente un moyen de liaison avec un insert coulissant à l'intérieur dudit tube (1).

6- Système d'instrumentation selon la revendication précédente, caractérisé en ce que ledit insert présente au moins une nervure de guidage de section transversale complémentaire à celle d'au moins une gorge de guidage prévue dans la cavité formée dans ledit tube (1).

7- Système d'instrumentation selon la revendication précédente, caractérisé en ce que ledit tube est
formé de deux demi-coques aptes à coopérer avec la tête (4) d'une vis rachidienne d'une manière permettant un basculement proximal de l'une au moins desdites demi-coques (11, 12) par rapport à la tête de ladite vis rachidienne (2).

8- Système d'instrumentation selon l'une quelconque des revendications 5 à 7, caractérisé en ce que
ladite ,cale (15) de blocage présente un moyen de fixation réversible sur ledit insert (20).

9- Système d'instrumentation selon la revendication précédente, caractérisé en ce que ledit moyen de fixation réversible est constitué par une zone de clipsage.

10- Système d'instrumentation selon la revendication 7, caractérisé en ce que ledit moyen de fixation réversible est constitué par une zone de vissage.

11- Système d'instrumentation selon l'une quelconque des revendications 5 à 10, caractérisé en ce que ledit insert présente une zone de verrouillage par vissage sur ledit tube (1).

12- cale (15) de blocage temporaire de l'orientation d'une tête (4) à mobilité multiaxiale d'une vis rachidienne (2) coopérant avec l'extrémité proximale d'un tube (1), ladite cale, apte à être introduite par l'intérieur du tube (1) depuis son extrémité distale, présentant une extrémité semi-cylindrique (8) d'une forme complémentaire à celle de l'encoche en « U » de réception d'une tige de liaison prévue sur la tête (4) de la vis (2).

13- cale (15) de blocage temporaire de l'orientation de la tête de la vis selon la revendication précédente, caractérisée en ce qu'elle présente un moyen proximal complémentaire de l'extrémité distale (23) d'un insert (20).

L'invention a donc pour objet un tube -tel que connu dans l'état de la technique- permettant d'assurer accessoirement la rétraction des tissus au moyen d'une cale venant se loger provisoirement à la place de la tige de liaison, et permettant d'assurer temporairement le blocage de l'articulation de la tête de la vis par rapport à l'axe du filetage.

Elle est notamment représentée par les illustrations suivantes :

1-1 - Sur l'art antérieur pertinent :

Dans son introduction, le brevet mentionne en tant qu'art antérieur le plus proche :
- la demande de brevet noPCT/FRlO/000880 de la société SAFE ORTHOPAEDICS
- le brevet français FR2874496
- la demande de brevet européen EP0455282.

Le rapport de recherche cite les demandes de brevet américain numéro US 2009/0149887 A1 (SCHLAEPFER RIDOLIN), numéro US 2008/262318 A1 (GOREK JOSEF) et numéro US 2006/0111712 A1 (JACKSON ROGER P) respectivement publiés les 11 juin 2009, 23 octobre 2008 et 25 mai 2006.

Selon les défenderesses, les brevets ci-après font partie de l'état de la technique à prendre en considération pour apprécier la nouveauté et l'activité inventive de l'invention litigieuse :
- EP1567064 (FREY) publié le 9 mai 2012
- US2009/0093684 ([K]) publié le 9 avril 2009
- US2006/0036244 (SPLITER) publié le 16 février 2006
- US2010/0262195 (JACKSON II) publié le 14 octobre 2010
- US2005/0149053 (VARIEUR) publié le 7 juillet 2005
- WO 2011/043799 (COLIGNE AG) publié le 14 avril 2011

L'art antérieur pertinent qu'il y a lieu de retenir est constitué du document US 2009/0149887 A1 publié le 11 juin 2009 et cité par le rapport de recherche, qui divulgue un système d'instrumentation pour la réalisation d'une intervention chirurgicale sur des vertèbres par voie postérieure ou postéro latérale, constitué par au moins un tube et au moins une vis rachidienne apte à coopérer avec l'extrémité proximale dudit tube et présentant une tête à mobilité multiaxiale, caractérisé en ce qu'il comporte en outre une cale de blocage temporaire de l'orientation de la tête de la vis.

1-2 - Sur l'homme du métier:

L'homme du métier est un spécialiste moyen du secteur technique dont relève l'invention, doté des connaissances théoriques et pratiques et de l'expérience qui peuvent normalement être attendues d'un professionnel du domaine concerné.

En l'espèce les parties se rejoignent sur la définition de l'homme du métier -décrit comme un spécialiste qui conçoit des instruments destinés à la chirurgie du rachis et des vertèbres- qui sera pareillement retenue par le tribunal.

2- VALIDITE DU BREVET :

L'article L611-10 du code de la propriété intellectuelle dispose que « sont brevetables, dans tous les domaines technologiques, les inventions nouvelles impliquant une activité inventive et susceptibles d'application industrielle ».

2-1 - Sur le moyen tiré du défaut de nouveauté  :

Sur le défaut de nouveauté des revendications 1, 2 à 5 et 11:

Les sociétés NEO MEDICAL soutiennent que le document EP1567064 (FREY) prive de nouveauté les revendications 1 et 12 du brevet FR840 en ce qu'il concerne un système dans lequel un blocage temporaire de l'orientation de la tête d'une vis rachidienne est effectué par une pièce dont une partie est présente dans la tête de la vis mais n'appuyant pas directement ou indirectement sur l'extrémité frontale supérieure d'une partie filetée de la vis. Elles font valoir que dans un tel dispositif, le prolongement de l'insert cylindrique permet de faire en sorte que le tube et la tête de la vis restent calés l'un à l'autre et que l'orientation de cette dernière soit bloquée dans l'orientation souhaitée. Selon elles, le prolongement de l'insert cylindrique est donc « une cale de blocage de l'orientation de la tête de la vis » au sens de la revendication 1 du brevet FR840 dont elles relèvent les termes très généraux. Elles considèrent également que le blocage de l'orientation de la tête de la vis est temporaire car il permet de se passer des rétracteurs de l'art antérieur le temps nécessaire à l'opération ou, à tout le moins, le temps durant lequel il était nécessaire d'utiliser ceux-ci.

Les défenderesses opposent par ailleurs le document JACKSON II qui décrit une vis rachidienne ayant une tête multiaxiale, une tige filetée et un insert également appelé outil d'entraînement et insert complémentaire. Ce dispositif divulgue en outre selon elles un tube en ce qu'il prévoit l'utilisation d'un outil pour tenir la vis rachidienne pendant son implantation dans une vertèbre apte à recevoir la tête de la vis et à la maintenir.

La société SAFE ORTHOPAEDICS réplique que le document FREY ne peut combattre la nouveauté de son brevet dans la mesure où il constitue le reflet de l'art antérieur car il propose un dispositif complexe pour maintenir des rétracteurs sur un cadre nécessitant des mécanismes de réglage et de serrage et l'adjonction de lames de rétraction complémentaires pour permettre l'écartement des tissus. Elles ajoutent que le prolongement de l'extension d'ancrage ne peut être assimilé à une cale puisqu'il ne permet aucun blocage de la tête de vis.

S'agissant du document JACKSON II, il ne divulgue selon elle, ni la cale qui ne peut être constituée de l'insert tel que décrit dans ce brevet, ni le tube dès lors qu'est seule envisagée l'utilisation d'un outil pour tenir la vis au niveau des fentes d'engagement de la tête de la vis dont la forme n'est pas précisée, ce que la société NEO MEDICAL SA dans son mémoire d'opposition du 2 décembre 2017, déposé à l'encontre du brevet européen EP 2 854 674, avait d'ailleurs reconnu.

Sur ce,

Aux termes de l'article L611-11 du code de la propriété intellectuelle « une invention est considérée comme nouvelle si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique.
L'état de la technique est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen.
Est également considéré comme compris dans l'état de la technique le contenu de demandes de brevet français et de demandes de brevet européen ou international désignant la France, telles qu'elles ont été déposées, qui ont une date de dépôt antérieure à celle mentionnée au second alinéa du présent article et qui n'ont été publiées qu'à cette date ou qu'à une date postérieure ».

Pour être comprise dans l'état de la technique et privée de nouveauté, l'invention doit se trouver toute entière et dans une seule antériorité au caractère certain avec les éléments qui la constituent, dans la même forme, avec le même agencement et le même fonctionnement en vue du même résultat technique.

Au soutien de sa demande en nullité pour défaut de nouveauté, la société défenderesse oppose en premier lieu, le brevet EP 1 567 064 (ci-après FREY) intitulé « système de distraction et de rétraction pour chirurgie spinale » qui porte sur un dispositif permettant de rétracter et de décaler des tissus mous et des vaisseaux mais également de maintenir la distraction de structures osseuses dans le cadre d'une chirurgie rachidienne.

Dans sa partie descriptive, le brevet indique que le système « comprend un cadre 20 ayant au moins l'un des deux écarteurs 120 et 220 et une paire de mécanismes de distraction 320 pouvant y être fixés de manière amovible. Chaque écarteur 120 et 220 comprend une partie lame 122 et 221, respectivement, pour déplacer latéralement les tissus mous et les vaisseaux sanguins ».

Il sera donc d'ores et déjà relevé que la rétraction des tissus s'opère au moyen des deux écarteurs et non grâce au mécanisme de distraction même s'il est par ailleurs indiqué que celui-ci peut comporter une partie (332) conçue pour entrer en contact avec les tissus adjacents et les écarter. La figure no1 (ci-dessous) confirme que les chairs sont écartées de part et d'autre de la colonne vertébrale, horizontalement, au moyen des lames fixées sur les écarteurs tandis que les mécanismes de distraction maintiennent un espace entre les vertèbres. Ce n'est donc qu'accessoirement que ceux-ci permettent une rétractation des tissus, verticalement par rapport à la colonne vertébrale.

Cette antériorité est notamment illustrée par les figures ci-dessous :

Le brevet précise qu'une paire de mécanismes de distraction peut être fixée de manière amovible et mobile au cadre par des mécanismes de serrage et de réglage. Les distracteurs -qui comprennent une partie rétracteur- peuvent être fixés aux vertèbres avec des vis multiaxiales pour maintenir entre elles une distraction permettant de restaurer l'espace discal. Celle-ci peut être obtenue par l'application de forces de distraction à des vis soit directement, soit par l'intermédiaire d'extensions couplées aux vis avant la fixation des mécanismes de distraction au cadre. La partie rétracteur comprend en outre une extrémité proximale conçue pour être couplée de manière pivotante à un mécanisme de réglage au moyen d'un élément de mise en prise. Lorsqu'avec un ajustement pivotant, l'orientation souhaitée du mécanisme de distraction et des rétracteurs a été obtenue, le dispositif permet de bloquer l'ensemble.

La partie descriptive de ce brevet précise encore que si la fourche est non-pivotante par rapport à la partie rétracteur à laquelle elle est fixée soit directement soit par l'intermédiaire d'une extension d'ancrage, elle est autorisée à pivoter par rapport à la partie filetée de la vis.

Il apparaît donc que contrairement à ce que soutiennent les défenderesses, ce dispositif ne prévoit pas de moyens de blocage temporaire de la tête de la vis au moyen d'une cale puisque l'extension décrite qui comporte une extrémité permettant de la fixer à la tête de la vis, n'assure nullement cette fonction de bocage qui est réservée aux mécanismes de réglage et de serrage lesquels ne permettent pas de bloquer la vis mais seulement la partie rétracteur le brevet précisant que « la fourche 106 peut toujours être pivotée par rapport à la partie de tige 102 de l'ancre 100, permettant au mécanisme de distraction 320 d'avoir une position réglable par pivotement par rapport à la vertèbre sur laquelle il est monté ».

Par ailleurs, la partie rétracteur ne peut être assimilée à un tube dès lors qu'elle vient se clipser à l'insert lequel ne vient donc pas se glisser dans un tube fixé à la tête de la vis comme décrit dans le brevet FR 840.

Il s'ensuit que le document FREY ne peut détruire la nouveauté de la revendication 1.

En second lieu, les sociétés NEO MEDICALS opposent l'antériorité US2010/0262195 (ci-après JACKSON II) qui concerne des vis à os polyaxiales pour l'utilisation en chirurgie osseuse, notamment en chirurgie de la colonne vertébrale et en particulier des inserts pour de telles vis.

Dans la partie descriptive de ce document, il est indiqué que des vis à os polyaxiales à extrémités ouvertes permettent la rotation de la tête ou du récepteur autour de la tige jusqu'à ce qu'une position souhaitée de la tête par rapport à la tige soit obtenue. Il est ensuite possible d'insérer une barrette dans la tête ou le récepteur puis la tête est verrouillée ou fixée dans une position particulière par rapport à la tige. Il est par ailleurs précisé qu'un chirurgien peut souhaiter régler et fixer la position angulaire de la tête ou du récepteur par rapport à la tige indépendamment de l'insertion de la barrette ou de son verrouillage et qu'il peut être souhaitable de régler à nouveau et de fixer l'angle d'orientation de la tête ou du récepteur pendant la procédure chirurgicale.

Pour parvenir à ce résultat, le brevet propose un dispositif composé d'un implant à tête ouverte, une tige reliée de manière pivotante à la tête d'implant, une barrette ou un autre élément structurel et un insert de pression disposé entre la tige et la barrette. Il est précisé qu'un insert de pression peut être utilisé indépendamment pour régler un angle d'articulation de la tige par rapport à la tête avant ou après l'insertion de la barrette.

L'invention est notamment illustrée par les figures ci-dessous :

Comme le soutient justement la société SAFE ORTHOPAEDICS, un tel dispositif ne divulgue ni la cale ni le tube décrits dans le document FR 840.

L'insert en effet, n'a pas de fonction de cale. Il permet de régler un angle d'articulation entre la tête de la vis et sa tige. Cette dernière est fixée dans la vertèbre au moyen d'un outil d'entraînement et d'installation et si l'insert de pression permet de régler l'angle de la tête par rapport à la tige, aucun cale temporaire n'est possible. Une fois la vis solidement fixée à l'os dans l'angle souhaité, l'outil d'installation est retiré et le chirurgien insère la tige de liaison qui permet non de bloquer l'ensemble mais de relier plusieurs vis entre elles afin de maintenir l'espace discal recherché. La tige de liaison ne peut, comme le soutiennent à tort les sociétés NEO MEDICALS, être assimilée à une cale de blocage temporaire selon les revendications 1 au seul motif que celle-ci ne l'exclut pas alors que la description à la lumière de laquelle doit être lue cette revendication fait expressément la distinction entre d'une part, la cale dont la seule fonction est le blocage temporaire de la tête de vis et d'autre part, la tige de liaison qui est installée en fin d'opération pour relier au moins deux vis définitivement fixées.

Par ailleurs, si le brevet mentionne l'utilisation d'un outil de retenue venant se fixer dans les encoches de la tête de la vis, celui-ci ne peut être assimilé à un tube et s'apparente davantage à une sorte de pince puisqu'il est précisé qu'il a une fonction d'engrènement par « torsion/détorsion » avec la tête ou par « encliquetage/désencliquetage ».

Le document JACKSON II ne permet donc pas davantage de combattre la nouveauté de la revendication 1.

Cette dernière étant jugée nouvelle, les revendications 2 à 5 seront pareillement validées en ce que la cale qu'elles décrivent ne se retrouvent pas dans les antériorités FREY et/ou JACKSON qui leur sont seules opposées. Pour la même raison, la revendication 11 qui décrit un « Système d'instrumentation selon l'une quelconque des revendications 5 à 10, caractérisé en ce que ledit insert présente une zone de verrouillage par vissage sur ledit tube (1) » ne peut qu'être jugée nouvelle.

Sur le défaut de nouveauté des revendications 12 et 13 :

Selon les défenderesses, le document FREY divulgue une cale de blocage temporaire de l'orientation de la tête de vis coopérant avec l'extrémité proximale d'un tube dans laquelle elle est insérée, car la vis coopère avec l'extrémité du tube défini par le mécanisme distracteur grâce au prolongement de l'insert. Elles font encore valoir que ce dernier définit une forme cylindrique comportant elle-même deux parties semi-cylindriques reçues dans l'encoche prévue pour recevoir une tige de liaison. Elles considèrent que la portée de la revendication 1 du brevet FR 840 ne se limite pas à une cale ayant une forme spécifique, les illustrations annexées au brevet ne constituant que des exemples « non limitatifs de réalisation » de l'invention et que le libellé de la revendication 12 n'impose pas que la forme cylindrique de la cale doive s'étendre dans une direction parallèle à la direction d'insertion dans la tête de la vis.

Les sociétés NEO MEDICALS soutiennent par ailleurs que le document JACKSON II divulgue également une cale telle que décrite dans la revendication 12 dans la mesure où la tige de liaison qui s'insère au moyen du tube et se fixe dans les encoches de la tête de vis, peut remplir cet office.

La société SAFE ORTHOPAEDICS réplique que le prolongement de l'extension d'ancrage ne présente pas dans l'antériorité FREY, une extrémité de forme semi-cylindrique complémentaire à celle de l'encoche en « U » de réception de la tête de vis, mais une extrémité plane et rappelle que le brevet JACKSON II pour sa part, ne divulgue pas de tube et enfin, que l'insert qui y est décrit, ne présente pas une forme complémentaire à celle de l'encoche en U du fait de la présence des extensions.

Sur ce,

Pour rappel, la revendication 12 décrit une cale de blocage temporaire de l'orientation d'une tête à mobilité multiaxiale d'une vis rachidienne coopérant avec l'extrémité proximale d'un tube.

Pour juger que ni le document FREY ni le document JACKSON II ne sont susceptibles de détruire la nouveauté de cette revendication, il suffira de renvoyer aux développements relatifs à la revendication 1 desquels il ressort qu'aucune de ces deux antériorités ne divulgue une cale et un tube permettant d'obtenir le blocage temporaire de la tête de la vis.

La revendication 13 qui est dans sa dépendance et à laquelle il est opposé les mêmes antériorités, doit également être jugée nouvelle.

2-2 - Sur le moyen tiré du défaut d'activité inventive  :

Sur le défaut d'activité inventive de la revendication 1:

Les sociétés NEO MEDICAL soutiennent que la revendication 1 du brevet FR'840 est dépourvue d'activité inventive :
- par référence au document US 2009/0093684 (ci-après [K]) pris en combinaison avec le document FREY en soutenant que l'homme du métier verrait immédiatement que l'insert cylindrique et son prolongement vissés dans la tête de vis -tel que décrits dans le brevet FREY- transposé dans l'invention [K] assurerait l'immobilisation temporaire du mouvement du tube afin de permettre au chirurgien de ne plus avoir à ajuster sans cesse son orientation, son extrémité pouvant par ailleurs être munie du capuchon utilisé comme vis de fermeture tel que décrit dans le document US2006/0036244 (ci-après SPLITER).
- au regard du document JACKSON II pris en combinaison avec le document US2005/0149053 (ci-après VARIEUR) en considérant qu'à supposer que le premier ne divulgue pas un tube, celui-ci se retrouve dans le second qui décrit un outil de mise en prise de vis osseuse de forme tubulaire.

La société SAFE ORTHOPAEDICS réplique que le dispositif de blocage décrit dans le document [K] n'est qu'un écrou de serrage classiquement mis en oeuvre pour bloquer la tige de liaison sur la vis d'ancrage, le blocage non temporaire de la tête de vis par rapport à la tige filetée étant assuré par la tige de liaison sous l'action de l'écrou de serrage. Elle rappelle que le document SPITLER pour sa part, se rapporte à un système de stabilisation rachidienne comprenant deux vis pédiculaires à tête multiaxiale, une tige de liaison, un anneau coulissant facultatif et un capuchon de verrouillage qui permettent un blocage définitif du dispositif. Elle fait valoir que l'homme du métier ne sera pas incité à remplacer le dispositif de verrouillage du document [K] par le capuchon de verrouillage du document SPITLER car celui-ci ne constitue pas une cale et s'il utilisait l'insert du document SPITLER avec le capuchon de verrouillage du document [K], le blocage serait permanent car même après le retrait de l'insert, le capuchon de verrouillage resterait en place dans la tête de la vis. Elle ajoute qu'en tout état de cause, une telle combinaison ne répondrait pas au problème technique de la limitation de l'encombrement du champ opératoire, puisqu'elle comprendrait toujours des lames de rétraction.

S'agissant de la combinaison des documents FREY et [K], la société SAFE ORTHOPAEDICS considère que le prolongement de la vis décrit dans le premier ne bloquant pas le mouvement de la tête de vis, il ne serait pas de nature à pallier les insuffisances du second. Elle conclut en affirmant qu'aucun de ces documents ne prévoyant l'existence d'un blocage temporaire de l'orientation de la tête de la vis, l'homme du métier n'y trouverait aucune incitation à mettre en place un tel dispositif.

Sur ce,

L'article L611-14 du code de la propriété intellectuelle dispose qu' une invention est considérée comme impliquant une activité inventive « si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique. Si l'état de la technique comprend des documents mentionnés au troisième alinéa de l'article L. 611-11, ils ne sont pas pris en considération pour l'appréciation de l'activité inventive ».

L'article 56 de la CBE dispose qu' « une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique ».

L'appréciation du caractère inventif implique de déterminer si eu égard à l'état de la technique l'homme du métier, au vu du problème que l'invention prétend résoudre, aurait obtenu la solution technique revendiquée par le brevet en utilisant ses connaissances professionnelles et en effectuant de simples opérations. L'activité inventive se définit au regard du problème spécifique auquel est confronté l'homme du métier.

L'invention décrite dans le document [K] a pour intitulé « Instrument chirurgical de rétraction et son procédé de mise en oeuvre ».

Dans sa partie descriptive, le brevet indique que pour aider à stabiliser les vertèbres, une ou plusieurs tiges ou orthèses sont placées entre les vertèbres fusionnées dans le but de les soutenir, maintenues en place le plus souvent par des vis placées dans le pédicule des vertèbres. Il est en outre précisé que dans de telles procédures, il peut être nécessaire de maintenir les bords d'une incision à distance pour fournir un champ opératoire clair au chirurgien. Pour ce faire, l'invention propose un rétracteur comprenant un corps formé par des parties semi-circulaires qui peuvent se déplacer l'une par rapport à l'autre et être couplées à des bras s'étendant vers l'extérieur, chacun étant par ailleurs associé à une lame utilisée pour fournir une ouverture au niveau d'un site chirurgical. Un mécanisme peut enfin être utilisé pour verrouiller les positions relatives des parties de corps semi-circulaires précitées.

Ce dispositif est illustré notamment par les figures suivantes :

Le document SPLITER pour sa part, propose un système de stabilisation rachidienne comprenant deux vis à têtes multiaxiales, une tige de liaison, un anneau coulissant et un capuchon de verrouillage dont la fonction est de maintenir les éléments rigidement en place les uns par rapport aux autres.

Pour rappel le problème technique qui se pose à l'homme du métier est de permettre au chirurgien de disposer d'un champ de vision pendant la mise en place de vis dans les vertèbres reliées entre elles par des éléments de liaison de type tiges ce, au moyen d'un dispositif n'impliquant pas l'utilisation d'un dispositif distinct, complexe et nécessitant une stérilisation.

Or, outre que le document [K] suppose l'utilisation d'un rétracteur, celui-ci présente en outre le désavantage de ne pouvoir être installé qu'après la fixation des vis dans les vertèbres et n'a donc d'utilité que pour la phase d'installation des tiges de liaison. Le rétracteur en effet, est placé au-dessus de l'extension de la tige fileté de la vis pour ensuite glisser le long de celle-ci jusqu'à sa base pour s'y fixer. Les bras sont alors abaissés de façon à écarter les tissus. Un mécanisme de verrouillage est enfin prévu afin d'éviter le mouvement des parties cylindriques l'une par rapport à l'autre.

Le seul remplacement du mécanisme de verrouillage par un capuchon tel que décrit par le document SPITLER comme le suggère les sociétés NEO MEDICALS, ne suffira pas à conférer à l'extension de la tige filetée une fonction d'écartement en l'absence de cale qui serait provisoirement insérée dans la tête de la vis or, rien dans les deux antériorités opposées n'incitera l'homme du métier à prévoir une telle cale. Il sera d'ailleurs rappelé que le document FREY est à cet égard inopérant puisque l'extrémité de l'insert ne peut être considérée comme telle.

Cette première combinaison n'apparaît en conséquence pas de nature à remettre en cause l'activité inventive de la revendication 1.

La société défenderesse soutient encore que cette revendication est nulle dans la mesure où l'invention brevetée résulterait de manière évidente pour l'homme du métier de la combinaison des documents JACKSON II et VARIEUR.

Le brevet VARIEUR porte sur un instrument et un procédé de mise en place d'une vis osseuse et de réduction d'une tige vertébrale. Il est notamment illustré par la figure reproduite ci-dessous :

Les sociétés NEO MEDICALS se réfèrent à cette invention pour pallier l'absence de tube dans le document JACKSON II -qui pour mémoire décrit un dispositif comprenant une vis à tête multiaxiale, une barrette de liaison et un insert de pression disposé entre la tige et la barrette-.

Or, d'une part l'utilisation de la tige de liaison comme cale n'apparaît pas pertinente en ce sens qu'elle n'est pas placée au début de l'intervention mais en toute fin, ce qui la prive d'utilité pour un dispositif de blocage temporaire de la tête de la vis et d'autre part, le document VARIEUR ne propose pas l'utilisation d'un tube mais d'une pince dans laquelle est insérée une extension permettant de placer la tige de liaison.

Il s'ensuit que cette combinaison n'est pas davantage susceptible d'entraîner la nullité de la revendication 1 pour défaut d'activité inventive.

Sur l'activité inventive des revendications 2 à 4 :

Ces trois revendications qui sont dans la dépendance de la première et à laquelle il est pareillement et exclusivement opposé le document JACKSON II en combinaison avec le document VARIEUR seront par conséquent jugées inventives.

Sur l'activité inventive de la revendication 5 :

La revendication 5 est ainsi rédigée : « Système d'instrumentation selon l'une quelconque des revendications 1 à 3, caractérisé en ce que ladite cale (15) de blocage présente un moyen de liaison avec un insert coulissant à l'intérieur dudit tube (1) ».

Les sociétés NEO MEDICALS poursuivent leur nullité pour défaut d'activité inventive par référence au document FREY seul et à défaut, pris en combinaison avec le document WO 2011/043799 (ci-après COLIGNE) ou [K].

Dans la mesure où le brevet FREY ne prévoit aucune cale permettant le blocage de la tête de vis, il n'apparaît pas pertinent pour combattre l'activité inventive de la revendication 5. Par ailleurs, le document COLIGNE qui décrit un outil de fixation d'une vis osseuse à tête multiaxiale n'est pas de nature à pallier l'absence de cale permettant une fixation temporaire de la vis et en tout état de cause, les défenderesses n'expliquent pas en quoi l'homme du métier aurait été incité à consulter ce document.

Ensuite, comme il a précédemment été indiqué, le brevet [K] combiné avec le document FREY ne permet pas de remettre en cause l'activité inventive de la revendication 1 et donc celle de la revendication 5 qui est dans sa dépendance.

Enfin, le document JACKSON II qui prévoit un blocage permanent de la tête de la vis au moyen de la tige de liaison ne pouvait inciter l'homme du métier à remplacer cette dernière par une cale nécessairement placée en début d'intervention.

Il s'ensuit que la revendication 5 doit être jugée inventive.

Sur l'activité inventive des revendications 6 à 11 :

La revendication 6 décrit un système d'instrumentation selon la revendication 5 caractérisé en ce que ledit insert présente au moins une nervure de guidage de section transversale complémentaire à celle d'au moins une gorge de guidage prévue dans la cavité formée dans ledit tube.

Dès lors qu'aucun des documents opposés (FREY, VARIEUR, JACKSON II, [K] et COLIGNE) ne prévoient de cale de blocage temporaire, leur combinaison est inopérante pour détruire l'activité inventive de la revendication 6 qui est dans la dépendance de la 5.

Sur le défaut d'activité inventive des revendications 12 et 13 :

Les sociétés NEO MEDICALS soutiennent que la revendication 12 est dénuée d'activité inventive au regard de l'antériorité [K], prise en combinaison avec le document FREY et la revendication 13 qui est dans sa dépendance, par référence au brevet JACKSON II en combinaison avec les documents VARIEUR ou COLIGNE et les connaissances générales de l'homme du métier.

Or, aucun des documents FREY et JACKSON II ne divulgue de cale et n'incite l'homme du métier à insérer dans la tête de vis, au moyen d'un tube, une telle cale dans le but de la bloquer temporairement.

Les sociétés NEO MEDICALS persistant à soutenir que la tige de liaison peut utilement se substituer à la cale temporaire -ce qui comme indiqué supra n'est pas pertinent puisque son installation n'intervient qu'en fin d'opération- les documents [K], VARIEUR ou COLIGNE apparaissent à cet égard inopérants puisqu'ils se rapportent uniquement à la fixation de la vis ou de la tige de liaison.

Dans ces conditions les revendications 12 et 13 doivent être déclarées inventives.

2-3 - Sur le moyen tiré de l'insuffisance de description des revendications 11 et 13 :

Les sociétés défenderesses invoquent l'insuffisance de description de ces deux revendications, en ce que dans la première rien n'est indiqué dans la partie descriptive du brevet concernant la manière de tourner ou de pivoter l'insert et la cale lorsqu'ils sont assemblés dans le tube ce qui a pour conséquence selon elles, de rendre impossible le vissage de l'insert sur le tube afin d'assurer le verrouillage exigé. Quant à la seconde, elle souffrirait d'insuffisance de description en ce que la cale présente un moyen proximal complémentaire de l'extrémité distale d'un insert dont les caractéristiques ne sont aucunement précisées.

La société SAFE ORTHOPAEDICS réplique s'agissant de la revendication 11, que la description précise que l'insert comporte un filet pivotant ou bien une tête pivotante munie d'un filetage et qu'en s'appuyant sur les figures 3 et 4 du brevet FR 840 et sur ses connaissances générales de base, l'homme du métier est à même de comprendre que la partie portant le filetage doit être mobile par rapport à la partie de l'insert portant la cale de blocage, afin de permettre le vissage de l'insert sur le tube. Concernant la revendication 13, elle soutient que les sociétés NEO MEDICAL s'appuient sur une erreur de plume qui concerne l'emploi du terme « distale » dans l'expression « un moyen proximal complémentaire de l'extrémité distale (23) d'un insert (20) », en lieu et place du terme « proximale » et qu'il résulte clairement de la description que la cale vient se fixer à l'une des extrémités de l'insert, en l'espèce, l'extrémité proximale.

Sur ce,

Aux termes de l'article L612-5 du code de la propriété intellectuelle « l'invention doit être exposée dans la demande de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter »

Sur l'insuffisance de description de la revendication 11 :

La revendication 11 est ainsi rédigée : « Système d'instrumentation selon l'une quelconque des revendications 5 à 10, caractérisé en ce que ledit insert présente une zone de verrouillage par vissage sur ledit tube (1) ».

Les sociétés NEO MEDICAL soutiennent que rien dans le brevet ne permet à l'homme du métier de déterminer le moyen de visser l'insert au tube lorsque la cale est mise en place en faisant valoir que le filetage de l'insert décrit au paragraphe 50 ne peut pas pivoter ou tourner dans le filetage prévu à l'intérieur du tube car la cale allongée empêche l'insert de tourner dans le tube.

Or, comme le soutient justement la société SAFE ORTHOPAEDICS le paragraphe 50 du brevet précise que l'insert est vissé au tube au moyen de leur filetage respectif placé en leur extrémité supérieure. La poussée qu'exerce sur l'insert ce vissage, bloque la cale qui va elle-même par pression, verrouiller la tête de la vis sans que celle-ci donc, puisse constituer un quelconque obstacle à ce blocage.

La revendication 11, à la lumière de ces indications, ne souffre par conséquent d'aucune insuffisance de description.

Sur l'insuffisance de description de la revendication 13 :

La revendication 13 décrit une « cale (15) de blocage temporaire de l'orientation de la tête de la vis selon la revendication précédente, caractérisée en ce qu'elle présente un moyen proximal complémentaire de l'extrémité distale (23) d'un insert (20) ».

Les sociétés NEO MEDICAL font pertinemment valoir que le brevet ne donne aucune indication permettant de déterminer quel moyen proximal de la cale serait complémentaire de l'extrémité distale de l'insert. Toutefois, seule l'erreur de plume relevée par la société SAFE ORTHOPAEDICS peut expliquer une telle rédaction dans la mesure où il serait matériellement impossible de faire coopérer l'insert avec la cale dans une telle configuration.

La figure 2 permet d'ailleurs de le confirmer en ce qu'elle représente la cale comportant une forme complémentaire (15) permettant une fixation par clipsage, telle que décrite au paragraphe 49 :

L'homme du métier sera donc en mesure de comprendre que ce moyen complémentaire ne peut qu'interagir avec l'extrémité proximale de l'insert qui va venir s'emboîter dans l'encoche formée par la cale. La revendication 13 ne souffre donc pas davantage d'insuffisance de description.

Au regard de l'ensemble de ces considérations, aucun des motifs tendant à remettre en cause la validité du brevet FR 840 ne peut être accueilli.

3 - ACTES DE CONTREFAÇON:

3-1 - Validité des actes de saisie-contrefaçon :

Selon les sociétés NEO MEDICALS, les opérations de saisie-contrefaçon réalisées le 17 novembre 2017, dans les locaux de la clinique [9] encourent la nullité en l'absence de distinction entre les constatations faites par l'huissier et les déclarations de l'expert l'accompagnant qui par ailleurs se révèle être la conseillère en propriété industrielle que la société SAFE ORTHOPAEDICS a mandatée pour procéder au dépôt du brevet FR 840.

S'agissant des opérations de saisie-contrefaçon réalisées dans les locaux de Madame [Y], les sociétés défenderesses soutiennent que celle-ci n'a pas disposé d'un délai raisonnable pour prendre connaissance de la requête et de l'ordonnance et en particulier, de leurs motifs et de l'étendue des prérogatives de l'huissier dès lors que l'ordonnance lui a été signifiée à 11h45 et que le procès-verbal de saisie-contrefaçon indique que les opérations ont débuté à la même heure. Elles considèrent que cette irrégularité a nécessairement causé un grief, le saisi étant dans l'incapacité de vérifier si l'huissier de justice a réalisé ses diligences conformément aux termes de l'ordonnance du 20 octobre 2017.

La société SAFE ORTHOPAEDICS réplique que la lecture du procès-verbal de saisie-contrefaçon permet au contraire de démontrer que l'huissier a pris le soin de distinguer ses constatations de celles de Madame [T], conseiller en propriété industrielle et que les termes utilisés par l'officier ministériel sont facilement compréhensibles par tous et ne nécessitent aucune compétence technique particulière qui en limiterait l'usage à l'expert l'accompagnant. Elle précise qu'afin d'accomplir sa mission, l'huissier a antérieurement pris connaissance du brevet litigieux de sorte qu'il a pu s'approprier le vocabulaire des revendications pour le reprendre dans ses constatations. Elle soutient enfin qu'en tout état de cause, à la supposer établie, l'absence de distinction des déclarations de l'expert ne constitue pas une irrégularité de fond susceptible d'entraîner la nullité du procès-verbal de saisie contrefaçon.

La demanderesse fait par ailleurs valoir qu'avant le début des opérations de saisie-contrefaçon, Madame [Y] a eu pleine connaissance des motifs de l'ordonnance et de l'étendue de la mission confiée à l'huissier puisqu'elle a contacté la société NEO MEDICAL S.A. et a transmis la pièce se rapportant à l'invention contrefaite, à son responsable.

Sur ce,

Sur la validité des opérations de saisie contrefaçon réalisées à la clinique [9] :

L'ordonnance du 20 octobre 2017 précise que l'huissier de justice mandaté par la société SAFE ORTHOPAEDICS pourra être accompagné par tout expert de son choix, notamment un conseil en propriété industrielle et qu'il doit notamment procéder « à la description détaillée du système d'instrumentation argué de contrefaçon, des éléments qui le compose, de leur structure, de leur fonction, de leur mode de fonctionnement et du processus de montage des éléments entre eux, ainsi que les différentes possibilités de mise en oeuvre de ces éléments entre eux, avec la possibilité ».

Le procès-verbal dressé le 17 novembre 2017 indique que l'huissier s'est rendue dans la clinique [9] accompagné de [F] [T] conseiller en propriété industrielle. Sur place, il a procédé à la description puis à l'ouverture des boîtes contenant des instruments de marque NEO MEDICAL correspondant au produit allégué de contrefaçon. Après en avoir extrait le kit intitulé « PEDICLE SCREW KIT référencé SC-50-35-PE, il a indiqué :
« Je constate la présence de six objets dans le kit. Deux tubes avec vis et deux tiges avec écrou, deux règles métalliques. Le tube contenant l'implant est protégé par un manchon en plastique. Je constate la présence d'un tube en plastique au bout duquel se trouve une vis multiaxiale. Je constate que la tête de vis est en forme de " U ". Je constate une partie composée d'une tige terminée par un écrou. »

Force est de constater qu'aucune de ces constatations -qui décrivent de façon basique le contenu d'une boîte dont les éléments ont été extraits- ne permet d'établir que l'huissier a été instrumentalisé pour ce faire, par la conseillère en propriété industrielle.

Il a ensuite procédé à l'ouverture d'une deuxième boîte référencée SI-00-00-00 et en a pareillement extrait les éléments avant de les décrire en ces termes  « je constate la présence d'une tige se terminant par une tête en forme de "U" ». Il est alors expressément indiqué que Madame [T] lui a précisé qu'il s'agissait d'une extrémité de forme semi-cylindrique avant qu'il ne poursuive : « L'extrémité est fixée à la tige ce que je constate. Je constate que la tige présente une partie filetée avant la tête semi-cylindrique. J'insère la tige pourvue de la tête semi-cylindrique dans le tube au bout duquel se trouve la vis multiaxiale. La tête semi-cylindrique vient s'insérer dans l'encoche en "U" de la tête de vis multiaxiale ». Madame [T] qui est intervenue en toute transparence, s'est donc contentée de qualifier objectivement la configuration de la tête de l'insert ce qui démontre que lorsque l'huissier n'était pas en mesure d'utiliser une formulation qui lui était propre, il l'a indiqué dans son procès-verbal.

Il est ensuite précisé que Madame [T] est à nouveau intervenue pour préciser que le filetage correspondait à « la partie taraudée ménagée sur la paroi ultérieur du tube » de sorte que si cette description peut paraître un peu technique, il n'est pas contesté qu'elle est attribuée à la conseillère en propriété intellectuelle et les sociétés défenderesses ne peuvent pertinemment en déduire que l'huissier a été téléguidé par celle-ci sauf à priver de toute utilité l'autorisation qui lui était donnéede se faire assister par un expert.

Dans ces conditions, aucune nullité du procès-verbal de constat ne peut être encourue de ce chef.

Sur la validité des opérations de saisie contrefaçon réalisées chez Mme [Y] :

Le procès-verbal indique que l'huissier a rencontré l'intéressée à 11h45 heure à laquelle elle a reçu copie de la requête et de ordonnance. S'il n'est effectivement pas indiqué à quelle heure précisément les opérations de saisie contrefaçon ont débuté, il est précisé que Mme [Y] « a demandé à joindre téléphoniquement le responsable de la sécurité de NEO MEDICAL » et qu'elle lui a transmis à sa demande, la photo de la cale litigieuse.

Il résulte de ces éléments que Mme [Y] a donc bénéficié d'un délai raisonnable lui ayant permis de prendre connaissance de la requête et de l'ordonnance puisqu'elle a été en mesure de s'en entretenir avec un salarié de la société NEO MEDICAL.

Il s'ensuit que le procès-verbal de saisie contrefaçon doit être validé.

3-2- Matérialité des actes de contrefaçon :

La société SAFE ORTHOPAEDICS soutient qu'il résulte des procès-verbaux tant de saisie contrefaçon que de constat qu'elle a fait dresser, que les kits objet de la saisie sont notamment constitués d'un tube, d'au moins une vis rachidienne apte à coopérer avec l'extrémité proximale du tube présentant une tête à mobilité multiaxiale et que le système comporte une cale de blocage temporaire de l'orientation de la tête de la vis ce qui suffit selon elle, à caractériser la contrefaçon.

Les sociétés NEO MEDICAL contestent la valeur probante des constats d'huissier dressés à l'initiative de la société SAFE ORTHOPAEDICS notamment en raison des conditions dans lesquelles ont été assemblés et testés les kits litigieux. Elles soutiennent que leur système ne permet pas le blocage de la tête de vis ce que démontrent selon elle le procès-verbal de constat qu'elles ont fait dresser le 29 janvier 2019 par huissier de justice et qu'en tout état de cause, il n'est pas établi qu'un tel blocage pourrait se prolonger sur toute la durée de l'intervention chirurgicale et donc dispenser le praticien de l'utilisation d'un rétracteur tel que connu dans l'art antérieur. Elles font à cet égard valoir que leur kit ne permet pas la rétractation des tissus au sens du brevet FR 840 et relèvent enfin que dans ce dernier, le tube est composé de deux parties distinctes qui sont solidarisées au moyen d'une bague, caractéristique qui ne se retrouve pas non plus dans leur kit pour lequel il est nécessaire d'utiliser la tige se terminant par une tête en forme de « U » pour désolidariser le tube de la tête de la vis.

Sur ce,

L'article L613-3 du code propriété intellectuelle dispose :
« sont interdites, à défaut de consentement du propriétaire du brevet :
a)la fabrication, l'offre, la mise dans le commerce, l'utilisation, l'importation, l'exportation, le transbordement ou la détention aux fins précitées du produit objet du brevet ;
b)l'utilisation d'un procédé objet du brevet ou, lorsque le tiers le sait ou les circonstances rendent évident que l'utilisation du procédé est interdite sans le consentement du propriétaire du brevet, l'offre de son utilisation sur le territoire français ;
c)l'offre, la mise dans le commerce, l'utilisation, l'importation, l'exportation, le transbordement ou la détention aux fins précitées du produit obtenu directement protestations et réserves le procédé objet du brevet. »

En l'espèce, les opérations de saisie contrefaçon ont permis à la société SAFE ORTHOPAEDICS d'acquérir :
- trois kits portant la référence SC-50-35-PE contenant deux tubes avec vis et deux tiges avec écrou, deux règles métalliques et un tube au bout duquel se trouve une vis multiaxiale,
- un kit référencé SI 00-00-00 contenant notamment une tige métallique dont l'extrémité est de forme semi-cylindrique
- trois boîtes référencées RD-00-90-ST, RD-00-70-ST et RD-01-00-ST contenant des tiges métalliques.

Ces différents instruments ayant été produits aux débats, le tribunal est donc en mesure de vérifier s'ils reproduisent les revendications 1 à 6 et 11 à 13 du brevet FR 840 notamment en utilisant le simulateur communiqué par la société SAFE ORTHOPAEDICS constituant une réplique d'une partie dorsale d'un corps humain composée d'une structure en mousse souple à l'intérieur de laquelle ont été placées des vertèbres en matière plastique dans lesquelles ont été percés des trous. Contrairement à ce que soutiennent les sociétés défenderesses ce matériel permet de vérifier l'existence d'une contrefaçon étant précisé qu'elles ne sauraient pertinemment exiger une mise en situation réelle qui supposerait qu'il soit procédé à une opération chirurgicale.

Pour rappel, la revendication 1 décrit un :
«a)système d'instrumentation pour la réalisation d'une intervention chirurgicale sur des vertèbres par voie postérieure ou postéro latérale,
b) constitué par au moins un tube
c) et au moins une vis rachidienne apte à coopérer avec l'extrémité proximale dudit tube et présentant une tête à mobilité multiaxiale,
d)caractérisé en ce qu'il comporte en outre une cale de blocage temporaire de l'orientation de la tête de la vis ».

Quant à la revendication 12 elle porte sur  une:
« a) cale de blocage temporaire de l'orientation d'une tête à mobilité multiaxiale d'une vis rachidienne (2),
b) coopérant avec l'extrémité proximale d'un tube (1),
c) ladite cale, apte à être introduite par l'intérieur du tube (1) depuis son extrémité distale,
d) présentant une extrémité semi-cylindrique (8) d'une forme complémentaire à celle de l'encoche en « U » de réception d'une tige de liaison prévue sur la tête (4) de la vis (2) ».

Les défenderesses ne contestent pas que le kit qu'elles commercialisent reproduit les caractéristiques a) à c) de la revendication 1 et les caractéristiques b) à d) de la revendication 12 mais uniquement que leurs instruments puissent assurer le blocage temporaire de la tête de vis au moyen de l'insert dont l'extrémité se termine par une cale et donc leur capacité à assurer l'écartement des tissus pendant la durée d'une opération chirurgicale de façon à dispenser le chirurgien de l'utilisation de moyens complémentaires de rétractions.

Il sera à cet égard et à titre liminaire relevé que si la partie descriptive du brevet FR 840 précise que l'invention propose une solution consistant à compléter le tube par une cale de blocage temporaire de la tête de la vis permettant de lui conférer une fonction de rétractation de tissus, l'invention ne revendique pas un système d'écartement d'une efficacité telle qu'elle dispenserait de l'utilisation de tout autre rétracteur pendant toute la durée de l'intervention de sorte que l'attestation du professeur [U] aux termes de laquelle il est « impossible de réaliser une arthrodèse à l'aide des instruments et implants "NEO Pedicle Screw System" sans l'utilisation de (ces) rétracteurs » n'est pas de nature à exclure les actes de contrefaçon.

Or, le tribunal en manipulant les éléments composant le kit litigieux a pu se convaincre que l'extrémité de l'insert en forme de T (U selon les parties) inversé constitue une cale qui, au moyen du tube, peut par un mouvement de vissage, bloquer la tête multiaxiale de la vis dans un axe suffisant pour permettre l'écartement de la structure de mousse du simulateur, ce qui permet d'établir que le tube pourra, en situation réelle, permettre au chirurgien de parvenir à une rétraction au moins partielle des tissus.

Enfin, la possibilité de parvenir à désolidariser l'insert de la vis au moyen du tube en poursuivant le mouvement de vissage constitue une caractéristique supplémentaire qui n'enlève rien au caractère contrefaisant du dispositif et à supposer que pour parvenir à cette même désolidarisation, l'invention litigieuse nécessite que le tube soit composé de deux demi cylindres détachables, cet argument serait inopérant dès lors que les revendications 1 et 12 opposées, ne concernent pas la procédure de retrait de l'insert.

S'agissant des revendications dépendantes 2 à 5 et 13, elles seront jugées pareillement contrefaites, les sociétés NEO MEDICAL se contentant de soutenir qu'elles ne peuvent l'être au seul motif que les revendications principales 1 et 12 ne sont pas reproduites.

Quant à la revendication 6 ainsi rédigée « système d'instrumentation selon la revendication précédente, caractérisé en ce que ledit insert présente au moins une nervure de guidage de section transversale complémentaire à celle d'au moins une gorge de guidage prévue dans la cavité formée dans ledit tube (1) » la société SAFE ORTHOPAEDICS soutient qu'elle est reproduite par équivalence, car l'ensemble « nervure-gorge » a selon elle la même fonction pour un résultat identique à l'ensemble « filetage-taraudage » constatée par l'huissier de justice. Les défenderesses répliquent à juste titre qu'une telle caractéristique est connue de l'homme du métier ce qui exclut la contrefaçon par équivalence.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, il convient de juger que le kit d'instrumentation commercialisé par les sociétés NEO MEDICALS contrefont les caractéristiques 1 à 5, 12 et 13 du brevet FR 840.

4- ACTES DE CONCURRENCE DÉLOYALE ET PARASITISME:

La société SAFE ORTHOPAEDICS soutient que le détournement de ses investissements par les sociétés NEO MEDICAL est constitué par la reprise systématique des caractéristiques particulières des dispositifs qu'elle-même commercialise sous la dénomination SteriSpine. Elle fait valoir que ce faisant, les défendresses s'approprient sans bourse délier son concept de kit d'un genre nouveau se distinguant nettement des instruments orthopédiques proposés sur le marché car cumulant des avantages en termes de sécurité pour le patient, de confort pour le praticien et d'économie pour le centre hospitalier. Elles ajoutent que les correspondances existant entre les instruments en cause témoigne d'une volonté d'imitation qui constitue du parasitisme économique.

Les défenderesses répliquent que la société SAFE ORTHOPAEDICS n'est nullement à l'origine du développement et de la conception des instruments à usage unique et multifonctions pour la réalisation d'interventions chirurgicales sur des vertèbres contenus dans un emballage stérilisé lesquels sont commercialisés par plusieurs autres industriels ce qui exclut toute concurrence déloyale ou parasitisme, sauf à vouloir lui octroyer un monopole d'exploitation injustifié.

Sur ce,

Ne peuvent être sanctionnés au titre de la concurrence déloyale, sur le fondement de l'article 1240 du code civil, que des comportements fautifs et contraires aux usages normaux du commerce et de la loyauté des affaires tels que ceux visant à créer un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit ou ceux parasitaires, qui tirent profit de la valeur économique acquise par autrui aux fins d'obtenir un avantage concurrentiel injustifié résultant d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel ou d'investissements.

En l'espèce, il sera en premier lieu relevé que si la société SAFE ORTHOPAEDICS soutient être la créatrice d'un genre nouveau d'instruments orthopédiques, elle procède par voie d'affirmation sans ne communiquer aucun élément permettant de l'établir et le seul fait que dans un article de presse le kit commercialisé par les sociétés NEO MEDICAL -jugé contrefaisant- soit présenté comme novateur par comparaison avec la chirurgie vertébrale traditionnelle, apparaît à cet égard insuffisant. (Pièce DEM no17)

Par ailleurs, comme le relèvent justement les défenderesses, la pièce qu'elle verse pour justifier des investissements qu'elle dit avoir consacrés au développement de ses kits Stérispine ne concerne pas
spécifiquement ce produit et sa force probante est toute relative puisqu'établie pour les besoins de la cause et non certifiée par un expert comptable.

En outre, la comparaison des deux kits litigieux ne permet pas d'établir qu'au-delà de leurs caractéristiques techniques ils présentent suffisamment de similitudes pour traduire une volonté délibérée des défenderesses de se placer dans le sillage de la société SAFE ORTHOPAEDICS. Notamment, contrairement à ce qui est soutenu, le porte-tige, la sonde péliculaire et la poignée présentent des différences sensibles tenant à leur forme ou leur couleur. Ensuite, la présentation des produits dans de simples boîtes de carton -noires dans un cas et bleues marine dans l'autre-n'est pas davantage de nature à caractériser la concurrence déloyale et parasitaire s'agissant d'un conditionnement relativement banal pour des instruments à usage unique étant relevé que chacune des marques respectives y est clairement apposée de sorte que le risque de confusion auprès du public averti que constituent les chirurgiens orthopédiques, apparaît très limité.

Dans ces conditions, les demandes formulées au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme ne peuvent être accueillies.

5 - EVALUATION DES PRÉJUDICES ET AUTRES MESURES RÉPARATRICES ET D'INTERDICTION SOLLICITÉES:

La société SAFE ORTHOPAEDICS fait valoir son droit à l'information, sollicite le cas échéant une mesure d'expertise et demande à titre provisionnel la somme de 1800 000 euros en faisant valoir que bien que n'étant pas en mesure de déterminer l'intégralité de son préjudice du fait du placement sous scellé à l'initiative des défenderesses, des pièces comptables, l'importation, l'offre et la commercialisation des produits contrefaisants lui causent un dommage important. Elle considère en outre que son indemnisation doit tenir compte des économies réalisées et sollicite enfin une mesure d'interdiction sous astreinte.

Les défenderesses concluent au rejet des demandes en faisant valoir qu'il n'est pas justifié d'un préjudice. Elles rappellent par ailleurs que la mesure de confiscation n'est qu'une faculté laissée à l'appréciation du tribunal et ne saurait être prononcée comme étant de droit.

Sur ce,

L'article L 615-7 du code de la propriété intellectuelle modifié par la loi du 14.03.2014 dispose que :
« Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :
1o Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subie par la partie lésée ;
2o Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3o Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.
Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée. »

En outre, aux termes de l'article L615-7-1 du même code, « en cas de condamnation civile pour contrefaçon, la juridiction peut ordonner, à la demande de la partie lésée, que les produits reconnus comme produits contrefaisants et les matériaux et instruments ayant principalement servi à leur création ou fabrication soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement de ces circuits, détruits ou confisqués au profit de la partie lésée.
La juridiction peut aussi ordonner toute mesure appropriée de publicité du jugement, notamment son affichage ou sa publication intégrale ou par extraits dans les journaux ou sur les services de communication au public en ligne qu'elle désigne, selon les modalités qu'elle précise.
Les mesures mentionnées aux deux premiers alinéas sont ordonnées aux frais du contrefacteur.»

Enfin, l'article L 615-5-2 dispose que si la demande lui en est faite, la juridiction saisie au fond ou en référé d'une procédure civile prévue au présent titre peut ordonner, au besoin sous astreinte, afin de déterminer l'origine et les réseaux de distribution des produits ou procédés argués de contrefaçon qui portent atteinte aux droits du demandeur, la production de tous documents ou informations détenus par le défendeur ou par toute personne qui a été trouvée en possession de produits argués de contrefaçon ou mettant en oeuvre des procédés argués de contrefaçon ou qui fournit des services utilisés dans de prétendues activités de contrefaçon ou a été signalée comme intervenant dans la production, la fabrication ou la distribution de ces produits, la mise en oeuvre de ces procédés ou la fourniture de ces services.
La production de documents ou d'informations peut être ordonnée s'il n'existe pas d'empêchement légitime.
En l'espèce, il convient en premier lieu de faire droit à la demande d'informations présentée par la société SAFE ORTHOPAEDICS dans les termes précisés au dispositif de la présente décision et de renvoyer les parties à la détermination amiable du préjudice subi.

Dans ce cadre, il sera également fait droit à la demande de levée des scellés apposés lors des opérations de saisie contrefaçon diligentées chez Mme [Y] le 17 novembre 2017 et il sera ordonné la communication à la société SAFE de la clé USB sur laquelle ont notamment été enregistrées les factures et les bons de commande relatifs au kit reproduisant les revendications du brevet FR 840.

La société SAFE ORTHOPAEDICS qui présente en outre une demande d'indemnité provisionnelle de 1 800 000 euros ne communique aucune pièce ou explication qui permettent de justifier de ce montant.

Sa demande sera en conséquence rejetée de même que la demande de publication, non justifiée au regard des circonstances de l'espèce.

Une mesure d'interdiction et de destruction sera enfin ordonnée dans les termes précisés au dispositif.

6 - DEMANDES RELATIVES AUX FRAIS DU LITIGE ET AUX CONDITIONS D'EXECUTION DE LA DECISION :

Les sociétés NEO MEDICAL, partie perdante, supporteront la charge des dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, auxquels s'ajouteront les frais de saisie contrefaçon

Elles doivent en outre être condamnées à verser à la société SAFE ORTHOPAEDICS, qui a dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits, une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 100 000 euros.

L'exécution provisoire étant justifiée au cas d'espèce et compatible avec la nature du litige, elle sera ordonnée sauf en ce qui concerne les mesures de destruction.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,

REJETTE la demande d'annulation des revendications 1 à 13 du brevet français FR 2 990 840 ;

REJETTE la demande d'annulation des procès-verbaux de saisies-contrefaçon réalisées le 17 novembre 2017 dans les locaux de la Clinique [9] et les locaux de Madame [Y] ;

DIT que les sociétés NEO MEDICAL S.A.S et NEO MEDICAL SA, en important, distribuant et commercialisant en France des produits reproduisant les caractéristiques des revendications 1 à 5, 11 et 13 du brevet français FR 2 990 840, ont commis des actes de contrefaçon au préjudice de la société SAFE ORTHOPAEDICS ;

En conséquence,

FAIT INTERDICTION aux sociétés NEO MEDICAL S.A.S. et NEO MEDICAL SA d'importer et de commercialiser sur le territoire français les produits PEDICLE SCREW KIT référencés SC-50-35-PE, SI 00-00-00, RD-00-90-ST, RD-00-70-ST et RD-01-00-ST et ce, sous une astreinte de 1500 euros par infraction, passé un délai d'un mois à compter de la signification du jugement à intervenir ;

ORDONNE la destruction sous le contrôle d'un huissier de justice des produits PEDICLE SCREW KIT référencés SC-50-35-PE, SI 00-00-00, RD-00-90-ST, RD-00-70-ST et RD-01-00-ST aux frais des sociétés NEO MEDICAL S.A.S. et NEO MEDICAL SA restant en stock dans les locaux de la société NEO MEDICAL S.A.S, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard , passé un délai d'un mois suivant la signification du jugement ;

SE RESERVE la liquidation des astreintes ;

ORDONNE la levée du scellé apposé suite aux opérations de saisie-contrefaçon en date du 17 novembre 2017 par la SELARL OFFICIALIS et la communication à la société SAFE ORTHOPAEDICS de la clé USB objet du scellé ;

ORDONNE aux sociétés NEO MEDICAL S.A.S et NEO MEDICAL SA de communiquer les informations permettant de déterminer le montant exact des dommages subis par la société SAFE ORTHOPAEDICS, dans un délai de 45 jours à compter de la signification du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard , et en particulier :
- Les noms et adresses des fabricants et/ou fournisseurs des produits,
- les bons de commande, bons de livraison, factures établis à compter du 14 décembre 2012 établissant le nombre de produits, importés, offerts à la vente, vendus, ou distribués par tout moyen en France, ainsi que leur prix d'achat et de vente, le tout certifié conforme par un expert comptable,
- l'état des stocks à l'expiration du délai de 30 jours suivant la signification de la présente décision
-Le chiffre d'affaires généré par les ventes des produits contrefaisants en France depuis le 14 décembre 2012 , certifié conforme par un expert-comptable ;

RENVOIE les parties à la détermination amiable du préjudice économique subi par la société SAFE ORTHOPAEDICS du fait des actes de contrefaçon sur la base des éléments qui seront communiqués et à défaut, par voie judiciaire après assignation ;

DEBOUTE la société SAFE ORTHOPAEDICS de sa demande de publication ;

DEBOUTE la société SAFE ORTHOPAEDICS de sa demande d'indemnité provisionnelle ;

DEBOUTE la société SAFE ORTHOPAEDICS de sa demande de dommages et intérêts présentée au titre de la concurrence déloyale et parasitaire ;

CONDAMNE les sociétés NEO MEDICAL S.A.S et NEO MEDICAL SA à verser à la société SAFE ORTHOPAEDICS, la somme de 100 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

ORDONNE l'exécution provisoire de la décision à intervenir sauf en ce qui concerne les mesures de destruction ;

CONDAMNE les sociétés NEO MEDICAL S.A.S et NEO MEDICAL SA aux dépens, en ce compris les frais de saisie-contrefaçon qui seront recouvrés au profit de la SELARL de Marcellus et Disser, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Fait et jugé à Paris le 28 Mai 2021

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Ct0196
Numéro d'arrêt : 17/17633
Date de la décision : 28/05/2021

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2021-05-28;17.17633 ?
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