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20/05/2021 | FRANCE | N°18/10308

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Ct0196, 20 mai 2021, 18/10308


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre 1ère section

No RG 18/10308 -
No Portalis 352J-W-B7C-CNTNC

No MINUTE :

Assignation du :
31 août 2018

JUGEMENT
rendu le 20 mai 2021
DEMANDERESSES

Société VINTAGE REDEUX
[Adresse 2]
[Localité 10] (USA)

Madame [E] [R]
[Adresse 2]
[Localité 11] (USA)

représentées par Me Karine ALTMANN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E2070

DÉFENDEURS

Société SONY MUSIC ENTERTAINMENT FRANCE - Intervenante forcée
[Adresse 5]
[Localité 6]
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br>représentée par Me Olivier LOIZON et Me Laure-Anne MONTIGNY de l'AARPI VIGUIE SCHMIDT et ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #R0145

Société AUGURI...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre 1ère section

No RG 18/10308 -
No Portalis 352J-W-B7C-CNTNC

No MINUTE :

Assignation du :
31 août 2018

JUGEMENT
rendu le 20 mai 2021
DEMANDERESSES

Société VINTAGE REDEUX
[Adresse 2]
[Localité 10] (USA)

Madame [E] [R]
[Adresse 2]
[Localité 11] (USA)

représentées par Me Karine ALTMANN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E2070

DÉFENDEURS

Société SONY MUSIC ENTERTAINMENT FRANCE - Intervenante forcée
[Adresse 5]
[Localité 6]

représentée par Me Olivier LOIZON et Me Laure-Anne MONTIGNY de l'AARPI VIGUIE SCHMIDT et ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #R0145

Société AUGURI PRODUCTIONS - Intervenante forcée
[Adresse 1]
[Localité 7]

représentée par Me Pierre-Marie BOUVERY de la SELARL FACTORI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0300

Société ATELIER FLOKAJE - Intervenante forcée
[Adresse 3]
[Localité 9]

Défaillante

Monsieur [Y] [D]
[Adresse 8]
[Localité 4]

représenté par Me Alain BARSIKIAN de l'AARPI CBR et ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0139

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe
Gilles BUFFET, Vice président
Alix FLEURIET, Juge

assistés de Caroline REBOUL, Greffière

DEBATS

A l'audience du 30 mars 2021
tenue en audience publique

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Réputé contradictoire
En premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

La société de droit américain VINTAGE REDEUX fait valoir qu'elle est spécialisée dans la fabrication de vêtements dits vintage.

Mme [E] [R] est la gérante de cette société.

Mme [R] expose qu'elle a créé un logotype dénommé « WOLF TRIANGLE DESIGN », constitué d'un triangle, pointe vers le bas, sur fond noir et blanc, au milieu duquel figure une tête de loup.

Mme [R] et la société VINTAGE REDEUX font valoir qu'elles exploitent ce logotype sur les vêtements qu'elles proposent à la vente et en particulier sur des vestes de type militaire.

M. [Y] [D] est un auteur-compositeur, artiste-interprète, musicien et comédien français.

Il a composé en 2016 l'album "et" produit par la société SONY MUSIC ENTERTAINMENT FRANCE.

La production de la tournée de cet album a été confiée à la société AUGURI PRODUCTIONS.

Mme [R] et la société VINTAGE REDEUX exposent avoir découvert en 2017, que, dans l'un des clips vidéos réalisé pour la promotion de la chanson "Le lac" de l'album "et", M. [Y] [D] portait une veste militaire avec au dos un triangle noir, pointe vers le bas dans lequel était représentée une tête de loup. Cette veste était réalisée par la société ATELIER FLOCKAJE.

En mai 2017, Mme [R] était contactée par l'agent de M. [D] pour la mise en place d'un éventuel partenariat pour l'utilisation et l'exploitation du logotype. Une proposition de payer une somme de 1.000 dollars américains avec un crédit de la société VINTAGE REDEUX sur Instagram, était émise le 18 juillet 2017 par les sociétés SONY MUSIC ENTERTAINMENT FRANCE et AUGURI PRODUCTION.

Aucun accord n'a pu être finalisé.

La société VINTAGE REDEUX et Mme [R] exposent que M. [D] a néanmoins continué à utiliser le logotype dans un autre clip réalisé pour la chanson "Sublime et silence" de l'album "et", M. [D] et ses musiciens portant la même veste reproduisant le logotype, dans un film documentaire joint au CD de l'album "et", sur la pochette du CD, ainsi que dans le sigle "et" représentant le titre de l'album et dans le cadre de vidéos alternatives figurant sur le site officiel du chanteur.

Par exploit d'huissier du 31 août 2018, Mme [R] et la société VINTAGE REDEUX ont fait assigner M. [D]devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon de droits d'auteur.

Par actes d'huissier du 9 juillet 2019, Mme [R] et la société VINTAGE REDEUX ont fait assigner les sociétés SONY MUSIC ENTERTAINMENT FRANCE, AUGURI PRODUCTIONS et ATELIER FLOKAJE, représentée par son liquidateur, Mme [L] [H], en intervention forcée devant le tribunal.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 30 novembre 2020, Mme [R] et la société VINTAGE REDEUX demandent au tribunal, au visa des articles L. 111-1, 121-1 et s, L. 122-1 et s., L.131-4, L. 335-2 et 3 du code de la propriété intellectuelle, 1240, 1241 du code civil, 699 et 700 du code de procédure civile, de:

- Dire recevables Mme [E] [R] et la société VINTAGE REDEUX en leurs demandes ;

- Dire que Mme [E] [R] est auteur de l'oeuvre originale versée aux débats sous la dénomination « WOLF TRIANGLE DESIGN », et représentée aux modèles de vêtements exploités par la société VINTAGE REDEUX,

- Dire que M. [Y] [D], les sociétés SONY MUSIC ENTERTAINMENT France, AUGURI PRODUCTIONS et FLOKAJE, en reproduisant et en diffusant sans autorisation l'oeuvre visée de Mme [E] [R], ont violé ses droits d'auteur par la commission d'actes de contrefaçon,

- Dire que M. [Y] [D], les sociétés SONY MUSIC ENTERTAINMENT France, AUGURI PRODUCTIONS et FLOKAJE, en reproduisant et en diffusant sans autorisation un modèle de veste identique ou similaire au modèle de la « veste loup » commercialisé par la société VINTAGE REDEUX, ont commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme économique ;

EN CONSÉQUENCE :

- Faire interdiction à M. [Y] [D], aux sociétés SONY MUSIC ENTERTAINMENT France, AUGURI PRODUCTIONS et FLOKAJE de poursuivre l'offre à la vente et la vente de tous produits portant atteinte aux droits de Mme [E] [R] et de la société VINTAGE REDEUX par la reproduction de l'oeuvre visée « WOLF TRIANGLE DESIGN » dont Mme [E] [R] est l'auteur et exploitée par VINTAGE REDEUX avec sa « veste loup », et ce sous astreinte définitive de 1.000 euros par infraction constatée, à effet de plein droit dans le monde entier passé un délai de 8 jours à compter de la signification du jugement à intervenir,

- Condamner in solidum M. [Y] [D], les sociétés SONY MUSIC ENTERTAINMENT France, AUGURI PRODUCTIONS et FLOKAJE à verser à Mme [E] [R], la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour indemnisation de son préjudice patrimonial,

- Condamner in solidum M. [Y] [D], les sociétés SONY MUSIC ENTERTAINMENT France, AUGURI PRODUCTIONS et FLOKAJE à verser à Mme [E] [R], la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts pour indemnisation de son préjudice moral,

- Ordonner la publication du jugement à intervenir, aux frais exclusifs et avancés de M. [Y] [D], des sociétés SONY MUSIC ENTERTAINMENT France, AUGURI PRODUCTIONS et FLOKAJE, dans 5 revues ou journaux français et/ou internationaux au choix de Mme [E] [R], sans que le coût de chacune de ces publications puisse dépasser la somme de 10.000 euros H.T., outre la mise en ligne sur la page d'accueil du site internet de chacune des défenderesses si elles en disposent, en caractères "Times New Roman" de taille 12, du dispositif du jugement à intervenir pendant une durée d'un mois à compter de sa signification par voie d'huissier de justice,

- Condamner in solidum M. [Y] [D], les sociétés SONY MUSIC ENTERTAINMENT France, AUGURI PRODUCTIONS et FLOKAJE à verser à la société VINTAGE REDEUX, la somme de 460.354 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice résultant des actes de concurrence déloyale et de parasitisme économique subis,

- Dire que le Tribunal se réserve le pouvoir de liquider les astreintes ainsi prononcées, conformément aux dispositions de l'article L. 131-3 du code des procédures civiles d'exécution,

- Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir, nonobstant toute voie de recours et sans constitution de garantie,

- Condamner in solidum M. [Y] [D], les sociétés SONY MUSIC ENTERTAINMENT France, AUGURI PRODUCTIONS et FLOKAJE à payer respectivement à Madame [E] [R] et à la société VINTAGE REDEUX la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner in solidum M. [Y] [D], les sociétés SONY MUSIC ENTERTAINMENT France, AUGURI PRODUCTIONS et FLOKAJE, aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 19 janvier 2021, M. [Y] [D] demande au tribunal, au visa des articles L. 121-1, L 122-4, L.131-3 et L 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, 1240 et 1241 du code civil, de:

I. A titre principal, sur l'absence d'actes de contrefaçon et de concurrence deloyale/parasitisme

A. Sur la demande de Mme [E] [R] fondee sur la contrefaçon :

A titre principal :

- Constater que la société VINTAGE REDEUX a abandonné toute demande au titre de la contrefaçon ;

- Constater que Mme [E] [R] n'apporte pas la preuve de la titularité de ses droits sur le Logo « Triangle Wolf Design » ;

- Constater que le Logo « Triangle Wolf Design » est dépourvu de toute originalité et n'est donc pas susceptible de fonder une action en contrefaçon ;

En conséquence,

- Dire que Mme [E] [R] est irrecevable à agir en contrefaçon ;

- Débouter Mme [E] [R] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions;

A titre subsidiaire :

- Constater que les prétendus actes de contrefaçon ne sont pas imputables à M. [Y] [D];

En conséquence,

- Débouter Mme [E] [R] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

B. Sur la demande de la societe VINTAGE REDEUX fondée sur la concurrence deloyale et le parasitisme :

- Constater que M. [Y] [D] n'a commis aucune faute constitutive de concurrence déloyale ou de parasitisme au préjudice de la société VINTAGE REDEUX ;

En conséquence,

- Débouter la société VINTAGE REDEUX de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions;

II. A titre subsidiaire, sur l'absence de prejudice subi par Mme [E] [R] et la societe VINTAGE REDEUX :

- Constater que la société VINTAGE REDEUX et Mme [E] [R] n'ont subi aucun préjudice ;

En conséquence,

- Débouter la société VINTAGE REDEUX et Mme [E] [R] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

III. A titre infiniment subsidiaire, sur l'absence de garantie due par M. [Y] [D] a la societe AUGURI PRODUCTIONS :

- Rejeter la demande de garantie formulée par la société AUGURI PRODUCTIONS à l'encontre de M. [Y] [D] ;

IV. A titre reconventionnel et en toute hypothèse, sur les actes de parasitisme commis par la societe VINTAGE REDEUX au prejudice de M. [Y] [D] :

- Constater que la société VINTAGE REDEUX utilise le nom de M. [Y] [D] à des fins publicitaires et commerciales, sans autorisation de ce dernier ;

- Constater que ces agissements sont constitutifs de parasitisme au préjudice de M. [Y] [D] ;

En conséquence,

- Condamner la société VINTAGE REDEUX à payer à M. [Y] [D] la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;

- Condamner in solidum la société VINTAGE REDEUX et Mme [E] [R] à payer à M. [Y] [D] la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la société VINTAGE REDEUX et Mme [E] [R] aux entiers dépens de l'instance.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 5 janvier 2021, la société SONY MUSIC ENTERTAINEMENT FRANCE demande au tribunal, au visa des articles L. 111-1, 121-1 et s, L. 122-1 et s., L.131-4, L. 335-2 et 3 du code de la propriété intellectuelle, 1240, 1241 du code civil, 699 et 700 du code de procédure civile, de:

- Débouter Mme [E] [R] et la société VINTAGE REDEUX de l'ensemble de leurs demandes ;

- Rejeter la demande d'exécution provisoire ;

- Condamner la société VINTAGE REDEUX et Mme [E] [R] à verser à la société SONY MUSIC ENTERTAINMENT FRANCE la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 7 septembre 2020, la société AUGURI PRODUCTIONS demande au tribunal, au visa des articles L. 111-1 et L. 113-1 du code de la propriété intellectuelle, 1149 et 1310 du code civil, de:

A titre principal,

- Prononcer la mise hors de cause de la société AUGURI PRODUCTIONS dans l'exploitation du Visuel « Wolf Triangle Design » par M. [Y] [D], la société SONY MUSIC ENTERTAINMENT FRANCE et la société ATELIER FLOKAJE représentée par Mme [L] [H] en sa qualité de liquidateur ;

A titre subsidiaire,

- Débouter Mme [E] [R] et la société VINTAGE REDEUX de leur action en contrefaçon de droit d'auteur à l'encontre de la société AUGURI PRODUCTIONS,

A titre plus subsidiaire,

- Débouter Mme [E] [R] et la société VINTAGE REDEUX de leur demande de condamnation à des dommages et intérêts,

- Débouter Mme [E] [R] et la société VINTAGE REDEUX de toute condamnation in solidum de M. [Y] [D] et des sociétés AUGURI PRODUCTIONS, SONY MUSIC ENTERTAINMENT FRANCE et ATELIER FLOKAJE ;

- Condamner M. [Y] [D] à garantir la société AUGURI PRODUCTIONS en cas de condamnation à verser toutes sommes, notamment à titre des dommages et intérêts à Madame [E] [R] et/ou la société VINTAGE REDEUX en réparation de tous préjudices qui résulteraient de l'exploitation du Visuel « Wolf Triangle Design » ;

- Condamner in solidum Mme [E] [R] et la société VINTAGE REDEUX à verser à la société AUGURI PRODUCTIONS la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Les condamner aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 26 janvier 2021.

Bien que régulièrement citée à personne habilitée, la société ATELIER FLOKAJE, représentée par son liquidateur, Mme [L] [H], n'a pas constitué avocat.

Le présent jugement sera réputé contradictoire, par application de l'article 473 du code de procédure civile.

MOTIFS DU JUGEMENT :

Sur la titularité des droits d'auteur de Mme [R] sur le logotype "WOLF TRIANGLE DESIGN" :

M. [D] soutient que Mme [R] est irrecevable en ses demandes, ne démontrant pas qu'elle est titulaire des droits d'auteur sur le logotype litigieux. Il soutient qu'elle n'établit pas qu'elle en serait la créatrice tandis qu'elle ne rapporte pas la preuve que le logotype aurait été divulgué sous son nom, les vestes avec les têtes de loup ayant été exclusivement diffusées sous le nom de la société VINTAGE REDEUX.

La société SONY MUSIC ENTERTAINMENT FRANCE fait valoir également que Mme [R] ne justifie pas de sa qualité de créatrice du logotype.

La société AUGURI PRODUCTIONS expose que Mme [R] ne produit aucun élément susceptible de démontrer l'exploitation sous son nom d'une quelconque veste sur laquelle figurerait le visuel litigieux avant la diffusion du vidéoclip "Le lac" de M. [D] le 29 août 2016, seuls des éléments rattachés au site de la société VINTAGE REDEUX et ses réseaux sociaux ayant été communiqués aux débats, lesquels remontent au plus tôt au 23 octobre 2016 et sont dès lors postérieurs à la diffusion du vidéoclip de M. [D] dans lequel apparaît pour la première fois le visuel litigieux sur sa veste.

Mme [R] réplique qu'elle a été la première à divulguer des vestes de type militaire sur lesquelles était apposée l'image du loup dans un triangle renversé dès les années 2012-2013 et qu'elle doit donc bénéficier de la présomption de paternité de l'article L.113-1 du code de la propriété intellectuelle, sa qualité d'auteur n'ayant pas été contestée par les parties avant l'introduction de l'instance.

Sur ce :

Selon l'article L.113-1 du code de la propriété intellectuelle, la qualité d'auteur appartient sauf preuve contraire à celui ou à ceux sous le nom duquel l'oeuvre est divulguée.

Il incombe, par conséquent, à Mme [R], qui prétend être titulaire des droits d'auteur sur le visuel "WOLF TRIANGLE DESIGN", de justifier qu'il a été divulgué sous son nom, avant le 29 août 2016, date à laquelle a été diffusé pour la première fois le vidéoclip du titre "Le lac" de M. [D] dans lequel il aurait porté une veste reproduisant ce visuel, étant précisé que l'album "et" est paru le 14 octobre 2016.

M. [R] communique, en premier lieu, un copyright qu'elle a déposé auprès de l'office américain compétent portant sur une oeuvre "TRIANGLE WOLF DESIGN", mentionnant une première date de publication le 1er janvier 2011 (pièce 1).

Or, ce document a été enregistré le 20 janvier 2017 et ne comporte aucune reproduction du visuel concerné.

Mme [R] communique encore une capture d'écran du logotype intitulé "TRIWOLF" mentionnant une date de création au 30 décembre 2012 (pièce 2).

Or, la source de la capture d'écran n'est pas connue, tandis qu'un tel document, qui n'identifie pas le créateur du visuel, est insuffisant à justifier d'une divulgation du logotype litigieux sur des vêtements auprès du public au nom de Mme [R]

Les propos de Mme [R] sur la création du visuel retranscrits dans l'article publié sur le site "La Vie Bohème de Céline" le 22 mai 2017 (pièce 3), soit plus de six mois après la publication de l'album de M. [D], ne sont également pas de nature à caractériser une telle divulgation.

Enfin, s'il est justifié que le logotype en cause a été diffusé sur les réseaux sociaux, en 2015, sur le compte Instagram du groupe de musique canadien REIGNWOLF, à l'occasion d'une tournée du groupe, des vestes le reproduisant étant disponibles à l'achat à partir du lien "reignwolf.bandcamp.com/merch", il n'est aucunement justifié que Mme [R] serait à l'origine de ce visuel, lequel n'est pas encore diffusé sous son nom. Aucun accord conclu entre elle et le groupe REIGNWOLF concernant l'exploitation du logotype n'est par ailleurs communiqué.

Par conséquent, Mme [R] ne produit aucune pièce de nature à justifier qu'elle aurait divulgué sous son nom le visuel en cause, la seule circonstance que sa qualité d'auteur n'a pas antérieurement à l'introduction de l'instance été contestée lors des tentatives d'accords amiables étant sans portée, tandis qu'il résulte de la pièce 21 des demanderesses et des pièces de M. [D] que les vestes reproduisant ce visuel n'ont été diffusées et commercialisés que par la société VINTAGE REDEUX.

Par conséquent, à défaut de justifier de sa qualité d'auteur du logotype en cause, Mme [R] sera déclarée irrecevable en ses demandes formées au titre du droit d'auteur.

Sur la concurrence déloyale et parasitaire :

La société VINTAGE REDEUX fait valoir que les défendeurs ont procédé à l'exploitation d'un vêtement constituant une reprise à l'identique d'un vêtement d'ores et déjà exploité et commercialisé par cette société, ce qui a généré un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle, ayant poussé les acquéreurs potentiels à se tourner vers la société ATELIER FLOKAJE, tandis qu'en reproduisant le visuel, M. [D] a indûment et sans effort bénéficié d'un avantage artistique et commercial résultant de l'investissement financier et intellectuel, de la promotion et de la notoriété autour des vêtements commercialisés par la société VINTAGE REDEUX.

M. [D] réplique qu'il n'est pas en situation de concurrence avec la société VINTAGE REDEUX tandis qu'aucune photographie des vestes mises en vente par la société ATELIER FLOKAJE n'est produite aux débats. Il fait valoir qu'il n'a commercialisé aucun vêtement reproduisant une tête de loup. Il en conclut que les actes de concurrence déloyale et parasitaire reprochés ne sont pas établis.

La société SONY MUSIC ENTERTAINMENT FRANCE conteste également les actes de concurrence déloyale et parasitaire aux motifs qu'elle n'a commis aucune faute, n'ayant commercialisé aucune veste. Elle fait valoir également que la société VINTAGE REDEUX ne justifie pas des investissements réalisés pour la création du logotype dont elle aurait bénéficié.

La société AUGURI PRODUCTIONS ne répond pas sur ce point.

Sur ce :

En vertu des dispositions des articles 1240 et 1241 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, chacun étant responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce qui implique qu'un signe qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit sous certaines conditions tenant à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce.

Le parasitisme, qui s'apprécie dans le même cadre que la concurrence déloyale dont il est une déclinaison mais dont la constitution est toutefois indifférente au risque de confusion, consiste dans le fait pour une personne physique ou morale de profiter volontairement et déloyalement sans bourse délier des investissements, d'un savoir-faire ou d'un travail intellectuel d'autrui produisant une valeur économique individualisée et générant un avantage concurrentiel.

Il est observé, en premier lieu, qu'aux termes de ses pièces communiquées, la société VINTAGE REDEUX ne produit qu'une copie écran non datée d'une veste reproduisant le visuel litigieux dénommée "WOLF JEAN JACKET" avec le commentaire suivant " même veste que [Y] [D]" mise en vente sur son site internet marchand "vintageredeux.com" (pièce 21).

Il n'est justifié d'aucune commercialisation au nom de la société VINTAGE REDEUX de vestes comportant le logotype en cause, pour la période antérieure à la diffusion du vidéoclip "Le lac", soit le 29 août 2016, et la parution de l'album "et" par M. [D] intervenue le 14 octobre 2016.

Il résulte, à cet égard, des pièces communiquées par M. [D] que la société VINTAGE REDEUX a diffusé sur son compte Instagram un grand nombre de visuels reproduisant des vestes comportant le logotype en cause, à partir du 23 octobre 2016 (pièces 13), l'ensemble des visuels référencés comportant les tags «#[Y][D]» ou «#[Y][D]». Il est justifié de la commercialisation d'une veste comportant le logotype "Wolf Army Jacket" "as seen on [Y] [D] !" sur le site marchand "vintageredeux.com" au 20 mars 2019 (pièce [D] no15).

Aucune pièce n'est communiquée concernant une exploitation publique du logotype par la société VINTAGE REDEUX sous son nom à quelque titre que ce soit avant le 23 octobre 2016, les seules pièces produites ne concernant que les vestes présentées sur le compte Instagram du groupe REIGNWOLF avec un lien pour l'achat sur le site "reignwolf.bandcamp.com". Il n'est justifié d'aucun lien entre ce groupe et la société VINTAGE REDEUX.

Dans ces conditions, tandis que M. [D], la société SONY MUSIC ENTERTAINMENT FRANCE et la société AUGURI PRODUCTIONS ne sont pas en situation de concurrence à l'égard de la société VINTAGE REDEUX, celle-ci ne peut pas se prévaloir d'actes de concurrence déloyale à son préjudice, l'utilisation du logotype par M. [D] étant antérieure à la promotion et la diffusion de ses vestes par la société VINTAGE REDEUX. Il ne peut pas plus être reproché à la société ATELIER FLOKAJE d'avoir conçu et proposé à la vente des vestes reproduisant des motifs similaires.

Les faits de parasitisme invoqués ne peuvent pas plus prospérer, la société VINTAGE REDEUX ne justifiant, au demeurant, d'aucun investissement pour la création et la diffusion du logotype, tandis que les campagnes promotionnelles menées par la société VINTAGE REDEUX font toujours référence à M. [D].

Les demandes formées par la société VINTAGE REDEUX au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme seront donc rejetées.

Sur la demande reconventionnelle en parasitisme de M. [D] :

M. [D] fait valoir que la société VINTAGE REDEUX n'a pas hésité à utiliser son nom, sans son autorisation, pour vendre ses produits et qu'en utilisant ce nom à des fins purement commerciales et publicitaires, cette société a cherché manifestement à bénéficier de la notoriété de M. [D], et ce, sans bourse délier.

La société VINTAGE REDEUX ne répond pas sur cette demande.

Sur ce :

Il est rappelé que, sur son site marchand, la société VINTAGE REDEUX présente les vestes reproduisant le visuel litigieux qu'elle offre à la vente, en ajoutant les mentions : " même veste que [Y] [D]" (pièce demanderesse 21) ou "as seen on [Y] [D] !" (Pièce M. [D] 15).

Par ailleurs, sur son compte Instagram, la société VINTAGE REDEUX, en présentant ses vestes incorporant le logotype de loup dans un triange, assortit toutes ses publications des tags «#juliendore» ou «#juliendoré».

Aussi, la société VINTAGE REDEUX, soucieuse d'obtenir une très grande visibilité auprès du public français et francophone, en faisant systématiquement référence à M. [D], a incontestablement cherché à bénéficier de sa notoriété afin de promouvoir ses ventes, sans avoir cependant été autorisée à le faire.

La société VINTAGE REDEUX s'étant ainsi, sans bourse délier, placée dans le sillage de M. [D], il y a lieu de retenir qu'elle a commis des actes de parasitisme au préjudice de M. [D].

Le préjudice subi par M. [D] sera réparé par l'allocation d'une indemnité de 5.000 euros.

Sur les demandes accessoires :

Parties perdantes, Mme [R] et la société VINTAGE REDEUX seront condamnées in solidum aux dépens et à payer à M. [D] 10.000 euros et aux sociétés SONY MUSIC ENTERTAINMENT FRANCE et AUGURI PRODUCTIONS 5.000 euros chacune en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, l'exécution provisoire sera ordonnée.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort, mis à disposition par le greffe le jour du délibéré,

Déclare Mme [E] [R] irrecevable en ses demandes formées au titre du droit d'auteur,

Déboute la société VINTAGE REDEUX de ses demandes formées au titre de la concurrence déloyale et parasitaire,

Condamne la société VINTAGE REDEUX à payer à M. [Y] [D] 5.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du parasitisme,

Condamne in solidum Mme [E] [R] et la société VINTAGE REDEUX aux dépens,

Condamne in solidum Mme [E] [R] et la société VINTAGE REDEUX à payer à M. [Y] [D] 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum Mme [E] [R] et la société VINTAGE REDEUX à payer à la société SONY MUSIC ENTERTAINMENT FRANCE 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum Mme [E] [R] et la société VINTAGE REDEUX à payer à la société AUGURI PRODUCTIONS 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement.

Fait et jugé à [Localité 12] le 20 mai 2021

La GreffièreLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Ct0196
Numéro d'arrêt : 18/10308
Date de la décision : 20/05/2021

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2021-05-20;18.10308 ?
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