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07/05/2021 | FRANCE | N°3

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Ct0196, 07 mai 2021, 3


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
-
2ème section

No RG 19/04143
-
No Portalis 352J-W-B7D-CPRPJ

No MINUTE :

Assignation du :
29 Mars 2019

JUGEMENT
rendu le 07 Mai 2021

DEMANDERESSE

UMICORE, S.A. de droit belge
[Adresse 2]
[Adresse 2] (BELGIQUE)

représentée par Maître Benoit STROWEL de l'AARPI HOYNG ROKH MONEGIER VERON, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0512

DÉFENDERESSE

S.A. NANOMAKERS
[Adresse 1]
[Adresse 1]

représentée par Maître Emmanuel DE MARCELL

US de la SELARL DE MARCELLUS et DISSER Société d'Avocats, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #A0341

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Florence BUTIN, Vice-Préside...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
-
2ème section

No RG 19/04143
-
No Portalis 352J-W-B7D-CPRPJ

No MINUTE :

Assignation du :
29 Mars 2019

JUGEMENT
rendu le 07 Mai 2021

DEMANDERESSE

UMICORE, S.A. de droit belge
[Adresse 2]
[Adresse 2] (BELGIQUE)

représentée par Maître Benoit STROWEL de l'AARPI HOYNG ROKH MONEGIER VERON, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0512

DÉFENDERESSE

S.A. NANOMAKERS
[Adresse 1]
[Adresse 1]

représentée par Maître Emmanuel DE MARCELLUS de la SELARL DE MARCELLUS et DISSER Société d'Avocats, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #A0341

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Florence BUTIN, Vice-Présidente
Catherine OSTENGO, Vice-présidente
Alix FLEURIET, Juge

Assistées d'Angélique FAVRO, Greffière lors des débats et de Quentin CURABET, Greffier lors de la mise à disposition au greffe,

DÉBATS

A l'audience du 04 Mars 2021 tenue en audience publique devant Florence BUTIN et Catherine OSTENGO, juges rapporteurs qui sans opposition des avocats, ont tenu seules l'audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile.

Avis a été donné que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 07 Mai 2021.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

PRESENTATION DES PARTIES :

La société de droit belge UMICORE SA se présente comme la maison mère du groupe du même nom spécialisé dans la technologie des matériaux - à savoir la connaissance de leurs propriétés, caractéristiques et applications - ainsi que de leur recyclage, qui consacre une part importante de son activité à la recherche et au développement de technologies dites « propres » et notamment de matériaux destinés à la fabrication de batteries rechargeables. Elle emploie environ 10 000 salariés et possède des filiales dans 8 pays dont 5 en France.

La société UMICORE est titulaire du brevet européen EP 2 588 409 ayant pour intitulé « Poudre de silicium sous-micronique à basse teneur en oxygène », issu d'une demande internationale de brevet noPCT/EP2011/060412 déposée le 22 juin 2011 sous priorités américaine du 29 juin 2010 et européenne du 15 décembre 2010, délivré sans opposition le 16 novembre 2016.

L'invention concerne une poudre de silicium constituée de très fines particules dont l'oxydation peut être contrôlée, à faible teneur en oxygène et pouvant notamment être utilisée dans les batteries rechargeables à haute capacité de stockage, ainsi que son procédé de fabrication.

Ce titre est maintenu en vigueur par le paiement régulier des annuités dont la dernière a été réglée le 12 mai 2020.

La société française NANOMAKERS SA se présente comme une structure comptant une dizaine d'employés, issue du CEA - Commissariat à l'Énergie Atomique et aux Énergies Alternatives - et qui commercialise depuis 2009 des poudres nanométriques à base de silicium, notamment utilisées pour améliorer les performances énergétiques des batteries Lithium-ion.

LE LITIGE :

La société NANOMAKERS offre notamment à la vente deux nanopoudres de silicium, l'une dénommée NMSi C99 qui est une poudre de silicium constituée de particules comportant un enrobage carbone et l'autre dénommée NMSi99 dite « pure » en ce que les particules de poudre ne sont pas enrobées.
Ces deux types de poudre sont commercialisés sous plusieurs déclinaisons selon la taille moyenne des particules soit 15, 40, 75 ou 100 nanomètres.

Courant novembre 2018, la société UMICORE a passé commande de plusieurs lots de poudre de silicium enrobée portant la référence NMSi C99 qui ont été livrés à son centre de recherche le 30 novembre 2018.
Estimant au regard des analyses réalisées que ces produits portaient atteinte aux revendications no 1 à 9 de son brevet EP 409, la société UMICORE a adressé le 20 décembre 2018 à la société NANOMAKERS une lettre de mise en demeure l'enjoignant de cesser ces agissements et lui indiquant parallèlement être à sa disposition pour envisager une résolution amiable de litige, ce à quoi celle-ci a répondu le 24 décembre 2018 en sollicitant un délai d'analyse de ces réclamations, avant d'indiquer par lettre du 10 janvier 2019 qu'elle les jugeait infondées. Ces courriers ont été suivis de plusieurs échanges entre les parties - notamment dans le cadre d'une réunion organisée le 20 février 2019 - sans qu'une issue amiable ne soit cependant négociée.

La société UMICORE a ensuite, y étant préalablement autorisée par ordonnance rendue le 19 février 2019, fait pratiquer des opérations de saisie-contrefaçon dans les locaux du siège de la société NANOMAKERS les 26 et 27 février 2019.

Dans ce cadre, l'huissier instrumentaire s'est fait remettre des échantillons de chacune des références de poudre en cause - poudres de silicium non enrobées NMSi99, et poudres de silicium enrobées NMSi C99 - correspondant à différentes tailles de particules, ainsi que des certificats d'analyses et fiches produits s'y rapportant respectivement. Il a également saisi un accord conclu entre la société NANOMAKERS et un distributeur, un échantillon de vingt-trois factures dites « significatives » émises entre 2014 et 2019, un état des ventes relatif aux produits NMSi99 et NMSi C99 pour la période comprise entre le 1er mars 2014 et le 31 janvier 2019 et une plaquette commerciale, l'ensemble de ces documents - à l'exception du dernier - ayant été placés sous scellés.

C'est dans ces conditions, et sur la base notamment d'un rapport d'analyses du Laboratoire EMAT - « Electron microscopy for Materials Science » - rattaché à l'Université [Localité 1] en Belgique, que la société UMICORE a par acte d'huissier délivré le 29 mars 2019, fait assigner devant ce tribunal la société NANOMAKERS pour voir constater la contrefaçon du brevet 2 588 409 et obtenir des mesures de réparation.

En cours de procédure, d'autres analyses ont été effectuées par le laboratoire [S] situé à [Localité 2] et ont donné lieu à un rapport établi le 23 août 2019, fournissant des indications se rapportant aux caractéristiques b) et c) de la revendication 1 du brevet.

La société UMICORE a par ailleurs sollicité en vain la production d'autres documents - destinés selon elle d'une part, à confirmer l'existence d'une étape de passivation des poudres incriminées et donc à expliquer la reproduction de certaines des caractéristiques des revendications de produit du brevet, et d'autre part, à lui permettre d'ajuster sa demande provisionnelle - et a également tenté d'obtenir des informations sur la commercialisation des mêmes références de poudre au Japon.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 13 octobre 2020, la société UMICORE présente les demandes suivantes :

Vu les articles L. 613-3, L. 613-4, L. 615-1, L. 615-7 et L. 615-7-1 du code de la propriété intellectuelle :

DIRE ET JUGER que les poudres NANOMAKERS NMSi99 et NMSi C99 ayant des particules de taille moyenne comprise entre 20 et 200 nm reproduisent les revendications no 1, 2, 4 et 7 de la partie française du brevet d'invention européen no 2 588 409, et sont aptes et destinées à la mise en oeuvre de la revendication no 9 dudit brevet ;

DIRE ET JUGER que NANOMAKERS, en fabriquant, en offrant à la vente et vendant, en France ou depuis la France, les poudres NMSi99 et NMSi C99 ayant des particules de taille moyenne comprise entre 20 et 200 nm, s'est rendue coupable de contrefaçon directe des revendications no 1, 2, 4 et 7 et de contrefaçon indirecte, par fourniture de moyens, de la revendication no 9 de la partie française du brevet d'invention européen no 2 588 409 d'UMICORE ;

FAIRE DEFENSE à la société NANOMAKERS de fabriquer, d'importer, de détenir, d'offrir en vente et de vendre les poudres NMSi99 et NMSi C99 ayant des particules de taille moyenne comprise entre 20 et 200 nm, ou toute autre poudre entrant dans le champ de protection des revendications no 1, 2, 4, 7 et 9 du brevet d'invention européen no 2 588 409 d'UMICORE sous astreinte non comminatoire de 1 000 euros par infraction constatée, dès la signification du jugement à intervenir, étant précisé que toute fabrication, importation, offre à la vente, vente et détention, en France, d'une quantité de 100 grammes de poudre contrefaisante, quelle que soit sa dénomination, constituerait une infraction distincte ;

SE RESERVER de liquider l'astreinte ordonnée conformément aux dispositions de l'article L. 131-3 du code des procédures civiles d'exécution ;

CONDAMNER NANOMAKERS à réparer le préjudice causé par elle à UMICORE et à fixer dès à présent le montant de provision à verser à la somme de 600 000 euros à parfaire ;

ORDONNER la confiscation des poudres NMSi99 et NMSi C99 ayant des particules de taille moyenne comprise entre 20 et 200 nm, ou toute autre poudre entrant dans le champ de protection du brevet d'invention européen no 2 588 409 d'UMICORE, détenues, en France, par NANOMAKERS, à compter de la signification du jugement à intervenir, et la destruction de ces poudres sous contrôle d'huissier ;

ORDONNER le rappel des poudres NMSi99 et NMSi C99 ayant des particules de taille moyenne comprise entre 20 et 200 nm, ou toute autre poudre entrant dans le champ de protection du brevet d'invention européen no 2 588 409 d'UMICORE, vendues par NANOMAKERS, sous astreinte de 1 000 euros par 100 grammes et par jour de retard passé le délai de 30 jours suivant signification du jugement à intervenir, et la destruction des poudres sous contrôle d'huissier ;

ORDONNER la publication, par extraits, du jugement à intervenir dans cinq journaux ou revues professionnels, français ou étrangers, au choix de UMICORE et aux frais de NANOMAKERS, à concurrence de 5 000 euros HT par publication, ainsi que sur la page d'accueil du site Internet www.NANOMAKERS.fr pendant une durée d'un mois ;

ORDONNER l'exécution provisoire du jugement à intervenir en toutes ses dispositions pour le cas où UMICORE était accueillie en son action en contrefaçon ;

DEBOUTER NANOMAKERS de l'ensemble de ses demandes comme étant mal fondées ;

CONDAMNER NANOMAKERS à payer à UMICORE la somme de 150 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNER NANOMAKERS aux entiers dépens et dire qu'ils seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

La société NANOMAKERS présente, aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 30 octobre 2020, les demandes suivantes :

Par application des articles 54, 56, 67, 69 et 138 de la Convention sur le Brevet européen, L.614-12, L.614-9 et L.613-2 du code de la propriété intellectuelle, ainsi que des dispositions du code de procédure civile et au vu des pièces énumérées au bordereau annexé aux présentes conclusions,

A titre principal,

JUGER que le brevet européen no EP 2 588 409 est nul pour insuffisance de description ;

JUGER que les revendications no 1, 2, 4, 7, 9 de la partie française du brevet européen no EP 2 588 409 sont nulles pour défaut de nouveauté ;

JUGER que les revendications no 1, 2, 4, 7, 9 de la partie française du brevet européen no EP 2 588 409 sont nulles pour défaut d'activité inventive ;

JUGER que mention de ces annulations sera inscrite auprès du Registre National des Brevets, tenu par l'Institut National de la Propriété Industrielle, sur le fondement de l'article R.613-54 du code de la propriété intellectuelle une fois la décision devenue définitive ;

JUGER que la société NANOMAKERS n'a commis aucun acte de contrefaçon des revendications du brevet européen no EP 2 588 409 ;

En conséquence,

DEBOUTER la société UMICORE de toutes ses demandes, fins et prétentions, comme étant, si ce n'est irrecevables, à tout le moins mal fondées ;

A titre subsidiaire,

JUGER que la société NANOMAKERS n'a commis aucun acte de contrefaçon des revendications du brevet européen no EP 2 588 409 ;

En conséquence,

DEBOUTER la société UMICORE de toutes ses demandes, fins et prétentions, comme étant, si ce n'est irrecevables, à tout le moins mal fondées ;

A titre infiniment subsidiaire,

JUGER que seuls les actes de contrefaçon postérieurs à la délivrance du brevet européen no EP 2 588 409, soit le 16 novembre 2016, peuvent être pris en compte ;

En tout état de cause,

CONDAMNER la société UMICORE à payer à la société NANOMAKERS la somme de 100.000 euros au titre de la présente procédure abusive ;

CONDAMNER la société UMICORE à payer à la société NANOMAKERS la somme de 150.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

PRONONCER l'exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant appel et sans constitution de garantie ;

CONDAMNER la société UMICORE aux entiers dépens, lesquels seront recouvrés par la SELARL de MARCELLUS et DISSER, représentée par Maître Emmanuel de Marcellus, Avocat à la Cour, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 novembre 2020 et l'affaire plaidée le 4 mars 2021.

Pour un exposé complet de l'argumentation des parties il est, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoyé à leurs dernières conclusions précitées.MOTIFS DE LA DECISION:

1-L'OBJET ET LA PORTEE DU BREVET :

Le brevet européen EP 2588409 porte sur des poudres à base de silicium de taille submicronique ayant une faible teneur en oxygène et la synthèse de cette poudre en utilisant une technologie en phase gazeuse.

Il est rappelé dans la partie descriptive du brevet que des poudres de silicium sont actuellement développées et utilisées dans un large éventail d'applications incluant des batteries au lithium-ion, des composants électroniques imprimés et des applications solaires. Ces applications exigent des poudres extrêmement fines avec une faible teneur en oxygène.
Les batteries au lithium-ion sont les systèmes secondaires les plus utilisés pour les dispositifs électroniques portables, en raison de leurs densité énergétique et tension de fonctionnement plus élevées, leur décharge spontanée plus basse et leurs faibles exigences de maintenance ([0001] à [0003]).
L'augmentation de la demande en énergie a conduit, toujours selon la description, à rechercher des matériaux d'électrodes de nouvelle génération avec une densité énergétique élevée, l'une des méthodes consistant à remplacer le matériau d'électrode négative classique en graphite de carbone par un autre matériau actif plus performant à savoir un métal, un métalloïde ou un alliage métallique à base de silicium (Si), d'étain (Sn) ou d'aluminium (AI). Outre cette composition spécifique du matériau d'électrode négative, les propriétés de surface des particules jouent un rôle clé dans le comportement électrochimique de la batterie au Li-ion, d'où l'importance soulignée de l'optimisation de ce paramètre ([0004]).

L'électrode composite doit posséder une conductivité mixte à la fois avec le lithium ionique et avec les électrons. Un tel milieu complexe est généralement obtenu en mélangeant ensemble les particules de matériau actif avec des additifs tels qu'une poudre très fine de noir de carbone et un liant polymère. L'additif liant procure une résistance mécanique à l'électrode composite et permet une bonne adhérence entre la couche d'électrode et le collecteur de courant, et il donne à l'électrode composite une absorption suffisante d'électrolyte liquide pour assurer une percolation ionique interne.
La description indique qu'ainsi, des matériaux d'électrode négative à base de Si pourraient améliorer significativement la densité énergétique des batteries au lithium-ion commerciales, le silicium ayant une plus grande capacité gravimétrique théorique et une capacité volumétrique importante, mais que la structure microscopique de ces matériaux et leur expansion volumique lors d'une intercalation de lithium n'avaient jamais permis d'atteindre des caractéristiques de durée de vie pour une utilisation dans des cellules rechargeables. La synthèse de matériaux à l'échelle submicronique permet d'en surmonter les inconvénients et en fait des candidats pour le remplacement du carbone. Des procédés de préparation de poudres submicroniques sont décrits dans les documents WO 2008/064741A1 (technologie au plasma), WO 2009151489, WO 2009114016, WO 2010123875 et US 4868013 ([0006]).

Il est cependant observé que ces poudres de silicium submicroniques s'oxydent rapidement lorsqu'elles sont exposées à l'air, entraînant des teneurs en oxygène pouvant atteindre plus de 10% en poids, ce qui a un impact négatif sur le comportement électrochimique de ces poudres à base de Si dans des batteries au Li-ion, générant des pertes de capacité pendant le premier cycle (perte de capacité dite « irréversible ») en raison de la réduction de cette couche. Des nanopoudres de silicium ayant un noyau de silicium et une enveloppe de SiO2 sont décrites dans le document EP 1978072, et des nanofils de silicium ayant une couche extérieure de SiO2 sont décrites dans Cui et al, Nano Letters 2009 Vol 9 no1, 491-495. ([0007]).

Un objectif de l'invention est d'améliorer, voire de résoudre ces problèmes et de fournir de meilleurs matériaux d'électrode négative pouvant être fabriqués par un processus simple et économique.

Selon un premier aspect décrit ([0009]), l'invention peut fournir une poudre à base de Si de taille submicronique ayant une taille moyenne de particules primaires comprise entre 20 nm et 200 nm, dans laquelle la poudre « a une couche de surface comprenant du SiOx », avec 0 etlt; x etlt; 2, la couche de surface ayant une épaisseur moyenne comprise entre 0,5 nm et 10 nm, et la poudre ayant une teneur totale en oxygène égale ou inférieure à 3% en poids, à température ambiante. La couche de surface « peut également être constituée uniquement de SiOx avec 0 etlt; x etlt; 2 ». Dans un mode de réalisation, la couche de surface est plus mince que 5 nm, afin d'éviter des capacités irréversibles importantes pendant le premier cycle et, dans un autre mode de réalisation, elle est plus épaisse que 0,5 nm a n d'avoir une poudre passivée stable qui ne s'oxydera pas davantage lors d'une exposition à de l'air ou à des gaz oxydants. La poudre à base de Si peut être constituée de Si pur. Elle peut également être de taille nanométrique, c'est-à-dire avec une taille moyenne de particules primaires comprise entre 20 nm et 200 nm ([0010]).

Dans un mode de réalisation, la poudre à base de Si de taille submicronique a une couche de surface oxydée comprenant du SiOx, avec 1 x etlt;2. Dans un autre mode de réalisation, la poudre a une pureté d'au moins 98 % de Si en atomes. La poudre à base de Si peut également être constituée de Si pur. Dans un autre mode de réalisation, la poudre à base de Si de taille submicronique a une teneur totale en oxygène inférieure à 4 % en poids après avoir été vieillie pendant 1 heure à 500oC dans des conditions atmosphériques et dans l'air. Dans encore un autre mode de réalisation, la poudre à base de Si de taille submicronique a une teneur totale en oxygène inférieure à 5 % en poids après avoir été vieillie pendant 1 heure à 700oC dans des conditions atmosphériques et dans l'air. Ces conditions garantissent que la couche de passivation de la poudre à base de Si est stable et qu'une oxydation ultérieure n'aura pas lieu ([0011]).
La poudre à base de Si de taille submicronique décrite ci-dessus peut comprendre en outre un élément M choisi dans le groupe constitué de métaux de transition, métalloïdes, éléments du Groupe llla et carbone. Dans un mode de réalisation, M comprend soit un, soit plusieurs éléments du groupe constitué de nickel, cuivre, fer, étain, aluminium et cobalt ([0012]) .

Selon un deuxième aspect, l'invention peut concerner l'utilisation de la poudre à base de Si de taille submicronique en tant que matériau d'électrode négative dans une batterie secondaire au Li-ion ([0013]).

Selon un 3ème aspect décrit ([0014]), l'invention peut concerner un procédé de fabrication de la poudre a base de Si décrite ci-dessus, comprenant les étapes consistant à :
- fournir un précurseur à base de Si,
- fournir un courant gazeux à une température d'au moins 1727oC (équivalente à 2000 K),
- injecter le précurseur à base de Si dans le courant gazeux, ce qui vaporise le précurseur de Si, refroidir le courant gazeux transportant le précurseur de Si vaporisé à une température inférieure à 1327oC (équivalente à 1600 K), ce qui permet d'obtenir des particules de Si de taille submicronique,
- passiver les particules de Si de taille submicronique dans un gaz contenant de l'oxygène à une température inférieure à 700 oC, et de préférence inférieure à 450 oC et enfin,
- séparer les particules de Si du courant gazeux.

Un tel processus donne une poudre à base de Si de taille submicronique avec une couche de surface comprenant un mélange de sous-oxydes de Si (SiOx, avec x etlt; 2) par l'étape de passivation contrôlée, combinée aux autres étapes de processus.

Dans un mode de réalisation décrit ([0016]), l'étape de passivation est effectuée à une température comprise entre la température ambiante et 100 oC.
Dans un autre mode de réalisation, le courant gazeux est fourni au moyen de l'un ou l'autre parmi un brûleur a gaz, un brûleur à hydrogène, un plasma RF ou un plasma à arc CC.
Dans encore un autre mode de réalisation, l'étape de passivation est effectuée dans un gaz contenant de l'oxygène, comprenant en outre un gaz secondaire constitué soit d'un, soit de plusieurs parmi le groupe constitué d'Ar, N2, H2, CO et CO2. Dans encore un autre mode de réalisation, le gaz contenant de l'oxygène est un mélange d'oxygène et d'azote, avec moins de 1 % d'oxygène en poids. Dans un mode de réalisation supplémentaire, l'étape de passivation peut être effectuée pendant une période inférieure à 60 minutes, et de préférence inférieure à 10 minutes. Dans un autre mode de réalisation supplémentaire, le courant gazeux est fourni dans un plasma à couplage inductif à radiofréquence, et le courant gazeux comprend de l'argon gazeux.

L'invention a donc pour objectif de contrôler l'oxydation des poudres de silicium submicroniques utilisées comme matériaux d'électrode négative, en sélectionnant la taille de particule primaire et en obtenant une couche de surface constituée - totalement ou partiellement, selon la portée du brevet qui sera examinée plus loin - de SiOx - oxyde de silicium - avec une certaine proportion d'oxygène et une épaisseur donnée, la poudre ayant une teneur totale en oxygène égale ou inférieure à 3% en poids à température ambiante.

Elle porte ensuite sur l'utilisation de la poudre à base de Si de taille submicronique en tant que matériau d'électrode négative dans une batterie secondaire au Li-ion.

Enfin, elle décrit le procédé de fabrication de la dite poudre par 1) injection du précurseur à base de Si dans un courant gazeux à une température d'au moins 1727oC, 2) refroidissement l'ensemble à 1237oC pour obtenir des particules de Si submicroniques, 3) passivation des dites particules dans un gaz contenant de l'oxygène à une température inférieure à 700oC (de préférence inférieure à 450oC et enfin, 4) séparation des particules de Si du courant gazeux.

Le brevet se compose à cette fin de 16 revendications - produit, utilisation, procédé - dont seules les 1, 2, 4, 7 et 9 sont invoquées mais toutes sont reproduites ci-après pour une meilleure compréhension et une vue d'ensemble du contexte du litige :

1. Poudre de Si possédant une taille moyenne de particule primaire comprise entre 20 nm et 200 nm, où la poudre possède une couche de surface de SiOx , avec 0etlt;xetlt;2, la couche de surface ayant une épaisseur moyenne comprise entre 0,5 nm et 10 nm, et où la poudre a une teneur totale en oxygène égale ou inférieure à 3 % en poids à température ambiante.

2. Poudre de Si selon la revendication 1, dans laquelle la couche de surface a une épaisseur comprise entre 0,5 nm et 5 nm.

3. Poudre de Si selon la revendication 1, possédant une couche de surface oxydée avec 1 etlt; x etlt;2.

4. Poudre de Si selon l'une quelconque des revendications 1 à 3, ayant une pureté d'au moins 98 % en poids de Si.

5. Poudre de Si selon l'une quelconque des revendications 1 à 4 ayant une teneur totale en oxygène inférieure à 4% en poids après avoir été vieillie pendant 1 heure à 500oC sous conditions atmosphériques et dans l'air.

6. Poudre de Si selon l'une quelconque des revendications 1 à 5, ayant une teneur totale en oxygène inférieure a 5 % en poids après avoir été vieillie pendant 1 heure à 700oC sous conditions atmosphériques et dans l'air.

7. Poudre de Si selon l'une quelconque des revendications 1 a 6, comprenant en outre un élément M choisi dans le groupe constitué de métaux de transition, métalloïdes, éléments du Groupe IIIa et carbone.

8. Poudre de Si selon la revendication 7, dans laquelle M comprend soit un soit plusieurs éléments du groupe constitué de nickel, cuivre, fer, étain, aluminium et cobalt.

9. Utilisation de la poudre de Si selon l'une quelconque des revendications 1 à 8, en tant que matériau d'électrode négative dans une batterie secondaire Li-ion.

10. Procédé de fabrication d'une poudre de Si selon l'une quelconque des revendications 1 a 8, comprenant les étapes consistant à :
- fournir un précurseur de Si,
- fournir un courant gazeux a une température d'au moins 1727 oC,
- injecter le précurseur de Si dans le courant gazeux, ce qui vaporise le précurseur de Si,
- amener le courant gazeux transportant le précurseur de Si vaporisé à une température inférieure à 1327 oC, ce qui permet d'obtenir des particules de Si,
- passiver les particules de Si dans un gaz contenant de l'oxygène à une température inférieure à 700 oC, de préférence inférieure à 450 oC, et
- séparer les particules de Si du courant gazeux.

11. Procédé selon la revendication 10, dans lequel l'étape de passivation est effectuée à une température comprise entre la température ambiante et 100 oC.

12. Procédé selon la revendication 10 ou 11, dans lequel le courant gazeux est fourni au moyen de l'un ou l'autre parmi un brûleur à gaz, un brûleur à hydrogène, un plasma RF ou un plasma à arc CC.

13. Procédé selon l'une quelconque des revendications 10 à 12, dans lequel l'étape de passivation est effectuée dans un gaz contenant de l'oxygène comprenant, outre l'oxygène, soit un soit plusieurs parmi le groupe constitué d`Ar, N2,
H2, CO et CO2.

14. Procédé selon la revendication 13, dans lequel le gaz contenant de l'oxygène est un mélange d'oxygène et d'azote, avec moins de 1 % d'oxygène en poids.

15. Procédé selon l'une quelconque des revendications 10 à 14, dans lequel l'étape de passivation est effectuée pendant une période inférieure à 60 minutes, et de préférence inférieure à 10 minutes.

16. Procédé selon l'une quelconque des revendications 10 à 15, dans lequel le courant gazeux est fourni dans un plasma a couplage inductif à radiofréquence, et dans lequel le courant gazeux comprend de l'argon gazeux.

Le brevet comporte 4 figures dont la 1, montrant des images TEM (Transmission Electron Microscopy) en faible grossissement et grossissement élevé, révélant la présence d'une mince couche amorphe de SiOx à la surface de particules submicroniques de Si :
Les parties s'opposent sur la portée du brevet, la société NANOMAKERS estimant que l'expression de la revendication 1 « la poudre possède une couche de surface de SiOx » doit s'entendre comme excluant tout autre composant dans la couche de SiOx ou tout enrobage externe autour de celle-ci et la société UMICORE, que l'invention couvre également une poudre de silicium comprenant un enrobage de carbone ou présentant une couche oxydée intégrant ce composant.

La défenderesse considère que de cette portée dépendent à la fois la suffisance de description du brevet, sa nouveauté et l'activité inventive qu'elle conteste au regard de 5 documents de l'art antérieur.

Plus précisément sur le premier point, la société NANOMAKERS expose que la revendication 1 divulgue « une couche de surface de SiOx » alors que la partie descriptive envisage la possibilité d'une couche de surface qui ne soit pas uniquement constituée de SiOx - en l'occurrence le paragraphe [0009] - de sorte qu'il existe une contradiction ne permettant pas à l'homme du métier de reproduire l'invention, soulignant à cet égard que la description aurait dû être adaptée puisque dans le cadre de la procédure de délivrance, la société UMICORE a modifié la revendication 1 de son brevet EP 409 en remplaçant « une couche de surface comprenant du SiOx » par « une couche de surface de SiOx ».

La société UMICORE répond que la portée trop restrictive que NANOMAKERS cherche à donner à la revendication 1 du brevet EP 409 doit, en application de l'article 69 CBE, être interprétée à la lumière de la description. Elle ajoute que selon la revendication 7, la poudre de Si protégée peut en outre comprendre un élément M « choisi dans le groupe constitué de métaux de transition, métalloïdes, éléments du Groupe IIIa et carbone » ce qui inclut notamment des poudres dont les particules possèdent un noyau de silicium entouré d'une couche de surface comprenant majoritairement du SiOx et en outre du carbone, ou encore, d'une couche de SiOx elle-même recouverte d'une couche additionnelle de carbone, ce à quoi renvoie le paragraphe [0012] de la description.

Elle fait valoir ensuite que l'argument tiré de l'absence d'exemples d'une particule avec une couche comprenant un mélange de SiOx et de carbone ni d'une particule avec une couche de SiOx enrobée par une couche additionnelle de carbone est inopérant en l'absence de l'obligation faite au breveté de décrire l'ensemble des modes de réalisation envisagés.

Elle soutient enfin que les échanges avec l'USPTO - dans le cadre de la procédure de délivrance du brevet américain no 10,181,600 revendiquant les mêmes priorités européenne et américaine que le brevet européen EP 409 - sont sans incidence sur la portée du titre qui doit se suffire à lui-même, estimant que la conséquence d'une modification intervenue 6 ans plus tôt lors du dépôt de la demande d'examen préliminaire international en 2012 ne peut s'apprécier au regard de développements intervenus en 2018, étant rappelé que le titre européen a été délivré en 2016 et le brevet américain en 2019.

La société UMICORE souligne encore, sur l'argument relatif à cette procédure de délivrance, que la première modification du libellé de sa revendication 1 dans le contexte de la demande PCT résultait d'un manque de clarté opposé par l'autorité de recherche indépendamment de toute antériorité, que l'invitation de mise à jour de la description se rapportait à la présentation de l'art antérieur qui a été complétée et que lors de ses échanges avec l'USPTO, elle a modifié encore la rédaction adoptée lors de l'examen de la demande PCT - « the powder has a SiOx surface layer » étant devenue « wherein the powder comprises has a SiOx surface layer consisting of SiOx? » - ce pour mettre fin à toute discussion par référence au brevet [J] et obtenir néanmoins cette protection au moyen d'une demande divisionnaire qui est actuellement toujours pendante devant l'office américain.

Sur ce,

En application de l'article 69 de la CBE, l'étendue de la protection conférée par le brevet européen est déterminée par les revendications étant toutefois précisé que « la description et les dessins servent à interpréter les revendications ».
Selon l'article 1 de son protocole interprétatif, ce texte ne doit pas être lu comme signifiant que la description et les dessins servent uniquement à dissiper les ambiguïtés que pourraient receler les revendications, ni comme réservant à celles-ci le rôle de lignes directrices, mais doit conduire à une position intermédiaire qui assure à la fois une protection équitable au demandeur et un degré raisonnable de certitude aux tiers.

S'agissant ici de l'expression « une couche de surface de SiOx, avec 0etlt;xetlt; 2 » il est permis ainsi que le suggèrent les deux parties, de se référer aux directives d'examen de l'OEB relatives à la clarté et à l'interprétation des revendications (F-IV-4.20) aux terme desquelles « une revendication portant sur un dispositif/procédé/produit qui "comprend" certaines caractéristiques est interprétée comme signifiant qu'elle inclut ces caractéristiques, mais qu'elle n'exclut pas la présence d'autres caractéristiques, tant qu'elles ne rendent pas la revendication inopérante. Par contre, si l'expression "constitué de" est employée, aucune autre caractéristique ne figure dans le dispositif/procédé/produit en dehors de celles qui suivent cette expression. En particulier, si une revendication portant sur un composé chimique le caractérise comme "constitué des composants A, B et C" par l'indication des pourcentages respectifs de ces composants, la présence de tout composant supplémentaire est exclue, et la somme des pourcentages doit donc être de 100 % ».

Il se déduit de cette distinction qu' « une couche de » ne doit pas s'interpréter comme « comprenant » mais comme « constituée de » ce d'autant que d'après les mêmes directives, dans le cas de composés ou de compositions chimiques, l'emploi de l'expression « constitué essentiellement de » ou de « comprenant essentiellement » signifie que d'autres éléments spécifiques peuvent être présents, en l'occurrence ceux qui n'ont pas d'incidence matérielle sur les caractéristiques essentielles du composé ou de la composition, de sorte que la rédaction de la revendication 1 pouvait emprunter une autre forme répondant à l'objection éventuelle d'insuffisance de clarté.

Il reste que dans le cas d'espèce, cette lecture de la revendication 1 - qui lue isolément n'appelle pas d'interprétation - est clairement contredite par les termes de la description qui évoque au paragraphe [0009] « une poudre à base de Si de taille submicronique ayant une taille moyenne de particules primaires comprise entre 20 nm et 200 nm, dans laquelle la poudre a une couche de surface comprenant du SiOx avec 0 etlt; x etlt; 2, la couche de surface ayant une épaisseur moyenne comprise entre 0,5 nm et 10 nm, (?) » en spécifiant que « la couche de surface peut également être constituée uniquement de SiOx avec 0 etlt; x etlt; 2 ».
S'agissant du paragraphe [0012] selon lequel « la poudre à base de Si de taille submicronique décrite ci-dessus peut comprendre en outre un élément M choisi dans le groupe constitué de métaux de transition, métalloïdes, éléments du Groupe IIIa et carbone. Dans un mode de réalisation, M comprend soit un, soit plusieurs éléments du groupe constitué de nickel, cuivre, fer, étain, aluminium et cobalt » - cas visés par les revendications 7 et 8 - la société NANOMAKERS observe à juste titre que cet élément M, dont la localisation n'est pas précisée, ne se trouve pas nécessairement dans la composition de la couche de surface d'une particule selon le brevet qui ainsi que le suggère la défenderesse, doit s'entendre comme la surface extérieure de la dite particule puisque c'est celle qui sera formée au contact de l'oxygène. Le paragraphe [0017] décrit ainsi « une poudre à base de silicium de taille submicronique avec un taux d'oxygène contrôlé à la surface ».

Il ressort du rapport préliminaire PCT que c'est effectivement pour répondre à un seul objectif de clarté que la société UMICORE a substitué l'expression « a SiOx surface layer » à « surface layer comprising SiOx » (pièces NAN 33 et 40). La raison pour laquelle la même rédaction a été soumise devant l'OEB n'est pas précisée puisque les échanges s'y rapportant ne sont pas produits. Par ailleurs, c'est au titre de la règle 42 (1) b - soit l'indication de l'état de la technique antérieure qui, dans la mesure où le demandeur le connaît, peut être considéré comme utile à la compréhension de l'invention, à l'établissement du rapport de recherche européenne et à l'examen de la demande de brevet européen, et de préférence, citation exhaustive des documents reflétant cet état de la technique - et non 42 (1) c - exposé de l'invention telle qu'elle est caractérisée dans les revendications - que l'OEB a demandé à la société UMICORE de modifier sa description.

En revanche, la réponse apportée par UMICORE à l'office américain le 5 avril 2018 indique que « la revendication 17 modifiée mentionne (en partie) une poudre de Si présentant une taille moyenne de particule primaire entre 20 nm et 200 nm, dans laquelle la poudre présente une couche de surface de SiOx. Au contraire, [J] décrit un composite Si/SiOx/C contenant un noyau de silicium et au moins une coque d'oxyde de silicium et de carbone (...) Par conséquent, [J] décrit une poudre de Si dans laquelle la poudre comprend une couche de surface comprenant du SiOx et du carbone. La revendication 17 [ correspondant à la R1 du brevet EP] exige que la couche de surface consiste en du SiOx. Sur la base de ce qui précède, les demandeurs estiment que [J] ne divulgue, n'indique ni ne suggère la poudre de Si de la revendication 17 modifiée. En conséquence, la revendication 17 modifiée et toutes les revendications qui en dépendent ne sont pas évidentes par rapport à [J] » (pièce NAN 19).

Si elles n'ont pas lieu d'être opposées à la société UMICORE dans le cadre de l'interprétation de la portée du brevet européen EP 409 ces observations confirment toutefois, s'il en était besoin, que la caractéristique b) de la revendication 1 doit se lire comme portant sur une couche de surface constituée de SiOx à l'exclusion d'un autre composant.

? Sur l'art antérieur pertinent :

Dans son introduction, le brevet mentionne des procédés de préparation de poudres submicroniques décrits dans les documents WO 2008/064741A1 (technologie au plasma), WO 2009151489, WO 2009114016, WO 2010123875 et US 4868013 ([0006]).

Il est indiqué que les poudres silicium submicroniques issues de ces modes de fabrication s'oxydent rapidement lorsqu'elles sont exposées à l'air et que ce taux élevé d'oxygène - pouvant atteindre 10% en poids de la poudre - a un impact négatif sur son comportement électrochimique.

La description cite également le brevet EP A978072 relatif à des poudres de silicium ayant un noyau de silicium et une enveloppe de SiO2 ainsi qu'une publication - Nano Letters 2009, Vol. 9 No.1 qui concerne des nanofils de silicium ayant une couche extérieure de SiO2.

La société NANOMAKERS cite au titre des antériorités susceptibles de combattre la validité du brevet EP 409 la demande [J] publiée le 25 juin 2009 qui concerne un procédé de fabrication d'un composite Si/SiOx/C contenant un noyau de silicium et au moins une enveloppe d'oxyde de silicium et de carbone, et l'utilisation de ce composite comme matériau anodique dans les batteries lithium-ion. Ce document expose que l'utilisation pratique des poudres de Si comme anode dans les batteries au lithium-ion, recherchée pour les propriétés prometteuses de ce matériau, est compromise en raison de deux problèmes principaux qui sont sa faible conductivité électrique intrinsèque et des variations de volume importantes pendant le processus d'insertion/extraction du Li, ce qui se traduit par une mauvaise capacité de recharge. Indiquant que le but de l'invention est de fournir un procédé simple et durable pour le revêtement de nanoparticules de silicium permettant, par rapport aux procédés complexes conventionnels à haute température, d'obtenir des matériaux d'anode avec une meilleure performance de stockage du lithium en termes de capacité de stockage élevée et réversible, une excellente performance de cycle et un taux de conversion élevé, la description fait état du constat surprenant qu'un revêtement simultané de nanoparticules de silicium avec une fine couche de SiO2 et de carbone par carbonisation hydrothermale des sucres conduit à des nanocomposites aux propriétés améliorées.

Les particules de silicium selon le document [J] ont un diamètre moyen compris entre 10 et 100 nm, de préférence entre 20 et 50 nm, et sont utilisées comme source de silicium. En raison des conditions hydrothermales, une couche d'oxyde de silicium SiOx d'une épaisseur de 1 à 10 nm, de préférence de 3 à 5 nm, est formée à la surface des particules de silicium « en plus du revêtement de carbone ». Les mesures montrent que la couche mince est constituée de SiOx avec x = 0,01 à 2, de préférence x = 0,1 à 2, plus préférentiellement x = 1 à 2 et idéalement x = 1,8 à 2. Il est relevé que le procédé inventif « ouvre ainsi la voie à un revêtement uniforme des particules de silicium, de préférence des nanoparticules, avec du SiOx et du carbone ».
La revendication 1 couvre un « procédé de fabrication d'un composite Si/SiOx/C contenant un noyau de silicium et au moins une enveloppe d'oxyde de silicium et de carbone, caractérisé en ce que l'on mélange une particule de silicium avec un sucre en milieu aqueux, on polymérise à température élevée et on le soumet ensuite à une carbonisation ».

Si ce document ne contient pas de référence au phénomène d'oxydation rapide du silicium et au moyen d'y remédier, il divulgue néanmoins explicitement l'application visée à la revendication 9 du brevet, la taille moyenne des particules de la poudre de Si - caractéristique a) de la R1 - une épaisseur de couche de surface entrant dans la fourchette de la caractéristique c) et une valeur de x supérieure à 0 mais pouvant être égale à 2. Il n'envisage pas une valeur de x obligatoirement inférieure à 2 et ne définit pas la teneur totale en oxygène de la poudre devant selon le brevet EP 409 être égale ou inférieure à 3% en poids à température ambiante.
Il constitue l'art antérieur le plus proche pris en combinaison avec les procédés de fabrication mentionnés au titre de l'état de la technique ressortant de la description, étant observé que si comme le rappelle la société NANOMAKERS, les revendications invoquées au titre de la contrefaçon et reconventionnellement arguées de nullité se rapportent uniquement à une poudre de silicium - en tant que produit indépendamment de son procédé de fabrication - elles ne peuvent être considérées sans prise en compte des indications contenues dans l'ensemble du brevet lorsqu'il s'agit d'apprécier leur portée et leur validité.

? Sur l'homme du métier :

L'homme du métier est un spécialiste du secteur technique dont relève l'invention doté des connaissances théoriques et pratiques et de l'expérience qui peuvent normalement être attendues d'un professionnel du domaine concerné, et lui permettent de concevoir la solution au problème que le brevet entend résoudre. A ce titre, il est un praticien de bon niveau qui connaît sa propre discipline et a acquis un savoir issu de domaines voisins ou relevant d'une culture technique générale.
Selon la définition suggérée par la société NANOMAKERS sans être contredite par UMICORE, et qui sera retenue par le tribunal, il s'agit au cas d'espèce d'un ingénieur diplômé en physique et/ou chimie spécialisé dans les matériaux et connaissant le domaine des nanoparticules, disposant d'un niveau de compétence et d'expérience élevé au regard de la technologie mise en oeuvre.

2-VALIDITE DU BREVET :

L'article 52 de la convention de Munich dispose que « les brevets européens sont délivrés pour toute invention dans tous les domaines technologiques, à condition qu'elle soit nouvelle, qu'elle implique une activité inventive et qu'elle soit susceptible d'application industrielle ».

? Sur le moyen tiré de l'insuffisance de description :

L'article 138-1-b) de la CBE dispose que le brevet européen est déclaré nul par les tribunaux d'un État contractant « si le brevet européen n'expose pas l'invention de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter ».

La société défenderesse invoque l'insuffisance de description de l'invention, en ce que la revendication 1 :
-fait état d'une « épaisseur moyenne » qui n'est pas définie ni définissable ;
-divulgue « une couche de surface de SiOx » alors que la partie descriptive permet selon UMICORE de prévoir une couche de surface qui ne soit pas uniquement constituée de SiOx - en l'occurrence le paragraphe [0009] - de sorte qu'il existe une contradiction ne permettant pas à l'homme du métier de reproduire l'invention, soulignant à cet égard que la description aurait dû être modifiée puisque dans le cadre de la procédure de délivrance de son brevet, la société UMICORE a comme il est exposé plus haut, modifié la revendication 1 de son brevet EP 409 en remplaçant « une couche de surface comprenant du SiOx » par « une couche de surface de SiO x ».

Elle ajoute à cet égard que la description des dessins et des modes de réalisation détaillés du brevet EP 409 ne donne aucun exemple d'une particule avec une couche comprenant un mélange de SiOx et de carbone, une couche de SiOx enrobée par une couche additionnelle de carbone ou encore d'un procédé de fabrication d'une particule ou d'une étape d'enrobage par une couche additionnelle de carbone.

En ce qui concerne l'épaisseur moyenne de la couche de surface, la société NANOMAKERS estime que le brevet ne divulgue aucune méthode permettant de définir cette notion en ce qu'à suivre la demanderesse se référant à la technique de microscopie électronique de transmission TEM, l'homme du métier devrait réaliser une imagerie de chaque particule d'un échantillon de 1cm³ soit exécuter 10 millions de milliards de mesures et non opérer une sélection arbitraire qui ne procéderait pas d'une démarche scientifique.

La société UMICORE répond que selon la description, l'épaisseur moyenne de la couche de surface est caractérisée par TEM et qu'en présence d'un procédé de fabrication de poudres précisément décrit, réputé reproductible et permettant la fabrication de nombreux lots de poudre, les particules produites sont présumées être dotées de propriétés identiques de sorte que l'homme du métier comprendra qu'il ne s'agit pas de capter l'image de chaque particule.

Sur le second point, elle fait valoir que NANOMAKERS n'expose pas quelles seraient les difficultés susceptibles d'être rencontrées par l'homme du métier dans la réalisation d'une particule de silicium pouvant contenir du carbone, que celui-ci soit mélangé avec du SiOx dans la couche de surface ou constitue l'enrobage externe de la particule.

Sur ce,

Le caractère reproductible de l'invention est apprécié par référence à l'homme du métier tel qu'il est défini ci-dessus.

Celui qui invoque la nullité du titre pour ce motif doit établir que l'exposé du brevet - constitué de la description elle-même, des revendications et des dessins - n'est pas suffisamment clair et complet et qu'il en résulte une impossibilité pour l'homme du métier de reproduire l'invention et de la mettre en oeuvre en utilisant ses connaissances professionnelles, au moyen d'un effort raisonnable de réflexion et/ou en procédant à des essais de routine.

Sur la prétendue impossibilité de déterminer l'épaisseur moyenne de la couche de surface, la société UMICORE fait observer à juste titre que les documents de l'art antérieur cités par la défenderesse elle-même font largement référence à l'imagerie TEM permettant de déduire, à partir d'une série de clichés, les propriétés des particules d'un lot complet de poudre. La détermination d'un échantillonnage et du nombre de mesures requises pour parvenir à une dimension moyenne représentative relève de la pratique courante de l'homme du métier qui est ici un ingénieur chimiste.

S'agissant ensuite de la composition de la couche de surface, il est renvoyé aux développements qui précèdent sur la détermination de la portée du brevet étant encore précisé qu'une contradiction relevée entre les termes d'une revendication et le contenu de la description ne suffit pas en tant que telle à caractériser une insuffisance de description susceptible d'entraîner la nullité du titre, laquelle n'est en effet encourue pour ce motif que si l'homme du métier se trouve dans l'incapacité de reproduire l'invention. Or comme ne le conteste pas la société NANOMAKERS, des exemples de réalisation d'une particule de Si possédant une couche de surface de SiOx sont fournis.

Les moyens tirés de l'insuffisance de description ne peuvent donc être accueillis.

? Sur le moyen tiré du défaut de nouveauté et/ou d'activité inventive :

Il est précisé à titre liminaire que les arguments en défense au soutien de ces deux motifs de nullité font l'objet de développements communs s'appuyant sur les mêmes antériorités, de sorte que ces documents seront présentés de façon globale.

La société NANOMAKERS soutient que le brevet EP 409 est nul pour défaut de nouveauté ou à tout le moins d'activité inventive au regard des documents antérieurs suivants :
1- la demande de brevet [J] (pièce NAN 18) publié le 25 juin 2009 qui concerne un procédé de fabrication d'un composite Si/SiOx/C contenant un noyau de silicium et au moins une enveloppe d'oxyde de silicium et de carbone, ainsi que l'utilisation de ce composite comme matériau anodique dans les batteries lithium-ion ;
2- l'article de LI (pièce NAN 26) publié en 1995 et relatif à la « synthèse et caractérisation de poudres de Si ultrafines produites lors de réactions du gaz SiH4 induites par laser » ;
3- l'article de [Q] (pièce NAN 28) publié en 2009, relatif à l' « amélioration de la performance et du rendement d'un réacteur de pyrolyse laser en phase vapeur chimique » ;
4- l'article de [U] [P] - « Matériaux d'électrode négative pour accumulateurs à ions lithium : Étude des systèmes binaires Li-Ga et Li-B et des composites silicium-carbone, Université [Établissement 1] (2005) » (pièces NAN 20 et 29) ;
5- l'article de M. [H] publié en 1992 et intitulé « configurations atomiques et ordre local dans les poudres nanométriques de Si, Si-N, Si-C et Si-C-N synthétisées par laser, suite à une étude par spectroscopie photoélectronique induite par rayons X et une analyse de la structure fine d'absorption étendue des rayons X » (Pièce NAN 30).

Elle soutient que les documents de l'art antérieur qu'elle oppose divulguent l'ensemble des caractéristiques de la revendication 1, en ce que les données qui ne sont pas explicitement décrites sont implicites parce qu'aisément identifiables par l'homme du métier.
Elle soutient ainsi que le pourcentage d'oxygène en poids dans la particule ou l'épaisseur de la couche d'oxyde de silicium peuvent être estimés à partir des caractéristiques et données disponibles concernant la taille de la particule et la répartition des éléments, ce qui permet de recourir à une équation à une inconnue dès lors que la connaissance du pourcentage d'oxygène permettra de calculer l'épaisseur de la couche de surface et inversement, ce que la société UMICORE a elle-même admis en recourant à de tels calculs devant l'USPTO pour vérifier la divulgation implicite des caractéristiques c) ou d) à partir de celles explicitement décrites dans le document [J].

Elle ajoute que ces calculs sont connus des scientifiques du domaine et utilisés par les offices pour évaluer la validité d'un brevet, que la valeur de x - ratio d'oxygène par rapport au silicium, soit la « concentration » en oxygène de la couche d'oxyde SiOx - retenue par la défenderesse pour les besoins de sa démonstration n'est pas arbitraire mais au contraire, est sélectionnée entre 0 et 2 non inclus comme indiqué par le brevet.
La société NANOMAKERS souligne ensuite que les documents de priorité - demande US no 61/359,485 du 29 juin 2010 et demande EP no 10015662.9 du 15 décembre 2010 - mentionnent une plage de valeurs jusqu'à x=2 sans spécifier un effet technique différent, et qu'il appartenait à UMICORE de limiter ce champ de possibilités pour que sa revendication 1 ne soit pas antériorisée.

Elle fait valoir que ce qui est divulgué par un document de l'art antérieur inclut tout ce que l'homme du métier comprendrait implicitement en le consultant, et que le recours à des calculs pour caractériser la présence d'une divulgation implicite n'est nullement prohibé par les directives ou la jurisprudence des offices dès lors que le produit divulgué dans le document de l'art antérieur a les mêmes caractéristiques que celui revendiqué par le brevet.

Sur l'activité inventive, la société NANOMAKERS considère que le problème technique posé par le brevet EP 409 consiste à améliorer les propriétés électrochimiques de la poudre de silicium et non à trouver un moyen de contrôler l'oxydation, qui n'est pas l'objet de la revendication 1 de produit mais des revendications 10 et suivantes de procédé, lesquelles sont étrangères au litige. Elle en déduit que la question posée au tribunal est donc de savoir si face au problème technique de l'amélioration des propriétés électrochimiques de la poudre de silicium, l'homme du métier sera incité à identifier les quatre caractéristiques protégées par le brevet EP 409.

La société UMICORE rappelle que seule une antériorité divulguant tous les moyens de l'invention en vue du même résultat technique est susceptible de combattre la nouveauté, l'objet revendiqué devant découler directement et sans équivoque - de façon explicite ou non - du document cité.

Elle rappelle les règles d'appréciation de l'activité inventive - soit la nécessité de vérifier si l'homme du métier était ou non incité à partir de l'art antérieur à aller vers la solution revendiquée - et expose que les différentes caractéristiques de la revendication no 1 - et notamment la caractéristique b) relative à la présence d'une couche de SiOx avec 0 etlt; x etlt; 2, et la caractéristique d) relative à la teneur en oxygène inférieure ou égale à 3 % - définissent ensemble l'objet même de l'invention qui est de fabriquer des particules de poudres dont le degré d'oxydation est contrôlé de manière à assurer une certaine passivation du silicium tout en conservant les propriétés électrochimiques de ce matériau.

Sur les calculs effectués par NANOMAKERS à partir des articles précités, elle fait valoir qu'en l'absence d'indication explicite dans le document antérieur quant à la valeur de x, le fait de choisir une telle valeur (avec 0 etlt; x etlt; 2 selon le brevet) revient à opérer une sélection nouvelle et donc à ajouter à ce qui est divulgué, et qu'une poudre de silicium est susceptible de contenir de l'oxygène ne provenant pas de l'oxydation du silicium mais d'un apport extérieur.

Sur ce,

En application de l'article 54 de la Convention sur le brevet européen "Une invention est considérée comme nouvelle si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique".

Pour être comprise dans l'état de la technique et privée de nouveauté, l'invention doit se trouver toute entière et dans une seule antériorité au caractère certain avec les éléments qui la constituent, dans la même forme, avec le même agencement et le même fonctionnement en vue du même résultat technique.

L'article 56 de la CBE dispose qu' « une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique ».

L'appréciation du caractère inventif implique de déterminer si eu égard à l'état de la technique l'homme du métier normalement qualifié et expérimenté, au vu du problème que l'invention prétend résoudre, aurait obtenu la solution technique revendiquée par le brevet en utilisant ses connaissances professionnelles et en effectuant de simples opérations d'exécution. L'activité inventive se définit au regard du problème spécifique auquel est confronté l'homme du métier.

La revendication 1 du brevet EP 2 588 409 contient pour rappel les caractéristiques suivantes :

« a) Poudre de Si possédant une taille moyenne de particule primaire comprise entre 20 nm et 200 nm,
b) où la poudre possède une couche de surface de SiOx, avec 0etlt;xetlt;2,
c) la couche de surface ayant une épaisseur moyenne comprise entre 0,5 nm et 10 nm,
d) et où la poudre a une teneur totale en oxygène égale ou inférieure à 3 % en poids à la température ambiante. »

Les antériorités citées doivent être examinées successivement, étant au préalable indiqué que selon la société NANOMAKERS, la nouveauté de la revendication 1 est combattue par les antériorités précitées au moyen d'un calcul - qui n'est pas discuté dans son principe - intégrant le diamètre des particules (dp), le diamètre du c?ur des particules (dc), la densité de la couche d'oxyde (dox, constante physique 2,2), la densité du c?ur de silicium cristallin (dSi, constante physique 2,33), la densité du c?ur de silicium (dcoeur = dSi = 2,33), la densité de la particule (dpart), la densité de couche de carbone quand elle existe (dpart, prise à 2,02), le volume du c?ur des particules (Vc), le volume de la couche d'oxyde (Vox), le volume de la couche de carbone quand elle existe (Vcarb), l'épaisseur de la couche d'oxyde (eox) le pourcentage massique d'oxygène dans la couche d'oxyde (%O dans SiOx) avec :
- si x = 0, %O dans SiOx = 0% ;
- si x = 1, %O dans SiOx = 36,3% ;
- si x = 2, %O dans SiOx = 53,3% ;
le pourcentage massique de silicium dans la couche d'oxyde (%Si dans SiOx), le pourcentage massique de silicium, d'oxygène ainsi que d'hydrogène dans la particule le cas échéant (%Si, %O, %H) MO correspondant à la masse molaire de l'oxygène (soit 16 g/mol) et MSi à la masse molaire du silicium (soit 28.09 g/mol).

1o- Le document LI

Cet article émanant de l'Institut chinois de recherche sur le métal, porte sur la synthèse de poudres ultrafines de silicium à partir de SiH4 très pur au moyen de réactions en phase gazeuse induites par laser et plus précisément, l'étude des effets des variables du procédé - débit de SiH4, puissance du laser, pression de la cellule et rapport Ar/SiH4 - sur la formation des dites poudres.

Il est exposé que l'analyse chimique d'un lot de poudres de Si ayant une surface spécifique de 26 m2/g - correspondant à un diamètre moyen de particules de 106 nm - a mis en évidence que les poudres contenaient 2,1 % en masse d'O et 0,5 % masse d'H après avoir été exposées à l'air pendant trois jours, ce qui laisse supposer que les poudres de Si produites selon le procédé de synthèse exposé sont sujettes à l'oxydation et que la teneur en oxygène augmente avec la durée d'exposition à l'air, étant précisé que la formation des liaisons Si-O est le résultat d'une réaction entre les atomes de surface du Si et l'oxygène de l'atmosphère.
L'étude conclut notamment que des poudres de Si cristallisées ultrafines ayant un diamètre moyen de 20 - 120 nm et un rapport de taille cristallite/particule compris entre 0,3 et 0,7 peuvent être synthétisées lors de réactions de gaz silane induites par laser et qu'une couche oxydée instable était présente à la surface des particules de Si après exposition à l'air, ce qui dégrade partiellement les caractéristiques d'origine de la surface hydrogénée des poudres de Si ainsi produites.

La société NANOMAKERS relève à juste titre que cet état correspond nécessairement à une couche d'oxydation partielle telle que décrite dans le brevet puisque le phénomène d'oxydation est progressif entre x=0 et x=2. Le document décrit ainsi une taille moyenne de particules - caractéristique a - une plage de valeur de x - caractéristique b - une teneur en oxygène de 2,1 % en masse - caractéristique d. L'épaisseur moyenne de la couche de surface - caractéristique c de la revendication 1 - n'est pas divulguée.

Les calculs réalisés par la société UMICORE en tenant compte de la présence d'hydrogène (pièce UMI 61.1) font apparaître que pour une valeur de x=0,1, l'épaisseur estimée de la couche de surface est supérieure à 10 nm.
La société NANOMAKERS objecte que ces calculs sont systématiquement réalisés à partir d'une valeur de x très réduite bien que comprise dans le champ du brevet, ses propres calculs étant effectués avec une valeur minimale de x=0,11. Ces différences de résultats montrent néanmoins que la prise en compte de tous les paramètres divulgués ne permet pas directement d'aboutir à une particule de silicium selon la revendication 1 du brevet.

2o- Le document [Q]

Ce document publié en 2009 a pour objet la présentation d'un nouveau réacteur de pyrolyse laser en phase vapeur chimique visant à améliorer et accélérer la production de poudres utilisé pour synthétiser des particules de silicium. Les particules issues du procédé décrit - échantillon Si-2 - ont une taille de 20 à 70 nm et une paroi extérieure d'une épaisseur d'environ 2 nm qui « est amorphe et correspond sans doute à une couche de passivation SiOx formée immédiatement après la synthèse suite à une réaction spontanée avec des petites impuretés d'oxygène ». L'article est illustré par des micrographies TEM montrant notamment la cristallinité du noyau d'une particule de l'échantillon Si-2 :

La société NANOMAKERS soutient que sont donc divulguées la taille moyenne des particules, l'épaisseur moyenne de la couche de surface et la plage de valeur de x en suivant le même raisonnement qu'exposé ci-dessus dans le cadre d'une oxydation progressive, ce que la demanderesse conteste à juste titre en soulignant que le terme « probably » traduit par « sans doute » n'autorise pas, même en présence de la photographie G ci-dessus qui est une vue partielle, à conclure avec certitude que la couche observée est constituée de SiOx.
En ce qui concerne les calculs de pourcentage massique d'oxygène dans la particule, ceux-ci présentent des variations selon la valeur de x sélectionnée, l'épaisseur de la couche de surface et le diamètre de la particule (pièce UMI 61.1).

3o- le document [P]

L'article de [U] [P] publié en 2007 traite de l'amélioration de la performance électrochimique des composites au carbure de silicium.
Il expose la nécessité de trouver un nouveau matériau d'électrode négative autre que le graphite du commerce pour faciliter la fabrication de batteries lithium-ion plus performantes et l'intérêt que présente le silicium à cet égard.

Il conclut que la pyrolyse d'un mélange de nanoparticules de Si et de PVC - poly(chlorure de vinyle) - produit des composites Si-C au sein desquels les particules sont finement dispersées dans une matrice de carbone à la texture très dense et très volumineuse et que ce procédé permet d'améliorer considérablement la performance électrochimique du Si notamment en termes de capacité de rétention. Des essais sont réalisés sur différentes tailles de particules.

L'article décrit une poudre de silicium dont les particules nanométriques ont une taille comprise entre 10 et 100 nm, soit une plage rejoignant partiellement celle du brevet qui est de 20 et 200 nm. Les particules SiN sont complètement oxydées au cours d'une analyse thermogravimétrique (TGA, mesure de la variation de masse d'un échantillon en fonction du temps).Il est relevé que « le gain de poids mesuré est inférieur (80 %) à celui attendu pour l'oxydation complète du Si selon la réaction Si + O2 --etgt; SiO2 (114 %).
Bien que la présence de grandes quantités d'hydrogène ne puisse pas être exclue dans ces échantillons puisqu'ils sont synthétisés à partir du SiH4 , cet écart n'est sans doute pas lié à l'hydrogène restant en raison de sa faible masse » mais « plus vraisemblablement dû à la présence d'une couche d'oxyde à la surface des particules ; l'épaisseur de cette couche estimée par la TGA est de 12 % du rayon des particules.
Compte tenu de ces hypothèses, l'épaisseur calculée de la couche d'oxyde est comprise entre 0,6 et 6 nm pour les particules de SiN ».

La société NANOMAKERS affirme que l'utilisation du terme SiO2 « est un abus de langage pour parler d'oxyde de silicium, même partiellement oxydé » au motif qu'il est impossible d'avoir une saturation complète d'oxygène en surface de la particule et simultanément une absence totale d'oxygène dans le c?ur d'une particule de quelques nanomètres, de sorte que la valeur globale moyenne sur l'ensemble de la couche d'oxyde (de 0,5 nm à 5 nm) correspondra nécessairement à x etlt; 2, rappelant encore que les documents de priorité du brevet divulguent une valeur de x=2 sans différence d'effet technique.
Elle conclut ainsi à la divulgation des caractéristiques a, b et c de la revendication 1 et ajoute que la caractéristique d - teneur totale en oxygène égale ou inférieure à 3% en poids à température ambiante - est aisément estimable. Force est toutefois de constater que comme le souligne la société UMICORE, les mesures de spectroscopie des pertes d'énergie (EELS, « Electron energy loss spectroscopy » ) réalisées préalablement au TGA mettent en évidence la présence d'une couche de SiO2, et non de SiOx autour du c?ur de la particule de silicium. Il ne peut dans ces conditions être considéré que la caractéristique b de la revendication 1 serait divulguée.

4o- le document [H]

Il s'agit d'un article publié en juin 1998, intitulé « Configurations atomiques et ordre local dans les poudres nanométriques de Si, Si-N, Si-C et Si-C-N synthétisées par laser, suite à une étude par spectroscopie photoélectronique induite par rayons X et une analyse de la structure fine d'absorption étendue des rayons X ».
Il a pour objet l'étude des liaison chimique et ordre local dans les poudres nanométriques de Si, Si-N, Si-C et Si-C-N préparées par synthèse laser sous différentes conditions à l'aide de deux méthodes expérimentales. Il est rappelé en introduction que des poudres ultrafines à base de Si peuvent se former suite à des réactions induites par laser entre des réactifs gazeux et que ce procédé a été développé pour produire des poudres très pures dans la plage nanométrique, avec une composition, une taille de particule et une forme contrôlées. Ces types de matériaux sont particulièrement utiles pour le frittage - procédé de fabrication de pièces consistant à souder les grains d'une poudre entre eux sous l'effet de la chaleur - car ils donnent des corps densifiés intéressants pour leurs propriétés thermomécaniques.
Le document présente notamment les résultats relatifs au Si pur synthétisé par laser (LS). Le diamètre de la particule est de 89 nm (tableau 1). L'analyse chimique des échantillons révèle que les poudres contiennent moins de 1,5 % d'atomes d'oxygène. Les mesures XPS - spectrométrie de photoélectrons induits par rayons X (X-Ray photoelectron spectrometry) mettent en évidence « un pic de SiO2 aux environs de 103 eV (±0,2 eV) » observé sur tous les spectres, qui « pourrait être dû à une oxydation par l'air pendant le transfert des poudres du site de synthèse vers le site d'analyse ».
Pour les spectres Si 2p de la poudre Si LS observés, il est relevé que « l'intensité résiduelle entre les lignes Si et SiO2 révèle probablement l'existence d'un oxyde intermédiaire SiOx ».

Sont ainsi explicitement décrites dans cet article, des nanoparticules de Si possédant une taille moyenne entrant dans la plage de la revendication 1 - caractéristique a - ayant une couche de surface de SiOx avec xetlt;2 - caractéristique b - avec moins de 1,5% d'atomes d'oxygène - caractéristique d - mais l'épaisseur de la couche n'est pas divulguée.
La société NANOMAKERS affirme d'une part, qu'une teneur inférieure à 1,5% d'oxygène en nombre d'atomes représente une teneur inférieure à 0,86 % d'oxygène en poids compte tenu des masses molaires relatives entre le silicium et l'oxygène, ce qui reste inférieur à 3% d'oxygène en poids, et d'autre part, que l'ensemble des données divulguées permet de déterminer l'épaisseur de la couche de surface. Contrairement à ce que soutient la société UMICORE, il n'existe aucune raison objective de déduire que la caractéristique relative à la teneur en oxygène ne se rapporterait pas aux particules de Si LS - soit autres que composites - puisque cette partie d'observations concerne les variables observés mais se réfère sur ce point précis à « l'analyse chimique des échantillons » sans autre distinction (dernières lignes du point A, page 4119).
Cependant comme le souligne la demanderesse, il n'existe pas de motif de sélectionner ou d'exclure une valeur de x incluse dans la plage 0 etlt; x etlt; 2 par rapport à l'enseignement du document et au vu des calculs respectivement présentés par les parties, le procédé décrit n'aboutit pas nécessairement à une poudre présentant une couche de surface de SiOx d'une épaisseur comprise entre 0.5 et 10 nm.

Au regard de la portée du brevet telle que définie par le tribunal, le document [J] n'est pas pertinent au stade de l'examen de la nouveauté qui compte-tenu de ce qui précède, n'est pas détruite par les articles précités en ce que d'une part, les informations servant de base aux calculs effectués ne sont pas toutes divulguées avec la précision requise nonobstant la présentation qui en est faite par la société NANOMAKERS, et d'autre part, les résultats diffèrent selon les combinaisons de valeurs choisies pour chaque variable dans la plage admise par le brevet.

Ensuite sur l'activité inventive, il importe de revenir à la définition du problème technique exposé par le brevet EP 409 qui est l'oxydation non contrôlée des poudres de silicium submicroniques lorsqu'elles sont exposées à l'air, ce qui a un impact négatif sur leur comportement électrochimique générant des pertes élevées pendant le premier cycle, ce qu'on nomme capacité irréversible. A cet égard, la société NANOMAKERS ne peut artificiellement dissocier la question de la performance recherchée de celle du contrôle de l'oxydation puisque c'est par ce moyen - la stabilité du composant exposé à l'air ou à des gaz oxydants - que son comportement est amélioré.

Ainsi, le raisonnement à adopter au cas d'espèce pour apprécier l'activité inventive implique de déterminer si en partant de l'enseignement des documents cités de l'art antérieur, l'homme du métier aurait été incité à combiner les quatre caractéristiques décrites dans la revendication 1 pour résoudre le problème technique exposé qui n'est pas seulement « mettre au point une poudre de silicium offrant de bonnes propriétés électro chimiques » mais atteindre cet objectif par une oxydation contrôlée, laquelle se rapporte bien au produit - en tant que résultat - et non pas au procédé de fabrication qui n'est ici pas invoqué.

Il y a lieu de se référer sur ce point au [0017] de la description, selon lequel « une poudre à base de silicium de taille submicronique avec un taux d'oxygène contrôlé à la surface peut, lorsqu'elle est utilisée en tant que matériau d'électrode négative dans une batterie secondaire au lithium-ion, limiter la première capacité irréversible de cette électrode négative tout en maintenant une capacité réversible élevée, du fait de la petite taille de particules de la poudre et de sa surface spécifique élevée correspondante, combinée à une faible teneur en oxygène. La poudre peut être constituée de particules de silicium couvertes d'une couche homogène très mince de matériau oxydé, les particules ayant une teneur totale en oxygène inférieure à 3 % en poids à température ambiante ».

Or l'examen des documents précités permet de retenir que :

1- l'article de LI ne s'intéresse aucunement aux propriétés électrochimiques des poudres, dont les caractéristiques - distribution granulométrique resserrée, agglomération limitée et taille de particule faible - sont recherchées pour obtenir des céramiques de haute qualité. S'il est relevé que les poudres obtenues par le procédé décrit présentent « une couche oxydée instable (?) à la surface des particules de Si après exposition à l'air » il est question d'éviter cette oxydation mais pas de la contrôler dans le cadre du processus de fabrication.

2 - le document [Q] décrit la synthèse des nanoparticules de silicium réalisée avec du SiH4 en tant que gaz précurseur et relève pour l'un des échantillons l'existence d'une paroi externe d'une épaisseur de 2 nm, amorphe et correspondant « sans doute » à une couche de passivation SiOx formée immédiatement après la synthèse. A supposer l'analyse exacte cette couche est mentionnée comme un résultat accidentel dû à des impuretés d'oxygène. Il est certes relevé en conclusion sur le procédé laser présenté que les nanoparticules de silicium « sont pures et chimiquement stables lorsqu'elles sont exposées à l'air grâce à une mince couche de passivation a leur surface » mais cette stabilité n'est pas évoquée en relation avec les propriétés électrochimiques de la poudre.

3 - l'article de J. [P] traite au contraire de ces performances en relation avec le phénomène d'oxydation, en énonçant qu' « une question légitime est l'influence de cette couche d'oxyde sur la performance électrochimique des électrodes composites à base de Si ». Mais la solution divulguée propose d'améliorer celle-ci en dispersant les particules de silicium dans une matrice de carbone à la texture dense et volumineuse. Le document met en évidence l'influence du procédé de revêtement carbone sur les particules de Si et « l'importance de l'interface Si/C et de la fine couche interposée de SiO2 (...) ». Il est encore exposé que la contrainte de compression établie sur les particules de Si est induite par le revêtement carbone et non pas par la couche de SiO2, que cette pression permet aux particules de l'électrode de conserver un bon contact électrique pendant le cyclage, et que des électrodes négatives basées sur des particules de Si revêtues de carbone et obtenues par un procédé de séchage par pulvérisation démontrent une très grande réversibilité sur plusieurs dizaines de cycles. Ainsi il s'agit de fabriquer des électrodes avec des particules de Si revêtues de carbone.

4 - l'article de [H] observe des phénomènes d'oxydation intermédiaire du silicium sans qu'il ne soit question de les contrôler et de maintenir la teneur en oxygène de la poudre à un niveau donné en vue d'optimiser ses propriétés.

Le document [J] examiné plus haut propose d'obtenir des matériaux d'anode avec « une meilleure performance de stockage du lithium en termes de capacité de stockage élevée et réversible, une excellente performance de cycle et un taux de conversion élevé », ce qui est l'objectif du brevet EP 409. Le procédé de fabrication divulgué porte sur « un composite Si/SiOx/C contenant un noyau de silicium et au moins une couche d'oxyde de silicium (SiOx) et de carbone ».

Comme le souligne à juste titre la société UMICORE, l'homme du métier n'a pas de raison de chercher à partir de l'enseignement de [J] à obtenir une poudre de silicium exempte de carbone, dans la mesure où cet enrobage carbone constitue l'objet même de l'invention et permet d'envisager une amélioration des propriétés électrochimiques du matériau anode et en particulier sa capacité réversible.

Il s'ensuit que ces différentes antériorités, qu'elles soient prises isolément ou en combinaison, ne contiennent aucune incitation de l'homme du métier à concevoir une poudre de silicium dont les particules sont partiellement oxydées en surface de manière contrôlée, de telle sorte que cette poudre sera stable et non soumise à une oxydation ultérieure, et à associer à cette fin - définie dans le but d'améliorer les propriétés électro chimiques du silicium - les quatre caractéristiques de la revendication 1 qui de même que les revendications dépendantes 2, 4, 7 et 9, procède donc d'une activité inventive.

La nullité invoquée n'est en conséquence pas non plus encourue pour ce motif.

3-ACTES DE CONTREFACON :

La société UMICORE estime qu'en fabriquant, offrant à la vente et vendant en France ou depuis la France les poudres de silicium NMSi99 et NMSi C99, la société NANOMAKERS commet une contrefaçon directe des revendications no 1 et no 2, 4 et 7 et une contrefaçon par fourniture de moyens de la revendication no9 en ce que ces poudres sont aptes à être utilisées comme matériau anode de batteries au Lithium-ion.

Elle expose que les produits de NANOMAKERS sont incriminés indépendamment de leur procédé de fabrication, que la documentation disponible renseigne sur la taille moyenne des particules, la composition chimique de la poudre ainsi que sa teneur en oxygène, et que le procès-verbal de saisie-contrefaçon confirme que les poudres NMSi99 et NMSi C99 subissent toutes deux un processus de pré-oxydation ou « passivation » générant nécessairement une oxydation du silicium par l'oxygène de l'air opérée au cours de la production avant son conditionnement sous atmosphère inerte.

Concernant la poudre NMSi C99, elle affirme que le brevet EP 409 vise notamment une particule de silicium contenant du carbone - mélangé avec du SiOx dans la couche de surface ou constituant l'enrobage externe de la particule - et que l'homme du métier ne rencontrerait pas de difficulté pour exécuter un tel mode de réalisation au regard des indications fournies dans la description. Elle ajoute que selon les analyses du laboratoire EMAT - images EDX et cartographie EELS - une couche de surface constituée d'oxyde de silicium (SiOx) est bien présente sur ces particules enrobées, ce que l'analyse sprectroscopique XPS de [S] a confirmé, et que l'épaisseur de la couche de surface de SiOx a été mesurée par les deux laboratoires, les écarts relevés s'expliquant par le fait qu'il s'agissait d'échantillons différents. Enfin elle souligne que ni la taille des particules ni leur teneur en oxygène ne sont discutées.

S'agissant de la poudre NMSi99 non enrobée, la société UMICORE indique que la taille moyenne des particules n'est là encore pas contestée et que le laboratoire EMAT a pu, après observation par microscope électronique en transmission MET et spectroscopie EDX, constater qu'une couche de surface constituée d'oxyde de silicium SiOx était bien présente, étant précisé que la technique EELS permet également de vérifier que l'état d'oxydation de la couche de surface du silicium était partiel et donc, que l'indice x était compris entre 0 et 2.

Elle ajoute que les analyses de [S] - destinées à confirmer la présence d'une couche de surface de SiOx et de déterminer la valeur exacte de x - ont établi la présence de silicium (Si) d'oxygène (O) et de carbone (C), et révélé l'existence de liaisons O-Si de sorte que NANOMAKERS ne peut utilement contester la présence d'une couche de SiOx, pas plus qu'elle ne saurait se prévaloir de la présence de carbone révélée par les analyses XPS au regard du périmètre de protection de la revendication 1. Elle soutient enfin que les observations de la société NANOMAKERS relatives aux prétendues incohérences des mesures de l'épaisseur de la couche de surface ne sont pas pertinentes, et que la reproduction de la caractéristique d - teneur en oxygène - n'est pas contestée.

La société NANOMAKERS répond qu'elle exploite sous licence les brevets du CEA dans le domaine de la pyrolyse par laser utilisée pour synthétiser des particules et utilise cette technologie depuis 2012 pour la fabrication de nanopoudres.

Elle estime que le centre EMAT - qui a réalisé le premier rapport d'analyses - ne présente pas les garanties de neutralité requises au regard de ses liens avec UMICORE qui en tant que partenaire de l'Université [Localité 1] finance certains équipements et projets de recherche. Quant aux techniques utilisées, elle fait observer en substance que :
-l'imagerie HAADF-STEM - High Angle Annular Dark Field - est une technique de microscopie permettant de voir les particules avec une haute résolution sans pour autant donner d'indications sur leur nature chimique ;
-la cartographie EDX - Energy Dispersive X-Ray - qui est également une technique de microscopie, permet de localiser les éléments chimiques sur les particules et montre sur la plupart des figures obtenues la présence de silicium (Si), d'oxygène (O) et de carbone (C) dans des zones qui pourraient être superposées, ce qui n'établit pas la présence d'oxyde de silicium ;
-la cartographie EELS - Electron Energy Loss Spectroscopy - qui permet également de localiser les éléments chimiques notamment à la surface des particules, ne prouve pas la présence d'oxyde de silicium SiOx mais seulement celle d'une zone oxydée susceptible d'être constituée d'autres espèces chimiques ;
-la technique XPS - X-Ray Photoelectron Spectroscopy - permettant de caractériser les liaisons chimiques pose des difficultés d'interprétation des données obtenues.

Elle fait valoir ensuite que les résultats varient selon la technique utilisée et que l'analyse XPS de la poudre NMSi@40 dévoile une couche de surface de la particule en carbone pur et un c?ur en silicium pur sans oxydation, ce qui ne correspond pas à la cartographie EDX. Elle ajoute que des contradictions apparaissent également quant à la quantité de carbone présente dans les particules analysées, les données XPS du rapport [S] relevant pour la poudre NMSi C99@100 la présence de 17 % d'atomes de carbone C dans les particules alors que selon EMAT, cette quantité est « limitée ».

La société NANOMAKERS soutient en outre que la revendication 1 décrivant une « couche de surface » - à savoir, extérieure - « de SiOx », elle exclut d'une part, que la couche de SiOx en surface soit recouverte d'un enrobage extérieur, et d'autre part, que cette même couche soit constituée de SiOx et d'un autre composant. Elle conclut que l'étude des rapports d'analyse produits par la société UMICORE conduit au constat qu'aucune des poudres NMSi C99@40, NMSi C99@75, NMSi C99@100, NMSi99@40 et NMSi99@75 n'entre dans la portée du brevet EP 409, dans la mesure où la présence de SiOx n'est pas démontrée par les analyses qui de plus, tendent à établir que la couche de surface est constituée de carbone.

Sur ce,

En application de l'article L. 613-3 du code de la propriété intellectuelle « Sont interdites, à défaut de consentement du propriétaire du brevet :
a) La fabrication, l'offre, la mise dans le commerce, l'utilisation, l'importation, l'exportation, le transbordement, ou la détention aux fins précitées du produit objet du brevet ;
b)(?)
c) L'offre, la mise dans le commerce, l'utilisation, l'importation, l'exportation, le transbordement ou la détention aux fins précitées du produit obtenu directement par le procédé objet du brevet. »

Et selon l'article L. 613-4 du même code « 1. Est également interdite, à défaut de consentement du propriétaire du brevet, la livraison ou l'offre de livraison, sur le territoire français, à une personne autre que celles habilitées à exploiter l'invention brevetée, des moyens de mise en oeuvre, sur ce territoire, de cette invention se rapportant à un élément essentiel de celle-ci, lorsque le tiers sait ou lorsque les circonstances rendent évident que ces moyens sont aptes et destinés à cette mise en oeuvre. (?) »

Il importe ici de préciser que le débat sur la contrefaçon ne concerne que les caractéristiques b et - dans une moindre mesure - c de la revendication 1, les taille moyenne des particules et teneur totale en oxygène de la poudre n'étant en effet pas discutées.

Les deux produits argués de contrefaçon sont :
1o - une poudre de silicium non enrobée NMSi99 ;
2o - une poudre de silicium NMSi C99 dont les particules de poudre comportent un enrobage carbone ;
la taille moyenne des particules constituant la poudre devant être comprise entre 20 et 200 nm.

Il est exposé sur le site de la société NANOMAKERS (pièce UMI 9) que « les nanopoudres de carbure de silicium (SiC) et de silicium (Si) accroissent de façon significative les performances des matériaux industriels (?) le nano Si ou Si enrobé de carbone permet d'augmenter la densité d'énergie des batteries Lithium-ion ».

La présentation générale des produits incriminés est reproduite ci-dessous :
Lors des opérations de saisie-contrefaçon réalisées dans les locaux de la société NANOMAKERS, il a été indiqué à l'huissier que la poudre de silicium faisait en fin de production l'objet d'une pré-oxydation à température ambiante dans le collecteur en mettant en contact de l'air froid avec le produit (pièce UMI 26).

La société UMICORE a fait procéder à des analyses sur les produits achetés en novembre 2018 et sur ceux saisis le 27 février 2019.

Les analyses effectuées sont de deux ordres à savoir :
-celles du laboratoire belge EMAT, qui a observé les poudres de NANOMAKERS au microscope électronique en transmission (TEM) puis a procédé à des analyses EDX pour étudier la présence d'une couche de SiOx ainsi qu'à des analyses EELS (par HAADF-STEM) pour déterminer le degré d'oxydation ;
-celles du laboratoire français [S] qui a procédé à une analyse XPS pour déterminer la composition chimique des échantillons de poudre, confirmer la présence de la couche de SiOx et mesurer son épaisseur.

Le champ de protection de la revendication 1 du brevet EP 409 étant défini par le tribunal comme impliquant la présence d'une couche de surface - autrement dit externe - de SiOx n'incluant pas un autre composant, et non comme le suggère la société UMICORE, une couche située entre le noyau de la particule et un enrobage après oxydation contrôlée lors du processus de fabrication, la seule description des produits NMSi C99 suffit à écarter la contrefaçon sans qu'il soit besoin d'examiner les arguments se rapportant à la force probante des analyses effectuées s'agissant de l'existence, de la composition et de l'épaisseur de la couche d'oxyde de silicium.

S'agissant ensuite des lots de poudres de silicium non enrobées NMSi99 de taille 40 et 75 nm (numéros de lots analysés 17_062_06 à 17_062_08 et 17_079_12 à 17_079_14) la société UMICORE se fonde sur :
-le rapport EMAT du 26 mars 2019 (pièces UMI 29) ;
-le rapport [S] du 23 août 2019 (pièces UMI 32) ;
-les certificats d'analyses et fiches produits de la documentation de NANOMAKERS (pièces UMI 42).

* contenu des analyses EMAT :

Le rapport EMAT du 26 mars 2019 porte sur les NMSi99 @40 (série 17_079_12) et NMSi99 @75 (série 17_062_7).
Pour l'échantillon NMSi99 @40 (pages 8 à 14 du rapport), l'imagerie HAADF-STEM révèle une couche uniforme amorphe d'une épaisseur de 1-2 nm autour des particules.
Les cartes EDX montrent que les particules de Si sont revêtues d'une mince couche uniforme de SiOx.
La spectroscopie EELS fait état de la présence d'un bord antérieur de pic sur SiOx indiquant une oxydation partielle des particules.

Pour l'échantillon NMSi99 @75 (pages 15 à 21 du rapport), l'imagerie HAADF-STEM révèle une couche uniforme amorphe d'une épaisseur de 1-2 nm à contraste plus faible autour des particules.
La cartographie EDX montre que les particules de Si sont également revêtues d'une mince couche uniforme de SiOx de même épaisseur.
La spectroscopie EELS montre la région oxydée, étant indiqué qu' « en raison de l'épaisseur des particules, les spectres présentaient un bruit de fond trop important pour discerner si la couche était totalement ou partiellement oxydée ».

* contenu du rapport [S] :

Les objectifs étaient de déterminer la composition élémentaire quantitative de la couche superficielle des particules de poudre, d'étudier l'environnement chimique des éléments détectés, de préciser si la couche superficielle contient du silicium à l'état oxydé et si oui, indiquer cet état d'oxydation et les oxydes correspondants, préciser la valeur de x et l'épaisseur de la couche SiOx.

Les séries analysées pour les poudres non enrobées étaient les lots 17_062_6 et 17_079_13.

La conclusion générale - commune aux lots enrobés ou non - énonce que « tous les échantillons contiennent en surface les éléments suivants Si, C et O » et que la composition de la couche superficielle d'oxydation du silicium est très proche pour tous les échantillons.

Les analyses élémentaires et quantitatives de la couche superficielle des particules sont résumées page 26 du rapport dont les éléments pertinents - soit relatifs aux poudres non enrobées - sont reproduits ci-dessous :La structure des particules analysées au moyen de la technique XPX - représentée pages 43 et 44 du rapport pour les tailles @40 et @75 - montre une couche de surface constituée de carbone et non pas d'oxyde de silicium.

Les certificats d'analyse de NANOMAKERS pour les mêmes produits Si99 @40 et @ 75 mais des lots différents (pièces UMI 42.1 et 42.3) ne font pas mention de la présence de carbone, ce qui n'est pas probant dans la mesure où il n'est question que de la consistance de la couche de surface.

La société UMICORE - qui souligne que le laboratoire SEMAT n'a pas axé ses analyses sur la recherche de carbone supposé être absent des références Si99 - n'évoque pas de motif de douter de la fiabilité de ces seconds résultats mais soutient que la revendication 1 n'étant pas limitée à une poudre dont la couche de surface consisterait uniquement en du SiOx, argument qui au regard de la portée du brevet a précédemment été écarté.

Au regard de l'ensemble de ces résultats faisant ressortir la présence de carbone dans la composition de la couche du surface oxydée des particules, que le descriptif général des produits de NANOMAKERS opposant deux catégories de nanoparticules de Si dites 'pure' et 'enrobée de carbone' ne suffit pas à remettre en cause, la reproduction de la caractéristique b de la revendication 1 ne peut pas plus être retenue s'agissant des poudres non enrobées NMSi99 sans qu'il soit besoin de vérifier les autres paramètres également discutés.

Les revendications de produit 2, 4 et 7 ainsi que la revendication 9 ne sont en conséquence pas non plus contrefaites.

4-DEMANDE RECONVENTIONNELLE AU TITRE DE LA PROCEDURE ABUSIVE :

La société NANOMAKERS s'estime fondée à solliciter une indemnisation au titre de la procédure abusive au motif que la société UMICORE a tenté d'obtenir des informations stratégiques relatives à un procédé de fabrication de particules par pyrolyse LASER qu'elle ne maîtrise pas et dont elle savait qu'il ne pouvait mettre en oeuvre son brevet. Elle ajoute que la demanderesse ne pouvait se méprendre sur la portée exacte de ses droits compte-tenu de sa position adoptée devant l'office américain, et qu'elle a usé d'une stratégie consistant à employer des termes tels que « couche de surface de noyau » ou « couche de Si » déformant le sens de la revendication 1 décrivant une « couche de surface de SiOx ».

La société UMICORE répond qu'aucune mauvaise foi n'est démontrée, que la saisie-contrefaçon s'est déroulée sans aucune atteinte portée aux droits de NANOMAKERS - qui a au contraire retenu des informations privées de tout caractère confidentiel - et qu'elle était légitime à solliciter des explications sur un procédé de fabrication susceptible d'expliquer les caractéristiques des poudres arguées de contrefaçon.

Sur ce,

La faculté d'agir en justice est un droit ne pouvant être limité que s'il s'avère avoir uniquement été exercé dans une intention de nuire, ou sur la base d'une erreur grossière d'appréciation du demandeur dont il est manifeste qu'il ne pouvait se méprendre sur le bien-fondé de ses prétentions.
Or dans le cas d'espèce, la société UMICORE a agi sur le fondement d'un titre l'autorisant à recourir à une mesure de saisie-contrefaçon qui s'est opérée de façon proportionnée, en ce que les informations jugées confidentielles ont été placées sous scellés avant toute communication à la partie saisissante.

Les autres circonstances exposées par la société NANOMAKERS, qui n'excèdent pas le cadre d'une stratégie procédurale susceptible d'être mise en oeuvre dans le cadre de toute action fondée sur un droit de propriété industrielle, ne révèlent pas que la demanderesse aurait eu pour seul objectif de nuire à un concurrent.

Les demandes indemnitaires présentées à ce titre n'ont donc pas lieu d'être accueillies.

5-DEMANDES RELATIVES AUX FRAIS DU LITIGE ET AUX CONDITIONS D'EXECUTION DE LA DECISION :

La société UMICORE, partie perdante, supportera la charge des dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle doit en outre être condamnée à verser à la société NANOMAKERS, qui a dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits, une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 120 000 euros.

L'exécution provisoire n'étant pas justifiée au cas d'espèce, elle n'a pas lieu d'être ordonnée.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,

REJETTE la demande formée par la société NANOMAKERS tendant à l'annulation du brevet européen no EP 2 588 409 pour insuffisance de description ;

REJETTE la demande formée par la société NANOMAKERS tendant à l'annulation des revendications no 1, 2, 4, 7, 9 de la partie française du brevet européen no EP 2 588 409 pour défaut de nouveauté ;

REJETTE la demande formée par la société NANOMAKERS tendant à l'annulation des revendications no 1, 2, 4, 7, 9 de la partie française du brevet européen no EP 2 588 409 pour défaut d'activité inventive ;

DIT que les poudres NANOMAKERS NMSi99 et NMSi C99 ayant des particules de taille moyenne comprise entre 20 et 200 nm ne reproduisent pas les revendications no 1, 2, 4 et 7 de la partie française du brevet d'invention européen no 2 588 409 ;

DEBOUTE la société UMICORE de ses demandes au titre de la contrefaçon directe des revendications no 1, 2, 4 et 7 et de la contrefaçon indirecte de la revendication no 9 de la partie française du brevet d'invention européen no 2 588 409 ;

DEBOUTE la société NANOMAKERS de sa demande indemnitaire fondée sur la procédure abusive ;

CONDAMNE la société UMICORE à payer à la société NANOMAKERS la somme de 120.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DIT n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire ;

CONDAMNE la société UMICORE aux dépens, lesquels seront recouvrés par la SELARL de MARCELLUS et DISSER, représentée par Maître Emmanuel de Marcellus, Avocat, en application de l'article 699 du Code de procédure civile.

Fait et jugé à Paris le 07 Mai 2021

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Ct0196
Numéro d'arrêt : 3
Date de la décision : 07/05/2021

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2021-05-07;3 ?
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