La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/05/2021 | FRANCE | N°20/04001

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Ct0196, 07 mai 2021, 20/04001


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
2ème section

No RG 20/04001 -
No Portalis 352J-W-B7E-CSA6V

No MINUTE :

Assignation du :
18 Mai 2020

ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 07 Mai 2021
DEMANDERESSES

S.A.S. BB DESIGN
[Adresse 1]
[Adresse 1]

Société NINGBO TRANSTEK AUTOMOTIVE PRODUCTS CO LTD
6th floor Unit C16
[Adresse 3]
[Adresse 3] (REPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE)

représentée par Maître Cyril LAROCHE de la SELEURL CYRIL LAROCHE AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire

#D1605

DEFENDERESSE

S.A.S.U. DOREL FRANCE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]

représentée par Maître Emmanuel DE MARCELLUS de la SELA...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
2ème section

No RG 20/04001 -
No Portalis 352J-W-B7E-CSA6V

No MINUTE :

Assignation du :
18 Mai 2020

ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 07 Mai 2021
DEMANDERESSES

S.A.S. BB DESIGN
[Adresse 1]
[Adresse 1]

Société NINGBO TRANSTEK AUTOMOTIVE PRODUCTS CO LTD
6th floor Unit C16
[Adresse 3]
[Adresse 3] (REPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE)

représentée par Maître Cyril LAROCHE de la SELEURL CYRIL LAROCHE AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1605

DEFENDERESSE

S.A.S.U. DOREL FRANCE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]

représentée par Maître Emmanuel DE MARCELLUS de la SELARL DE MARCELLUS et DISSER Société d'Avocats, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0341

MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT

Catherine OSTENGO, Vice-présidente, Juge de la mise en état,
Assistée de Quentin CURABET, Greffier

DEBATS

A l'audience du 01 Avril 2021, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue par mise à disposition au greffe le 07 Mai 2021.

ORDONNANCE

Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

La société SAS BB DESIGN a pour activité l'étude, la conception et la commercialisation de produits destinés à la sécurité des enfants notamment dans les véhicules. Elle commercialise depuis 2013, un siège auto rotatif pour enfant dénommé ROTAX fabriqué par la société chinoise APRAMO CHILD MANUFACTURING Co., Ltd.

La société TRANSTEK est une société de droit chinois qui exerce une activité de conception, fabrication et commercialisation de sièges pour véhicules et notamment de sièges automobiles pour enfants.

La société SAS DOREL FRANCE, a pour activité principale la conception, la fabrication et la commercialisation d'articles de puériculture, tels que des poussettes, des chaises hautes, des landaus, des berceaux, des sièges autos, etc. qu'elle commercialise en France sous les marques Bébé Confort, Baby Relax, Babidéal, Safety 1st.

Elle est titulaire du brevet européen EP 1 625 967 (ci-après EP 967), déposé le 14 août 2004 et publié le 17 octobre 2007, ayant pour intitulé « Sie ge auto pour enfant, pivotant entre une position face a la route et une position face a la portie re, a retour automatique en position face a la route ».

Elle était également titulaire du brevet européen EP 1 625 968 annulé pour défaut de nouveauté par la cour d'appel de Paris par arrêt du 15 novembre 2019.

Considérant que le même sort devait être réservé au brevet EP 1 625 967 la société BB DESIGN et la société TRANSTEK ont, par acte signifié le 18 mai 2020, assigné la société DOREL FRANCE devant le tribunal judiciaire de Paris en nullité de sa partie française.

Par conclusions d'incident notifiées par voie électronique le 26 mars 2021, la société DOREL FRANCE demande au juge de la mise en état de :

Vu l'article 31 du Code de proce dure civile,
Vu l'article 789 du Code de proce dure civile,
Vu l'article 122 du Code de proce dure civile,

CONSTATER que le brevet EP 1 625 967 n'a jamais e te oppose aux socie te s BB DESIGN et TRANSTEK ;

CONSTATER que les socie te s BB DESIGN et TRANSTEK ne rapportent aucune preuve d'actes pre paratoires ou projet se rieux pour mettre en oeuvre une technique similaire au brevet EP 1 625 967 ;

En tout e tat de cause,

CONSTATER que la socie te DOREL n'a pas paye la dernie re annuite relative a la partie franc aise de son brevet EP 1 625 967 depuis le 27 aou t 2020 de sorte que celui-ci n'est plus en vigueur ;

Par conse quent :

JUGER que les socie te s BB DESIGN et TRANSTEK n'ont pas d'inte re t a agir en nullite de la partie franc aise du brevet EP 1 625 967;

[V] irrecevable ou, a tout le moins, mal fonde es les socie te s BB DESIGN et TRANSTEK de leur demande de nullite de la partie franc aise du brevet EP 1 625 967 ;

DIRE n'y avoir lieu a appliquer les dispositions de l'article 700 du code de proce dure civile ;

RE SERVER les de pens.

Par conclusions en réponse à incident notifiées par voie électronique le 23 mars 2021, les sociétés BB DESIGN et TRANSTEK demandent au juge de la mise en état de :

Vu les articles 31 et 700 du Code de proce dure civile,
Vu la jurisprudence,
Vu les pie ces,

DIRE ET JUGER que les socie te s BB DESIGN et TRANSTEK ont un inte rêt a agir en nullite du brevet EP 1 625 967 ;

En conse quence,

REJETER la demande de la socie te DOREL tendant a de clarer irrecevable la demande en nullite du brevet EP 1 625 967 forme e par les socie te s BB DESIGN et TRANSTEK ;

CONDAMNER la socie te DOREL aux entiers de pens et a verser a chacune des socie te s BB DESIGN et TRANSTEK la somme de 4 500 euros au titre de l'article 700 du Code de proce dure civile ;

REJETER toute autre demande de la socie te DOREL ;

L'incident a été plaidé le 1er avril 2021 et mis en délibéré au 7 mai 2021.

MOTIFS DE LA DECISION

La société DOREL soutient qu'en application de l'article 31 du code de procédure civile réservant la demande de nullité d'un brevet à toute personne titulaire d'un intérêt direct et personnel, les sociétés BB DESIGN et TRANSTEK doivent être déclarées irrecevables dès lors qu'elles ne démontrent pas l'existence d'actes préparatoires ou de projet sérieux mettant en oeuvre une technique reprenant les revendications du brevet EP 967 qui ne leur est d'ailleurs pas opposé. Elle ajoute que le produit ROTAX n'est plus exploité en France depuis 2013 par suite des mesures d'interdiction prononcées en référé le 21 novembre 2013, de sorte que la prescription est acquise, et qu'en tout état de cause les annuités relatives à la partie française du brevet EP 967 n'ont pas été réglées depuis le 27 août 2020 de sorte qu'elle s'en trouve aujourd'hui déchue.

Les sociétés défenderesses répliquent avoir un intérêt à agir car la technique décrite dans le brevet EP 967 est reprise par le siège ROTAX qui pivote entre une position de voyage face à la route et une position d'installation face à la portière. Elles ajoutent que même si ce siège n'est plus commercialisé en France, le brevet litigieux demeure en vigueur et pourrait donc être invoqué par la société DOREL pour empêcher la commercialisation future de sièges par la société BB DESIGN.

La société TRANSTEK, fait valoir que spécialisée dans les sièges automobiles elle s'est vue confier par la société BB DESIGN, le projet de fabriquer le nouveau siège ROTAX ce qui démontre sa intérêt à agir. Enfin, les défenderesses font valoir que leurs demandes constituent des actes positifs, encouragés pour la libre concurrence sur le marché, dans le but de faire cesser une appropriation exclusive et illégitime que représente le brevet EP 967.

Sur ce,

En vertu des articles 31 et 32 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé, toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir étant irrecevable.

Et, conformément à l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

En l'absence de toute disposition contraire, l'intérêt à agir à titre principal en nullité d'un brevet français ou de la partie française d'un brevet européen est apprécié selon les conditions de droit commun et doit ainsi être personnel, légitime, né et actuel au jour de l'assignation, les éléments postérieurs à celle-ci pouvant toutefois éclairer le tribunal sur la situation à sa date voire asseoir une régularisation au sens de l'article 126 du code de procédure civile à défaut de texte l'excluant.

Lorsque l'action en nullité oppose deux parties en situation de concurrence, l'avantage procuré par une telle action au sens de l'article 31 du code de procédure civile s'entend traditionnellement, tant pour la doctrine que pour les juridictions françaises, comme devant se traduire par une amélioration de la situation juridique du demandeur, et il est en général attendu de ce dernier qu'il démontre l'existence d'un intérêt suffisant visant à libérer une exploitation prochaine de la technique brevetée ou d'une technique ressemblante.

En l'espèce, les parties sont pareillement des fabricants et/ou des distributeurs de produits destinés à la sécurité des enfants notamment dans les véhicules.

La société BB DESIGN et la société TRANSTEK soutiennent que le siège ROTAX et pour lequel elles auraient un projet commun de relancement de la production et de la distribution sur le territoire national, reproduit les caractéristiques de l'invention décrite dans le brevet EP 967.

La description abrégée de cette invention telle que publiée par l'INPI est la suivante : « (...)un siège auto pour enfant, comprenant une assise montée pivotante sur une embase fixe de façon que le siège puisse être orienté selon au moins deux positions, l'une face à la route et l'autre face à une portière latérale, et des moyens de rappel (3, 4) débrayables qui, lorsqu'ils sont embrayés, agissent sur une platine solidaire dudit siège de façon à ramener celle ci dans ladite position face à la route ».

Les défenderesses à l'incident soutiennent que le siège ROTAX reprend ces caractéristiques puisque selon leurs dires, il pivote d'un quart de tour, entre une position de voyage, face à la route, et une position d'installation, face à la portière et qu'il met également en oeuvre un système de retour automatique du siège et de verrouillage de position.

Toutefois, comme le relève justement la société DOREL, la caractéristique selon laquelle le siège comporte « une position de voyage, face à la route, et au moins une position d'installation, face à une portière latérale, comprenant des moyens de rappel tendant à ramener ladite assise dans ladite position de voyage (...) » est décrite dans le préambule de la revendication 1 et fait donc partie de l'état de la technique antérieur.

L'invention selon le brevet EP 967 est en effet constituée par des moyens de rappel qui sont :
-« inactifs, ou debrayés, sur une première portion angulaire, débutant en position d'installation et s'arrêtant en une position intermédiaire prédéfinie, le déplacement sur cette première portion angulaire étant assuré manuellement par l'utilisateur ;
- actifs, ou embrayés, sur une seconde portion angulaire, terminale, débutant à ladite position intermédiaire prédéfinis, et s'arrêtant à ladite position de voyage, de façon que le siège soit systématiquement ramené dans la position de voyage, sans action manuelle de l'utilisateur, lorsqu'il se trouve dans ladite seconde portion angulaire ».

Dans sa partie descriptive, le brevet indique que « l'assise reprend automatiquement la position précise face à la route, même si l'utilisateur ne l'a pas correctement repositionnée » et qu'il « suffit à l'utilisateur d'effectuer une partie du déplacement, ou d'initier celui-ci, pour que les moyens de rappel prennent le relais, et finalisent la mise en place correcte en position de transport ».

La société BB DESIGN qui soutient que son siège ROTAX comprend pareillement un système de retour automatique du siège se contente pour en rapporter la preuve de se référer à une illustration extraite d'un rapport d'expertise privée réalisée à son initiative le 14 mai 2018 (pièce BB DESIGN no 5.1) et qui présente le siège accompagné d'une flèche illustrant sa rotation (phase 3). Ce seul élément ne peut suffire à établir que ladite rotation s'exerce automatiquement étant relevé que la phase 4 est illustrée par un moyen de verrouillage qui pour sa part précise expressément que celui-ci est effectué automatiquement. La société DOREL pour sa part, produit un extrait du site internet « mummysmarket.com » présentant le siège ROTAX dont la description ne mentionne nullement qu'il comprend des moyens de remise en place automatique du siège face à la route (pièce DOREL no10).

Outre le fait donc, qu'il n'est pas justifié du projet commun allégué par les sociétés BB DESIGN et TRANSTEK de distribution du siège ROTAX sur le territoire français, il n'est pas avéré, au vu des pièces produites que ce siège tel qu'il est actuellement commercialisé à l'étranger, reprendrait la technique brevetée ou une technique ressemblante qui permettrait de juger que le brevet EP 967 constituera une entrave pour leur activité.

Par ailleurs, elles ne peuvent pertinemment soutenir qu'en tout état de cause leur action en nullité tend à mettre un terme au monopole indu que se réserve la société DOREL sur le marché des sièges automobiles rotatifs pour bébés alors que le brevet EP 967, outre qu'il ne pouvait octroyer à son titulaire qu'un monopole sur le moyen de rappel automatique qu'il décrit, est expiré depuis le 28 février 2021, la société DOREL ne s'étant pas acquittée de la redevance du 27 août 2020 et n'ayant pas régularisé sa situation auprès de l'INPI dans les 6 mois. Cela n'est d'ailleurs pas contesté par les sociétés BB DESIGN et TRANSDEK qui se contentent de rappeler qu'une telle déchéance ne vaut que pour l'avenir et que ce titre pourrait toujours être invoqué pour sanctionner les actes d'exploitation antérieurs ce qui au cas d'espèce doit être écarté dans la mesure où le siège ROTAX ne reproduit pas les caractéristiques des revendications du brevet EP 967.

Il s'ensuit que les sociétés BB DESIGN et TRANSDEK doivent être déclarées irrecevables.

Partie perdante, elle supporteront par ailleurs la charge des dépens.

Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge de la mise en état, statuant par ordonnance contradictoire, susceptible d'appel, mise à disposition par le greffe le jour du délibéré,

DECLARE sociétés BB DESIGN et TRANSDEK TRANSTEK AUTOMOTIVE PRODUCTS CO LTD irrecevables en leurs demandes,

DIT n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE sociétés BB DESIGN et TRANSTEK AUTOMOTIVE PRODUCTS CO LTD aux dépens.

Faite et rendue à Paris le 07 Mai 2021

Le GreffierLe Juge de la mise en état


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Ct0196
Numéro d'arrêt : 20/04001
Date de la décision : 07/05/2021

Analyses

x


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2021-05-07;20.04001 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award