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06/04/2021 | FRANCE | N°7

France | France, Tribunal de grande instance de Paris, Ct0196, 06 avril 2021, 7


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
3ème section

No RG 19/14801 -
No Portalis 352J-W-B7D-CRK2T

No MINUTE :

Assignation du :
17 Décembre 2019

JUGEMENT
rendu le 06 Avril 2021
DEMANDERESSES

Société NIKE INNOVATE CV
[Adresse 16]
Bowerman
[Adresse 12] (ETAT UNIS)

Société GIVENCHY S.A.
[Adresse 4]
[Adresse 7]

Société KENZO S.A.
[Adresse 3]
[Adresse 6]

Société LACOSTE S.A.S.
[Adresse 5]
[Adresse 9]

représentées par Maître Gaëlle BLORET-PUCCI de l'AARPI B

CTG AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #T0001

DÉFENDEURS

Monsieur [X] [K]
[Adresse 1]
[Adresse 8]

représenté par Maître Jérôme BUSCAIL de la SELARL DBK, a...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
3ème section

No RG 19/14801 -
No Portalis 352J-W-B7D-CRK2T

No MINUTE :

Assignation du :
17 Décembre 2019

JUGEMENT
rendu le 06 Avril 2021
DEMANDERESSES

Société NIKE INNOVATE CV
[Adresse 16]
Bowerman
[Adresse 12] (ETAT UNIS)

Société GIVENCHY S.A.
[Adresse 4]
[Adresse 7]

Société KENZO S.A.
[Adresse 3]
[Adresse 6]

Société LACOSTE S.A.S.
[Adresse 5]
[Adresse 9]

représentées par Maître Gaëlle BLORET-PUCCI de l'AARPI BCTG AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #T0001

DÉFENDEURS

Monsieur [X] [K]
[Adresse 1]
[Adresse 8]

représenté par Maître Jérôme BUSCAIL de la SELARL DBK, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #C2367

Monsieur [T] [M]
[Adresse 10]
[Adresse 11]

représenté par Maître Véronique BOULAY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1490

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Carine GILLET, Vice-Présidente
Laurence BASTERREIX, Vice-Présidente
Elise MELLIER, Juge

assisté de Lorine MILLE, Greffière

DÉBATS

A l'audience du 03 Mars 2021 tenue en audience publique, avis a été donné aux conseils des parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 06 Avril 2021.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

La société NIKE INNOVATE CV (ci-après « NIKE ») est titulaire de nombreuses marques NIKE valables en France, parmi lesquelles :
- la marque verbale française NIKE déposée auprès de l'INPI sous le no1 533 030 depuis le 26 mai 1989, régulièrement renouvelée le 19 avril 2019 et désignant notamment les produits en classe 25,

-la marque française figurative représentant la « virgule » emblématique de NIKE dénommée le SWOOSH, déposée auprès de l'INPI sous le no1 533 029 depuis le 26 mai 1989, régulièrement renouvelée le 8 janvier 2019 et désignant les produitssuivants « Vêtements, y compris les bottes, les souliers et les pantoufles;articles de gymnastique et de sport, notamment chaussures pour l'athlétisme, à usage d'entraînement ou à usage général, vêtements et sacs pour l'athlétisme, sacs à main, sacs de voyage; jeux, jouets » en classes 18, 25 et 28

- la marque française semi-figurative NIKE, déposée auprès de l'INPI sous le no1 284 327 le 19 septembre 1984, régulièrement renouvelée le 29 septembre 2014 et désignant les « Cuir et imitations du cuir, articles en ces matières non compris dans d'autres classes;peaux;malles et valises;parapluies, parasols et cannes;fouets, harnais et sellerie.Vêtements, y compris les bottes, les souliers, les pantoufles. Jeux, jouets, articles de sport et de gymnastique (à l'exception des vêtements) » en classes 18,25 et 28

La société GIVENCHY, maison de haute couture et accessoires de mode, détient et exploite depuis de très nombreuses années les marques GIVENCHY, lesquelles bénéficient d'une renommée incontestable auprès du public, et en particulier :
- la marque verbale française GIVENCHY no1 499 223, déposée à l'INPI le 21 novembre 1988, renouvelée le 6 juillet 2018, et désignant notamment les produits « Vêtements en général pour hommes, femmes et enfants, y compris les vêtements pour le sport, cravates, chemises, écharpes, foulards, chaussettes, ceintures, chapeaux, casquettes et coiffures, gants, fourrures, pull-overs et vêtements tricotés, vêtements imperméables, maillots de bain, sous-vêtements de toutes sortes y compris les bas et les collants. Chaussures, bottes et pantoufles » de la classe 25
- la marque figurative française « 4G » no3 684 033 déposée à l'INPI le 15 octobre 2009, notamment pour les produits de la classe 25 « Vêtements et sous-vêtements à savoir chemises, T-shirts, pull-overs, gilets, jupes, robes, pantalons, manteaux, vestes, ceintures (habillement), foulards, écharpes, gants, cravates, chaussettes, lingerie, maillots de»bain,vêtements de nuit, chaussures ; chapellerie » et régulièrement renouvelée le 6 juin 2019 :

La société KENZO est titulaire de nombreuses marques, parmi lesquelles :
- la marque verbale française KENZO no1 714 335 déposée le 24 décembre 1991, renouvelée le 15 décembre 2011, et désignant notamment en classe 25 « toutes sortes de vêtements confectionnés et prêt à porter pour enfants, adultes, masculins et féminins »
- la marque verbale de l'Union européenne KENZO no720706 déposée le 12 décembre 1997 sous priorité de la marque française susvisée, renouvelée le 8 septembre 2017 pour désigner les « vêtements (habillement) ».

La société LACOSTE est titulaire de nombreuses marques, parmi lesquelles :
- la marque verbale française LACOSTE no1 410 063 déposée à l'INPI le 22 mai 1987, régulièrement renouvelée le 2 janvier 2017, désignant notamment les produits de la classe 25,

-la marque figurative française no3 199 970 déposée à l'INPI le 18 décembre 2002, régulièrement renouvelée le 9 juillet 2012 , pour toutes les classes à l'exception de la classe 8 et désignant notamment les produits « Vêtements (habillement) , chaussures, chapellerie » de la classe 25 :

- la marque figurative française no1 391 442 déposée à l'INPI le 28 janvier 1987, régulièrement renouvelée le 29 novembre 2016, désignant les produits en classes 3,7,9, 14, 16, 18, 20, 22 24, 25 et 28 de notamment ceux de « Vêtements,chaussures, chapellerie » de la classe 25 :

Les demanderesses indiquent avoir constaté depuis plusieurs années la présence d'articles qu'elles estiment contrefaisants, offerts à la vente au Marché aux Puces [Localité 1], en particulier dans les magasins et stands situés [Adresse 13] et ce, de manière persistante en dépit d'opérations anti-contrefaçon, initiées par les services de police et des douanes.
Elles ont décidé d'impliquer les propriétaires des magasins et commerces et ont fait procéder, suivant procès-verbal de constat du 21 avril 2018, à la constatation de l'offre à la vente et la vente sur un stand désigné [Cadastre 1] sur le plan du Marché [Adresse 17], à l'enseigne « [Établissement 1] », situé à hauteur du [Adresse 2], de plusieurs articles revêtus de leurs marques et ont pu identifier ultérieurement [X] [K] comme étant le propriétaire bailleur du fonds de commerce, auquel elles ont adressé une mise en demeure, le 12 octobre 2018, demeurée sans effet, ainsi qu'il ressort du procès-verbal du 14 novembre 2018.
Une nouvelle mise en demeure lui a été adressée le 17 janvier 2019.
L'identité du locataire a été révélée par le bailleur le 19 avril 2019. Il s'agissait de la société MELKA SPORT, ayant pour gérant [T] [M], laquelle société est apparue comme ayant été radiée le 03 avril précédent.

Le juge des référés, par ordonnance du 18 novembre 2019, à laquelle il convient de se reporter, a, entre autres mesures, constaté l'atteinte vraisemblable aux marques précitées et condamné [T] [M] à cesser ces agissements, en présence de [X] [K], lequel devait fournir sous astreinte le contrat de bail et devait justifier de mesures prises contre son locataire pour empêcher la poursuite des actes argués de contrefaçon.

Cette ordonnance a été signifiée mais les demandeurs ont fait constater, suivant constat d'achat du 26 septembre 2020, la poursuite de l'offre à la vente des articles litigieux, le local étant désormais loué par [X] [K], suivant bail du 15 avril 2019, à Mme [V] [O], qui est membre de la famille de [T] [M].

C'est dans ces conditions que les sociétés NIKE, GIVENCHY, LACOSTE et KENZO ont par acte du 17 décembre 2019 fait assigner devant ce tribunal [T] [M] en contrefaçon de marques, le jugement à intervenir étant opposable à [X] [K] et ce dernier étant solidairement tenu au paiement des sommes dues par son locataire, à défaut de procéder à la résiliation du bail et à l'éviction de son locataire.

Dans le dernier état de ses prétentions formées suivant écritures no 1 signifiées par voie électronique le 10 novembre 2020, les sociétés NIKE INNOVATE CV, GIVENCHY SA, KENZO SA et LACOSTE SAS demandent au tribunal de :
Vu les articles L. 713-1, L. 713-2, L. 713-3, L.716-7-1 et L. 716-1 (nouvellement numéroté L. 716-4-6) et suivants du code de la propriété intellectuelle,
Vu l'article 1728 du code civil,
-Dire et juger les sociétés NIKE INNOVATE CV, GIVENCHY, KENZO et LACOSTE recevables et bien fondées en leur qualité de propriétaires des marques françaises et/ou de l'Union européenne NIKE, GIVENCHY, KENZO et LACOSTE ;
-Constater l'offre à la vente et la vente dans le local commercial détenu par Monsieur [X] [K] et exploité par Monsieur [T] [M], de produits revêtus des marques NIKE, GIVENCHY, KENZO et LACOSTE ;
-Juger qu'au regard des éléments de preuve produits par les sociétés NIKE INNOVATE CV,
GIVENCHY, KENZO et LACOSTE, les produits ainsi offerts à la vente et vendus sont revêtus de la reproduction illicite, ou à tout le moins, de l'imitation illicite des marques NIKE, GIVENCHY, KENZO et LACOSTE et constituent par conséquent des produits contrefaisants ;

En conséquence :
-Interdire à Monsieur [T] [M] de, directement ou indirectement, détenir, offrir à la vente, distribuer ou commercialiser, des produits revêtus d'une marque appartenant aux sociétés NIKE, GIVENCHY, KENZO et LACOSTE, sous astreinte provisoire de 5.000 euros par produit passé un délai de huit (8) jours à compter de la signification du jugement à intervenir ;
-Enjoindre à Monsieur [T] [M] de communiquer aux demanderesses, par l'intermédiaire de leur avocat, l'ensemble des documents ou informations suivants, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à l'issue d'un délai de un (1) mois à compter de la signification du jugement à intervenir (i) les noms et adresses de ses fournisseurs, (ii) les quantités de produits contrefaisants commercialisées, livrées, reçues ou commandées depuis la conclusion du contrat de bail ainsi que les prix d'achat et de revente desdits produits ;

-Condamner Monsieur [T] [M] à verser la somme de 30.000 euros à chacune des demanderesses à titre de dommages et intérêts du fait des actes de contrefaçon de marque relevés, sauf à parfaire au regard des éléments qui seront fournis par Monsieur [T] [M] dans le cadre de la présente procédure ;
-Prononcer l'opposabilité du jugement à intervenir à l'encontre de Monsieur [X] [K] afin de lui permettre de tirer toutes conséquences utiles des condamnations intervenues à l'encontre de Monsieur [T] [M] ;
-Dire et juger que, à défaut pour Monsieur [X] [K] de procéder à la résiliation du contrat de bail avec son locataire actuel, identifié par ce dernier comme Madame [V] [O], et à son éviction du local commercial dans un délai d'un (1) mois à compter de la signification du jugement à intervenir constatant la contrefaçon des marques NIKE, GIVENCHY, KENZO et LACOSTE, Monsieur [X] [K] sera solidairement tenu avec Monsieur [T] [M] au paiement de toutes sommes qui viendraient à être dues par Monsieur [T] [M] pour non-respect des mesures d'interdiction sous astreinte prononcées à son encontre ;
-Dire et juger que le tribunal se réserve la liquidation des astreintes ;
-Condamner solidairement Monsieur [X] [K] et Monsieur [T] [M] à payer la somme de 5.000 euros à chacune des sociétés INNOVATE CV, GIVENCHY, KENZO et LACOSTE au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens ;
-Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

[X] [K] a fait signifier ses dernières écritures signifiées par voie électronique le 07 janvier 2021, aux fins de :
Vu les articles L.716-4-6 du code la propriété intellectuelle, 700 du code de procédure civile.
Vu la jurisprudence citée et les pièces communiquées,
Vu les motifs qui précèdent,
A titre principal :
-Déclarer sans objet l'ensemble des demandes formulées à l'encontre de Monsieur [K].
En conséquence :
-Débouter les sociétés Lacoste, Givenchy, Kenzo et Nike de l'ensemble des demandes formulées à l'encontre de Monsieur [K] ;
-Condamner solidairement les sociétés Lacoste, Givenchy, Kenzo et Nike à payer Monsieur [K] la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
-Condamner les sociétés Lacoste, Givenchy, Kenzo et Nike aux entiers dépens de l'instance ;
A titre subsidiaire :
-Prononcer l'irrecevabilité des constats d'achats du 21 avril 2018, du 24 novembre 2018 et du 12 octobre 2019 ;
-Juger que les demanderesses n'ont pas apporté la preuve des actes de contrefaçon et qu'en conséquence Monsieur [K] ne peut être considéré comme un intermédiaire au sens de l'article L. 716-4-6 du code de la propriété intellectuelle ;
-Juger que les mesures demandées à l'encontre de Monsieur [K] sont disproportionnées et inéquitables ;
En conséquence :
- Débouter les Demanderesses de l'ensemble des demandes formulées à l'encontre de Monsieur [K] ;
A titre extrêmement subsidiaire
- Ecarter l'exécution provisoire de la décision.
Par conclusions signifiées par voie électronique le 08 janvier 2021, [T] [M] sollicite dans le dernier état de ses prétentions de :
Vu les dispositions du code de la propriété intellectuelle,
Vu la jurisprudence,
Vu l'article 9 du code de procédure civile,
Vu l'article 6 §1 de la convention européenne de sauvegarde
A titre principal,
-Prononcer la nullité des procès-verbaux de constats d'achat des 21 avril 2018, 24 novembre 2018 et 12 octobre 2019 réalisés en violation du principe de loyauté dans l'administration de la preuve,
-Les écarter des débats,
-Débouter les demanderesses de leurs demandes,
-Condamner solidairement les sociétés Lacoste, Givenchy, Kenzo et Nike à payer à Monsieur [T] [M] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-Condamner les sociétés Lacoste, Givenchy, Kenzo et Nike aux entiers dépens de l'instance,
A titre subsidiaire
-Dire et juger que les demanderesses n'apportent pas la preuve du caractère contrefaisant des produits objet des procès-verbaux de constats d'achat des 21 avril 2018, 24 novembre 2018 et 12 octobre 2019,
-Débouter les demanderesses de leurs demandes,
-Condamner solidairement les sociétés Lacoste, Givenchy, Kenzo et Nike à payer à Monsieur [T] [M] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-Condamner les sociétés Lacoste, Givenchy, Kenzo et Nike aux entiers dépens de l'instance,
A titre infiniment subsidiaire
-Dire et juger que le constat d'achat réalisé le 12 octobre 2019 ne peut être imputé à Monsieur [M],
-Juger sans objet les demandes qu'il soit fait interdiction à Monsieur [T] [M] d'offrir à la vente, de distribuer ou de commercialiser des produits revêtus de reproductions ou d'imitations des marques appartenant aux sociétés GIVENCHY, KENZO, LACOSTE et NIKE INNOVATE CV et de produire les éléments relatifs aux fournisseurs et produits,
-Débouter les demanderesses de leurs demandes de condamnation de Monsieur [M] d'avoir à leur payer, à chacune, une somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts,
Subsidiairement sur ce point, réduire les demandes des demanderesses à une somme symbolique,
-Les débouter de toutes leurs autres demandes.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 14 janvier 2021 et l'affaire fixée pour être plaidée le 03 mars 2021.

Par conclusions signifiées le 11 février 2021, [X] [K] sollicite du tribunal de :
Vu l'article 803 code de procédure civile,
-Ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture prononcée le 14 janvier 2021 et constater la recevabilité des présentes écritures,
-Ordonner la fixation d'un nouveau calendrier de procédure afin que les parties puissent débattre des conséquences de la procédure judiciaire de résiliation du bail.

Par conclusions signifiées le 23 février 2021, [X] [K] sollicite du tribunal de :
Vu les articles L.716-4-6 du code la propriété intellectuelle, 700 du code de procédure civile.
Vu la jurisprudence citée et les pièces communiquées,
Vu les motifs qui précèdent,
A titre principal :
-Déclarer sans objet l'ensemble des demandes formulées à l'encontre de Monsieur [K].
En conséquence :
-Débouter les sociétés Lacoste, Givenchy, Kenzo et Nike de l'ensemble des demandes formulées à l'encontre de Monsieur [K] ;
-Condamner solidairement les sociétés Lacoste, Givenchy, Kenzo et Nike à payer Monsieur [K] la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
-Condamner les sociétés Lacoste, Givenchy, Kenzo et Nike aux entiers dépens de l'instance ; A titre subsidiaire :
-Prononcer l'irrecevabilité des constats d'achats du 21 avril 2018, du 24 novembre 2018 et du 12 octobre 2019 ;
-Juger que les demanderesses n'ont pas apporté la preuve des actes de contrefaçon et qu'en conséquence Monsieur [K] ne peut être considéré comme un intermédiaire au sens de l'article L. 716-4-6 du code de la propriété intellectuelle ;
-Juger que les mesures demandées à l'encontre de Monsieur [K] sont disproportionnées et inéquitables ;
En conséquence :
-Débouter les demanderesses de l'ensemble des demandes formulées à l'encontre de Monsieur [K] ;
A titre extrêmement subsidiaire
-Ecarter l'exécution provisoire de la décision.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait référence aux écritures précitées des parties, pour l'exposé de leurs prétentions respectives et les moyens qui y ont été développés.

MOTIFS DE LA DECISION

I- Sur la révocation de l'ordonnance de clôture du 14 janvier 2021

Selon l'article 803 du code de procédure civile, « L ‘ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue (?).
L'ordonnance de clôture peut être révoquée d'office ou à la demande des parties, soit par ordonnance motivée du juge de la mise en état, soit après l'ouverture des débats, par décision du tribunal ».

[X] [K] expose que, postérieurement à la clôture, en l'absence de réponse de sa locataire, Madame [O], aux mises en demeure de se conformer aux stipulations du bail et, plus particulièrement, à son article 8 afin que le bailleur ne « puisse être ni inquiété, ni recherché », il a fait délivrer le 10 février 2021 à cette dernière une assignation en résiliation judiciaire du bail devant le tribunal judiciaire de Bobigny, ce qui constitue selon lui, un élément nouveau susceptible d'influer sur la solution du litige rendant celui-ci sans objet et une cause grave de révocation de l'ordonnance de clôture et de renvoi de l'affaire à la mise en état.
Les sociétés demanderesses ne s'opposent pas à l'admission de cette pièce.

Il convient dès lors d'ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture du 14 janvier 2021, de déclarer recevables les écritures de [X] [K] des 11 et 23 février 2021, ainsi que sa pièce no17 et de clôturer à nouveau la procédure, sans qu'il y ait lieu de renvoyer celle-ci à la mise en état.

II- Sur la recevabilité de l'action à l'encontre de [T] [M]

[T] [M] affirme avoir cessé son activité, la société MELKA SPORTS ayant été dissoute le 28 janvier 2019 et radiée du registre du commerce et des sociétés le 03 avril suivant, de sorte que les prétentions formées à son encontre seraient irrecevables.

Les sociétés demanderesses répondent qu'elles poursuivent [T] [M] au titre de sa responsabilité personnelle de gérant.

Sur ce,
Ce défendeur a été assigné, non pas en qualité de gérant de la société MELKA SPORT, dissoute et radiée, mais à titre personnel, du fait selon les demanderesses de sa participation active, personnelle et délibérée aux actes de contrefaçon allégués. Il est donc sans incidence que cette société ait depuis disparu. L'action formée à l'encontre de ce défendeur est donc recevable.

III- Sur la matérialité des actes de contrefaçon de marque

Les sociétés demanderesses exposent qu'ont été commis sur le stand désigné [Cadastre 1] sur le plan du Marché [Adresse 17] des actes de contrefaçon de leurs marques, qu'elles ont fait constater suivant procès-verbaux de constat d'achat des 21 avril 2018, 24 novembre 2018, 12 octobre 2019 et 26 septembre 2020. Elles soutiennent que les preuves de la contrefaçon sont parfaitement valables, en ce qui concerne le tiers acheteur et la désignation exacte du lieu du constat.

[X] [K] conteste la validité des constats des 21 avril 2018, 24 novembre 2018 et 12 octobre 2019, au motif que ces procès-verbaux ne mentionnent pas la qualité des tiers acheteurs, de sorte que leur indépendance à l'égard de l'huissier ne peut être vérifiée, le refus des demanderesses de communiquer tous renseignements sur ceux-ci étant suspect. De plus, les procès-verbaux ne permettent pas d'identifier avec certitude le lieu du constat, l'un évoque le [Adresse 2] alors que le stand est au [Adresse 15], et ne permettent pas de déterminer si les achats ont été réalisés à l'intérieur du local, et non pas sur l'un des stands existants à l'extérieur sur le trottoir.
Ce défendeur ajoute que l'examen précis des produits argués de contrefaçon, n'a pas été réalisé par une personne compétente, et sauf les analyses très générales relatives au prix de ces articles, à l'absence de qualité ou l'absence de conformité des matériaux, la preuve certaine des actes de contrefaçon n'est pas rapportée.

[T] [M] soulève la nullité des constats d'achat, dès lors qu'il n'est fait aucune mention de la profession du tiers acheteur, qui seule permet de s'assurer de la loyauté de l'huissier et de son mandant. Subsidiairement, il soutient que ces constats sont insuffisamment précis pour déterminer la localisation des actes d'achat et sont donc dépourvus de caractère probant.

Sur ce

-Sur la validité des constats d'achats

Le droit à un procès équitable, consacré par l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales commande que la personne qui assiste l'huissier instrumentaire lors de l'établissement d'un procès-verbal de constat soit indépendante de la partie requérante (Cour de cassation 25 janvier 2017 no 15-25.210) et que les preuves soient recueillies et exploitées de manière loyale.

En l'occurrence, les achats constatés par l'huissier ont été réalisés par « [N] [A], tiers acheteuse » (procès-verbal du 24 novembre 2018- pièce demanderesses no 13) et par « [H] [B], tiers acheteur » (procès-verbal du 21 avril 2018 pièce demanderesses no 8 et procès-verbal du 12 octobre 2019 pièce demanderesses no 23), le dernier constat mentionnant expressément que « le tiers acheteur signifie un acheteur non salarié de mon étude, n'ayant aucun lien, ni juridique ni personnel avec la société requérante et son conseil » (mention page 3/3).

L'identité du tiers acheteur est ainsi systématiquement mentionnée, et si ses qualités et liens avec la partie requérante ne sont pas mentionnés dans les premier et troisième procès-verbaux, les défendeurs n'apportent aucun élément tangible permettant de supposer l'existence de tels liens, étant observé que dans le deuxième procès-verbal l'huissier précise bien l'absence de lien du tiers acheteur, avec son étude et avec le requérant, qualité que [H] [B] présentait également ,selon toute vraisemblance, lors de la réalisation du premier constat.

Il n'est donc nullement établi une quelconque déloyauté de l'huissier et de son assistant dans le recueil de la preuve, étant observé que le sens même de la désignation de « tiers acheteur » de l'assistant suppose que celui-ci n'a pas de lien, ni avec l'huissier instrumentaire, ni avec le client de celui-ci.
La demande en nullité de ce chef des procès-verbaux sera donc écartée, aucune contestation n'étant émise au demeurant pour le constat opéré le 26 septembre 2020 (pièce demanderesses no 32).

En ce qui concerne le lieu des constats, tous les procès-verbaux communiqués par les demanderesses indiquent procéder à des constatations dans une boutique (ou un stand de vente) sans vitrine, directement ouvert(e) sur l'[Adresse 2] (pièces no 8 et 32) ou du [Adresse 15] (pièces no13 et 23), localisée comme suit :
-deuxième boutique à partir de l'accès à [Adresse 14] par l'[Adresse 13], à gauche en sortant du marché (vers le nord donc) (procès-verbal du 24 novembre 2018 pièce demanderesses no 13) -deuxième stand en sortant à gauche de [Adresse 14] du Marché [Adresse 17], à l'enseigne « [Établissement 1] » ( procès-verbaux des 21 avril 2018 et 26 septembre 2020 pièces demanderesse no 8 et no32).
-deuxième stand en sortant à gauche de [Adresse 14] du Marché [Adresse 17] (correspondant sur le plan du marché annexé au présent procès-verbal, au stand [Cadastre 1]) (procès-verbal du 12 octobre 2019 pièce demanderesses no 23 ).

Au vu du plan annexé au constat précité et communiqué dans la procédure (pièce demanderesse no 7), il apparaît d'évidence que les constatations ont été opérées sur le stand [Cadastre 1] du marché [Adresse 17], situé à hauteur du [Adresse 15], peu important que deux des constats mentionnent par erreur le no [Adresse 2] de cette voie.
Il ne fait pas de doute non plus que les produits ont été acquis dans « un stand de vente sans vitrine, directement ouvert sur l'[Adresse 13] », ainsi qu'il résulte des mentions des procès-verbaux, qui correspond en tout point au local commercial dont [X] [K] est propriétaire, lequel ne dispose pas de vitrine et est ouvert sur la rue. Ils n'ont donc pas été acquis comme le soutiennent les défendeurs, sur l'un des stands existants devant sur le trottoir.

Les griefs invoqués par les défendeurs pour critiquer la validité de ces constats, et en obtenir la nullité, manquent en fait.

-Sur la matérialité de la contrefaçon

En application de l'article L.713-1 du code de la propriété intellectuelle, « L'enregistrement de la marque confère à son titulaire un droit de propriété sur cette marque pour les produits et services qu'il a désignés. »

Et selon l'article L.713-2 du même code « Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :
1o- d'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits et services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;
2o- d'un signe identique ou similaire à la marque pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe dans l'esprit du public un risque de confusion incluant le risque d'association du signe avec la marque. »

Le procès-verbal du 21 avril 2018 (pièce no 8) atteste de la vente sur le stand litigieux :
-d'un tee-shirt LACOSTE, manches courtes, couleur noire, comportant la représentation d'un crocodile et de la mention LACOSTE en flocage, une étiquette LACOSTE à l'encolure et une étiquette cartonnée, portant le nom LACOSTE, le crocodile, un code barre et une référence.
-d'un tee-shirt manches courtes, couleur noire, comportant à hauteur de la poitrine une étiquette blanche brodée de lettres noires GIVENCHY PARIS, une étiquette à l'encolure comportant l'inscription GIVENCHY PARIS et une étiquette cartonnée GIVENCHY, un code barre et une référence,
-une veste de survêtement à capuche blanche, grise et noire, avec deux poches zippées, comportant en partie supérieure gauche, le nom NIKE, souligné d'une virgule.

Le procès-verbal du 24 novembre 2018 (pièce no 13) établit l'acquisition dans le magasin précité, d'un ensemble veste à capuche et pantalon de survêtement marqué Nike, de couleur rouge ; bordeaux et noir ; d'un pantalon de survêtement griffé LACOSTE de couleur noire, avec sur les côtés, une bande rouge et blanche et comportant un petit crocodile plastifié vert collé sur la hanche ; un sweat shirt de couleur noire avec une inscription KENZO PARIS sur la poitrine.

Le procès-verbal du 12 octobre 2019 constate l'achat dans le même stand, d'une paire de chaussures de sport griffée NIKE AIR SHOX de couleurs noire et grise, portant le logo de la marque sur les flancs et sur le flanc extérieur la mention AIR SHOX. Sur la languette inférieure de chaque chaussure figure une étiquette portant le logo de la marque, une référence et un code barre.

Enfin il ressort des constatations opérées le 26 septembre 2020 (pièce no32) qu'ont été acquis sur le même stand un pull à manches longues de couleur noire, orné sur le devant d'une tête de tigre brodée, ton sur ton, noire, comportant sur la manche gauche au-dessus du poignet la marque KENZO brodée ton sur ton et présentant une étiquette à l'intérieur du vêtement, une autre sur la couture latérale et la troisième sur l'encolure, ainsi qu'une étiquette cartonnée fixée à l'étiquette d'encolure. Il a également été acheté sur place, une veste coupe-vent à capuche, zippée sur le devant (le curseur de la fermeture porte le nom GIVENCHY), comportant deux poches latérales et dont le tissu est marqué sur toute sa surface du mot GIVENCHY, en lettres blanches positionnées horizontalement et verticalement, le vêtement disposant d'une étiquette de composition intérieure et une étiquette sur l'encolure, portant la marque ainsi qu'un étiquette cartonnée, portant le nom de GIVENCHY PARIS. Un pull à manches longues de couleur noire, comportant sur la poitrine, un grand crocodile floqué en relief sur lequel est écrit en lettres rouges LACOSTE, sur la manche gauche au-dessus du poignet, un petit crocodile brodé et muni de trois étiquettes (à l'intérieur du vêtement, sur la couture latérale gauche du vêtement et sur l'encolure) et une étiquette cartonnée fixée à l'encolure revêtue du signe LACOSTE.

La communication des vêtements objets des constats et leur analyse telle qu'elle est formalisée par les titulaires des marques permettent au tribunal de se convaincre, sans qu'il y ait lieu à quelconque mesure d'instruction ou expertise ou communication d'une fiche technique sur les normes de fabrication des étiquettes adoptées par chacune des demanderesses, que ces produits reproduisent les marques, en particulier verbales, invoquées, sur des produits qui ne correspondent en rien aux standards de ces produits, de qualité très inférieure aux produits authentiques, et vendus en vrac sur un marché et en dehors des circuits de distribution habituels de ces marques, à des prix très inférieurs à ceux auquel elles-mêmes commercialisent des produits équivalents. La matérialité de la contrefaçon est donc caractérisée.

IV- Sur l'imputabilité des actes de contrefaçon

[T] [M] conteste toute responsabilité dans la survenance des faits de contrefaçon, au motif que la société MELKA SPORTS dont il était le gérant, titulaire du bail qui a été consenti par [X] [K], a été dissoute le 28 janvier 2019, puis radiée le 03 avril 2019 et que le bailleur a consenti un bail à [V] [O], suivant contrat du 15 avril 2019. Il conteste tout lien avec celle-ci et s'estime étranger aux faits constatés le 12 octobre 2019 et le 26 septembre 2020.
[X] [K] conteste sa qualité d'intermédiaire dans la commission des faits de contrefaçon, qui suppose d'assurer un juste équilibre entre la protection de la propriété intellectuelle et l'absence d'obstacles à un commerce légitime et soutient que les demandes sont disproportionnées, alors qu'il n'est aucunement tenu d'assurer une surveillance générale et permanente de ses clients.

Comme mentionné précédemment, la dissolution et la radiation de la société MELKA SPORTS, dont [T] [M] était le gérant, titulaire du bail initial, est sans effet sur la responsabilité de ce dernier, recherchée à titre personnel. Il est en tout état de cause responsable, ce qu'il ne conteste pas, pour les faits constatés en 2018 (21 avril et 24 novembre 2018).
Il apparaît en outre que la société MELKA SPORTS a obtenu de la société International Business (dont le gérant est [R] [M]), le 1er décembre 2014, la cession du bail qui avait été consenti à cette société par [X] [K] le 13 juin 2007 (pièces [K] no 1), portant sur les locaux litigieux. Après dissolution et radiation de la société MELKA SPORTS, un nouveau bail a été conclu entre [X] [K] et [V] [O] à effet du 15 avril 2019 (pièce [K] no 8), qui n'est autre que la compagne ou l'épouse de [R] [M] précité, cédant du bail initial, ainsi qu'il ressort des statuts de la SCI BILNA (pièces [K] no 35 et 36). [T] [M] ne peut donc sérieusement soutenir comme il le fait, être « sans lien » avec [V] [O], sa belle-s?ur, qui apparaît vraisemblablement comme un prête-nom. Au contraire, il apparaît que le défendeur a en toute connaissance de cause, placé la nouvelle locataire, afin de poursuivre l'exploitation litigieuse du commerce dans les mêmes conditions. Il n'existe donc aucun motif sérieux d'écarter la responsabilité personnelle de [T] [M] pour les faits postérieurs à la radiation de la société.

En ce qui concerne la responsabilité du bailleur [X] [K], l'article 11 "Injonctions" de la directive no2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle prévoit que « Les États membres veillent également à ce que les titulaires de droits puissent demander une injonction à l'encontre des intermédiaires dont les services sont utilisés par un tiers pour porter atteinte à un droit de propriété intellectuelle, sans préjudice de l'article 8, paragraphe 3, de la directive 2001/29/CE »

Interprétant les dispositions de la directive précitée, la Cour de justice de l'Union européenne, par un arrêt rendu en grande chambre le 12 juillet 2011 (aff. C-324/09, L'Oréal SA et autres contre eBay International AG, et autres) a dit pour droit que "L'article 11, troisième phrase, de la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au respect des droits de propriété intellectuelle, doit être interprété en ce sens qu'il exige des États membres d'assurer que les juridictions nationales compétentes en matière de protection des droits de la propriété intellectuelle puissent enjoindre à l'exploitant d'une place de marché en ligne de prendre des mesures qui contribuent, non seulement à mettre fin aux atteintes portées à ces droits par des utilisateurs de cette place de marché, mais aussi à prévenir de nouvelles atteintes de cette nature. Ces injonctions doivent être effectives, proportionnées, dissuasives et ne doivent pas créer d'obstacles au commerce légitime ».

Ces injonctions doivent avoir pour finalité non seulement d'interdire la poursuite de l'infraction, commise par le contrefacteur, mais également de pouvoir obtenir à l'égard des prestataires de services en ligne, des injonctions pour faire cesser les atteintes aux droits du titulaire et pour prévenir toute nouvelle atteinte aux intérêts concernés (point 130 à 133).
L'article 11 précité ne doit pas être interprété restrictivement (point [Adresse 2]) et les mesures imposées aux prestataires en ligne relèvent du droit national (point 135).
Les mesures exigées de la part du prestataire du service en ligne concerné ne peuvent consister en une surveillance active de l'ensemble des données de chacun de ses clients afin de prévenir toute atteinte future (point 139) et ne doivent pas créer d'obstacles au commerce légitime (point 140).
Des injonctions à la fois effectives et proportionnées peuvent être adressées aux prestataires qui peuvent être contraints au moyen d'une injonction judiciaire, s'ils ne décident pas, de leur propre initiative, de suspendre l'auteur de l'atteinte à des droits de propriété intellectuelle pour éviter que de nouvelles atteintes de cette nature par le même commerçant aux mêmes marques (point 141)

Et par un arrêt du 7 juillet 2016 (aff. C-494/15, Tommy Hilfiger Licensing LLC et autres contre Delta Center a.s.), la Cour de justice de l'Union européenne assimile « l'opérateur qui fournit à des tiers un service de location ou de sous-location d'emplacements sur une place de marché, grâce auquel ceux-ci ont un accès à cette place et y proposent à la vente des marchandises contrefaisantes de produits de marque » à un « intermédiaire dont les services sont utilisés par un tiers pour porter atteinte à un droit de propriété intellectuelle », au sens de ladite disposition » et pour lequel, les injonctions pouvant lui être adressées sont les mêmes que celles pouvant être adressées aux intermédiaires sur une place de marché en ligne, énoncées par la Cour dans l'arrêt du 12 juillet 2011, L'Oréal e.a. (C-324/09, EU:C:2011:474). »

Ainsi, [X] [K], propriétaire du stand [Cadastre 1] du marché [Adresse 17], appartenant au marché aux puces [Localité 1], qu'il met à disposition d'un commerçant auteur de contrefaçons de marque, fournit bien un service de location utilisé par les intéressés en vue de proposer à la vente des articles litigieux. Il a donc la qualité d'intermédiaire au sens de la directive précitée.

V- Sur la réparation du préjudice

1- mesures contre [T] [M]

Les sociétés demanderesses, outre des mesures d'interdiction et un droit d'information, sollicitent la condamnation de [T] [M] à verser à chacune d'entre elles la somme de 30 000 euros à parfaire.

[T] [M] conteste sa responsabilité comme indiqué précédemment, et soutient que la preuve de l'existence d'un préjudice n'est pas rapportée, indiquant que la société NIKE a bénéficié d'une indemnisation de son préjudice, dans le cadre d'une procédure pénale de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) du 23 octobre 2017.

Compte tenu des faits, de leur nature et de leur poursuite sur plus de dix-huit mois, le tribunal dispose des éléments suffisants pour évaluer à la somme de 15.000 euros, l'indemnisation du préjudice supporté par chacun des titulaires des marques invoquées, au paiement de laquelle [T] [M] sera condamné, sans qu'il y ait lieu de faire droit à la demande d'information, étant observé que l'ordonnance d'homologation sur CRPC du 23 octobre 2017 concerne des faits du 03 avril 2017, bien antérieurs, de sorte qu'il n'y a pas de double indemnisation du préjudice de la société NIKE, qui avait à l'époque perçu 2000 euros, en réparation de son préjudice (pièces demanderesse no30 et 31).
Il sera par ailleurs fait droit à la mesure d'interdiction selon les modalités exposées au dispositif de la présente décision.

2- mesures de réparation à l'encontre de [X] [K]

Les sociétés demanderesses exposent que le bailleur engage sa responsabilité délictuelle en tant que bailleur, en s'abstenant d'intervenir pour faire cesser le trouble causé par son locataire et est tenu à l'égard des tiers au contrat, dès lors que le manquement de l'une des parties au contrat de bail leur cause un dommage. Elles demandent que le jugement à intervenir lui soit déclaré opposable et qu'à défaut pour le bailleur de procéder à la résiliation du contrat de bail et à l'éviction de son actuel locataire, identifié comme [V] [O], il sera tenu solidairement avec [T] [M] au paiement des sommes dues par celui-ci.

[X] [K] soutient que les mesures sont disproportionnées.

Le bailleur peut être tenu pour responsable des dommages causés à l'égard des tiers par son locataire. Il a été appelé dans la procédure de sorte que le jugement lui est opposable.
Il n'apparaît pas disproportionné de retenir sa responsabilité in solidum avec le preneur dans l'hypothèse où il ne poursuivrait pas la procédure en résiliation du bail portant sur les locaux.

VI- Sur les autres demandes

[T] [M] et [X] [K], qui succombent, supporteront les dépens et leurs propres frais.
En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la partie tenue aux dépens ou à défaut, la partie perdante, est condamnée au paiement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, en tenant compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée.
[T] [M] et [X] [K] seront condamnés in solidum à payer à chacune des sociétés demanderesse la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Les circonstances de la cause justifient le prononcé de l'exécution provisoire qui apparaît nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe et en premier ressort,

ORDONNE la révocation de l'ordonnance de clôture du 14 janvier 2021,

DÉCLARE recevables les écritures de [X] [K] signifiées par voie électronique les 11 et 23 février 2021, ainsi que la pièce no17 communiquée,

CLÔTURE à nouveau la procédure,

DÉCLARE recevable l'action formée à l'encontre de [T] [M] à titre personnel,

REJETTE les demandes en nullité des procès-verbaux de constat des 21 avril 2018, 24 novembre 2018 et 12 octobre 2019 ,

DIT que [T] [M], en offrant à la vente et en vendant de produits revêtus des marques NIKE, GIVENCHY, KENZO et LACOSTE, dans le local commercial appartenant à [X] [K] a commis des actes de contrefaçon par imitation et par reproduction des marques dont sont titulaires les sociétés NIKE INNOVATE CV, GIVENCHY, KENZO et LACOSTE,

FAIT interdiction à [T] [M] de, directement ou indirectement, détenir, offrir à la vente, distribuer ou commercialiser des produits revêtus d'une marque appartenant aux sociétés NIKE, GIVENCHY, KENZO et LACOSTE, sous astreinte provisoire de 200 euros par produit passé un délai de huit jours à compter de la signification du jugement à intervenir, l'astreinte courant sur trois mois et le tribunal s'en réservant la liquidation,

DIT n'y avoir lieu à droit d'information,

CONDAMNE [T] [M] à verser à la somme de 15.000 euros à chacune des demanderesses à titre de dommages et intérêts du fait des actes de contrefaçon de marque

DIT le présent jugement commun à [X] [K],

DIT que, à défaut pour [X] [K] de procéder à la résiliation du contrat de bail avec son locataire actuel, identifié par ce dernier comme Mme [V] [O], et à son éviction du local commercial dans un délai de dix mois à compter de la signification du présent jugement, [X] [K] sera solidairement tenu avec [T] [M] au paiement de toutes sommes dues par celui-ci,

DIT que le tribunal se réserve la liquidation des astreintes,

CONDAMNE in solidum, [X] [K] et [T] [M] à payer la somme de 2.000 euros à chacune des sociétés INNOVATE CV, GIVENCHY, KENZO et LACOSTE au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE in solidum [X] [K] et [T] [M] aux dépens,

ORDONNE l'exécution provisoire.

Fait et jugé à Paris le 06 Avril 2021

La Greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal de grande instance de Paris
Formation : Ct0196
Numéro d'arrêt : 7
Date de la décision : 06/04/2021

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.grande.instance.paris;arret;2021-04-06;7 ?
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